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Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819)
Pierre-Henri de Valenciennes étudie la peinture et le dessin à l’Académie royale de Toulouse de 1770 à 1771 suivant l’enseignement de Jean-Baptiste Despax, peintre d’histoire mais il fut essentiellement un peintre autodidacte. Après un premier voyage en Italie en 1769, à l’âge de 19 ans, en compagnie de son mécène, Mathias Dubourg, conseiller au parlement de Toulouse. A son retour, il se rend à Paris où il sera pour un temps élève dans l’atelier de Gabriel-François Doyen. De 1777 à 1784-85, il est en Italie, à Rome, d’où il effectuera divers excursions et voyages notamment au Moyen-Orient. Ce séjour sera crucial pour sa formation de peintre. A Rome, il s’agit pour lui de rechercher et mettre à jour la vérité cachée de la ville « et non pas un ramassis indigeste des monuments en tous genres » afin d’en restituer « l’histoire et non pas son roman ». Il s’entraîne pour ce faire à saisir la nature sur le fait et exécute pour ce faire de nombreuses études en plein air qui témoignent d’une sensibilité nouvelle devant la nature. Il donne ainsi une grande importance du travail sur le motif et préconise l’étude en plein air en préalable à la composition en atelier des compositions historiques qui étaient à la mode à l’époque. Il revient en France en 1785–1786 et se fixe à Paris. C’est là que se déroulera la plus grande partie de sa carrière. Il est admis à l’Académie de peinture en 1787 et obtient en 1805 une première médaille d’or au Salon où il va exposer régulièrement. Il ouvre son propre atelier où, entre 1795 et 1800, où il formera entre autres Jean-Victor Bertin et Achille Etna Michallon, eux-mêmes futurs maîtres de Corot, ainsi que Louis Étienne Watelet, louise-Joséphine Sarrazin de Belmont, Jean-Baptiste Desperthes, Louis-François Lejeune et le premier peintre de panoramas français Pierre Prévost, en s’appuyant sur ses études de plein air comme base de son enseignement. Ses efforts seront couronnés par la fondation, en 1816, d’un prix du Paysage Historique à l’École royale des Beaux-Arts, prix plus tard supprimé, en 1863.
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Les œuvres de la période italienne
Pierre-Henri de Valenciennes – Vue du couvent d’Ara Coeli parmi les pins, 1780.
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P.H. de Valenciennes : galerie de quelques tableaux de la période italienne
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Pierre-Henri de Valenciennes exerce également son influence comme théoricien et pédagogue. En Italie, il a étudié la perspective et donne des cours de perspective à l’École polytechnique. Il présenta ses idées dans son ouvrage Éléments de perspective pratique à l’usage des artistes, suivis de réflexions et conseils à un élève sur la peinture et particulièrement sur le genre du paysage, publié vers 1800 et traduit en allemand en 1803. Il est nommé professeur de perspective le 14 juillet 1812, à l’École impériale des Beaux- Arts, succédant à Charles-Pierre Dandrillon. Il sera décoré de la Légion d’honneur. Il meurt à Paris le 16 février 1819, où il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.
On le considère comme un des précurseurs du paysage moderne. Il fut non seulement un artiste de grand talent, mais aussi un théoricien. Oublié quelques décennies après sa mort, Valenciennes exercera pourtant une profonde influence sur les générations suivantes, principalement en ce qui concerne l’art du paysage qui, de genre mineur qu’il était au XVIIIe siècle, deviendra à la fin du siècle suivant le lieu d’expériences esthétiques radicales.
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Les grands tableaux historiques
Nicolas Poussin – Paysage avec Orphée et Eurydice, 1650-1653
La représentation à la mode à l’époque de Valenciennes est celle, qui n’avait pas évolué depuis Poussin, du « paysage historique » qui représente un événement historique qui se situe dans un environnement ancien que le peintre doit représenter tel qu’il était – ou que l’on imaginait qu’il était – à son époque. Dans le tableau présenté ci-après « l’éruption du Vésuve », Pierre-Henri de valenciennes s’est référé aux textes écrits par Pline le Jeune qui décrit la mort de son beau-père, Pline l’Ancien, lors de l’éruption du volcan.
Mais cette référence au fait historique s’effectue moins de manière explicite par la figuration d’éléments historiques ou littéraires que par le traitement des éléments naturels du paysage. C’est dans ceux-ci que doivent être recherchés les supports du sens. « L’artiste ne fait pas alors le froid portrait de la nature insignifiante et inanimée, il la peint parlant à l’âme, ayant une action sentimentale, une expression déterminée, qui se communique facilement à tout homme sensible. » (PH de Valenciennes).
Pierre-Henri de Valenciennes – l’éruption du Vésuve, 1813.
Pierre-Henri de Valenciennes – Orage en bord de mer, 1788
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P.H. de Valenciennes : galerie de quelques grands tableaux historiques
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La toile représente la campagne romaine. Un troupeau de moutons broute l’herbe au bord d’une rivière. Un berger et son chien viennent de surprendre une jeune femme dans son bain. Au-dessus de la verdure se déploie un ciel fait de nuages et de bleu. Au loin, mais au centre de la composition, est placé un temple circulaire, probablement un temple de Vesta. En effet, la composition illustre une fable antique tirée des vers de Longus de Lesbos où Daphnis et Chloé se rencontre alors qu’ils sont voués à l’amour. Cette composition apparaît comme le condensé de plusieurs des toiles de Valenciennes. On retrouve le Paysage classique avec berger et troupeau, du musée de Quimper, signé et daté de 1792 ; Narcisse admirant son reflet, daté de 1792, du musée des Beaux-Arts, où l’on retrouve le même paysage, la même présence canine, et l’eau ; et Paysage antique, signé et daté 1790, collection particulière, où nous retrouvons le même temple circulaire. Le peintre s’est donc inspiré de plusieurs de ses propres toiles réalisées quelques années auparavant.
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Pierre-Henri de Valenciennes et l’étude de nature
Vers 1800, une nouvelle préoccupation apparaît chez les peintres européens du paysage, celle de la représentation des phénomènes naturels éphémères ou transitoires de la nature. Lorsque un peintre peint un paysage, il est en effet confronté à la variation permanente de celui-ci en fonction de l’évolution des conditions atmosphériques. C’est ainsi que d’heure en heure et parfois même de minute en minute, l’intensité et la direction des rayons lumineux varient, la densité et la forme des formations nuageuses se modifient sous l’action des vents, tous ces phénomènes influant sur la configuration des parties éclairées et ombrées, leur contraste, et l’expression des couleurs. Pierre-Henri de Valenciennes enseignait à ses élèves que le peintre ne dispose dans la journée que de deux heures pour fixer le spectacle de la nature et de seulement une demi-heure au lever et au coucher du soleil :
« il est bon de peindre la même vue à différentes heures du jour, pour observer les différences que produit la lumière sur les formes… les changements sont si sensibles que l’on ne peut plus reconnaître les objets… »
Dés lors les peintres ajouteront à l’art très codifié de la composition basé sur la maîtrise de la géométrie et de la perpective, l’art de la représentation ou de l’interprétation des effets naturels fugaces et pittoresques tels que les reflets de l’eau, la consistance des nuages, les variations de teintes et du luminosité des feuillages, la structure des formations géologiques mais le tableau est toujours construit à partir de « l’invention » (inventio), par laquelle l’artiste introduit un ordre dans la composition fondé sur la perspective centrale qui joue rôle essentiel : pour l’inventio, la nature est orientée vers le sujet qui la perçoit et, inversement, ce dernier constitue le fondement du paysage. On aborde ici le problème du paysage comme catégorie esthétique, tel que l’a par exemple défini le philosophe Georg Simmel par opposition à la nature en 1957 : le « paysage », construction d’une unité, ne naît que de la contemplation active d’un individu, de sa situation dans la nature.
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Pierre-Henri de Valenciennes – paysage italien, date inconnue
Pierre-Henri de Valenciennes – Effet de nuages
Pierre-Henri de Valenciennes-L’île de Cézembe vue de St-Malo au soleil couchant.
Pierre-Henri de Valenciennes – étude d’arbres et de buissons,
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P.H. de Valenciennes : galerie de quelques tableaux d’étude et représentation de la nature
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Cette huile sur papier fait partie de la série d’études peintes que Valenciennes réalisa lors de son voyage en Italie. Il s’agit d’une étude de la nature sur le vif, réalisée dans la campagne romaine. Comme pour l’Orage à la Fayolle, il est possible que cette peinture ait été réalisée après coup, à partir d’un dessin préparatoire où le peintre notait précisément les couleurs des divers éléments du paysage – pratique plus rapide que la peinture, donc préférée lorsque l’on désire étudier un évènement atmosphérique fugace – mais si tel est le cas, ce dessin a disparu. Qu’elle ait été réalisée après coup ou sur le vif, cette peinture demeure une étude, réalisée par l’artiste pour lui-même, d’une manière assez rapide, comme nous l’indique la touche et l’absence de détails. Cette étude représente un paysage romain, composé de collines et d’un lac. Au premier plan se trouve une sorte de plage de sable, ou une bande de terre nue, dans des tons jaune-ocre. A sa droite est représenté le lac, d’un aspect assez opaque, reflétant le gris des nuages tout en tirant un peu sur le bleu. Le deuxième plan est occupé par une colline couverte de végétation, formant une avancée sur le lac. Les arbres sont représentés par un camaïeu de vert, alternant touches sombres et plus claires pour rendre l’impression du feuillage. Sur la gauche se tient une architecture, qui pourrait être une sorte de monastère (avec l’église à gauche, puis un clocher, et à droite un cloitre sur deux niveaux). Derrière ce bâtiment, de longs coup de pinceau obliques, reprenant le gris des nuages, brouille les contours et le détail de la végétation de la colline, évoquant une pluie dense. Cette pluie est très localisée : elle ne touche pas la droite du paysage, ni le lieu à partir duquel le peintre le représente. L’arrière-plan est assez difficile à identifier. Sur la droite se trouve le lac, d’une couleur plus claire qu’au premier plan, et qui semble devenir de plus en plus lumineux à mesure que l’on s’éloigne. Derrière lui s’élève une colline, probablement plongée dans l’ombre, représentée dans un ton gris-bleu très sombre. Les nuages bas, en haut de la composition, en occultent complètement le haut, ce qui nous empêche d’évaluer sa taille. Ils sont d’ailleurs tout ce que nous voyons du ciel. Dans tout l’angle supérieur gauche, le ton de gris est assez monotone, évoquant un nuage sans relief, ou brouillé par la pluie : il semble que le peintre ait étiré la couleur depuis le haut de la composition en longs coups de pinceau obliques pour évoquer la nuée de pluie, d’où cet aspect uniformisé. A droite, les nuages prennent un aspect plus cotonneux, la lumière du soleil provenant de la droite les ornant de reflets blancs suivant le relief de leur partie supérieure, tandis que celui de leur partie inférieure est souligné par des ombres d’un gris plus foncé. Le ton de la composition est globalement froid et sombre, évoquant une obscurité relative à l’orage. Mais le reflet du soleil sur les nuages de droite, et probablement sur l’arrière-plan du lac évoque son aspect fugace.
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