Lilith, la première féministe

 

–––– l’archétype de la créature femelle maléfique : Lilith –––––––––––––––––––––––––––––––––––

     Dans les légendes et les littératures scandinaves et germaniques, la Ellerkongens datter « la fille du roi des Elfes » ou ellerkone « femelle elfe » est une créature féminine séduisante mais maléfique, dotée d’une beauté remarquable qui entraîne les humains vers le mal et la mort. Cette créature pourrait relever de l’archétype européen commun de la Sirène ou de la fée que certains rattachent à l’ancienne déesse grecque de la mort Alphito (la déesse blanche) et même à Lilith , la divinité maléfique peut-être d’origine assyro-babylonienne. sortie des eaux, qui aurait été la première femme d’Adam et serait devenue par la suite un démon, incarnée dans le serpent du Paradis. C’est une créature nocturne, esprit nocturne et volant (Schweif), proche de l’eau, qui vit dans des contrées maudites.

Lilith par John Collier (1892)

Lilith par John Collier (1892)

     Lilith est exemplaire dans la mesure où elle incarne dans sa seule personne  l’ensemble des caractéristiques de la femme maléfique. La première mention de son nom apparaît dans une tablette d’argile sumérienne vieille de 4.000 ans, retrouvée à Ur en Mésopotamie (actuel Irak) qui racontait le mythe de Nanne et l’arbre huluppu qui fait partie intégrante de l’épopée de Gilgamesh. Il est fait état d’une jeune femme ( ki-sikil) aérienne  (lil-là) (« aérienne ») vivant dans un arbre (l’huluppu, assimilé au saule) sur les bords de l’Euphrate, arbre sauvé des eaux par la déesse Inanna qui l’avait planté dans son jardin sacré à Uruk. Cette Lilithe n’est en rien maléfique et il faudra attendre son assimilation par les peuples sémites babyloniens et hébreux pour la voir ressurgir avec un nom et des attributs nouveaux : ki-sikil lil-là devient Lilith (démon femelle) en hébreu et Lilitû ou Ardat Lili en babylonien. Les hébreux la considère en outre comme la première femme et la première compagne d’Adam, avant Ève. Pour l’archéologue et historienne  Maria Gimbutas, Lilith correspond à l’ancienne déesse-mère célébrée par les peuples du Paléolithique supérieur (- 40.000 à – 10.000 ans avant J.C). Démon dévorateur, déesse-serpent, déesse ailée, on la retrouve sous d’autres appellations dans la civilisation minoéenne (la déesse aux serpents) et en Egypte (Isis). Elle serait la personnification du matriarcat tel qu’il existait au paléolithique avant la révolution néolithique qui a débuté vers – 10.000 av. JC et  qui a instauré le patriarcat. C’est du temps de leur captivité à Babylone que les Hébreux l’auraient intégré le personnage de Lilith à leurs croyances. Les différentes civilisations qui ont adoptées la déesse ou son personnage l’ont représentées selon diverses formes parfois contradictoires. Elle est à la fois chtonienne et aérienne, parfois liée à l’eau, c’est une créature qui peut être dangereuse car dévoratrice, elle a paradoxalement la réputation d’être dotée d’une sexualité débridée et féconde mais en même temps peut être réputée frigide et stérile… Elle est liée au diable, présentée selon les cas comme son double, son épouse ou sa fille. Dans la culture judéo-chrétienne elle incarne les côtés négatifs de la féminité archaïque et sauvage qui ne peut être celle qui convient à  l’épouse de l’homme et qui représente pour celui-ci une menace.

     Les textes bibliques évoquant la genèse sont contradictoires : un premier récit décrit la création par Dieu de l’homme et de la femme à son image, à la fois mâle et femelle : (Gen. I, 27 : « Dieu créa l’Homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu, il les créa mâle et femelle »). Cette entité unique rassemblant les principes mâle et femelle est appelé adam(a) « humanité »ou « terre » en hébreu, d’où le nom d’Adam, le premier homme. Le second récit présente la création d’Eve à partir d’une côte d’Adam. C’est pour résoudre la contradiction qui apparaissait entre les deux récits que les rabbins ont par la suite  introduit dans les textes religieux la présence d’une première femme avant Eve. Selon les cas celle-ci est désignée sous les appellations d’être nocturne, de spectre de la nuit, d’onocentaure, de chat-huant, de hibou, de chouette ou de Lilith, en récupérant le mythe sumérien et babylonien. Dans la Kabbale, la disgrâce le Lilith et son remplacement par une autre femme est justifiée par le fait que Lilith était un démon femelle provenant des enfers, de la poussière. Entre 700 et 1.000 ans de notre ère, paraît l’Alphabet de Ben Sira, un texte qui enrichit considérablement le mythe de Lilith. Celle-ci, née de la même terre qu’Adam, est dépeinte comme une femme rebelle qui se considère comme son égale. C’est ainsi qu’elle refuse de se tenir sous lui lorsqu’ils font l’amour, jugeant que cette position la ravale à un rang inférieur, ce qui provoque une dispute entre les deux époux. Invoquant alors le nom de l’Eternel, elle se voit pousser des ailes et s’envole, abandonnant Adam et l’Eden. Sollicité par Adam qui se plaint de la situation, l’Eternel intime l’ordre à Lilith d’obéir à Adam, mais celle-ci refuse et s’obstine. En punition, Lilith est condamnée à voir tous ses enfants mourir à leur naissance. Par désespoir, elle veut se suicider mais en compensation, il lui est accordé le droit de tuer les enfants des hommes des hommes à leur naissance avant qu’ils ne soit circoncis. Ce sera elle, sous l’apparence du serpent, qui causera la perte du paradis pour Adam et Eve.

Adam, Eve et Lilith (manuscrit du XVe siècle)

Adam, Eve et Lilith (manuscrit du XVe siècle)

      D’autres récits hébraïques expliquent la répudiation de Lilith par Adam par le fait que Lilith refusant de voir son corps déformé par les grossesses allait à l’encontre du précepte divin « Croissez et multipliez-vous » en pratiquant la contraception et peut-être même l’avortement ou bien qu’elle entretenait des relations avec des incubes (démons mâles). Adam l’aurait alors répudié et chassé du Paradis terrestre. Finalement, l’Eternel la rejette définitivement de la surface de la Terre vers l’abîme, au fond des océans, où elle demeure ensuite, profitant des grottes sous-marines pour rejoindre la Géhenne, procréant au passage une multitude de démons tant aquatiques qu’infra-terrestres. Elle devient ainsi la Femme des trois mondes, seul le monde céleste lui restant fermé. La nuit, Lilith,  aidée, propulsée par toutes les forces du mal, sort des Abîmes. Ses proies favorites sont les jeunes hommes peu expérimentés et les fiancés ou les maris qu’elle tente de séduire.

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3 réflexions sur « Lilith, la première féministe »

  1. La qualité de la totalité de vos articles semble ( quand j’aurai le temps, je les lirai tous ) très sérieuse. Toutefois, attention à l’empressement à illustrer qui peut vous mener parfois sinon à l’erreur du moins au « non authentifié », comme ici, où ce bas relief n’a jamais été attesté comme étant véritablement une représentation de Lilith !
    ( https://en.wikipedia.org/wiki/Burney_Relief#Authenticity )
    Bien à vous
    Edgar RECCO

    • Merci de l’info… Je vais me plonger dans cet article intéressant que vous m’avez signalé. Il est vrai que le sujet essentiel de mon article portait sur le personnage de LIlith, archétype de la créature femelle maléfique et que cette représentation de déesse mésopotamienne que j’avais fait figurer en la glanant sur la toile un peu légèrement n’y a certainement rien à voir… Grandeur et misère d’Internet ! Je corrigerais donc prochainement cet article en conséquence…

      Pour ce qui est de savoir qui je suis, par facilité j’aurais tendance à vous répondre que je ne le sais pas moi-même mais vous aurez quelques éléments de réponse en lisant la rubrique « À propos » de mon blog. Disons que si je ne savais pas qui j’étais, plusieurs années de réflexion et d’écriture dans ce blog qui est pour moi une véritable catharsis (ou une psychothérapie) me permet maintenant d’y voir un peu plus clair…

      Cordialement,

      Enki

      • A propos d’avoir pu « y voir un peu plus clair » en vous-même… il me plaît de vous dire que c’est la « LILIGHT » qui est descendue en vous ! 😉😄
        Espérant vous avoir éclairé…
        Bien à vous,
        Edgar RECCO

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