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Charlotte Perriand en montagne en 1930
J’adore cette photo de Charlotte Perriand bien que ce soit l’une des seules où on ne la voit pas sourire. elle symbolise pour moi la joie de vivre et exprime l’exaltation et le désir puissant de communion avec le cosmos tout entier qu’induisent chez l’être humain les paysages de haute montagne.
J’ai appris l’existence de Charlotte Perriand à l’occasion d’études sur l’œuvre de Le Corbusier et en particulier sur le mobilier qui accompagnait son architecture (voir l’article de ce blog consacré à ce sujet, c’est ICI). J’appréciais beaucoup son travail et son ouverture d’esprit mais j’ignorais alors qu’elle était très engagée politiquement au parti communiste* et qu’elle pratiquait de manière assidue la randonnée en montagne. C’est la lecture d’une note de présentation du journal La Croix écrite par la journaliste Cécile Jaurès d’une exposition tenue en août et septembre 2011 au Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris qui m’a fait connaître cette part de sa personnalité. Je vous reproduit ci-après cette note accompagnée de quelques photos glanées sur Internet.
* Où elle restera jusqu’à la signature du pacte germano-soviétique. Elle a par ailleurs été membre fondatrice en 1930 de l’Union des Artistes Modernes qui prône une vision moderne et revalorisée des arts décoratifs et a adhéré à la même époque à l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires fondée par Paul Vaillant-Couturier, voyagé en URSS et soutenu activement le Front populaire en France en 1936.
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Au Petit Palais, à Paris, une exposition met en lumière le rôle de la photographie dans l’œuvre de la collaboratrice de Le Corbusier, décédée il y a douze ans.
Un parcours éclaté dans plusieurs salles du musée, qui révèle les mille et une facettes de l’architecte : femme engagée, créatrice aux intuitions brillantes, amoureuse de la nature…
Torse nu, tournant le dos au photographe pour embrasser du regard un magnifique panorama de montagne, Charlotte Perriand étire les bras vers le ciel. Une posture conquérante, libre, à l’image de sa personnalité audacieuse.
Cette photographie, prise en 1930 lors d’une des randonnées à skis qu’elle affectionnait, résume le propos de l’exposition que lui consacre le Petit Palais, à Paris.
UNE PASSION POUR LA PHOTOGRAPHIE
Six ans après la rétrospective organisée par le Centre Georges-Pompidou, il s’agit de dévoiler le versant intime de la créatrice, de plonger dans les arcanes de son œuvre à travers une facette méconnue : sa passion pour la photographie.
« Utilisant son Rolleiflex 6×6 comme un carnet de notes, Charlotte Perriand se servit de ses innombrables clichés comme d’un laboratoire de formes, un réservoir à idées, mais aussi comme d’un outil de création, intégrant notamment des photographies à ses décorations d’intérieur », explique Jacques Barsac, commissaire de l’exposition et grand spécialiste de son œuvre (1).
En compagnie de son épouse Pernette Perriand-Barsac, la fille de Charlotte, il a exploré les archives personnelles de l’architecte, pendant plus de trois ans, afin de mettre au jour ces correspondances secrètes à travers 430 photos et 70 meubles.
Ici, une lampe pivotante inspirée d’une bôme de bateau, là une chaise longue basculante dont la structure métallique évoque celle d’un pont transbordeur photographié à Marseille. Plus loin, une arête de poisson a donné naissance à une banquette baptisée Méandre et un portique japonais s’est transformé en bureau.
TRÉSORS NATURELS
« Curieuse et douée d’une grande joie de vivre, elle me conseillait souvent d’avoir l’œil en éventail, de prêter attention à tout objet, du plus humble au plus remarquable, du plus petit au plus grand », se souvient Pernette Perriand-Barsac, qui a travaillé à ses côtés pendant près de vingt ans.
Fascinée, comme son patron Le Corbusier, par la « machine » et les produits industriels jusqu’au choc de la crise de 1929, Charlotte Perriand se passionnera pour les objets trouvés dans la nature.
Troquant son collier fabriqué avec des roulements à billes contre une parure de coquillages, elle ramasse ses trésors naturels au fil de ses promenades en forêt ou sur les plages normandes, en compagnie de l’architecte Pierre Jeanneret, cousin de Le Corbusier.
Galets, morceaux de bois, chaussures roulées par la mer… elle hisse au rang d’œuvres d’art ces sculptures poétiques, réinterprétant à sa manière le ready-made de Duchamp.
MILITANTE COMMUNISTE
Si la nature nourrit l’imaginaire de Charlotte Perriand, ses clichés témoignent de son intérêt pour l’homme : portraits d’anonymes, paysans aux visages burinés, ouvriers en pleine sieste.
Militante communiste jusqu’au pacte germano-soviétique, cette fille d’artisans accompagnera l’arrivée au pouvoir du Front populaire par d’ambitieux photomontages qui glorifient la politique agricole ou dénoncent la grande misère à Paris.
Ne considérant pas la pauvreté et l’ignorance comme des fatalités, elle suggère la création de « maisons de la culture » (réunissant théâtre, bibliothèque, studio de radio et de télévision !) et propose de transformer les quais de Seine en zone de loisirs et de sport.
Visionnaire, dans tous les domaines.
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à lire : Charlotte Perriand et la photographie. L’œil en éventail de Jacques Barzac – Ed. 5 continents, 367 p.
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Charlotte Perriand en compagnie de Le Corbusier et son premier mari Percy Scholefield en 1927
Charlotte Perriand et Alfred Roth, Paris 1927
Charlotte Perriand sur la chaise longue qu’elle a crée avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret, 1929
Devant la Mer de Glace à Chamonix en 1927
Au-dessus de Bonneval-sur-Arc, 1928
En montagne en 1928
Charlotte Perriand après la construction du bivouac Schelter au Mont Joly
Devant sa maison « Case a La Loti » au Plan d’Osier en 1939
Au Mont Zao au Japon en 1941 où elle s’était rendue en 1940, invitée par le ministère impérial du Commerce en tant que « conseillère de l’art industriel ». Elle a passé toute la durée de la guerre en Extrême-Orient (Indochine, Japon).
pensive, à la fenêtre… vers 1934
Charlotte Perriand (1903-1999)
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Fille de savoyard, Charlotte Perriand aura entretenu un rapport passionné et aventurier avec la montagne. Elle publiera un petit recueil intitulé « Carnet de Montagne » (Edition Maison des Jeux Olympiques d’Hiver). Ce recueil présente également des éléments de mobilier et de décoration qu’elle réalisa pour la station des Arcs entre 1967 et 1986, station dont elle assurait alors la coordination.
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Sites consacrés à Charlotte Perriand et à son œuvre sur le NET :
- The Red List : Perriand, Charlotte
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