Bretagne, poèmes du bord de mer par Enki

–––– La jeune femme de la plage ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

     La plage entièrement déserte de l’heure du dîner, au moment où le crépuscule s’assombrit. Très grande, élancée, très bien faite, les cheveux dénoués, les bras nus, la taille serrée dans une de ces longues jupes de gitane aux bandes biaises qui sont à la mode cette année et qui traînent fastueusement sur le sable, une femme toute seule, faisant jouer avec ostentation ses hanches l’une après l’autre et renversant parfois le visage d’un mouvement voluptueux du cou, s’avance vers la mer à pas très lents, avec la démarche théâtralissime d’une cantatrice qui marche vers la rampe pour l’aria du troisième acte. Il y avait dans ce « jeu du seul » mimé devant l’étendue vide une impudeur tellement déployée qu’elle en devenait envoûtante ; aucun miroir au monde, on le sentait, aucun amant n’eût pu suffire à une telle gloutonnerie narcissique: elle marchait pour la mer.                     [Julien Gracq, Lettrines II, 2,367]

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Baie d'Audierne - PF photo perso - DSC_0328

Le cerveau reptilien

Elle marchait sur la plage,
le portable à l’oreille.
Elle ne voyait rien
de tout ce qui gravitait
autour d’elle,
ni le sable, ni la fuite des nuages,Felicien Rops, Pornocrates 1878
ni le déferlement des vagues, 

ni moi…
Elle n’entendait rien
de tout ce qui bruissait
autour d’elle,
ni le souffle languissant du vent, 
ni le fracas des vagues,
ni moi, 
qui lui a dit 
quelque chose de gentil,
en passant.
C’était le grand reptile                                          
tapi au fond d’elle-même
qui dirigeait ses pas…
il a posé son regard froid 
sur moi…
et n’a pas jugé utile
de transmettre le message… 

Enki – Baie d’Audierne, 31 juillet 2011

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Gris métal

Ce matin, le ciel est métal,
fer-blanc, zinc, étain…

aucun nuage pour égayer
le fond du tableau.
L’océan, idem :
une immense tôle
d’acier galvanisé
mais les mouettes
y ont laissé tomber
quelques plumes…
Mes pensées aussi sont ternes.
Au cours de la nuit,
on a coulé
du plomb fondu
dans ma tête.                                                     

     Enki, Pont-Croix, 5 août 2011

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coup de vent

PANORAMIQUE !

9 août 2011, en Baie d’Audierne…
C’est le soir. La marée est montante.
Des cohortes de vagues se ruent à l’assaut de la plage.
Des bataillons de nuages ratissent le ciel,
Les embruns vous fouettent le visage.
La vue est dégagée jusqu’à Penmarch :
vingt kilomètres de sable blanc battus
par un océan déchaîné nous sont offerts.
Nous marchons faces contre le vent
comme dans un tableau de Lemordant
Un bonheur….

Sur le parking,
une caravane stationne, le nez tourné vers la scène.
Dans l’habitacle, un couple est confortablement assis,
derrière leur grand pare-brise panoramique…
Ils assistent au spectacle, ravis.
Il n’est pas question de sortir, le temps est trop mauvais.
Ils ont relevés les vitres pour se protéger des embruns
et du vent du large qui souffle par rafales.
Ils sont venus parce qu’ils avaient vu
un reportage sur la baie, à la télévision,
dans l’émission Thalassa,

sur leur grand écran panoramique… 

Enki, Baie d’Audierne

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baleine1

La chasse à la baleine…

C’est assez !

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COMPRENDRE LE BRUIT DE L’OCEAN… (1)

Qu’y a t’il à comprendre dans le bruit de l’Océan ?
L’Océan rugit, gronde, voilà tout
Plus ou moins, selon la force du vent,
L’importance des vagues…

Encore un qui se sera fait dévorer la cervelle par une étrille…
Pourquoi me regardez-vous comme cela ?etrille Oui, j’ai bien dit « dévorer la cervelle par une étrille »
On voit bien que vous n’êtes pas d’ici, vous !
C’est un mal qui ne frappe que les gens de la ville,
Que les gens du même genre que vous,
qui trouvent malin de s’endormir sur nos plages l’été
et qui ressemblent à des grosses méduses échouées
Les étrilles, lorsqu’elles sont encore toutes petites,
Pas plus grandes qu’une puce de mer,
À la recherche d’ombre et d’humidité,
Pénètrent dans l’intérieur de leur tête
Par le trou des oreilles
qui sont juste de la taille qu’il faut.
De là, elles remontent peu à peu
dans l’intérieur de la tête
jusqu’à la cervelle qu’elles trouve à leur goût
et qu’elles grignotent petit à petit
en prenant leur temps
Jusqu’à la manger toute entière.

C’est pour cela que dans la maison d’un mort
On voit parfois s’échapper un gros crabe
Qui prend la direction de l’océan .
Il ne faut surtout pas y toucher
Il conserve en lui l’âme du mort…

Enki, Pont-Croix, le 28 avril 2013

Réaction de Schouch à ce poème : elle m’a regardé avec commisération et dit « You are mad. I am frightened ! »

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phare d'Ekmuhl

COMPRENDRE LE BRUIT DE L’OCEAN (2)

S’imprégner du bruit de l’Océan,                               Pour comprendre le bruit de l’Océan,
pour le mémoriser, le reproduire                                j’ai marché sur la Grande baie
et pouvoir le revivre ensuite,                                       les yeux fermés, dans le vent,
par la pensée et l’imagination                                     longtemps, très longtemps…

Comprendre le bruit de l’océan…                              Mal m’en a pris…
pour l’analyser, le décrire,                                           J’ai rouvert les yeux brusquement
et pouvoir le reproduire ensuite                                  quand j’ai pris le phare de Penmarc’h
par la parole ou l’écriture                                             en pleine gueule…

C’est ce que j’essayais de faire
sur la grande baie d’Audierne,
cet immense croissant de sable blanc,                      
Enki, Pont-Croix, avril 2013
ventre mou de la pointe de Bretagne
que la terre expose sans défense
aux assauts furieux de l’Océan et des vents
 

Comprendre le bruit de l’océan…
Est-ce un sourd grondement, un rugissement,
une suite de soupirs, un gémissement,
une respiration, un halètement,
des cris, des hurlements, des hululements ?

Comprendre le bruit de l’océan…
Pour cela fermer les yeux,
ne plus voir le monde,
les vagues, le sable, le soleil,
Le ciel, ses nuages, ses oiseaux.
pour qu’il résonne et résonne encore
au plus fort dans votre tête …

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.Douarnenez, rue de l'observatoire

En chemin vers le ciel..

 A Douarnenez,
la rue de l’observatoire,
la bien nommée,
Est un raccourci pour le ciel
A mi-chemin,
vous devrez payer votre dîme
A une mouette tridactyle.
Mais un obstacle demeure :
l’écheveau arachnéen
de l’Eudefe et des Pététés.

Enki, Douarnenez, le 5 août 2011

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Odilon Redon, l'araignée    Dentelle de deuil

    Au-dessus de Douarnenez,
     une araignée patiente et têtue,
     tend ses fils et tisse sa toile
     Personne ne l’a encore vu…
     On dit qu’elle ne sort que la nuit,
     que le jour, elle se terre
     dans les ruines des conserveries
     ou bien dans les entrepots
     vides et silencieux du port.
     elle étend partout sur la ville
     son écheveau de fils noirs
     et la pare lentement
     d’une dentelle de deuil.

Enki, Douarnenez, 15 août 2011

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Port d'Audierne

La rue haute d’Audierne

Au-dessus du port d’Audierne,
une rue toute en longueur
domine le quartier du port
et s’étire sur la crête.
C’est la rue du Maréchal Joffre.
Ses maisons sont très policées,
elles sont bretonnes…
Elles s’alignent sagement
sans jamais se bousculer
mais toutes se dressent,
sur la pointe des pieds,
pour contempler la mer.

Enki, Pont-Croix, 17 août

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L’amante religieuse

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Sur un banc du port d’Audierne,assise à califourchon
sur les genoux d’un garçon,
une jeune fille blonde
lui dévore le visage,
avec méthode et application,
C’est une perfectionniste,
elle aime le travail bien fait,
et prend tout son temps,
A coup sûr, il ne restera
plus rien à consommer
après son passage…
rien pour les vautours,
rien pour les chacals…

Enki, Audierne, 5 août 2011

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