Espace, temps et architecture : Frank Owen Gehry et le déconstructivisme en architecture

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Frank Gehry

Frank Owen Gehry

     Frank Owen Gehry, né le 28 février 1929 à Toronto, est un architecte américano-canadien. Né dans une famille d’origine juive polonaise, d’un père dans le commerce de matériaux et d’une mère mélomane. En 1947, il quitte le Canada, s’exile en Californie et décide de prendre le nom de Frank Gehry. Après avoir travaillé comme chauffeur routier, il étudie l’architecture à l’université de Californie du Sud (USC) à Los Angeles (1949-54) puis à la Harvard Graduate School of Design de l’université Harvard (1956-57) et entreprend des études d’architecture à l’université de Los Angeles. Son diplôme d’architecte obtenu, Il travaille dans diverses agences, en particulier celles de Welton Becket & Associates (1957-58), de Victor Gruen (concepteur de grands centres commerciaux, en 1958-61) à Los Angeles ainsi que celle d’André Remondet (1961) à Paris avant de créer sa propre agence, la « Frank O. Gehry and Associates Inc. » à Los Angeles en 1962. Entre temps, il s’est passionné pour l’art et a découvert la culture et l’architecture européennes qui le marqueront profondément. Ses premières réalisations sont, pour la plupart, implantées en Californie ; il s’agit d’immeubles aux formes ouvertes comme la Spiller Residence (1971, Venice), sa propre maison facilement identifiable grâce à une façade composite en tôle ondulée, grillage (1978, Santa Monica), un ensemble de petits bâtiments colorés et indépendants de l’Université de droit Loyola (1981, Los Angeles)… A partir de la seconde moitié des années 1980, Frank Gehry entame une carrière internationale. Au Japon, il bâtit, par exemple, le restaurant Fishdance à Kobe (1987). En Europe, il conçoit un toit en arc tendu et aux formes cassées pour un cabinet juridique viennois, un bâtiment aux formes très angulaires pour le Cinéma Ufa-Palast à Dresde (Allemagne). Sa réalisation la plus emblématique est le Guggenheim Museum de Bilbao (1997). Loin d’être neutre, l’édifice est composé d’une série de volumes interconnectés ; certains de forme octogonale et revêtus de pierre calcaire d’Espagne, d’autres courbés, tordus et recouverts d’une peau en titane d’un demi millimètre d’épaisseur, donnant une allure d’écailles de poisson. Professeur d’architecture à l’Université de Yale, il a été Lauréat du Pritzer Architecture Prize en 1989 et médaille d’or du Royal Institute of British Architects en 2000.

     Il est, depuis les années 1980, avec les architectes Zaha Hadid et Rem Koolhaas, l’un des principaux représentants du mouvement déconstructiviste en architecture qui cherche à se libérer des conventions techniques et culturelles pour inventer et mettre en scène des formes libres et chaotiques, imprévues mais contrôlées; c’est ainsi que ses constructions sont généralement remarquées pour leur aspect insolite et « tordu ».

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Pour en savoir plus sur le déconstructivisme en architecture, se reporter aux sitesDéconstructivisme – Wikipédia  – Déconstructivisme – Architecture,Urbanisme,Rendu 3d –  ISSUU – Déconstructivisme en architecture by Sarah Polizzi.

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Tour Gehry à Hanovre

la Tour Gehry de Hanovre (RFA), 1999-2001

Le maître d’ouvrage de cet immeuble est la société BT qui gère les services des transports de la ville de Hanovre. Construite en acier inoxydable brossé plaqué sur une structure en béton, la tour est remarquable par son design torsadé conçu par les moyens technologiques les plus avancés d’alors. Pour concevoir cette œuvre d’architecture, une maquette au 1/100e a été réalisée puis numérisée et importée sur logiciel de CAO pour calculer tous les éléments. Il fut réalisé pour un coût total de 8,5 millions de Deutsche Mark.

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–––– Le déconstructivisme en architecture ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

texte tiré du site archisouf.3oloum :  king-archi2010 – بحـث

Le déconstructivisme est un mouvement artistique, particulier à l’architecture, qui tire ses bases philosophiques du mouvement littéraire de la déconstruction dont Jacques Derrida fut la figure de proue. Son nom dérive aussi du constructivisme russe des années 1920 dont il reprend certaines de ses inspirations formelles.

C’est un mouvement contemporain, parallèle et différent du postmodernisme, qui s’oppose comme lui à la rationalité ordonnée de l’architecture moderne, mais sur des fondements complètement différents puisqu’il assume pleinement la rupture avec l’histoire, la société, le site, les traditions techniques et figuratives.

Il revendique la philosophie postmoderne, en particulier ses idées de fragmentation et de polarité négative, qu’il associe à des processus de design non linéaire, à des thèmes comme la géométrie non-euclidienne, en poussant à l’extrême des thèmes de l’architecture moderne comme l’opposition entre structure et enveloppe, entre plancher et mur, et ainsi de suite.

Les apparences visuelles des réalisations dans ce style sont caractérisées par une imprédictabilité stimulante et un chaos contrôlé. Cependant, les critiques de la déconstruction le voient comme un exercice purement formel qui se fait au détriment de la vie sociale.

Quelques architectes connus, qu’on peut associer à ce mouvement esthétique, ont :

Paul Virilio et Claude Parent avec La Fonction oblique
Peter Eisenman
Frank Gehry
Bernard Tschumi
Jean Nouvel
Rem Koolhaas
Daniel Libeskind
Zaha Hadid
Coop-Himmelb(l)au

Pourquoi déconstruire l’architecture ?

Il semble a priori absurde, voire contradictoire, de vouloir déconstruire ce qui appartient au domaine de la construction. Les bâtiments sont considérés comme l’accomplissement et l’aboutissement de toute une démarche de travail. Mais l’architecture déconstructiviste qui s’affirme dans les années 90 a de bonnes raisons d’être, en apparence, déraisonnable. Murs penchés, sols inclinés, poteaux de biais, fenêtres inclinées, ces édifices qui semblent avoir subi les secousses telluriques sont bien le résultat d’un travail pensé de la part des architectes.

Cet article a pour but d’éclaircir les démarches des architectes qui ont participé au développement d’une recherche sur la décomposition des espaces dans un contexte post-moderne.

En 1988 Philip Johnson et Mark Wigley organisent une exposition au musée MOMA à New York intitulée : « deconstructivist architecture ». Le public découvre la confluence du travail, depuis les années 80, des architectes : Frank Gehry, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Rem Koolhaas, Daniel Libeskind, Coop-Himmelb(l)au, Bernard Tschumi. En effet, leur approche similaire qui se traduit par l’emploi d’un même registre de formes non conventionnelles et déstabilisantes, les a fait se regrouper non pas pour célébrer l’émergence d’un nouveau style, mais pour présenter des tendances très proches venant de différentes parties du monde occidental. Les architectes ou autres connaisseurs y découvrent une nouvelle post modernité puisant aux sources du modernisme et empruntant la géométrie des constructivistes. Cette explosion de formes reflète la liberté des virtuoses capables de faire naître des œuvres aussi fortes sur le plan plastique qu’intellectuel.

En quoi consiste la déconstruction

Le déconstructivisme est donc un qualificatif mis en place par les critiques d’art selon certains critères bien spécifiques. Mais avant cela il faut rappeler que la déconstruction est une méthode d’analyse des textes littéraires et philosophiques mis en place par le philosophe Jacques Derrida. Néanmoins, si ce terme n’appartient pas uniquement à J.Derrida, il guide notre compréhension dans « 52 aphorismes pour un avant propos ».

L’architecture a souvent été une métaphore de la philosophie , mais la déconstruction ne serait pas une architecture ni même une métaphore architecturale. Elle ne se présente pas comme un système clos, mais plutôt comme un questionnement. Elle ne conclut pas mais ouvre des portes de réflexion. Elle ne parachève pas des notions mais les analyse. C’est un commentaire interminable sur les textes, les langues et les notions de philosophie.

La déconstruction est un « texte suspendu ». Elle ne cherche pas les fondations des parties visibles de l’édifice. Elle s’attaque aux causes qui mènent de l’origine à la fin de façon linéaire, et ceci car elle considère que les deux cohabitent en permanence. Son travail consiste en une lecture de la fin vers l’origine et vice-versa. Ce mouvement de va et vient de la lecture devient une philosophie à l’œuvre, un travail d’écriture qui poursuit la lecture.

La déconstruction est une critique non pas négative mais productive. « la déconstruction est inventive ou elle n’est pas (…) sa démarche engage une affirmation. » . Elle veut inventer l’impossible, « réinventer l’invention même, une autre, inventer ce qui ne paraissait pas possible. (…) Donner lieu à l’autre, laisser venir l’autre. Je dis bien laisser venir car si l’autre c’est ce qui ne s’invente pas, l’initiative ou l’inventivité déconstructive ne peuvent que consister à ouvrir, décloturer, déstabiliser des structures de forclusion pour laisser le passage à l’autre ».

C’est donc une lecture critique des textes philosophiques que propose J.Derrida. Afin de saisir et de restituer des séquences de pensée, il a pratiqué le « montage parallèle » sur certains passages qu’ont produits les écrivains. Deux textes sont placés cote à cote, un sur la page de gauche un autre sur la page de droite. Par ce jeu de comparaisons qu’effectue le lecteur il reconstitue des systèmes de pensée et relève certaines contradictions.

La déconstruction ne propose pas seulement une analyse littéraire, ce sont des textes à part entière. L’écriture de J.Derrida est redevable des recherches sur le langage de S.Freud. Celui ci faisait parler ses patients afin de trouver les indices qui révèlent les origines de leurs troubles profondément enterrés dans leur inconscient. Dans la déconstruction il a appliqué cette méthode d’analyse et d’interprétation du discours aux textes philosophiques pour faire ressortir les idées réprimées, les sujets évités, qui auraient pu contredire la cohérence du discours de l’auteur. Sous les arguments lisses et bien construits, il cherche dans les figures de rhétorique et les sujets évités à montrer qu’aucune théorie n’est absolument cohérente, logique ou entière. Il s’agit donc d’une technique qui vise à recomposer des œuvres littéraires mais délivrées de l’emprise de l’auteur, selon une autre règle du jeu que celle qui les a initialement produite.

Déconstruction et architecture

La déconstruction est donc à l’opposé des constructions qui supportent des systèmes philosophiques clos ou des ouvrages achevés. La déconstruction est un espace qui s’ouvre, un état de l’espace ouvert aux réflexions, aux transformations. C’est une opportunité de construire un espace « autre ». Dans les années 90 le terme déconstructivisme appliqué à l’architecture ne représente pas un mouvement ou un style et n’est pas synonyme non plus de destruction ou de démolition. Par l’intermédiaire de procédés de décomposition les concepteurs expriment dans leurs bâtiments les contradictions, les dilemmes ou les conflits de la ville, reflets de la société et de la culture actuelles. Ces situations complexes sont exposées à travers une recherche formelle expressive. Les formes sont pensées de façon à révéler et non dissimuler, elles ont la capacité de déranger la façon habituelle de percevoir les configurations spatiales.

Constructivisme

Les opérations de distorsion, de dislocation ou d’interruption sur les structures et la géométrie appliquées par les déconstructivistes, sont en partie des transformations utilisées auparavant dans les arts visuels de l’avant-garde russe mais détournées de leur contexte d’origine. Avant la révolution de 1917 en Russie, les formes créées par les artistes constructivistes ne proviennent plus d’une composition classique ordonnée mais d’une géométrie instable et conflictuelle sans axe de hiérarchie. Après cette date l’avant garde russe rejette les beaux arts traditionnels pour accueillir l’architecture en tant que médium directement plongé dans la réalité sociale. Celle ci peut en effet être utilisée pour soutenir des buts révolutionnaires car elle est en contact permanent avec la population. Le dynamisme inhérent aux études formelles est tourné en instabilité dans les structures de V.Tatlin (contre-reliefs, tour de la 3e Internationale, 1919), A.Rodchenko (dessin pour une station radio, 1920) ou I.Chernikhov (construction de formes architecturales et de machine, 1930). Mais ces structures ne furent pas réalisées et les formes en conflit ont glissé vers des assemblages mécaniques plus sûrs, similaires à ceux des machines. Les affiches d’El Lissitzky (Tribune de Lenine, 1920) et Altman posent les bases d’une nouvelle culture visuelle. Le vocabulaire abstrait des formes et leur mise en espace grâce au collage ou les plans découpés et réunis des sculptures de N.Gabo sont autant de tentatives pour lutter contre les volumes pleins statiques au profit de la profondeur et d’une dynamique au rythme cinétique.

Le mouvement et l’interaction entre les formes, la menace de l’instabilité, les volumes évidés de leur masse, ainsi que le montage permettant de révéler la complexité et la diversité que l’artiste peut reconstruire, sont des thèmes intrinsèques au constructivisme. Ils seront réutilisés comme des outils de travail conceptuels dans l’architecture déconstructiviste. Ils lui procurent la force et le plaisir de la déviance qui permettent à la créativité d’ouvrir un système clos et immuable.

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