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Jean-Julien Lemordant (1878-1968)
Jean-Julien Lemordant est un peintre breton qui a vécu une vie tragique. Formé à L’Ecole régionale des Beaux-arts de Rennes, il complètera sa formation à Paris auprès des peintres Bonnat, Lafond et du sculpteur Lenoir. Sa peinture sera influencé par les peintres de l’Ecole de pont-Aven, par le fauvisme et par le peintre Charles Cottet. Il partage son travail entre Paris et la Bretagne. En 1904, le jeune peintre (il a 26 ans) est installé à Saint-Guénolé quand l’hôtel de l’Epée à Quimper lui commande une série de fresques murales pour décorer sa salle à manger. Le travail est colossal : 65 m2 de murs sont à peindre percés de 11 portes. Lemordant réalisera 23 peintures groupées en 5 séquences :
- Dans le vent qui seront complétées ultérieurement à Penmarc »h par :
- Contre le vent
- Le Pardon le phare d’Ekmühl
- Le Goémon la Chapelle Notre-Dame de la Joie
- le port
Quatre de ces panneaux décoratifs seront exposés à paris en 1905 au Salon d’automne.
Contre Le Vent
Dans le Vent
Les fresques de l’Hôtel de l’Epée à Quimper ont connu un succès considérable et apporté au jeune peintre une certaine notoriété. En 1913, l’Opéra de Rennes lui passe une commande prestigieuse : la peinture du plafond de l’Opéra qu’il peindra durant l’année 1914. Lemordant réalisera à cette occasion une ronde bretonne.
Plafond de l’Opéra de Rennes – 1913
La guerre interrompt tragiquement cette carrière prometteuse : envoyé sur le front, il est gravement blessé à la tête le 4 octobre 1914, est fait prisonnier par les allemands et devient aveugle. En 1918, devenu un héros il est envoyé aux Etats-Unis pour mener une campagne de propagande en faveur de la France. Il y restera plusieurs mois et sera accueilli avec ferveur, le spectacle d’un peintre de talent qui a fait par patriotisme le sacrifice de ses yeux émeut les américains et c’était là le but recherché des organisateurs de cette tournée.
Il recouvrera miraculeusement la vue cinquante plus tard, après une trentaine d’opérations, à l’occasion d’un accident qui aurait « déplacé » le morceau de métal placé dans son cerveau. Certains l’accusent d’avoir simulé la cécité, au moins durant une partie de cette période.
Il est mort le 11 juin 1968 à Paris à l’issue d’une manifestation de rue.
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En 1923, Lemordant est interrogé par un journaliste de l’époque sur les idées qui l’avait inspiré dans la définition du programme des Fêtes de Saint-Guénolé dont il avait eu la responsabilité. Le texte ne manque pas de saveur :
LES IDÉES ET LE BUT
du peintre JEAN-JULIEN LEMORDANT
par René Bastien – Les Belles Chansons de France
Dans le coin sauvage, et grandiose à la fois, de Bretagne qu’est Saint-Guénolé, j’eus le plaisir d’assister dernièrement à une fête populaire.
Sachant que le programme de cette fête était dû à l’ardente inspiration du peintre, aveugle de guerre, Jean-Julien Lemordant, je demandai au célèbre artiste de vouloir bien m’en préciser le but et le caractère.
« Mon but, me dit M. Lemordant, est celui de la Fédération des Artistes, Intellectuels, Musiciens et Savants de la Bretagne que je préside : réagir de toutes nos forces contre le mauvais goût outrancier qui, après avoir envahi les grandes villes, menace aussi notre chère Bretagne. Nous menons, dans ce sens, la même lutte que vous avez entreprise en faveur de la Chanson avec Les Belles Chansons de France, que je suis heureux de connaître puisque nous sommes appelés à collaborer intimement ensemble.
« Nos fêtes populaires doivent être essentiellement le reflet des traditions, des coutumes et de l’âme même de notre race, dans toute leur naïveté, leur candeur, leur rudesse et toute leur farouche poésie ; or, je vous le demande, les fêtes organisées depuis la guerre dans certaines de nos villes bretonnes, que j’aime mieux ne point nommer, méritent-elles le nom de « Fêtes bretonnes » avec leurs flonflons américains, leurs mascarades ridicules, leurs danses épileptiques, leurs grotesques chars en carton-pâte, et sont-elles vraiment dignes du goût et du génie français ?
« Conserver – ou plutôt redonner – à nos fêtes leur caractère véritable, et laisser à notre Bretagne ses binious mélancoliques, ses coiffes fraîches et légères, ses costumes somptueux, ses danses celtiques, tel est notre but.
« En composant le programme des réjouissances auxquelles vous assistez aujourd’hui, nous avons voulu prouver, non seulement aux touristes mais aussi aux Bretons eux-mêmes, qu’un peuple, une province, une ville, une bourgade peuvent et doivent trouver, dans les seules ressources nées des traditions, tous les éléments d’une fête qui soit pleinement en harmonie avec son âme.
« Ici, vous ne relèverez aucune fausse note. C’est à dessein que nous avons exclu les forains, leurs tirs, leurs balançoires et leurs manèges aux musiques affolantes, pour ne laisser place qu’aux binious, aux danses qui ont dans cette région un si grand caractère, au concours de costumes et de chants bretons, et surtout aux luttes armoricaines, toujours en honneur.
« Pour ces luttes, qui donnent lieu à un spectacle splendide au point de vue plastique, nous avons réuni les champions de Fouesnant, de Scaër et de tous les coins de Bretagne. Voyez-les en action. Ne sont-ils pas superbes ?
« Voilà comment nous désirerions toutes nos fêtes.
« Mais notre action, croyez-le, ne se limite point à notre petite patrie ; elle s’étend à toute la France. Nous voulons arriver à ce que toutes nos provinces, riches d’un patrimoine artistique incomparable, bannissent impitoyablement ceux que j’appellerai les « mercantis de l’art » et défendent leurs traditions et leur passé contre l’ignorance ou le mauvais goût de ces organisateurs néfastes ! »
Ainsi parla Jean-Julien Lemordant, et, en écoutant sa parole chaude et vibrante, je compris qu’à la réalisation de l’oeuvre d’assainissement qu’il a entreprise le grand artiste avait mis tout son coeur généreux et si magnifiquement français.
Et j’eus l’impression que, si de ses pauvres yeux éteints Lemordant ne pouvait, hélas ! voir ce spectacle gracieux et pittoresque dont il était « l’animateur », il le contemplait, malgré tout, en apôtre satisfait de la tâche accomplie, avec les yeux de son âme, toujours flamboyants.
René Bastien – Les Belles Chansons de France, N° 9 – Septembre 1923
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Bonjour. Concernant la seconde photographie qui se trouve sous l’agriculteur de Mahalon avec son beau cochon, il ne s’agit pas d’ une soue mais …. d’un four à pain qui a peut-être servi de « crêche à cochons ». Ces dernières sont aisées à identifier grâce aux avaloirs. A nous voir à la chapelle de St Tugen où je participe à l’accueil des visiteurs.
Merci de la précision, je rectifie l’erreur sur le site en question: http://enkidoublog.com/2013/12/09/faut-il-encore-manger-les-animaux/. Quant au fait de se voir à la chapelle de Saint Tugen, nous avons déjà eu, je pense, l’occasion de nous voir à plusieurs reprises, la chapelle étant un lieu de recueillement incontournable lors de nos séjours en Bretagne. L’idée du texte et du poème que j’ai écrit sur la porcherie industrielle m’est venue en me promenant dans un hameau proche de la chapelle… En attendant d’y retourner je suis à la recherche d’une photo de soue traditionnelle. Je me souviens en avoir vu une dans la rue principale de Saint-Tugen. Bien à vous, Enki
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