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Alfred Stieglitz (1864-1946) et le mouvement de la photo-Secession
Alfred Stieglitz a étudié la photographie en 1883 à Berlin. De ses photographies, on retiendra les très beaux clichés de New York sous la neige ou dans la brume présentées ci-après comme Winter Fifth avenue, The Flat iron (1902) ou Spring showers (1902) sur laquelle un arbre isolé et penché se détache avec précision sur un paysage flou, ou bien encore Horses (1904). De Paul Strand on retiendra le portrait saisissant d’une femme aveugle Blind(1916), de Gertrude Käsebier Spring, ou d’Edward Steichen The Flat iron(1909), une sublime épreuve à la gomme bichromatée bleu-vert qui confère au cliché la charge poétique d’un tableau impressionniste.
James Whistler – Nocturne in gray and gold — Piccadilly 1881
Ce type de photographie s’est fortement inspiré, tout au moins à ses débuts, des tableaux du peintre américain James Abbott McNeill Whistler, lui-même fortement influencé après son séjour anglais par Turner et des œuvres des peintres impressionnistes tels que Monet. A l’époque en fait, «la photographie est encore placée sous la coupe de la peinture et de la sculpture qu’elle s’applique à imiter». Ce mouvement appelé pictorialisme milite en faveur de la photographie artistique. Travaillés, retouchés, rehaussés de couleurs pour améliorer leur rendu, les clichés obtiennent alors un rendu qui estompe la réalité saisie lors du simple déclenchement de l’obturateur.
Mais Alfred Stieglitz finira par se libérer de cette influence et imposera la photographie comme un art à part entière… De cette volonté naîtra l’impressionnante série dédiée à «la ville de l’ambition», The City of ambition. Le célèbre Steerage («L’entrepont», 1907) est une œuvre charnière: cette photo, prise sur le pont d’un transatlantique où des candidats à l’immigration sont entassés, privilégie les cadrages extrêmement architecturés. C’est l’importance du regard qui l’emporte.
La première publication d’Alfred Stieglitz date de 1893 et avait pour nom American Amateur Photographer En 1896, Stieglitz revient au New York Camera Club et transforme son journal en un périodique d’art appelé Camera Work dont l’ambition est de ne publier que des œuvres d’art et non de simples photographie. En 1902, il créé le groupe « Photo-Secession », pour obliger le monde de l’art à reconnaître la photographie « comme un moyen distinct d’expression individuelle ». Le groupe comptera parmi ses membres les photographes Edward Steichen, Gertrude Käsebier, Clarence White et Alvin Langdon Coburn. Dans le premier numéro de camera Work, Stieglitz proclama que :
Only examples of such work as gives evidence of individuality and artistic worth, regardless of school, or contains some exceptional feature of technical merit, or such as exemplifies some treatment worthy of consideration, will find recognition in these pages.
Camera Work aura joué un rôle important pour la reconnaissance des photographes américains et européens d’avant-garde et était connue pour la très grande qualité de ses reproductions. Les images imprimées étaient photogravées à la main à partir des négatifs originaux. Steichen élèvera les héliogravures sur papier Japon au rang de tirages originaux, avec leurs contours veloutés et leurs noirs profonds. Camera Work a également reproduit des travaux d’art moderne comme ceux de Rodin et de Matisse. Il cessa de paraître en 1917.
Edward Steichen (1879-1973)
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Alfred Steiglitz – The Terminal, 1892
Alfred Stieglitz – Winter Fifth Avenue, 1893
Alfred Stieglitz – Reflections – vers 1896
Alvin Langdon Coburn – Fifth Avenue
Alvin Langdon Coburn – NightLight
Mulberry Street by Anonymous, 1900 : une expression réaliste et documentaire de la rue new-yorkaise dégagée de toute intention pictorialiste.
Alfred Stieglitz – Flat iron, 1903
Edouard Steichen – The Flatiron, 1904-1905
Edward J. Steichen – the Flatiron, 1904, printed 1905
Alvin Langdon Coburn – Flatiron, 1912
Alvin Langdon Coburn – Flatiron building
Edward J. Steichen – Trinity Church, 1904
Alfred Stieglitz Photographing on a Bridge by unknown, 1905
De 1902, année où il fonda le groupe Photo-Sécession, jusqu’à 1904, Alfred Stieglitz fut très occupé par la publication de la revue emblématique du groupe, Camera Work, le suivi des contacts avec les photographes étrangers et l’organisation d’expositions à Pittsburgh, Washington DC et à travers toute l’Europe. En 1905, Edward Steichen le persuada que les Sécessionnistes devaient disposer d’un lieu d’exposition permanent à New-York. Un local de trois petites pièces fut trouvé sur la Cinquième avenue et aménagé en lieu d’exposition. Ce local devint un laboratoire où Stieglitz mena les photographes pictorialistes vers le modernisme sous l’influence des nouveautés européennes. A l’occasion de l’inauguration de ce local à la fin de l’année 1905, Steichen créa un poster montrant une silhouette se détachant sur un plan oblique et surmonté d’un cercle doré. La composition d’esprit « fin-de-siècle », montrant un photographe revêtu d’une redingote poursuivi par un clair-de-lune pouvait exprimer l’idée d’une quête vaguement mystique.
De manière surprenante, dans la réalisation de ce cliché, l’inspiration de Steichen n’était ni pastorale ni crépusculaire – elle provenait d’un cliché de Stieglitz armé d’un Graflex sur un pont (faisant aussi partie de la collection Giman), pris juste avant ou après celui présenté ci-dessus. La disjonction entre les connotations romantiques du poster et celles, urbaines, industrielles du cliché reflète la dichotomie de style entre les œuvres réalisées par Steichen de la fin du XIXe siècle et du début du vingtième siècle. Comme dans le poster, le photographe est aussi un utopiste, mais dans un langage moderne. Au milieu des piétons, le héros de l’âge de la machine secoué par les bourrasques de vent apparaît perché sur une poutrelle d’acier dans un effort pour boucher la brèche entre l’art, l’individu et la modernité. En saisissant aussi adroitement une attitude et une activité aussi symbolique, l’auteur inconnu du cliché parvient à exprimer les convictions progressistes de Stieglitz, sa croisade pour l’art moderne et sa conception grandissante d’une photographie vue comme spontanée, exprimant de manière instinctive la vie réelle et libérée de tout besoin d’un camouflage de type pictorialiste. (Traduction libre Enki d’un article du site : The Metropolitan Museum of Art – [Alfred Stieglitz Photographing on a Bridge] )
Alfred Stieglitz – New-York
The Steerage, 1907
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Alvin Langdon Coburn (1882-1966)
Alvin Langdon Coburn – Brooklyn Bridge, 1900
Alvin Langdon Coburn – Williamsburg bridge, 1909
Alfred Stieglitz – untitled (hordes, Winter) – 1910
Alfred Stieglitz – New-York Old New, 1910
Alfred Stieglitz – Two Towers New York, 1913
Paul Strand – Wall Street à New-York – 1915
Paul Strand – City Hall Park, New York, 1915
Paul Strand – New York, Two cars, 1916
Paul Strand – Blind, 1916
Paul Strand avait fait très tôt la connaissance d’Alfred Stieglitz, encore adolescent. A la différence de ses aînés , Il s’intéresse plus aux habitants et à ce qui se passe dans la rue qu’à l’image elle-même. Il mettra ainsi au point un appareil qui lui permettra de prendre des photos à 90° pour saisir des scènes de rue de manière discrète. C’est avec ce procédé qu’il réalise la célèbre photographie de la femme aveugle.
Paul Strand – New-York, 1917
Paul Strand – New-York, 1917
Paul Strand – portrait à Washington Square, 1917
Paul Strand – yawning woman New York, 1917
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