–––– Ce que m’ont chuchoté les pierres –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Histoire de fou…
Dans la ville endormie
le sonneur est fou à lier…
C’est pour cela qu’on l’a attaché
aux cordes de ses cloches.
Toutes les nuits, il les fait sonner.
Elles sonnent, elle sonnent…
Mais cela ne dérange personne
car ce sont des cloches de bois.
Mais lui les entend sonner toutes.
Elles résonnent dans sa tête,
Elles résonnent à tue-tête,
Elles lui ont tué la tête,
C’est pour çà qu’il est fou…
Enki, Guingamp, 8 août 2011
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Trompe l’œil
le tableau semble accroché sur la façade de l’immeuble.
Le cadre grossier qui l’entoureimite les encadrements de granit
des vraies fenêtres voisines.
C’est une peinture en trompe-l’oeil
qui représente une jeune fille
accoudée sur le rebord d’une fenêtre.
Elle regarde, pensive, le paysage.
Le tableau est criant de vérité.
Pour faire encore plus vrai
l’artiste a fait déborder
un voile sur le cadre de granit.
En arrière plan de la composition
on distingue un intérieur bourgeois :
lustre, buffet, horloge …
et, accroché à un mur,
le calendrier des postes.
C’est un tableau animé,
au bout d’un moment
le voile s’agite au vent,
la jeune fille se redresse
et s’évanouit dans le décor
Enki, Kerhoanton 16 août
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La Jeannette
A Pont-Croix,
dans la rue de Rosmadec,
vivait une très vieille dame
aux habits aussi noirs que le geai,
aux cheveux gris comme la cendre.
On l’appellait la Jeannette.
Elle avait un gros chat,
A la pelure aussi noire que le geai
Mais quand, dans la vitrine, il dormait
Il était aussi gris que la cendre.
La Jeannette avait un neveu
aux cheveux noirs comme le geai.
Mais quand il passait la tête
à travers l’ouverture béante du grenier,
ils étaient devenus tout gris,
aussi gris que la cendre.
Le neveu de la Jeannette
était aussi son mitron.
.
Dans le grenier, il cuisait le pain :
farine de sarrazin pour le pain noir,
farine de froment pour le pain blanc.
Dans la rue de Rosmadec,
On ne voit plus la Jeannette
Son neveu aussi a disparu…
le gros chat est toujours là
mais sa pelure est toujours noire,
aussi noire que les plumes du geai
Fini le pain noir au sarrazin,
Fini le pain blanc au froment.
Enki, Pont-Croix, 13 août 2011,
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–––– Dans le hameau de K……. –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Havre de paix
Sommes arrivés hier à K….
Les images, les bruits, la fureur,
Sont restés à l’entrée du village
Bloqués par un cordon d’hortensias.
Ils s’agitent et trépignent,
tentent à tout prix de passer.
Rares sont ceux qui y parviennent,
ils sont vite rattrapés…
On nous les emmène
pour décider de leur sort.
La plupart sont éconduits
mais certains parfois restent…
cela dépend de notre humeur.
Pas de télévision, pas de téléphone,
si nous voulons connaître
les nouvelles du monde,
il nous faut aller à la chasse :
au-dessus de la maison
passent de grands papillons
aux ailes de papier journal,
y sont imprimées les nouvelles du jour.
Par la lucarne nous en capturons quelques-uns
à l’aide du grand filet à crevettes.
Après lecture, nous les relâchons,
Pour qu’ils poursuivent leur mission…
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soleil coléreux
Tendrement enlacés,
nous lisions à l’unisson
un roman captivant,
mon fauteuil et moi.
Le jardin s’agitait pour rien
à travers la porte ouverte.
Soudainement,
le soleil, furibard,
a fait irruption,
dans la pièce obscure,
dardant des rayons éblouissants.
Ça suffit ! Dehors !
Cria-t’il, hors de lui…
Enki, Pont-Croix, 4 août 2011
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Visite nocturne
Cette nuit,
On a frappé à ma porte
C’étaient une procession
Composée de toutes les figurines
Des églises et chapelles du cap
Qui venaient me chercher.
Certaines étaient faites de pierre
D’autres de bois peint.
J’ai reconnu les saints de Saint-Tügen
Et ceux de Saint-
On a longtemps marché
A travers les landes et les bois Jusqu’à une fontaine de pierre
sise au pied d’une très vieille chapelle
Une belle dame y était assise
Avec son enfant dans les bras.
A l’aube, je me suis réveillé
Sur les dalles glacées
De la fontaine de Treventec
Dans le pays de Poullan.
Enki, Pont-Croix, 18 août 2011
.
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L’école buissonnière
Sous la grande prairie bleutée
où l’herbe pousse à l’envers,
des troupeaux de brebis
paîssent la tête en bas.
Quelqu’un a balayé la lande
et rassemblé les maisons
en un gros tas autour de l’église
puis il a caché la poussière
sous des brassées d’hortensias.
Nous nous sommes enfuis
du village, un chemin et moi,
pour faire l’école buissonnière
à travers les près et les bois,
Enki, Guingamp, 7 août 2011
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La cave et le grenier
Dans ma maison,
j’entends chaque nuit
la cave monter l’escalier.
Elle s’arrête sur le palier.
et attend là patiemment
que le grenier descende.
Il est toujours en retard…
Quand le grenier est là,
je les entends chuchoter
derrière la porte close…
Que peuvent-ils bien se dire ?
Enki, Pont-Croix, 2 août 2011
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Le grand sapin
Son sort en est jeté Il sera abattu !
Pour le moment, Il ne le sait pas encore,
Il continue à faire son travail d’arbre
comme il l’a toujours fait…
On ne lui a pas demandé son avis.
Mais demande t’on leur avis
aux condamnés à mort ?
Mais lui, il n’a rien fait ! Me direz-vous,
toujours prêts à défendre la cause
de la veuve et de l’orphelin…
Mais en cherchant bien,
on trouvera quelque chose …
C’est à cause de lui
que la charpente a pourrie,
que le toit s’est effondré.
Il faisait de l’ombre
et ses épines fixaient l’humidité
sur les ardoises grises.
Et puis ses racines déstabilisaient les murs.
Et puis c’est un étranger venu d’on ne sait où…
Il devrait nous remercier
qu’on l’ait si longtemps toléré…
Enki, Pont-Croix, 4 août 2011
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Histoire de fermeture-éclair.
La route ? une fermeture-éclair qui transforme le paysage en vieux chandail.
La voiture ? la glissière de la fermeture-éclair.
Le matin, j’ai pris ma voiture pour aller à la ville.
J’ai laissé derrière moi le paysage ouvert en deux moitiés séparées. Entre les deux, il y avait un gouffre profond dont on ne voyait pas le fond. Plus personne ne pouvait passer….
Tout rentrera dans l’ordre, le soir, lorsque je rentrerais…
Enki
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Sur la route des vacances.
Ma voiture ? c’est une goinfre. Elle avale les kilomètres. Elle n’est jamais rassasiée !
Je la vois avaler le ruban gris de la route et même le paysage tout entier.
J’aime appuyer sur l’accélérateur, les maisons, les prairies, les forêts, les rivières et même les montagnes sont comme englouties : elles entrent par le pare-brise, voletent un moment dans tous les sens tels des oiseaux affolés, se heurtent aux parois et finissent enfin par s’échapper par la lunette arrière.
Dans mon rétroviseur, je les vois s’éloigner et disparaître dans le lointain.
Le tronc d’un gros arbre, aussi, est entré mais il y est resté…
Enki
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Internet
l’écran de l’ordinateur ?
Un trou creusé dans la glace
de l’océan gelé des relations humaines.
Dans ce trou,
je pêche l’océan tout entier.
parfois je rentre bredouille,
parfois je suis comblé.
M’étant endormi un jour
je suis tombé dedans.
L’océan ne m’a pas recraché.
Enki, Douarnenez, 15 août 2011
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Faux Tosh Hop…
Avant, quand je prenais une photo,
l’œil dans le viseur, je cadrais :
déplacer l’objectif vers la droite
pour cacher les poubelles,
le descendre un peu pour ne plus voir
le fil électrique qui pandouille,
attendre que la grosse dame
disgracieuse ait traversé la rue.
Je n’appuyais sur le déclencheur
que quand plus rien ne clochait…
Résultat de tout cela ?
Mes photos étaient presque parfaites.
Avec l’apparition de Photoshop
Je prend la photo sans me soucier de rien
et sur mon écran d’ordinateur
je coupe, j’élague, j’effaçe, je gomme,
je rajoute, je modifie, je transforme,
bref, j’améliore…
Résultat de tout cela ?
Mes photos sont maintenant parfaites !
Il faut voir mon album de photos.
Je l’ai mis en ligne sur facebook.
Je n’ai que des compliments.
Je trouve que c’est gratifiant
de rendre les choses plus belles.
Enki
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A propos de « la fabrique du consensus »
Il existe plusieurs manières pour rendre les gens sourds :
Leur enfoncer à grands coups de marteaux
deux grands clous de charpentier dans les tympans.
Leur verser du plomb fondu dans les oreilles.
C’est barbare, cruel et les sourds vous en veulent…
mais il est une méthode plus douce et plus efficace :
Leur verser lentement dans les oreilles du miel tiède.
C’est doux et agréable et les sourds en redemandent…
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Enki Noam Chomsky
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