Le 20 juillet dernier, révolté par la brutalité de l’intervention israélienne à Gaza et la complaisance du gouvernement français et du Président Hollande en particulier vis à vis de la politique d’Israël, j’avais produit un article sur ce thème et ressorti deux poèmes écrits au début de l’année 2009 à l’occasion d’une précédente intervention israélienne (c’est ICI). Dans l’article, je citais le nombre de morts alors recensés :
intervention israélienne à Gaza de juillet 2014 – bilan au 20 juillet 2014 : Israël : 7 morts dont 2 civils, Palestine : 400 morts dont 80 % de civils, 2.400 blessés
Dix jours plus tard, au moment où je rédige ce nouvel article le bilan s’est considérablement alourdi :
Israël : 59 morts dont 3 civils, Palestine : 1.348 morts, près de 7.000 blessés, trois quarts de civils et 245 enfants. Six écoles de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés ont été atteintes par les bombardements israéliens qui ont fait de nombreuses victimes. L’unique centrale électrique du territoire a été touchée privant d’électricité la population d’une grande partie du territoire.
J’intitulais l’article précédent « obscénité »...
Obscène en effet le « tir au pigeon » d’une armée ultra-moderne suréquipée sur une population civile vulnérable.
Obscène en effet la logorrée froide et cynique des dirigeants israéliens qui justifient sans aucun état d’âme dans les médias leur politique insensée.
Obscène en effet la mauvaise fois de ce gradé israélien droit dans ses bottes qui justifie le bombardement d’une école de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (le deuxième en quelque jours) par un tir ennemi tiré à proximité et qui déclare sans rire que jamais l’armée israélienne ne tirera volontairement sur une école. A croire que les 1.348 morts de la présente intervention, en majorité des civils, l’ont été par hasard…
Obscène en effet la passivité des états occidentaux qui se satisfont de la situation inique et insupportable imposée au peuple palestinien à qui l’on demande de supporter sans faire de vagues sa situation et qui n’interviennent que mollement, à contre-cœur, quand Israël dépasse les bornes : « Vous pouvez agir, mais avec mesure, tout de même, n’exagérez pas trop »… Le comble de cynisme est atteint avec la déclaration du Président Obama qui exigeait l’arrêt du conflit pour « des raisons stratégiques »… Traduction : Je ne vous demande pas d’arrêter votre intervention pour des raisons humanitaires mais parce que celle-ci est contre-productive sur le plan stratégique par l’hostilité qu’elle provoque vis à vis d’Israël et ses alliés.
Obscène quand certains sionistes manipulateurs tentent de diaboliser toute opposition à la politique de l’état d’Israël en la faisant passer pour de l’antisémitisme.
J’avoue qu’il est difficile de s’intéresser à la peinture, à la poésie et de vivre sereinement au moment même où chaque jour on apprend que des civils innocents dont de nombreux enfants sont déchiquetés par les bombes… Et que faire pour réagir et pour pouvoir peser sur les évènements ? Ironiquement, c’est finalement le Président Obama qui nous donne la solution : il ne nous reste plus qu’à peser sur le plan stratégique en faisant évoluer les consciences par l’information et l’alerte dans le but de faire agir les peuples afin qu’ils fassent pression sur leurs gouvernements et sur les dirigeants israéliens.
C’est dans ce but que j’ai décidé d’ajouter à cette action collective à mener et à développer ma modeste contribution en créant un nouveau thème de réflexion sur ce blog qui s’intitulera « Palestine« . Je précise que ma position n’est pas anti-israélienne par principe. Je suis pour le droit à l’existence de l’état d’Israël dans des frontières sûres et reconnues mais cette existence ne doit pas être menée au détriment d’un autre peuple et dans le mépris des droits humains.
°°°
°°°
°°°
°°°
°°°
Pour deux pays avec deux peuples en attendant un pays avec deux nations.
Hommage à Samivel par Régis Desmus, Président du Club Alpin Français d’Albertville.
Samivel (Paul Gayet-Tancrède) est né à Paris le 11 juillet 1907. Adolescent, il lit les aventures de Mr Pickwick de Charles Dickens. C’est de là qu’il tire son pseudonyme. Il quitte la capitale pour venir en Savoie où il fait ses études au Collège Saint-François de Sales puis au lycée Vaugelas de Chambéry. Il s’arrête au Baccalauréat. Samivel aime l’alpinisme « classique ». Il évolue principalement dans les Alpes et en particulier autour du Val Montjoie où sa mère possède un chalet. Les grandes figures de l’alpinisme de son époque sont les Pierre Allain, Armand Charlet, Edouard Frendo, André Roch, Roger Frison-Roche. D’ailleurs, avec ce dernier, ils ont en commun, outre d’être nés tous les deux à Paris, d’être multi talentueux. En 1936, il faillit participer à la première tentative d’un sommet de plus de 8.000 mètres par une expédition française, au Hidden Peak (appelé aussi K5, dans le Grand Karakoram) conduite par Henry de Ségogne et avec Pierre Allain. Ce serait son ami cinéaste Marcel Ichac qui l’en aurait écarté. Il n’ira pas en Himalaya. Proche aussi de Jean Malaurie avec lequel ils participent à la première expédition française polaire au Groenland en 1948, expédition conduite par Paul-Emile Victor. Samivel part comme cinéaste. En fait, la montagne de Samivel n’est pas celle des héros ; c’est celle de tout le monde, de tout ce monde réunit par la même ferveur envers un univers exceptionnellement beau. C’est probablement pour cette raison que beaucoup se retrouvent à travers ses œuvres et qu’elles paraissent intemporelles. Il écrit beaucoup. Des essais, des nouvelles, des contes et fables, une pièce de théâtre, un roman en 1967 qui frôle le prix Goncourt. Le livre « l’amateur d’abîmes » écrit en 1940 reste incontestablement un classique de la littérature alpine. L’impact de son travail est considérable. Il en est de même pour ses dessins et illustrations. Samivel aime à dire qu’il dessine « pour les enfants de 10 à 80 ans ». On reconnaît un dessin de Samivel au premier coup d’œil. La neige, le ciel, l’espace minéral sont restitués avec magie. Il atteint probablement le sommet de son art avec ses aquarelles. Ce qui est étonnant, c’est que le grand public connaît une partie de ses œuvres sans le savoir, au travers de cartes postales et posters édités par la société haut-savoyarde Mythra. Que ce soit dans ses œuvres littéraires ou picturales, on retrouve fréquemment un mélange d’humour et de poésie. Concernant son humour, s’il peut être drôle, il peut être aussi grinçant ; influence certaine de l’humour satirique britannique. Soulignons que certaines oeuvres apparaissent aujourd’hui comme prophétiques. Samivel est visionnaire. Samivel voyage : Islande, Grèce et Egypte. Il est féru d’histoire. De ses excursions, il rapporte plusieurs films et anime beaucoup de conférences pour le compte de Connaissance du Monde. Dans son domaine de prédilection, la montagne, son film « Cimes et Merveilles », remporte le premier grand Prix International du film de montagne au festival de Trente. Une ode à la protection d’un environnement authentique.
Comme son ami l’explorateur Théodore Monod, Samivel est un combattant de la première heure pour la nature et la vie en générale. Il est en lien étroit avec le mouvement Mountain Wilderness pour lequel Samivel déclare, en 1991, que ses missions relèvent de l‘utilité publique. En septembre 2007, le Conseil d’Etat français accorde ce label à l’association. A noter que Samivel fait partie des personnalités qui se battent pour la création du premier parc national français, celui de la Vanoise, en 1963. Il en rédige ses commandements en 1967. Samivel dit qu’il faut se battre à tout prix pour notre environnement naturel. « …Chaque semaine qui passe rend la situation plus critique. Jamais la maxime du comble de l’indifférence : « Après nous le déluge » n’a été si fidèlement appliquée … ». Nous sommes au début des années 70. Autre exemple, dans « l’amateur d’abîmes » : [ … c’est une erreur sociale, un vandalisme et une maladresse aussi de sacrifier impitoyablement les plus beaux paysages au tourisme automatique … ]. Il ne peut être en accord avec une montagne grégaire. Samivel, comme de nombreux artistes peintres, écrivains ou poètes choisit de séjourner à Saint-Paul de Vence. Erudit, Samivel touche-à-tout est inclassable. Ses contemporains, Jean-Yves Cousteau, Haroun Tazieff ont eux un domaine parfaitement repéré. Ils connaissent la célébrité, Samivel, lui, pas véritablement. Il souffre de l’indifférence que lui témoigne alors l’establishment culturel français. C’est une des raisons pour laquelle il lègue une grande partie de ses œuvres au musée Ethnographique de Genève. En Helvétie, Samivel est très connu. Samivel meurt d’une rupture d’anévrisme le 18 février 1992 à Grenoble où il avait un pied-à-terre. Ses cendres reposent aux Dômes de Miage.
Communiqué de presse du 14 janvier 2008 par Régis Desmus, Président du Club Alpin Français d’Albertville.
°°°
Les vraies merveilles ne coûtent pas un centime
Ici commence la liberté. La liberté de bien se conduire.
Voici l’espace, voici l’air pur, voici le silence, Le royaume des aurores intactes et des bêtes naïves. Tout ce qui vous manque dans les villes, est ici préservé pour votre joie.
Enterrez vos soucis et emmenez vos boites de conserves. Les papiers gras sont les cartes de visite des mufles.
Ouvrez vos yeux et vos oreilles fermez vos transistors. Pas de bruit de moteur inutile, pas de klaxons.
Écoutez les musiques de la montagne.
Récoltez de beaux souvenirs, mais ne cueillez pas les fleurs. N’arrachez surtout pas les plantes : il pousserait des pierres. Ne mutilez pas les fleurs, marchez sur les sentiers.
Il faut beaucoup de brins d’herbe pour tisser un homme.
Oiseaux, chevreuils, lapins, chamois, Et tout ce petit peuple de poil et de plume ont désormais besoin de votre amitié pour survivre. Déclarez la paix aux animaux timides. Ne les troublez pas dans leurs affaires L’ennemi des bêtes est l’ennemi de la vie.
Afin que les printemps futurs réjouissent encore vos enfants !
Samivel
°°°
Samivel – Fond du fjord de Quervin, Groenland, 1949
« Je ne veux pas croiser le fer avec la société, et surtout pas pour l’améliorer, par exemple, mais la tenir à distance, quoi qu’il advienne, je supprime mes services, mais aussi mes exigences. »
°°°
« La pitié du bourreau consiste à frapper d’un coup sûr » *
* A une époque où les militaires et les responsables politiques se targuent dans les guerres qu’ils mènent de « frappes chirurgicales » et au moment où l’armée israélienne commet un massacre à Gaza tout en déclarant ne pas viser les populations civiles, cette citation d’Ernst Junger m’a semblé de circonstance.
La nouvelle de Stefan Zweig La Femme et le paysage a pour cadre un hôtel dans le Tyrol autrichien et le paysage qui l’environne et met en scène deux personnages, le narrateur et une jeune fille au comportement étrange. En fait, il serait plus juste de parler de trois personnages tant le paysage apparaît dans le récit comme une personne à part entière qui souffre comme les humains et réagit à leur manière à la sécheresse implacable qui règne alors sur le pays. Dans cette ambiance de tension et d’attente exacerbée de la pluie qui touche les êtres et les choses, tout finit par se mêler dans une confusion sensuelle des identités et des sentiments où le désir d’eau finit pas se confondre avec le désir sexuel. Pourquoi les hommes prêtent-ils des sentiments humains à la nature et pourquoi voient-ils en certaines femmes une incarnation de cette nature ? La jeune femme mystérieuse, assoiffée d’eau et de baisers, existe t’elle vraiment où n’est-elle qu’une allégorie de la terre souffrante, un pur produit de l’imagination du narrateur. A l’époque de la Renaissance on s’est interrogée sur la hiérarchie entre les arts et sur leur capacité à rendre compte de la réalité. Dans cette nouvelle, Zweig décrit de manière magistrale la souffrance du paysage et des êtres frappés par la sécheresse. Quelle tableau ou quelle photographie aurait pu rendre compte de manière aussi précise et aussi vivante de ce phénomène ?
°°°
C’était en cette année torride et sans pluie, où la sécheresse fut si néfaste pour la récolte du pays que la population en garda, des années durant, un souvenir terrible. Déjà en juin et juillet, il n’était descendu sur les champs altérés que quelques rares et rapides ondées, mais le mois d’août venu, il ne tomba plus une goutte d’eau. Même dans cette haute vallée du Tyrol où, comme tant d’autres, j’avais espéré trouver la fraîcheur, l’air brûlant, devenu couleur de safran, n’était que feu et poussière. Dés l’aube le soleil, jaune et morne comme l’œil d’un fiévreux, envoyait du fond du ciel vide ses rayons accablants sur le paysage éteint, puis, au fil des heures, une vapeur blanchâtre s’élevait peu à peu comme d’un immense chaudron en pleine ébullition et envahissait la vallée. Certes les Dolomites se dressaient, majestueuses, là-bas, dans le lointain et une neige claire et pure brillait sur leurs cimes mais seul l’œil évoquait et sentait la fraîcheur de leur éclat. Il était pénible de les regarder, de penser que peut-être le vent les survolait en mugissant, tandis que dans cette cuve, nuit et jour, une chaleur vorace s’insinuait partout et de ses mille suçoirs nous ravissait toute humidité. Dans ce monde déclinant où se fanaient les fleurs, où dépérissait le feuillage et où tarissaient les rivières, toute vie intérieure finissait par mourir et les heures coulaient oisives et paresseuses. Comme tout le monde, je passais ces interminables journées presque entièrement dans ma chambre, à moitié dévêtu, les fenêtres closes, sans volonté, dans l’attente d’un changement, d’un léger rafraîchissement de la température, rêvant, confusément, dans mon impuissance, de pluie et d’orage. Bientôt ce désir aussi se fana, se mua en une méditation sourde et stérile, semblable à celle des herbes mourant de soif et au rêve morne de la forêt immobile et vaporeuse.
Mais la chaleur augmentait de jour en jour et la pluie ne tombait toujours pas. Du matin au soir le soleil dardait ses rayons brûlants et son œil jaune et angoissant avait quelque chose de la fixité du regard d’un fou. On eût dit que la vie entière voulait cesser ; tout s’arrêtait, les animaux étaient silencieux, nul bruit ne venait des plaines blanches, sauf la vague et sourde mélodie des vibrations de la chaleur et le murmure d’un monde en fusion. J’aurais voulu sortir et aller m’étendre dans la forêt, où des ombres bleues tremblaient entre les arbres, rien que pour échapper à ce regard jaune et fixe du soleil, mais l’effort qu’eussent exigé ces quelques pas étaient trop grand pour moi. Je restai donc assis dans un fauteuil devant l’entrée de l’hôtel pendant une heure ou deux, recroquevillé dans l’ombre étroite que le rebord du toit profilait sur le gravier. A un moment je dus reculer, le filet d’ombre s’était rétréci et le soleil déjà rampait jusqu’à mes mains; puis, renversé de nouveau dans mon fauteuil, je retombai dans une méditation morne, sans désir, sans volonté, sans notion du temps. Celui-ci avait fondu dans cette chaleur étouffante, les heures s’étaient dissoutes en une rêverie trouble et insensée. Je ne sentais du monde extérieur que les chauds effluves de l’air sur ma peau, cependant que mon cœur fiévreux battait avec précipitation.
Tout à coup, il me sembla qu’un souffle léger, très léger, passait sur la nature, comme si un soupir ardent et nostalgique fût sorti de quelque part. Je me levai : n’était-ce pas le vent ? J’avais oublié jusqu’à son souvenir, depuis si longtemps que mes poumons desséchés avaient été privés de sa fraîcheur. Toujours recroquevillé dans mon coin d’ombre, je n’avais pas encore senti son approche, mais les arbres, là-bas, sur le versant d’en face, semblaient avoir deviné une présence étrange, car soudain ils se mirent à osciller très légèrement, comme s’ils se penchaient l’un vers l’autre pour se parler. Les ombres qui les séparaient, devenues vivantes, commencèrent à remuer et à s’agiter; tout à coup s’éleva dans le lointain une rumeur profonde et vibrante. C’était bien le vent, qui soufflait sur le monde, tout d’abord doux comme un murmure, léger comme une brise, puis mugissante comme un son d’orgue pour s’amplifier brusquement et s’abattre avec violence. Poussés par une peur subite, d’épais nuages de poussière se mirent à courir sur la route dans une même direction; les oiseaux, jusque-là nichés dans l’ombre , sifflèrent brusquement dans les airs comme des flèches noires, les chevaux firent jaillir l’écume de leurs naseaux et, au loin, dans la vallée, le bétail se mit à beugler. Une force quelconque s’était éveillée et semblait proche, la terre l’avait pressentie ainsi que la forêt et les animaux, et le ciel à présent se couvrait d’un léger voile gris.
Je tremblais d’émotion. Mon sang était irrité par les fins aiguillons de la chaleur, mes nerfs tendus crépitaient, et jamais, comme à ce moment, je n’avais soupçonné la volupté du vent, la griserie voluptueuse de l’orage. Il s’annonçait, s’enflait, approchait, arrivait. Lentement le vent poussait devant lui des écheveaux souples de nuages, et derrière les montagnes on percevait un halètement poussif, comme si quelqu’un là-bas roulait une lourde charge. Parfois ce halètement cessait comme sous l’effet de la fatigue. Le tremblement des sapins alors diminuait peu à peu, ils semblaient écouter, et mon cœur palpitait doucement avec eux. Partout où se portaient mes regards l’attente égalait la mienne. La terre avait élargi ses crevasses, béantes comme des bouches assoiffées, et mon corps se préparait, ouvrant et dilatant tous ses pores, à aspirer la fraîcheur, à jouir de la froide et frissonnante volupté de la pluie. Machinalement mes doigts se crispaient comme s’ils pouvaient saisir les nuages et les amener plus rapidement jusqu’à cette terre altérée.
Mais ils arrivaient, paresseusement, poussés par une main invisible, ressemblant à de gros sacs boursouflés. Ils étaient lourds et noirs de pluie et se heurtaient en grondant comme des objets durs et pesants. Parfois une rapide lueur, tel le pétillement d’une allumette, éclairait leur surface. Puis ils flambaient, bleus et menaçants, tout en approchant de plus en plus sombres au fur et à mesure qu’ils s’amoncelaient. Tel un rideau de théâtre, le ciel s’abaissait graduellement. Déjà l’espace entier était tendu de noir, l’air chaud et comprimé se condensait, puis il y eut un dernier moment d’arrêt pendant lequel tout se raidit dans une attente muette et lugubre. Tout paraissait étranglé par ce poids noir qui pesait sur l’abîme, les oiseaux ne pépiaient plus, les arbres avaient perdu leur frémissement et les petites herbes même n’osaient plus trembler. Le ciel semblait enserrer dans un cercueil de métal le monde brulant ou tout s’était figé dans l’attente du premier éclair. J’étais là, retenant ma respiration, les mains jointes et crispées, replié dans une délicieuse angoisse qui me paralysait. J’entendais autour de moi les gens s’affairer, les uns venaient de la forêt, d’autres fuyaient le pas de la porte, de tous les côtés on courait, les bonnes fermaient précipitamment les fenêtres et baissaient les volets avec fracas. Pris d’une activité subite, tout le monde remuait, s’agitait, se bousculait. Moi seul restais immobile, muet et fiévreux : tout en moi se tendait, se préparait au cri de délivrance que déjà je sentais dans ma gorge, prêt à partir au premier coup de tonnerre.
Je perçus alors, juste derrière moi, un violent soupir qui sortait d’une poitrine oppressée et auquel se mêlaient ces paroles ardentes et nostalgiques : « Si seulement il pouvait pleuvoir ! » La voix était si farouche, si impulsif ce soupir d’une âme torturée, qu’il semblait venir de la terre elle-même, de cette terre assoiffée aux lèvres entr’ouvertes, de ce paysage tourmenté, anéanti sous un ciel de plomb. je me retournai. je vis une jeune fille : c’était elle, évidemment, qui avait parlé, car ses lèvres, pales et bien marquées n’étaient pas refermées et haletaient encore, tandis que son bras appuyé sur la porte tremblait doucement. Ce n’était pas à moi qu’elle s’était adressée, ni à personne. Elle était penchée sur le paysage comme sur un abîme et son regard terne fixait l’obscurité suspendue au-dessus des sapins. il était noir et vide ce regard tourné vers la profondeur céleste et fixe comme un gouffre sans fond. Accroché au ciel, il fouillait la masse des nuages où devait éclater l’orage et ne m’effleurait même pas. Je pus ainsi observer l’inconnue à mon aise et je vis sa poitrine se soulever, comme si elle allait manquer de respiration, sa gorge délicate palpiter dans l’échancrure de son corsage; puis ses lèvres altérées frémirent et s’entr’ouvrirent pour répéter : « Si seulement il pouvait pleuvoir ! » Ce soupir m’apparut de nouveau comme celui de toute la terre angoissée. L’air pétrifiée de la jeune fille, son regard étrange tenaient du rêve et du somnambulisme. Et à la voir ainsi, blanche dans sa robe claire, se détachant sur le ciel noir, elle représentait vraiment pour moi la soif, l’espoir de toute la nature languissante. (…)
Stefan Zweig – La peur, extrait de la nouvelle La Femme et le Paysage – édit. GRASSET, pages 163 à 168.
intervention israélienne à Gaza en 2008-2009 – bilan : Israël : 13 mortsPalestine : 1.315 morts dont 65 % de civils, parmi eux 410 enfants et 5.285 blessés
intervention israélienne à Gaza de juillet 2014 – bilan au 20 juillet 2014 : Israël : 7 morts dont 2 civils, Palestine : 400 morts dont 80 % de civils, 2.400 blessés
Dans une poignée de secondes, ces trois enfants seront morts, tués dans leur abri de fortune dans lequel ils étaient allé se protéger, un conteneur d’une plage de Gaza, par un tir d’obus de la marine israélienne. Les militaires israéliens ont par le passé déjà été accusés par de nombreuses sources objectives et indépendantes de ne pas user du discernement nécessaire pour protéger les civils dans leurs actions militaires (voir l’article du Monde ci-dessous du 15 juillet 2009).
A l’heure où ces lignes sont écrites, des milliers de civils palestiniens errent dans les rues de Gaza sans savoir où pouvoir se protéger. Ils ont du quitter en catastrophe leur foyer sous le feu des bombes israéliennes. Les journalistes déclarent avoir vu de nombreuses victimes gisant dans les rues parmi les ruines. L’hôpital voit son fonctionnement gêné par l’afflux des réfugiés qui n’ont trouvé que ce lieu pour se protéger des bombes. La morgue de l’hôpital est pleine et l’on ne sait plus où entreposer les corps. Parmi les victimes figurent de nombreux enfants. Obscénité : Voilà le mot qui convient pour qualifier la nouvelle intervention israélienne à Gaza compte tenu de la disproportion démesurée des forces en présence et du lourd tribut payé par les civils palestiniens innocents et parmi eux par les plus vulnérables, les enfants. L’histoire se répète et le monde assiste, scandalisé et impuissant, à cette orgie de violence appuyée par un déferlement de technologie sophistiquée à l’encontre d’un peuple désarmé. Qu’on ne vienne pas nous parler des roquettes artisanales palestiniennes, ces piqures de moustiques impuissantes à percer le cuir israélien. Quel est le bilan du tir des 1.600 roquettes qui auraient été tirées sur Israël ? un civil mort, et c’est un mort de trop, et quelques dégâts matériels. Ces tirs aveugles sont certes condamnables mais ne peuvent justifier en rien des représailles disproportionnées menées contre toute une population civile.
La vérité est qu’Israël est en proie aujourd’hui à une folie identitaire et nationaliste qui fait fi des droits humains les plus fondamentaux et qui mine les principes moraux qui avaient présidé à la création de l’état d’Israël. La politique d’apartheid menée à l’encontre des palestiniens, le refus de consentir à ce peuple l’existence d’un état, la politique opiniâtre et cynique de confiscation des terres palestiniennes et d’instauration de nouvelles colonies dans les Territoires occupés alors même que des négociations de paix sont en cours et en dépit de l’opposition unanime de la communauté internationale, le blocus insupportable de Gaza et les obstacles dressés pour empêcher la libre circulation des personnes et des biens, montrent que les ultras qui sont au pouvoir en Israël n’ont pour objectif que de rendre impossible la vie des palestiniens (en vue sans doute de les pousser à émigrer), renforcer encore la présence israélienne en Palestine occupée pour rendre impossible ou vider de sens un état palestinien. Dans cette stratégie, tous les coups sont permis et on doit admettre que les excès constatés ne sont aucunement accidentels mais participent à une stratégie d’ensemble. Les ultras ont engagé Israël dans une fuite en avant qui sera préjudiciable à tous. L’injustice et les atrocités commises n’ont pour résultat que de renforcer les extrémistes côté palestinien. Il est regrettable qu’une majorité d’israéliens ait aujourd’hui tourné le dos à une politique de paix et de réconciliation avec les palestiniens et se complait dans une attitude de haine et de confrontation. Il ne faut pas oublier que dans le conflit israélo-palestinien, les palestiniens sont avant tout les spoliés et les victimes. Israël se grandirait si dans le rapport de force actuel qui lui est favorable, elle tendait sincèrement la main à ce peuple qui d’une manière ou d’une autre lui est lié de manière indissoluble. Palestiniens et Israéliens sont les deux faces opposées d’une même pièce de monnaie…Veulent-ils que le conflit dure encore mille ans ? Face à cette situation absurde et inique, on ne peut que regretter l’hypocrisie des gouvernements occidentaux qui protestent mollement du bout des lèvres et n’engagent aucune action dissuasive à l’encontre des ultras d’Israël pour des raisons stratégiques ou de politique intérieure.
femme palestinienne essayant de protéger ses oliviers – Saed Bannoura
Depuis 2002, sur près de 450 kilomètres un mur de séparation court entre la Cisjordanie et l’Israël. Pour le construire, l’armée israélienne a déraciné des milliers d’oliviers présents sur son tracé. Depuis, des centaines d’agriculteurs palestiniens sont coupés de leurs terres. Impossible de s’y rendre sans un laissez-passer, sésame rarement accordé par les forces de sécurité israéliennes. Pis, les vastes étendues d’oliviers sont les victimes quotidiennes d’attaques de colons israéliens vivant en Cisjordanie à proximité des Palestiniens et de leurs cultures. Des colons qui n’hésitent pas à déraciner et à brûler des arbres centenaires. En reportage en Cisjordanie, Gideon Levy, écrivain et journaliste israélien, se souvient : « Il y avait des dizaines, peut-être des centaines d’oliviers tués par la chaleur des flammes qui léchaient leur tronc. Des arbres calcinés, comme autant de preuves carbonisées étendues dans le champ. » Un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) en Palestine estime que, en 2013, 9 400 arbres ont été déracinés ou endommagés dans « des incidents avec les colons », 1 000 de plus qu’en 2012. « Depuis 1967, 800 000 oliviers auraient été arrachés, dont 550 000 rien qu’entre 2000 et 2008 [période de fortes tensions entre Palestiniens et Israéliens, NDLR] », rappelle Arnaud Garcette en citant les chiffres de l’organisation palestinienne ARIJ, et en précisant également que ces données, fortement politisées, devaient être prises avec précaution. Face à cela, les agriculteurs sont bien désarmés. La voie judiciaire ? Autant ne pas y penser. L’ONG israélienne Yesh Din rappelle qu’entre 2005 et 2013 plus de 97 % des plaintes déposées pour dénoncer des dommages sur des oliviers ont été rejetées par les autorités judiciaires israéliennes. Reste alors pour certains la voie des armes et de la vengeance. (article du Point.fr du 02/12/2013)
En 2009, révolté par l’injustice subie par les palestiniens, j’avais écrit deux poèmes, l’un qui exprimait ma déception face à l’évolution négative des israéliens concernant l’attitude à adopter vis à vis des palestiniens et l’autre qui marquait ma révolte et mon dégoût face à l’utilisation de certains types d’armes par l’armée israélienne à Gaza. La situation actuelle fait malheureusement que ces poèmes sont de nouveau de circonstances…
°°°
Dialogue de sourds avec Dieu
Les rêves de pierre de vos Pères Se sont depuis longtemps évanouis Remplacés par d’autres rêves de pierre… Eglise contre mosquées, mosquées contre synagogues, Rêves de pierres contre rêves de pierres, Est-ce là notre fatale destinée ? Le rêve ne guide plus le compas de vos architectes, et la truelle de vos maçons. Vos constructions ne sont que murailles et forteresses. Vos murs de béton séparent L’olivier du moulin, Le troupeau de l’herbe fraîche, L’assoiffé de la source claire, L’enfant de son école, L’amant de sa promise. Ne comprenez-vous pas que les murs ont deux faces et qu’ils enferment doublement l’assiégé et l’assiégeant ? Les rêves sont fleurs de vie et de désirs, promesses de fruits et de graines fécondes. L’arbre aux sept branches de vos rêves est devenu stérile. Vous n’aspirez plus qu’au repli, qu’au culte de votre altérité, Et vous vous énivrez, narcissiques guerriers, de votre dérisoire puissance. Abandonnés, les rêves de fraternité, Oubliée, l’innocence enfantine. Votre peuple a été stigmatisé et nié. Par un pervers retour des choses, Il stigmatise à son tour et humilie. Votre peuple avait été dépossédé, Il vole et exproprie à son tour . Votre peuple avait été martyrisé De manière monstrueusement méthodique et scientifique. Il martyrise et assassine à son tour, utilisant une hyper-technologie obscène, un petit peuple désarmé et digne. Vous avez commis le sacrilège, Vous le peuple victime, de transformer vos enfants en bourreaux….
A l’école, l’enfant a fait des travaux pratiques. La maîtresse lui a appris les allumettes et leur danger. La petite boule rouge si amusante, fichée comme un nez de clown, au bout de l’allumette, c’est souvent du souffre… Le grattoir de la boîte contient du phosphore rouge et de la poudre de verre. Le frottement de l’allumette sur le bord de la boîte déclenche la flamme qui se communiqué au bois. Ensuite le bois brûle en produisant de la fumée et un peu de cendres.
Chacun dans la classe a mis le feu à une allumette, en la tenant bien par le bout, et en faisant très attention à ne pas se brûler ! la maîtresse a expliqué : L’allumette est très utile mais aussi très dangereuse ! Allumer les allumettes, ne doit pas être un jeu. Attention à ne pas mettre le feu !
Une bombe au phosphore, a été envoyée d’un avion sur la maison de l’enfant. Il cachait sous son lit, (un monsieur très sérieux, à la télévision l’a dit), un nid de terroristes …
L’enfant s’est enflammé comme une allumette en produisant de la fumée et un peu de cendres Merci Monsieur Olmert ! Merci Monsieur Barack ! Merci, Madame Livni ! pour les travaux pratiques…
Article de Wikipedia concernant l’armement utilisé par les israéliens lors de l’intervention de 2008-2009
Selon le site timesonline, des obus fumigènes M825 au phosphore blanc ont été tirés par l’artillerie israélienne.
Selon deux médecins norvégiens (Erik Fosse et l’urgentiste Mads Gilbert), qui interviennent dans la région depuis une vingtaine d’années avec l’Organisation non gouvernementale (ONG) norvégienne Norwac, l’armée israélienne utilise à nouveau des armes expérimentales de fabrication américaine, à base de Dense Inert Metal Explosive, développées pour le contexte d’une guerre asymétrique, et caractérisées par une puissance de souffle accru sur un rayon d’une dizaine de mètres. Cet explosif peut-être emporté par la bombe GBU-39. Ces armes causent des lésions incurables dans les tissus mous et les os des organismes vivants. Cette opinion est partagée par Marc Garlasco, un analyste militaire travaillant pour Human Rights Watch; Marc Garlasco fut contraint peu après de démissionner pour collection d’objets nazis. Disposant d’un grand pouvoir d’explosion, ces bombes ont un rayon d’action limité afin d’éviter les dommages collatéraux mais leurs éclats possèdent des effets cancérigènes et génotoxiques. Selon Mads Gilbert : « À 2 mètres, le corps est coupé en deux ; à 8 mètres, les jambes sont coupées,… Ils n’ont aucune trace de métal dans le corps, mais des hémorragies internes étranges. Une matière brûle leurs vaisseaux et provoque la mort, nous ne pouvons rien faire », et d’ailleurs un infirmier de l’hôpital Al-Awda dans le camp de réfugiés de Jabalya rapporte qu’il y a une grande majorité de blessés qui arrivent avec au moins un membre manquant.
Les moteurs des drones Hermes 450 sont fabriqués en Grande-Bretagne. Une centaine de députés anglais signent une déclaration « réclamant un embargo de toutes les ventes militaires qui pourraient être utilisées pour l’agression à Gaza et dans les territoires occupés. »
De manière générale l’écart technologique entre les deux camps fait que les bombardements se font, comme le dit Gideon Levy, « en toute liberté sans rencontrer aucune résistance ».
Au sujet de l’interdiction de manifester contre l’intervention israélienne prise par le gouvernement français
Face à la situation humanitaire insupportable subie par la population gazaouie, le gouvernement français a pris une décision courageuse… Protester contre l’intervention israélienne ? Non, vous y êtes pas … Il interdit toute manifestation de protestation pour ne pas importer le conflit israélo-palestinien sur le territoire français : « Il ne peut pas y avoir d’importation du conflit en France, il ne peut pas y avoir des manifestations qui se font face et des risques pour l’ordre public ».
Le prétexte utilisé pour justifier cette interdiction est celui des heurts qui ont opposés lors de la manifestation du 13 juillet dernier à Paris devant deux synagogues certains manifestants à des membres de la communauté juive dont de jeunes militants de la Ligue de défense juive (LDJ) et du Betar, qui ont revendiqué leur présence sur les lieux selon l’AFP. Les deux camps s’accusant mutuellement de provocation. On peut s’étonner du fait que ces deux établissements n’aient pas été isolés de la manifestation par les forces de l’ordre. Ainsi, il suffit de l’action de quelques provocateurs pour priver les français de leur droit légitime et démocratique de manifester contre ce qu’ils considèrent comme une injustice flagrante et une action que certains n’hésitent pas à assimiler à un crime contre l’humanité. Désormais, il suffira qu’un groupe opposé à la tenue d’une manifestation menace d’organiser une contre-manifestation pour que celle-ci soit interdite pour « risque de trouble à l’ordre publique » ou « importation de conflit sur le sol national ». Les groupes extrémistes tels que la Ligue de défense juive et le Betar vont se frotter les mains, toute manifestation contre la politique d’Israël sera désormais interdite… La France, « pays des droits de l’homme » est le seul pays d’Europe ayant interdit de manifester, et c’est un gouvernement socialiste qui a pris cette décision… Il est vrai qu’après le refus de survol du territoire français au président bolivien Morales et le refus d’accorder l’asile politique à Edward Snowden, plus rien ne nous étonne de la part d’un pouvoir qui semble avoir abandonné toute volonté d’indépendance face aux exigences des Etats-Unis…
Pour être juste, signalons que quelques députés et militants socialistes se sont opposés à cette mesure : Six députés socialistes ont protesté vendredi contre l’interdiction d’une manifestation pro-palestinienne samedi à Paris, et ont appelé le gouvernement à revenir sur cette décision. « Le seul camp que la France doit choisir, c’est celui de la paix. Aujourd’hui, nous refusons la décision trop hâtive du ministère de l’Intérieur et appelons le gouvernement français à lever rapidement cette interdiction de manifester », écrivent dans un communiqué les députés PS Alexis Bachelay, Yann Galut, Razzy Hammadi, Mathieu Hanotin, Pascal Cherki et Philippe Doucet. « Si aucun acte antisémite et raciste ne doit être toléré dans notre République, celle-ci doit se donner les moyens de les sanctionner fermement. Mais en aucun cas, elle ne doit remettre en cause une liberté fondamentale, au travers d’une mesure d’exception que nous considérons comme disproportionnée », déclarent-ils. Pour sa part, dans un communiqué, Europe Écologie-Les Verts« s’insurge contre l’interdiction » et ajoute que, si elle était confirmée, la France serait « le premier pays à interdire ces manifestations. (…) Alors qu’on peut manifester à Tel-Aviv, à Berlin ou à New York pour dénoncer l’opération militaire israélienne en Palestine, les pouvoirs publics doivent permettre que ce rassemblement puisse avoir lieu dans le calme et le respect des opinions de chacun », conclut EELV.
Le mercredi 9 juillet, François Hollande s’était entretenu avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou auprès duquel il avait souligné que la « France condamnait fermement les agressions contre Israël (…) et lui avait exprimé sa solidarité face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza. » Il précisait « qu’il appartenait au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces ». Le président de la République avait rappellé également « la nécessité de prévenir l’escalade des violences ». L’article du Nouvel Observateur souligne qu’il n’avait cependant pas évoqué à cette occasion les pertes civiles du côté palestinien. (extrait du Nouvel Observateur le 10/07/2014). Ces déclarations étaient irresponsables ou pour le moins maladroites car elles pouvaient être interprétées par Netanyaou comme un blanc-seing donné à l’intervention musclée qu’il préparait contre Gaza. Dans son discours du 19 juillet à Niamey, François Hollande, face aux excès de l’intervention israélienne, s’est montré plus prudent et a abordé le problème des pertes civiles palestiniennes mais cette intervention a été pour le moins tardive.
allocution de François Hollande du 19 juillet à Niamey
« Qu’il y ait de l’émotion, qu’il y ait de la part d’une partie de nos compatriotes la volonté d’en appeler aussi au cessez-le-feu. Je peux comprendre… mais il ne peut pas y avoir d’importation du conflit en France. Il ne peut pas avoir des manifestations qui se font face et des risques pour l’ordre public et c’est la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur lorsqu’il est saisi de projets de manifestations fait en sorte soit qu’il n’y puisse pas y avoir de débordements soit que lorsqu’il y a des risques, elles ne puissent pas avoir lieu et c’est ce qui a été décidé (…) parce que nous ne pouvons pas rester indifférents lorsque nous avons des manifestations qui sont proposées et qui ont visiblement des objectifs qui ne sont pas simplement de manifester… »
°°°
Lettre ouverte au Président de la République :
Monsieur le Président,
J’aurais pu imaginer qu’un président socialiste, qui a occupé la fonction de premier secrétaire de son parti durant 11 années, d’un parti dont l’article 21 de ses statuts proclame qu’il est un parti internationaliste, condamne toutes les oppressions et exploitations et les formes modernes d’esclavagisme, déclare œuvrer pour le respect du droit des enfants, reconnaître pleinement le droit d’asile et combattre la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme, déclare militer pour un ordre international juste et respecté pour une coopération entre les peuples, pour une vraie politique de développement et défendre le rôle de l’ONU et des institutions internationales éprouverait naturellement une vive émotion face au drame et à l’injustice que vivent les civils gazaouis. Ceux-ci et leurs enfants en premier lieu ne sont-ils pas victimes aujourd’hui d’une agression sauvage et sanglante après avoir souffert de discriminations et de freins au développement par l’instauration d’un blocus inique et d’obstacles dressés aux actions menées par l’ONU et les organisations internationales ? Vous déclarez dans votre allocution que vous « pourriez » comprendre l’émotion suscitée par la situation actuelle et le désir d’y mettre fin. Est-ce à dire que vous n’éprouvez pas cette émotion mais que pourriez la comprendre ? Tout espoir n’est donc pas perdu, la raison est susceptible de palier à l’absence de cœur… L’adhésion aux valeurs et aux principes du socialisme n’ést-elle pas autant une affaire de cœur en tant qu’expression d’un désir profond de justice et du sentiment de solidarité qu’un engagement de la raison ? Aujourd’hui, alors que je pensais que l’arrivée du parti socialiste au pouvoir aurait pour conséquence d’augmenter mon espace de liberté, je constate que vous m’interdisez d’exprimer mon indignation et mon exigence d’une cessation des opérations menées par Israël. Je constate également que la France est le seul pays en Europe à instaurer et appliquer une telle interdiction que même l’état d’Israël n’a pas eu l’idée d’appliquer… Qui tirera bénéfice d’une telle décision ? Certainement pas les palestiniens qui ne pourront constater l’étendue de la solidarité qui se manifeste en France à leur égard, mais l’état d’Israël à coup sûr qui reste vulnérable à l’expression du mécontentement de la communauté internationale. L’objectif énoncé d’éviter « l’importation du conflit en France » et « éviter les débordements » me semble une très mauvaise raison et ne risque au contraire que de faire naître un sentiment de révolte et exacerber les passions.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes salutations républicaines,
L’un des 18 004 656 citoyens qui avait voté pour vous.
Cette photo a été prise au cours de l’une de ces nombreuses fêtes populaires organisées en Allemagne par les nazis pour glorifier l’histoire, les traditions allemandes et la race aryenne. L’auteur y est inconnu. On y voit trois jeunes filles faisant la ronde photographiées comme il était coutume lors de la période nazie en contre-plongée pour donner plus d’importance au sujet mis en scène. J’ai tout de suite pensé en découvrant cette photo à celle, célèbre, prise quelques années plus tard qui montre une autre ronde dans des circonstances beaucoup plus dramatique, celle de la Ronde des enfants de la fontaine Barmaleï lors du siège et du bombardement de Stalingrad par l’armée allemande.
Histoire de la fontaine Barmaleï
La fontaine Barmaleï (en russe : фонтан Бармалей) ou Ronde des enfants (en russe : Детский хоровод) est un ensemble sculptural de la ville de Stalingrad qui représente six enfants dansant la ronde autour d’un crocodile. Elle était située face au Musée de la Défense de Tsaritsyne (ancien nom de la villede Stalingrad) et avait été réalisée en 1930 par le sculpteur par le sculpteur Romuald Iodko. Le photographe Emmanuel Ievzerikhine l’a prise le 23 août 1942 lors du siège et du bombardement de Stalingrad par l’armée allemande. A la fin de la guerre, la fontaine a été restaurée et apparait sur les photos de la première parade sportive après-guerre, prises en mai 1945 par le photographe Marc Stépanovitch Redkine. La fontaine a ensuite été démontée en 1951 lors du réaménagement du centre-ville. Il existe aujourd’hui deux répliques de cette sculpture : l’une près du « moulin Gerhard », imitant la fontaine détruite, l’autre sur la place de la gare de Volgograd, de même inspiration mais différente.
La scène de la fontaine originale représentée par le sculpteur Iodko est une illustration tirée d’un conte écrit par le journaliste et poète russe Korneï Tchoukovski (1882-1969), « Barmaleï » (1924), dans lequel un bandit nommé Barmaleï, qui semait la terreur finit par être avalé par un crocodile, au grand soulagement des enfants et du bon médecin Aïbolit, qui lui sont gréé de les avoir sauvés d’une mort certaine. Mais les enfants sont magnanimes, le bandit Barmaleï s’étant repenti, il sera finalement libéré par crocodile.
« Heureuse, heureuse, heureuse marmaille, Dansant et jouant autour du feu de camp: « Tu nous as de la mort sauvés, Tu nous as libérés. Juste à temps Tu nous as vus, O bon Crocodile! » »
Talabar fait partie des quelques noms de lieux des environs d’Annecy pour lesquels aucune explication étymologique n’a été donnée. Charles Marteaux, dans son essai publié en 1939 par l’Académie Florimontane intitulé « Répertoire des noms de lieux de l’arrondissement d’Annecy d’après le cadastre de 1780 » n’y fait pas allusion. Pourtant le site qui porte ce nom possède des caractéristiques physiques très particulières : il surplombe une barre rocheuse dominant le lac au pied des premiers contreforts du Mont-Veyrier et est parfaitement visible d’Annecy. Sur la carte IGN au 1/25.000e ce sont ces pentes boisées supérieures parfois trouées par une prairie qui portent ce nom mais à Annecy on parle couramment du « Rocher du Talabar » ou du « Talabar » pour désigner la barre rocheuse elle-même ou l’étroite bande de terrain qui la sépare du lac. Ses parois ont été équipées de voies d’escalade et sont illuminées la nuit par de puissants projecteurs pour les mettre en valeur.
Le Talabar vu de la plage d’Albigny (photo Yann Forget par Wikipedia)
un autre « Bar » à proximité : les falaises du le Mont Baron (photo blog Rochsnake.centerblog)
On sait que le radical Bar- désigne le plus souvent des parois rocheuses. Sur Internet, le site d’Henri Sutter« Noms de lieux en Suisse romande, Savoie et environs : Glossaire » donne pour expliquer la présence de ce radical dans les noms de lieux Bargy et Baron (deux lieux où sont présentes des falaises) l’explication suivante : proviendrait du patois bara, « tas de pierre », gaulois *barga, « pente » ou gaulois *barro, « hauteur, colline, extrémité, sommet », d´une racine indo-européenne *bhares-, bhores-, « pointe ». Pour expliquer l’origine du nom de lieu La Talau près de Martigny en Suisse, le même site donne comme explication pour le radical Tal- : nom qui pourrait être de même origine que le français talus, ancien français talud, talut, latin impérial talutium, « terrain en pente, versant », du gaulois *talo-. Pour Pierre-Yves Lambert (la langue gauloise), c’est probablement le nom du front : vieil irlandais taul (*talu-) « front, face, protubérance », gallois et breton tal « face ». Ainsi, si l’on se réfère à ces explications, l’origine du nom serait postérieure à la période celtique et à l’occupation romaine et née à une période où l’on parlait déjà patois. Cette appellation qualifierait une pente située à proximité d’une barre, cette dernière pouvant être, pour le cas qui nous intéresse, celle située à son aval en bordure de lac d’Annecy, le « rocher du Talabar » ou celle située à son amont dénommée « les Rochers des Aires ». L »IGN, pour sa carte au 1/25.000 e a effectivement positionné le lieu-dit sur des pentes situées entre ces deux barres. A noter que l’on constate encore aujourd’hui la présence d’une petite prairie avec maisonnette suspendue sur ces pentes boisées, prairie que les randonneurs nomment « prairie du Talabar » et qui devait certainement être de taille plus importante dans le passé lorsque l’agriculture était l’activité dominante du secteur. La présence sur la carte IGN d’autres petites trouées de moindre importance qui accompagne cette prairie plaide en faveur de cette hypothèse.
vue sur le lac d’Annecy de la prairie suspendue du Talabar
°°°
–––– l’hypothèse de l’origine celtique selon la thèse de Falc’Hun –––––––––––––––––––––––––––––––––
Nous avons déjà parlé dans un article précédent sur l’origine des noms de lieux en dol- (c’est ICI) de l’hypothèse formulées par le chanoine breton toponymiste Falc’Hun selon laquelle de nombreux toponymes des Alpes et d’autres régions de France sont d’origine celtique et ont leur correspondant dans des territoires anciennement ou toujours celtiques comme la Bretagne et le Pays de Galles en Grande-Bretagne. Voici ce qu’écrit cet auteur au sujet des noms de lieux comportant les radicaux bar- et tal- :
« Un exemple très constructif (de correspondance galloise) nous en est fourni par Tall-e-vende dans Saint-Martin-de-Tallevende (Calvados), près d’un sommet dominant Vire. Une variante Tal-vanne désigne un hameau de Fontaine-le-Bourg (Seine-et-Marne), sur le rebord d’un plateau dominant un vallon au nord-est de Rouen. Au Pays de Galles, Tal-y-fan (prononcer Tal-e-Vanne), est un toponyme assez fréquent, littéralement « le front de la colline ». Mais sans doute peut-on y comprendre tal « front » comme un synonyme de la locution prépositive bretonne « en face de, auprès de », qui se réduit aussi à Tal- dans les noms de lieux Tal-ar-Groas « auprès de la croix, du calvaire » (à Argol, Cléder, Crozon et Landévennec, Finistère). En gallois, Fan est la forme mutée, après l’article y, du substantif Ban « sommet, hauteur, rocher » (irlandais bend, bene) qu’on trouve en France dans la La Banne d’Ordanche (1.513 m), qui domine La Bourboule (Puy-de-Dôme), et dans le Puy de Bane à Cournon-d’Auvergne près de Clermont-Ferrand. La même forme mutée semble reconnaissable dans A-vanne (Doubs) sur une ondulation de la plaine champenoise au nord-est de Reims, et dans Les Vans (Ardèche), carrefour de routes et de vallées remarquable par les promontoires qui le surplombent. »
(Falc’Hun : Les noms de lieux celtiques : vallées et plaines – éd. Slatkine, 1982)
Falc’Hun rajoutera à cette liste les noms de lieux Tall-e-nay dans le Doubs, Tall-e-né et Tal-nay dans le Morbihan qui signifieraient « Front de la colline ou prés de la colline », Tal-nay à Bubry, Grands-Champs et Saint-Barthélémy, et leurs équivalent Front-e-nac (Gironde et Lot), Front-e-nard (Seine-et-Loire), Front-e-nay (Jura, Vienne, Deux-Sèvres), Front-e-nex (Savoie), anciennement Front-e-nay en 1255, Front-e-nas (Isère) anciennement Front-a-nas au Xe siècle. dans ces derniers cas Front est l’équivalent roman de Tal. Jean-Marie Plonéis (La toponymie celtique, édit. du Félin, 1993) explique de la même manière les noms de lieu Tal-ar-Hoad « le Front du Bois » et Tal-a-Derc’h « le front, le coteau aux verrats ».
Paul-Louis Rousset dans son bel ouvrage très documenté « Les Alpes et leurs noms de lieux » traitant des appellations pré-indo-européennes ne conteste pas que le substantif Bar dans les Alpes est le plus souvent d’origine gauloise mais ce mot aurait pu, d’après lui, « rhabiller », par remplacement d’un L initial par un R, une racine de même signification mais beaucoup plus ancienne d’origine pré-indo-européenne en Bal ou Bel. Ce pourrait être le cas, selon lui, des noms de lieux déjà cités Bargy et Mont Baron qui résulteraient d’une mutation d’un Bal initial. Il aurait pu ajouter à cette liste le Mont Baret qui est le point culminant de la crête orientée N S qui domine Veyrier. Cette crête rejoint celle des Mont Veyrier et Baron au niveau du col des Contrebandiers.
sommet du Mont Baret avec, à l’arrière-plan, le lac d’Annecy
Le Grand Bargy (2301 m) dans le massif des Bornes (Haute-Savoie) anciennement appelé massif des Vergys par les populations locales et où jadis nous allions grimper lorsque le mauvais temps à Chamonix nous interdisait la haute-montagne – photo AlpesRando.
Toujours dans le massif des Bornes, le Mont Jalouvre (2408 m) et le col du Rasoir vus de la face de la pointe Blanche – photo AltitudeRando.
C’est intentionnellement que j’ai placé l’une au-dessus de l’autre ces photos de deux sommets voisins pour infirmer les thèses exposées ci-dessus et diamétralement opposées de Henri Sutter et de Paul-Louis Rousset au profit de celle de Falc’Hun concernant l’origine du toponyme Talabar. Pour Henri Sutter, rappelons-le, Talabar serait le résultat de l’assemblage du mot patois bara « tas de pierres » et de l’ancien français talut, talus « terrain en pente, versant », mots d’origine gauloise mais qui aurait été formé assez tardivement, après que la langue celtique gauloise eut été abandonnée par autochtones au profit d’un dialecte bas-latin. Pour Paul-Louis Rousset, au contraire, une grande part des toponymes en Bal (il est vrai qu’il ne cite pas particulièrement Talabar) sont d’origine pré-indo-européenne et auraient été nommés ainsi par les populations établies sur les Alpes avant l’arrivée des celtes. Ces derniers n’auraient fait que déformer l’appellation d’origine en Bal par l’utilisation d’un mot de sonorité voisine et ayant le même sens de « hauteur » , Bar. Or la présence d’un Mont Jalouvre à proximité immédiate d’un Mont Bargy vient contredire ces deux thèses car Jalouvre est sans contestation possible un vocable exclusivement gaulois, il s’agit en effet de la forme altérée avec le temps du composé Galo-briga « la montagne des chèvres », galo « chèvre » et briga « colline, mont puis forteresse », ainsi nommée, soit que cette appellation fasse référence aux nombreux chamois souvent présents sur le site et bien visibles lors de l’ascension de ce sommet par les randonneurs, soit qu’elle qualifie la ligne de crête qui peut rappeler les lignes de dos de cet animal :
» Si vous interrogez les habitants des vallées circonvoisines, et plus particulièrement ceux des communes montagnardes de Mont-Saxonnex et de Brizon, ils vous renseigneront avec leur obligeance accoutumée, désignant avec précision tous les sommets du massif et les noms de leurs principales voies d’accès. Le massif des Vergys, pour eux, est cette citadelle gigantesque portant dans les nues 3 tours formidables et harmonieusement délabrées : la Pointe du Midi (2336 m), l’Aiguille Blanche du Vergy (2438m) et le Pic du Jalouvre (2408m); des contreforts en dos de chèvres se détachent, chenus’, de chacun de ces grands pics, tandis qu’une muraille vertigineuse, parcimonieusement gazonnée, sépare la Pointe du Midi de l’Aiguille Blanche pour culminer, telle une bosse de dromadaire, à 2308m, au centre de l’arête acérée qui peut être franchie en col si l’on part du haut plateau de Cenise pour aboutir à la vallée du Reposoir, ou vice-versa. C’est l’arête du Balafras, naguère encore hantée des chamois, aujourd’hui, hélas! bien solitaire. — Dominant les vallées du Reposoir et du Grand-Bornand, cette citadelle étend au loin un formidable système de bastions: les parois d’Andey qui plongent dans la plaine alluviale de l’Arve, puis les hautes murailles calcaires de Leschaux, qu’admirent tous les visiteurs de là vallée du Petit-Bornand ; sur la vallée de l’Arve, ces bastion» admettent plus volontiers la concomitance de superbes forêts masquant les gorges sauvages du Bronze, de Mont-Saxolinex et du Nant de Marnaz (lac Bénit), tandis que pour compléter le système, une très haute muraille calcaire forme un barrage rectiligne s’éténdant de l’Aiguille de la Peuchette (à l’est de la Pointe du Midi) jusqu’au débouché de la vallée du Reposoir, sur Scionzier : c’est le barrage, culminant à 2305m d’altitude, qui est plus spécialement désigné par les habitants sous le nom de « Mont-Bargy ».
Gustave Beauvehd, Conservateur de l’Herbier Boissier,(Université de Genève). Rev. Sav.,1922]
Des langues celtiques ont été parlées dans cette région des Alpes de parler franco-provençal occupée anciennement par les peuplades celtiques des Allobroges et des Nantuates que certains proposent de nommer Arpitanie (pour la définition de ce terme, voir ICI) pendant plus d’un millénaire. On y rencontre de ce fait aujourd’hui des formes toponymique plus ou moins évoluées dont l’origine remonte au « vieux-gaulois » jadis parlé dans la Vieille Gaule, au « moyen-gaulois » parlé avant l’invasion romaine, du « bas-gaulois », dialecte gallo-romain hybride parlé pendant l’occupation romaine jusqu’au invasions germaniques (G.R. Wipf). La montagne, lieu difficile d’accès, à l’agriculture pauvre de subsistance qui intéressait peu les envahisseurs a toujours été un lieu de refuge des populations et un conservatoire des idiomes anciens, il n’est donc pas étonnant qu’elle ait gardé, plus que les régions de plaine, traces de ces parlers anciens. Les termes celtiques passés dans le langage courant et la toponymie y sont pléthore. Citons comme exemple le nant (torrent, rivière issu d’un celtique nanto vallée), des suffixes en don (Yverdon (VD) et Ardon (VS) en Suisse, Verdan et Verdun en Savoie tous d’anciens dunum celtiques (colline), Brigue (VS), Montbrion et Briançon d’anciens briga (hauteur, forteresse), dol(méandre), etc… Si une montagne comme le mont Jalouvre et de nombreux autres sites naturels ont reçu une dénomination celtique comprise par leurs locuteurs durant près d’un millénaire, pourquoi aurait-il fallu attendre le moyen-âge et le développement du langage franco-provençal pour dénommer par des termes termes nouveaux, qui plus est d’origine celtiques, une prairie en pente située à proximité d’une bourgade importante, Boutae (Annecy) ou Annericacum (Annecy-le-Vieux) qui avaient succédées a d’anciennes implantations celtiques.
Pour notre part, nous pensons que le toponyme Talabar se rattache aux toponymes d’origine celtique et serait un ancien Tal-a-Bar« le front de la falaise » ou « Près de la falaise » utilisé selon la typologie établie par Falc’Hun pour qualifier une prairie pentue ouverte au milieu des bois. La falaise en question ne serait alors pas le Rocher du Talabar situé en bordure du Lac mais la barre rocheuse qui surplombe la prairie, actuellement dénommée « les Rochers des Aires ». Rappelons que aire en français désigne une surface souvent plane utilisée par l’agriculture ou bien la surface plane où les grands oiseaux de proies bâtissent leur nid. Une incertitude règne sur le mot latin d’origine : area ou agru (fond de terre) ce dernier étant à l’origine de l’ancien provençal agre, « nid d’oiseau ». Quoi qu’il en soit les deux significations peuvent s’appliquer au site qui nous intéresse. Dans le premier cas, les aires désignées par l’appellation seraient (la) ou les prairies situées sous la falaise, dans le second cas l’appellation désignerait les nids des rapaces installés sur son flanc et à son sommet.
°°°
–––– A propos d’une une légende liée au Talabar ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Dans son recueil sur les Traditions populaires de la Haute-Savoie publié en 1875, Antony Dessaix cite une légende attachée au rochers de Talabar :
« l’extrémité du lac d’Annecy, quand on vient de Faverges, semble indiquée par le roc de Margéria, monstrueux monolithe qui, détaché des rochers de Talabar, s’est arrêtée mi-côte. Il sert de limite entre les communes de Veyrier et d’Annecy-le-Vieux. Cette pierre, appelée dans le pays la Ma-Véria (la mal-tournée) fut, dit on, consacrée jadis par des cérémonies druidiques. Aujourd’hui encore elle inspire aux villageois une religieuse terreur. On prétend que sous cette puissante masse est enfoui un trésor, dont la possession sera acquise à la jeune fille jugée assez vertueuse pour recevoir du bon Dieu ou des fées le privilège de pouvoir déplacer cette pierre. Jusqu’ici la pierre est restée en place. Que faut- il penser des jeunes filles du pays ? »
Un peu plus tard, en 1898, dans La Nature ‘n° 1307), J. Corcelle, Agrégé de l’Université , donnait une version un peu différente de la légende :
L’énorme monolithe (…) porte deux noms : pierre Margeria et pierre « mal tournée ». Ce dernier nous paraît fort inexact. Margeria est un superbe bloc de roche calcaire très droit. Il se dresse avec majesté au-dessus des flots limpides et bleus du lac d’Annecy. Autour de lui s’étend un prestigieux paysage, comme la Savoie en possède tant : croupes arrondies du Semnoz, sommets aigus des Bauges, eaux azurées et chantantes. Au pied de Margeria on ne peut avoir que des idées de bonheur et de paix. Aussi, comprend-on très bien la légende qui s’attache à elle, gracieuse et aimable comme il convient. Quand carillonnaient au loin, pendant la messe de minuit, les cloches des villages, et que leurs notes cristallines voltigeaient dans les vallées endormies, les jeunes filles des environs, en quête de mari, n’avaient qu’à se rendre au pied de Margeria, à faire une prière à la divinité du lieu. Avec leurs blanches mains, elles creusaient ensuite un peu le sol. Elles avaient chance d’y trouver un trésor qui constituait leur dot au jour de l’hyménée. Je ne sais si l’on adore toujours Margeria et si l’on a foi en ses trésors. Elle nous paraît solitaire et oubliée au milieu des broussailles. Les archéologues s’occupent encore d’elle, eux qui sont les consolateurs attitrés des ruines. De ce bloc détaché aux temps anciens du mont Veyrier, ils ont fait « un peulvan », et ils supposent avec assez de vraisemblance, qu’il dut être l’objet d’un culte. Bien qu’il paraisse inaccessible, il a été escaladé par un Annécien, Besson-Mériguet. Il a vu au sommet de la grande pierre des murailles en ruine : là se trouvait peut-être une tour de guetteur, un petit temple, ou un repaire de brigands. On ne le saura jamais au juste. La pierre garde son secret.
Au risque d’apporter moi aussi ma pierre à l’entreprise rationnelle de « désenchantement » de nos traditions et de notre culture, je me dois de préciser que cette pierre de la Margéria n’avait rien de magique et avait une origine toute naturelle que la structure géologique du site explique facilement.En 1981, suite à une chute de rochers sur le site de l’usine des eaux d’Annecy de La Tour située au pied du plateau de Talabar, une étude géologique a été réalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières. ses conclusions indiquent » qu’à la suite d’érosion différentielle entre bancs calcaires (urgonien) et couches marneuses, des masses rocheuses se sont individualisées. C’est de cette façon que l’éperon ouest se détache dans le relief. Ce phénomène est visible quand on remonte le couloir qui canalise la chute de blocs. Ce couloir principal est aligné sur un accident sensiblement perpendiculaire à la direction des couches. Ainsi peut s’expliquer la fracturation assez intense de ce secteur, par la conjugaison d’une structure de couches plongeantes vers le Nord-Ouest, découpées par horizons marneux plus friables et par la présence d’une zone de charnière précisément située au niveau de l’éperon ouest. » De là vient l’origine de nombreux blocs épars que l’on trouve sur ce versant du Mont Veyrier et le la Pierre de la Margéria, « la Mal Tournée »…
coupe géologique sur le lieu-dit Talabar à Annecy
Hubert Bessat et Claudette Germi ne retiennent pas la traduction de « mal tournée » pour la pierre Margeriaz. Dans leur ouvrage « Les noms du patrimoine alpin : atlas toponymique II » ( éd. ELLUG) émettent l’hypothèse que cette appellation pourrait se rattacher à l’étymon celtique *Morga étudié par Hubschmid (article du FEW 6,3, page 1309-131) qui donnait à ce terme un sens de frontière, limite, marche, passage. Dans le pays niçois, on note l’existence d’un terme morga/mouerga et d’un dérivé mourguetta « petite terre où la pâture est réglementée et entraîne le paiement d’un droit » (Billy et Ricolfis). On connaît d’autre part en Savoie les termes murgier / morger « tas de pierres » et le toponymes Morga, Morghe, Muorghe, Muorghetta et Morgueta qui signifient « limite de pâturage ». Hubert Bessat et Claudette Germi supposent l’existence, à une époque plus ancienne, d’un terme morga / morge de signification équivalente. Concernant la pierre qui nous intéresse Margeriaz et Pierre Margeraz (en 1271 Petra Margiria aussi dite Pierre Mal Tournée) en limite de des communes de Veyrier et d’Annecy-le-Vieux, les deux auteurs pensent qu’elle ne se « réfèrent sans doute qu’à une limite féodale, celle du mandement du château de Menthon » reprenant ainsi l’opinion de Charles Marteaux. Leur interprétation est sans doute due au fait qu’il n’existe pas de grands espaces de pâturages de part et d’autre du monolithe mais la présence voisine de la prairie de Talabar, (peut-être en ignoraient-ils l’existence) qui devait sans doute être dans le passé de taille beaucoup plus importante qu’aujourd’hui va en l’encontre de cette interprétation. L’hypothèse selon laquelle la Pierre Margeriaz serait une pierre marquant la limite d’utilisation de la prairie de Talabar n’est donc pas à rejeter. Il serait intéressant de mener sur le site une reconnaissance pour tenter de définir la taille qu’aurait pu prendre la prairie à une période de fort développement pastoral.
C’est un pays de montagne Mettez vos pas dans mes pas, Mes chers amis, soyez purs Soyez fin comme la neige On entend siffler déjà L’ombre d’un hiver futur; C’est bien plus haut qu’on ne pense, Vous n’êtes pas seuls, suivez Suivez-moi; où êtes-vous ? C’est bien plus haut qu’on ne pense C’est un pays de silence Celui qui parle est perdu
Norge
J’ai pris la liberté de changer le titre original de ce poème de Norge qui reprenait les trois premiers mots du premier vers en le remplaçant par le vers final que je trouve plus à même d’exprimer l’ambiance et le contenu du poème.
°°°
–––– Connaissez-vous Norge ? –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Norge, de son vrai nom Georges Mogin, est né à Bruxelles en 1900 d’un père descendant d’un huguenot ayant fui la France après la révocation de l’Edit de Nantes et d’une mère allemande (il aura les deux nationalités belge et allemande et les deux cultures). Il publie son premier recueil de poèmes en 1923 sous le nom de « Géo Norge » et connait jusqu’en 1936 une première période de production littéraire intense faisant partie d’un groupe avant-gardiste et s’occupant d’édition. Après la guerre, il s’installe en Provence et deviendra antiquaire en 1954 à Saint-Paul de Vence. Commence alors sa seconde période de production littéraire intense qui durera jusqu’à sa mort survenue à Mougins en 1990. Il a reçu en 1958 le prix triennal de poésie de la Communauté française de Belgique pour son recueil Les Oignons, en 1969 l’Aigle d’or de la poésie au premier festival international du livre à Nice, en 1970 le prix quinquennal de littérature de la Communauté française de Belgique, en 1971, le premier prix littéraire belgo-canadien et en 1985, le prix de la Critique pour Les Coq-à-l’âne.
Sa poésie revêt une grande diversité de formes et atteint souvent une dimension métaphysique en utilisant néanmoins un langage simple, minimaliste souvent empreint d’humour. Je ne résiste pas à vous présenter trois citations et aphorismes qui illustrent parfaitement sa personnalité et son style :
La fraise des bois : « Aubin cueillait des fraises dans les bois. — Baste, une femme nue, dit-il tout d’un coup. C’est ici que ça pousse; je me demandais bien. Elle venait à lui, souriante et légère. Ils eurent beaucoup d’enfants et Aubin dut trimer comme un nègre. »
Le nain : « Ce qu’il y a de grand chez le nain, c’est son regard. D’ailleurs. le nain n’est pas petit, ça se voit, il est comprimé; il pourrait devenir très grand. Oui, mais son cœur est petit. Tu crois ? Et puis, pourquoi parler toujours de taille ?
L’ordre : « Je mets beaucoup d’ordre dans mes idées. Ça ne va pas tout seul. Il y a des idées qui ne supportent pas l’ordre et qui préfèrent crever. À la fin, j’ai beaucoup d’ordre et presque plus d’idées.
la maison « Eel Nest » à Echo Park Los Angeles, CA, USA
Données
Maître d’œuvre : Anonymous Architectes – Simon Storey
charge de projet : Ben Warwas
localisation : Echo Park, Los Angeles, CA, USA
Surface de plancher : 960 pieds carrés (environ 89 m²)
Surface du terrain: 780 pieds carrés (environ 72 m²)
Chambres : 2 – Salle de bain : 1
Fin des travaux : mars 2011
Entrepreneur : Armex construction, Los Angeles
photographies : Steve King et Elisabeth Daniels
°°°
la maison « Eel Nest » dans son quartier
Présentation
Cette maison aurait pu être édifiée au Japon : on retrouve en effet dans ce projet les caractéristiques habituelles des maisons contemporaines japonaises : simplicité formelle, pragmatisme dans les solutions techniques adoptées pour résoudre les problème posés par le site et le programme. Le nom de la maison « Eel Nest », (nid d’anguilles) est d’ailleurs le nom donné au japon aux parcelles résiduelles d’à peine cinq mètres de largeur que l’on trouve en ville et dont l’étroitesse rend la construction difficile. C’est ainsi que la maison conçue l’agence d’architecture Anonymous Architectes a une largeur de seulement 4,5 m. Le quartier de Echo Park est un quartier résidentiel situé au nord de la ville bâti sur un site vallonné. L’architecture y est disparate avec une majorité de constructions avec toitures en pente dont beaucoup font référence au style hispanique. Le terrain était primitivement occupé par une petite bâtisse construite en 1929 qui a été démolie à l’exception des murs du sous-sol qui ont été intégrés à la nouvelle structure. Pour répondre au programme de surface fixé sur un terrain aussi étroit les architectes ont développé la maison sur trois étages et pour économiser l’espace ont supprimé les couloirs à l’intérieur du bâtiment.
L’entrée s’effectue au rez-de-chaussée par le volume semi-enterré conservé de l’ancienne maison dans lequel ont été aménagés un petit vestibule et un garage. Du vestibule un escalier permet l’accès au niveau 1 qui abrite l’espace séjour et la cuisine ouverte qui s’ouvrent par de grandes baies vitrées sur l’espace de la rue et sur le jardin. L’escalier a été traité en claire-voie pour ne pas réduire visuellement l’espace du séjour. Le niveau supérieur est celui des chambres (au nombre de deux) et de l’unique salle de bains. L’escalier continue sa course vers la toiture terrasse aménagée en solarium. Les grandes baies vitrées des façades et la limitation des surfaces de cloisonnement permettent à la lumière d’entrer à profusion et offrent des vues variées sur la ville. Parce que la maison est construite en limites de propriété, le code de l’urbanisme exigeait que ses façades soient classées coupe-feu. Pour résoudre ce problème, les architectes ont revêtu la maison d’un enduit ciment pour améliorer la résistance au feu.
L’entrée de la maison et l’escalier d’accès au premier étage
niveau 1 : l’espace séjour et la cuisine ouverte
niveau 1 : l’espace séjour avec sa grande baie vitrée et l’escalier à claire-voie
niveau 2 : la chambre côté jardin et la salle de bains
niveau 3 : la toiture terrasse aménagée et son escalier d’accès. De la terrasse, on domine Los Angeles et la vue porte jusqu’au montagnes de San Gabriel et jusqu’au signe mythique d’Hollywood.
« Le voyageur immobile : où je vais personne ne va, personne n’est jamais allé, personne n’ira. J’y vais seul, le pays est vierge et il s’efface derrière mes pas. Voyage pur. Ne rencontrer les traces de personne. Le pays où les déserts sont vraiment déserts » Jean Giono
Sur le site Babel, Littératures plurielles, Jacques Le Gall, Maître de conférences en langue et littérature françaises à l’Université de Pau et des Pays de l’Amour, analyse les rapports qu’il qualifie de « quasi filiaux » qui unissent Jean Giono, « rêveur des montagnes » avec les Alpes, qu’elles soient réelles ou imaginaires. Nous ne présentons ici que les textes de Giono en référence à la montagne qui illustrent le propos de l’auteur. Nous invitons le lecteur à ce reporter sur le site Babel (c’est ICI) pour prendre connaissance de l’article complet.
« La montagne est ma mère. Je déteste la mer, j’en ai horreur »
« Certes, ce n’est pas après avoir été un montagnard pur-sang qu’à soixante-neuf ans on va s’improviser marin. Ce n’était pas mon intention. Je ne suis pas fou. La montagne m’a appris l’humilité et m’a donné la mesure de mes moyens. Non, mais ce que de toute façon je refusais, c’était la trempette et la plage, ces nurseries à pingouins qui ourlent le bord des mers. Ajoutons que je ne sais pas nager. » (« La mer », p. 151)
« il y a moins d’imbéciles au-dessus de trois mille mètres qu’au niveau de la mer »
Je ne regarde jamais du côté du sud-ouest où est Marseille et la mer, cet horrible papier de verre qui gratte les rochers, les corps et les âmes. (Voyage en Italie, VIII, 537)
Manosque et le Mont d’Or (à gauche) et la vieille ville vue du Mont d’Or
Le Mont d’Or sur les pentes duquel il a vécu de 1930 jusqu’à la fin de sa vie : « Ce beau sein rond est une colline »
Vue sur la montagne de Lure depuis Revest-Saint-Martin
« Lure, calme, bleue, domine le pays, bouchant l’ouest de son grand corps De montagne insensible. Des vautours gris la hantent. Ils tournent tout le jour dans l’eau du ciel, pareils à des feuilles de sauge. Des fois, ils partent pour des voyages. D’autres fois, ils dorment, étalés sur la force plate du vent. Puis, Lure monte entre la terre et le soleil, et c’est, bien en avant de la nuit, son ombre qui fait la nuit aux Bastides. » (Colline, I, 128)
« L’homme a toujours le désir de quelque monstrueux objet. Et sa vie n’a de valeur que s’il la soumet entièrement à cette poursuite. » (Pour saluer Melville, III, 4).
Ainsi, pendant toute ma jeunesse, j’ai eu cette montagne à conquérir. Elle fuyait devant mon pied comme une bête pourchassée ; elle se cachait sous les brumes, dans les nuages du ciel et dans les nuages de feuilles de la terre. Plus d’un soir, après la poursuite, haletant de tout un jour de chasse, je me suis surpris à écouter dans les chênaies comme le bruit d’une fuite : le bruit d’un monstre qui fuyait devant moi en écrasant les feuillages. » (Présentation de Pan, I, 758)
montagne de Lure
Lure ! J’écoutais le son du mot, j’écoutais le mot tinter sur l’écho du mur, et, aussitôt, la tête pleine d’herbages, le jeu recommençait. Lure ! […] Je me revois dans cette écurie abandonnée, rue de la vieille Boucherie. Je suis allongé sur le sable. J’écoute : Lure ! Je suis sur les aires, et c’est un soir de vent. Je dresse ma blouse comme une voile et je navigue entre les gerbiers. J’invente toute une odyssée avec des monstres, des ports aux bras ouverts, de bonnes îles mamelues comme des nourrices. […] Lure ! Me voilà hanté par ce mot. (Présentation de Pan, I, 756-757)
J’avais pris la canne de mon père et je marchais du pas des pionniers. Je voulais sortir de ce trou d’herbes où la ville ronronnait au chaud, me hausser sur le dos de chèvres des collines, et voir… voir ce pays d’au-delà. Le ciel, là-bas, était pareil à de l’eau claire. (Présentation de Pan, I, 757)
Manosque – la houle échevelée des collines…
Je ne vis pas Lure ce jour-là ; ni les jours d’après ; ni de longtemps. Mais, peu à peu, me devint familier tout le pays sauvage des crêtes, des vals solitaires, et ce grand cratère poilu dans lequel bout la houle échevelée des collines à perte de vue. Entre moi et Lure il y avait encore ça ! (Présentation de Pan, I, 757)
Alors, un beau matin, sans rien dire, la colline me haussa sur sa plus belle cime, elle écarta ses chênes et ses pins, et Lure m’apparut au milieu du lointain pays. Elle était vautrée comme une taure* dans une litière de brumes bleues. (Présentation de Pan, I, 759)
À Manosque, je vais toujours me promener vers l’est pour, au tournant des collines, voir apparaître dans l’échancrure de la vallée de la Durance le vaste bol d’opaline bleue où sont entassés les énormes morceaux de sucre des Alpes. La vue des glaciers et des pâturages à chamois suffit à embraser ma respiration et mon sang. Je ne regarde jamais du côté du sud-ouest où est Marseille et la mer, cet horrible papier de verre qui gratte les rochers, les corps et les âmes. (Voyage en Italie, VIII, 537)
Jean Giono
C’est d’ailleurs un peu pour cette raison que j’ai choisi le passage du Mont-Genèvre. Aborder l’Italie par la mer, c’était l’aborder écorché vif. Il fallait longer d’abord toute cette Côte d’Azur si vulgaire, et suivre ensuite, tout autour du golfe de Gênes, les rivières du Ponant et du Levant. Cela faisait beaucoup trop de papier de verre, de râpe à fromage, de kilomètres de femmes à poil en train de sécher. […] Il me fallait d’abord ces espaces retentissants et déserts qui précèdent les montagnes, puis monter et respirer enfin cet air argenté et limpide, dominer de brunes étendues. J’ai toujours détesté la foule. J’aime les déserts, les prisons, les couvents ; j’ai constaté aussi qu’il y a moins d’imbéciles à trois mille mètres d’altitude qu’au niveau de la mer. (Ce sont évidemment les réflexions d’un homme de cinquante-sept ans, resté timide et peu doué pour la galanterie, avec tous les regrets que ce triple état comporte.) Rien ne me prédispose plus au bonheur que les avenues qui entrent dans les Alpes. Je suis alors comme une chaumière illuminée ; mes yeux flambent. (Voyage en Italie, VIII, 537-538)
Les montagnes étaient sans aucune gentillesse. […] Dès la première pluie de septembre le froid saisissait tout le pays et la deuxième pluie s’abattait silencieuse, en neige. Ce n’était pas une belle neige. Son blanc n’était jamais joyeux. […] Même par les jours les plus clairs, dès qu’on était entré dans le bouclier d’Orion, on ne pouvait plus voir le soleil. Il ne dépassait plus les crêtes du grand Bérard, il circulait là-bas, derrière, passant d’une montagne à l’autre, sans plus jamais darder dans les fonds. Dormait alors dans ces fonds une brume constante qui étouffait non seulement la lumière et les bruits, mais déformait la vision du monde. […] De ces hivers, le village sortait émacié et noirâtre. Le bain de brouillard imbibait les murs avec des planches qui pourrissaient bien entendu et donnaient au printemps une odeur de champignon et de sciure de bois. […] Ce pays sévère, et dont il fallait aller chercher la tendresse au fond de mille souvenirs, était habité par une humanité énorme et gauche qui parlait à peine et employait tout son poids à s’obstiner sans discernement ni choix. (Hortense,V, 812-813)
Giono en montagne – photo André Caspari
Aujourd’hui la première neige tombe. La fenêtre est pleine de brume. Près de mon lit est une meurtrière étroite ouverte juste à la hauteur de mon visage quand je suis couché et dans laquelle s’inscrit, exactement, un long peuplier d’Italie tout doré, luisant dans le brouillard comme un émail. (9) Ciel en ailes d’ange comme celui de Melville. (14) Des brumes dorées sur la montagne vêtue de bure. (48) Montagne de l’est pure et virginale sous un ciel florentin de lapis-lazuli où monte, régulière, la lumière dorée. (49) Volontaire pour la corvée de bois à 5 kilomètres dans la forêt de mélèzes. Ébloui par la splendeur du paysage et de la marche sur le chemin. Les aiguilles mortes de mélèzes cimentées de gel rendent la gelée rose par l’ardeur de leur parure. Sur ce rose, la mousse verte compose une harmonie de miniature persane. (53) Temps d’hiver limpide et cristallin. Les arbres nus sont en or. (57) La lumière de ce pays est très belle. Aussi belle que la lumière de nos collines magiques. (63)
Le soleil qui frappe en plein dessus doit l’inonder et elle doit être en face de toute la liberté des montagnes. (38) Quel bonheur si je pouvais être isolé de tous et de tout. Il y a, paraît-il, de là-haut une vue admirable. J’imagine une cellule et la petite fenêtre ouverte sur la splendeur de cent kilomètres de montagne libre. Ma table, mes papiers, mon travail, quelques livres et sentir l’oubli tourner en rond autour de moi comme les cercles qui s’élargissent sur l’eau. Et le silence. (31-32) Si je pouvais avoir ma Chartreuse là-haut dans le vieux fort de Vauban. (34) La montagne est de bronze et de bure comme un gros moine guerrier accroupi sous ses armes et sa robe. J’aurais envie de calme et de paix, de travail et d’amour. […] Être aux prises avec des combats gigantesques de mots, d’idées, de pathétique et de tendresse. Abolir et créer. Énorme appétit de corps et d’esprit. (59-60)
En 1934-1935, nous avons été parfaitement heureux, Elise et moi, dans cette région. Nous avions loué à une Mme Dupont quatre grandes pièces dans une vaste maison à allure de couvent au hameau des Queyrelles. Nous étions en face de la ville de Briançon, la dominant de peu mais assez pour l’avoir sous nos yeux, semblable à une vieille estampe avec ses remparts et ses portes. Assis dans le verger clos de murs qui donnait à la maison son caractère de chartreuse retirée si chère à mon cœur, je voyais les mulets bâtés passant les ponts-levis à côté de paysans noirs et de soldats bleus. Les hêtres de la montagne venaient en troupe jusqu’à la fontaine publique où nous allions chercher l’eau de la soupe. Tout de suite au-dessous de nous grondait doucement la Clarée et son confluent dans la Durance. Les nuits étaient bercées du bruit de ces eaux animées sur des pentes encore aimables. Juste avant l’aube, les peupliers se mettaient à bruire plus fort que les torrents dans le vent du Lautaret. Nous commencions tous nos matins en mettant sur notre phono les Concertos brandebourgeois de Bach. D’excellents amis venaient partager nos repas. Lucien Jacques habitait avec nous (nous prîmes par la suite l’habitude, lui et moi, d’aller cueillir dans les prés ces petits champignons roses qui font les « ronds de sorcière », et à force d’en manger nous eûmes des hallucinations fort inquiétantes. Elles nous saisissaient éveillés.) Je travaillais dans un grenier sombre et sonore, hanté de grands meubles ; je n’ai jamais su lesquels, il y avait cependant un lutrin énorme. Aline, grave et fine, usait de son visage italien pour faire ses amitiés d’enfant avec les oiseaux du verger (aussi avec les fourmis et les scarabées cétoines). Sylvie, gorgée de lait, mûrissait sans à-coup, grasse et belle dans son berceau. Elise se brisa la cheville un matin que nous allions camper au clos des Cavales. (Voyage en Italie, VIII, 539)
Giono a connu Briançon lorsqu’il a fait son service militaire en 1915-1916 au célèbre “Quinze-neuf”, le régiment d’infanterie alpine de Briançon. Il loge au “château”, au deuxième étage, dominant le pont d’Asfeld, lieu emblématique pour le futur écrivain, tout comme le fort de l’Infernet et la citadelle de Briançon, “semblable à une vieille estampe”. Il retrouve la plus haute ville d’Europe pour des vacances familiales en 1936-1937 aux Queyrelles : “Nous avons été parfaitement heureux, Élise et moi, dans cette région…” (Voyage en Italie). Une phrase très musicale évoque ces vacances et le doux grondement de la Clarée : “Les nuits étaient bercées du bruit de ces eaux animées sur des pentes encore aimables”.
Vallée de la Clarée : le village de Plampinet vers 1900
» J’aime particulièrement le Trièves. Cette pleine tourmentée qui s’étend en triangle sous l’Obiou et le Grand Ferrand. Je suis à pied d’œuvre pour mes marches dans la montagne. Et puis j’aime la vie avec ces paysans âpres et doux. » ( Lalley – 1935).
» J’arrive de Lalley. Le contact des montagnes m’a réjoui le cœur. Je suis comme éclairci de l’air respiré. Edith Berger est là toute seule devant une prairie pleine de grillons. Tout est si bien, fleurs, herbes, et chants d’insectes… » (Journal 7 juin 1935.)
J’allais à Prébois. Le car me laissa à la croisée des chemins. Il me restait trois kilomètres à faire à pied, mais j’étais enfin revenu dans les montagnes. […] Je commençais à descendre vers le village. J’étais enfin dans la maison désirée des montagnes. J’étais enfin dans le cloître des montagnes, seul dans ces grands murs de mille mètres d’à-pic, dans les piliers des forêts. Maison sévère, milliard de fois plus grande que moi, juste à la mesure de mes espoirs, me contenant avec ma paix, ayant une paix faite d’ombre, d’échos, de bruit de fontaines. Richesse austère de tous les cloîtres. Acheter la compagnie de dieu. Il marche avec moi le long des couloirs. L’enseignement du silence. […] C’était dans une sombre cellule, entre le haut pilier du Jocond tout verduré de prairies verticales et la paroi du Ferrand. Ainsi, cette construction-là, avec ses quatre énormes montagnes où s’appuie le ciel ; cette haute plaine du Trièves cahotante, effondrée, retroussée en boule de terre, cette haute plaine du Trièves tout écumante d’orges, d’avoines, d’éboulis, de sapinières, de saulaies, de villages d’or, de glaisières et de vergers ; son tour d’horizon où les vents sonnent sur les parois glacées des hauts massifs solitaires ; ses escaliers éperdus qui montent dans le ciel accompagnés d’éclairs et d’arceaux de lumière jusqu’à de vertigineux paliers, ce constant appel de lignes, de sons, de couleurs, de parfums, vers l’héroïsme et l’ascension, cette construction : c’est le cloître, c’est la chartreuse matérielle où je viens chercher la paix. Elle ne m’a jamais demandé d’efforts préalables : elle m’a toujours accueilli avec mon entier appareil passionnel. Elle ne m’a jamais imposé de sacrifices, elle me les rendus nécessaires. Elle m’a toujours pris raboteux et plein de nœuds et de colères et elle m’a toujours après laissé glisser de nouveau dans le monde lisse et vif comme une navette de tisserand. J’arrive, mes montagnes ! Fermez la porte derrière moi ! (L’Eau vive, III, 187-189)
Le Trièves
– Le vide s’ouvrit brusquement devant eux, arrondissant comme une roue de plumes de paon. L’air du gouffre était gluant ; il collait contre le corps, […]. Il poussait des doigts de colle jusque dessous, jusqu’à la peau. Il tirait vers lui (Batailles dans la montagne, II, 1087). – On ne pouvait guère regarder d’aplomb en bas au fond ; il ne fallait pas laisser l’œil s’attacher : on sentait tout de suite que ça vous tirait comme si on avait deux crochets de fer dans la tête et avec une force qui tout d’un coup vous mettait en poudre. (II, 1090). – L’eau de Sourdie, en bas au fond, sombre comme un serpent de fer, se lovait en sinuosités violentes et lentes, bousculant ses rives de rocher, ses monstrueuses forêts et ses glaces, éperdument libérée dans une sorte de farouche volonté de séduire. (II, 1091).
Le col de Menet, on le passe dans un tunnel qui est à peu près aussi carrossable qu’une vieille galerie de mine abandonnée et le versant du Diois sur lequel on débouche alors, c’est un chaos de vagues monstrueuses bleu baleine, de giclements noirs qui font fuser des sapins à des, je ne sais pas moi, là-haut, des glacis de roches d’un mauvais rose ou de ce gris sournois des gros mollusques, enfin, en terre, l’entrechoquement de ces immenses trappes d’eau sombres qui s’ouvrent sur huit mille mètres de fond dans le barattement des cyclones. (Un roi sans divertissement, III, 456)
Il y avait d’abord une sorte de petit palier de deux cents à trois cents mètres de largeur entre le rebord de la falaise et l’étagement d’un extraordinaire massif de montagnes entièrement minérales de la base au sommet. Au-delà des premiers contreforts, Noël Guinard pouvait voir en regardant presque perpendiculairement au-dessus de lui se perdre très haut dans le ciel le sommet triangulaire et neigeux du volcan de Tristan. (Fragments d’un paradis, III, 935)
La plupart du temps il n’assura sa sécurité que par la moitié de ses orteils et la moitié de ses mains, il gardait cependant dans cette escalade le temps de regarder paisiblement à droite et à gauche, et parfois même de rêver. (Fragments d’un paradis, III, 938)
Il était impossible maintenant de se rendre compte s’il continuait à marcher sur une terre réelle. À part l’essoufflement de la montée, qui l’obligeait de s’arrêter de temps en temps, il aurait pu s’imaginer qu’il était en train de marcher sur le plancher d’une étroite chambre fermée tant le silence était pesant de chaque côté. (Fragments d’un paradis, III, 942)
À partir de ce moment-là, il resta si strictement immobile qu’au bout de très peu de temps le sang commença à se retirer de ses doigts et de ses pieds. Les extrémités de ses membres glacés étaient pleines de fourmillements ; il s’obstina avec effort à ne pas bouger et bientôt il n’eut plus envie de bouger : les fourmillements avaient cessé et ses membres s’étaient perdus dans du froid de glace. Tout son corps, par contre, et surtout l’endroit de son cœur, de son poumon et de son ventre, était rempli d’une prodigieuse chaleur. Une vie entièrement rouge, qu’il avait l’impression de voir comme à travers un globe de verre, le remplissait. Il put peu à peu ouvrir ses yeux sans redouter la souillure des taches vertes et rouges des feux de position. Elles étaient définitivement passées du côté des étoiles. Il avait définitivement réussi à faire disparaître le monde autour de lui. Il n’eut pas besoin de bouger pour sentir que son sang brûlant recommençait à couler vers ses mains et ses pieds, et peu à peu il le sentit se glisser le long de tous ses doigts et remplir toute sa peau d’une vie nouvelle qui s’en alla battre jusqu’aux frontières les plus éloignées de son cœur. (Fragments d’un paradis, III, 943-944)
Tout le temps que le transbordement des étoiles se fit d’ouest en est, Guinard resta parfaitement immobile. Il suivit toutes les variations les plus légères du grésillement de braise qui emplissait le ciel. Il n’avait pas besoin de tourner la tête ; dès qu’une constellation surgissait de l’est, il en était prévenu tout de suite, comme de l’arrivée d’une très belle voix dans un chœur. Il l’entendait prendre sa place au milieu de la chanson générale des étoiles, et la modification qu’elle y apportait finissait par se transformer en une nouvelle phrase de l’ordre général des choses. (Fragments d’un paradis, III, 945)
Et notre homme monte à Champéry, et il monte aussi à Clusanfe et le voilà aux Granges (qui ne sont rien – mais il n’a besoin de rien) et le voilà près de Salvan (mais avec cette brume, il ne voit pas la moitié de ses misères) dans un canton où il faut tourner sept fois son pied avant de faire un pas. À tâter les bruits, avec les oreilles en éventail, on dirait qu’il y a des précipices un peu partout. Il est tiré d’embarras par une vieille femme qui sort de la brume et le guide. Avec celle-là aussi, il parle « fleuri à l’envers » pendant qu’ils cheminent. Elle lui a donné un coin de son tablier à tenir. (Le Déserteur, VI, 204)
Cette bise a d’ailleurs dépouillé tout le pays de son brouillard, le ciel est bleu foncé et, malgré le froid vif, l’automne donne un de ses beaux jours, doré comme un abricot. (Le Déserteur, VI, 205)
Giono en montagne – photo André Caspari
Ce jour-là, la première neige a fait son apparition. Elle n’en est pas encore aux chutes lourdes, pour le moment, elle volette en poussière dans un soir d’un calme extraordinaire : pas un souffle d’air ; tant de silence qu’on entend le bruit léger que fait cette impalpable farine en tombant. (Le Déserteur, VI, 215)
– Me voilà revenu dans l’abri silencieux et pur des montagnes. – J’étais enfin dans la maison désirée des montagnes. – J’arrive, mes montagnes ! Fermez la porte derrière moi ! – Je viens de finir Que ma joie demeure. Alors Montagnes. – Délices de la pluie dans la montagne. – Oh, le Thibet ! Si je peux j’irai passer une partie de l’hiver dans la montagne. Seul. Du côté du Valgaudemar. Avoir froid, seul dans le silence ! Quelle perspective de bonheur qui semble irréel et irréalisable.
Il est évident que nous changeons d’époque. Il faut faire notre bilan. Nous avons un héritage, laissé par la nature et par nos ancêtres. Des paysages ont été des états d’âme et peuvent encore l’être pour nous-mêmes et ceux qui viendront après nous; une histoire est restée inscrite dans les pierres des monuments; le passé ne peut pas être entièrement aboli sans assécher de façon inhumaine tout avenir. Les choses se transforment sous nos yeux avec une extraordinaire vitesse. Et on ne peut pas toujours prétendre que cette transformation soit un progrès. Nos » belles » créations se comptent sur les doigts de la main, nos » destructions » sont innombrables. Telle prairie, telle forêt telle colline sont la proie de bulldozers et autres engins; on aplanit, on rectifie, on utilise; mais on utilise toujours dans le sens matériel, qui est forcément le plus bas. Telle vallée, on la barre, tel fleuve, on le canalise, telle eau, on la turbine. On fait du papier journal avec des cèdres dont les Croisés ont ramené les graines dans leurs poches. Pour rendre les routes » roulantes » on met à bas les alignements d’arbres de Sully. Pour créer des parkings, on démolit des chapelles romanes, des hôtels du XVIIe, de vieilles halles .Les autoroutes flagellent de leur lente ondulation des paysages vierges. Des combinats de raffineries de pétrole s’installent sur des étangs romains. On veut tout faire fonctionner. Le mot « fonctionnel » a fait plus de mal qu’Attila; c’est vraiment après son passage que l’herbe ne repousse plus. On a tellement foi en la science (qui elle-même n’a foi en rien, même pas en elle-même), qu’on rejette avec un dégoût qu’on ne va pas tarder à payer très cher tout ce qui, jusqu’ici, faisait le bonheur des hommes. Cette façon de faire est déterminée par quoi ? Le noble élan vers le progrès ? Non : le besoin de gagner de l’argent… » (La chasse au bonheur. Il est évident.)