Quand l’homme et la femme deviennent eux-mêmes paysage

––––L’Homme-paysage de Hieronymus Bosch –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Hieronymus Bosch - l'homme-paysage - volet gauche du triptyque "la tentation de Saint-ZAntoine", entre 1495 et 1515 - musée de Lisbonne

Hieronymus Bosch – l’homme-paysage – volet gauche du triptyque « la tentation de Saint-Antoine », entre 1495 et 1515 – musée de Lisbonne

L’homme-paysage : texte extrait de Jérôme Bosch, Entre Ciel et Enfer de Chris Will, éditions Stokerkade.

    Dans quelques scènes de Bosch, on remarque, comme ici, des formes hybrides combinant l’être humain et son environnement. Au milieu d’une campagne vallonnée parsemée de bosquets, une figure humaine fusionne avec ce l’entoure. Son étrange position suggère qu’elle est prisonnière du paysage. La pente herbeuse qui lui sert de dos est aussi le toit d’un petit bâtiment appuyé contre sa jambe. L’homme à genoux, penché en avant, ses fesses nues exposées aux regards, est à la fois colline et caverne, toit et bordel ! La tête percée d’une flèche, il crie son désespoir vers le ciel. les signes de folie et d’autodestruction sautent aux yeux. dans et autour de la « façade arrière » de l’homme-paysage, Bosch a multiplié les symboles caractéristiques des auberges louches et des bordels : la femme jetant un coup d’œil par la fenêtre, par exemple, ou le symbole phallique de la lance posée contre la maison. Quand au baril sans bonde et donc percé d’un trou, avec un pichet sur le dessus, c’est une double allusion aux organes sexuels féminins.
   Le bandage qui enserre une des jambes du personnage renvoie aux maladies vénériennes : Bosch a utilisé ce motif dans d’autres œuvres. Les fesses nues et la herse qui les sépare sont une référence à la sodomie.
    Cette scène exceptionnelle déborde donc d’allusions au sexe et à la débauche. L’homme est littéralement piégé dans sa lamentable vie terrestre, son âme pécheresse est prisonnière des tentations terrestres et des désirs charnels.

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–––– Côte escarpée de Degas ou la femme-paysage –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

   Dans son tableau Falaise ou côte escarpée peint entre 1880 et 1892 Degas représente un paysage côtier qui cache une femme nue  à la longue chevelure rouge tombant dans la mer.

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–––– poèmes épars –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Union libre

Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d’éclairs de chaleur
A la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d’étoiles de dernière grandeur
Aux dents d’empreintes de souris blanche sur la terre blanche
A la langue d’ambre et de verre frottés
Ma femme à la langue d’hostie poignardée
A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
A la langue de pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d’écriture d’enfant
Aux sourcils de bord de nid d’hirondelle
Ma femme aux tempes d’ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma femme aux épaules de champagne
Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d’allumettes
Ma femme aux doigts de hasard et d’as de cœur
Aux doigts de foin coupé
Ma femme aux aisselles de martre et de fênes
De nuit de la Saint-Jean
De troène et de nid de scalares
Aux bras d’écume de mer et d’écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d’horlogerie et de désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau
Ma femme aux pieds d’initiales
Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds de calfats qui boivent
Ma femme au cou d’orge imperlé
Ma femme à la gorge de Val d’or
De rendez-vous dans le lit même du torrent
Aux seins de nuit
Ma femme aux seins de taupinière marine
Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de spectre de la rose sous la rosée
Ma femme au ventre de dépliement d’éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au dos d’oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de lumière
A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et de chute d’un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
Ma femme aux fesses de grès et d’amiante
Ma femme aux fesses de dos de cygne
Ma femme aux fesses de printemps
Au sexe de glaïeul
Ma femme au sexe de placer et d’ornithorynque
Ma femme au sexe d’algue et de bonbons anciens
Ma femme au sexe de miroir
Ma femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et d’aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux yeux d’eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache
Aux yeux de niveau d’eau de niveau d’air de terre et de feu.

André Breton (1931)

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Paysage

Les arbres sont fixés sur le bleu.
Papier glacé, jaune et ensoleillé.
Le vert luit. Le lac danse dans la lumière.

Je me vêts du paysage comme on fait d’un habit.
Les arbres, je les plante sur ma tête,
les prairies, je les étends sur ma poitrine,
Je passe le lac autour de mes hanches,
Le soleil, je le porte sur la main.

Redressant la tête je parcours le monde
et m’enfonce dans l’éther.

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Landschaft

Die Bäume sind in das Blau geheftet.
Gelbes, sonninges Glanzpapier.
Grün leuchtert. Der See tant im Licht.
Ich ziehe die Landscahft an, aie man ein Kleid anzieht.
Die Bäume pflanze ich auf meinen Kopf,
Die Wiesen page ich auf meine Brust,
Um meine Hüften schlinge ich den See,
Sonne targe ich auf der hand.
Ich schreibe erhobnen Hauptes durci die Welt
und durchtosse den Aether.

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Herbert Kühne, poète expressionniste allemand est né en 1895 à Beelitz. Après des études de lettres, il passe son doctorat en 1923 et exercera le métier de professeur en histoire de l’art à Cologne puis à Mayence.

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