Illustres illustrateurs de la montagne : Samivel (1907-1992)

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Samivel (1907-1992)Samivel (1907-1992)

°°°

Hommage à Samivel par Régis Desmus, Président du Club Alpin Français d’Albertville. 

   Samivel (Paul Gayet-Tancrède) est né à Paris le 11 juillet 1907. Adolescent, il lit les aventures de Mr Pickwick de Charles Dickens. C’est de là qu’il tire son pseudonyme. Il quitte la capitale pour venir en Savoie où il fait ses études au Collège Saint-François de Sales puis au lycée Vaugelas de Chambéry. Il s’arrête au Baccalauréat. Samivel aime l’alpinisme « classique ». Il évolue principalement dans les Alpes et en particulier autour du Val Montjoie où sa mère possède un chalet. Les grandes figures de l’alpinisme de son époque sont les Pierre Allain, Armand Charlet, Edouard Frendo, André Roch, Roger Frison-Roche. D’ailleurs, avec ce dernier, ils ont en commun, outre d’être nés tous les deux à Paris, d’être multi talentueux. En 1936, il faillit participer à la première tentative d’un sommet de plus de 8.000 mètres par une expédition française, au Hidden Peak (appelé aussi K5, dans le Grand Karakoram) conduite par Henry de Ségogne et avec Pierre Allain. Ce serait son ami cinéaste Marcel Ichac qui l’en aurait écarté. Il n’ira pas en Himalaya. Proche aussi de Jean Malaurie avec lequel ils participent à la première expédition française polaire au Groenland en 1948, expédition conduite par Paul-Emile Victor. Samivel part comme cinéaste. En fait, la montagne de Samivel n’est pas celle des héros ; c’est celle de tout le monde, de tout ce monde réunit par la même ferveur envers un univers exceptionnellement beau. C’est probablement pour cette raison que beaucoup se retrouvent à travers ses œuvres et qu’elles paraissent intemporelles. Il écrit beaucoup. Des essais, des nouvelles, des contes et fables, une pièce de théâtre, un roman en 1967 qui frôle le prix Goncourt. Le livre « l’amateur d’abîmes » écrit en 1940 reste incontestablement un classique de la littérature alpine. L’impact de son travail est considérable. Il en est de même pour ses dessins et illustrations. Samivel aime à dire qu’il dessine « pour les enfants de 10 à 80 ans ». On reconnaît un dessin de Samivel au premier coup d’œil. La neige, le ciel, l’espace minéral sont restitués avec magie. Il atteint probablement le sommet de son art avec ses aquarelles. Ce qui est étonnant, c’est que le grand public connaît une partie de ses œuvres sans le savoir, au travers de cartes postales et posters édités par la société haut-savoyarde Mythra. Que ce soit dans ses œuvres littéraires ou picturales, on retrouve fréquemment un mélange d’humour et de poésie. Concernant son humour, s’il peut être drôle, il peut être aussi grinçant ; influence certaine de l’humour satirique britannique. Soulignons que certaines oeuvres apparaissent aujourd’hui comme prophétiques. Samivel est visionnaire. Samivel voyage : Islande, Grèce et Egypte. Il est féru d’histoire. De ses excursions, il rapporte plusieurs films et anime beaucoup de conférences pour le compte de Connaissance du Monde. Dans son domaine de prédilection, la montagne, son film « Cimes et Merveilles », remporte le premier grand Prix International du film de montagne au festival de Trente. Une ode à la protection d’un environnement authentique. 

     Comme son ami l’explorateur Théodore Monod, Samivel est un combattant de la première heure pour la nature et la vie en générale. Il est en lien étroit avec le mouvement Mountain Wilderness pour lequel Samivel déclare, en 1991, que ses missions relèvent de l‘utilité publique. En septembre 2007, le Conseil d’Etat français accorde ce label à l’association. A noter que Samivel fait partie des personnalités qui se battent pour la création du premier parc national français, celui de la Vanoise, en 1963. Il en rédige ses commandements en 1967. Samivel dit qu’il faut se battre à tout prix pour notre environnement naturel. « …Chaque semaine qui passe rend la situation plus critique. Jamais la maxime du comble de l’indifférence : « Après nous le déluge » n’a été si fidèlement appliquée … ». Nous sommes au début des années 70. Autre exemple, dans « l’amateur d’abîmes » : [ … c’est une erreur sociale, un vandalisme et une maladresse aussi de sacrifier impitoyablement les plus beaux paysages au tourisme automatique … ]. Il ne peut être en accord avec une montagne grégaire. Samivel, comme de nombreux artistes peintres, écrivains ou poètes choisit de séjourner à Saint-Paul de Vence. Erudit, Samivel touche-à-tout est inclassable. Ses contemporains, Jean-Yves Cousteau, Haroun Tazieff ont eux un domaine parfaitement repéré. Ils connaissent la célébrité, Samivel, lui, pas véritablement. Il souffre de l’indifférence que lui témoigne alors l’establishment culturel français. C’est une des raisons pour laquelle il lègue une grande partie de ses œuvres au musée Ethnographique de Genève. En Helvétie, Samivel est très connu. Samivel meurt d’une rupture d’anévrisme le 18 février 1992 à Grenoble où il avait un pied-à-terre. Ses cendres reposent aux Dômes de Miage.

Communiqué de presse du 14 janvier 2008 par Régis Desmus, Président du Club Alpin Français d’Albertville.

°°°

Samivel

1250929989

Samivel

Samivel

Samivel

 

Les vraies merveilles ne coûtent pas un centime 

Ici commence la liberté. 
La liberté de bien se conduire.

Voici l’espace, voici l’air pur, voici le silence,
Le royaume des aurores intactes et des bêtes naïves.
Tout ce qui vous manque dans les villes,
est ici préservé pour votre joie.

Enterrez vos soucis et emmenez vos boites de conserves.
Les papiers gras sont les cartes de visite des mufles.

Ouvrez vos yeux et vos oreilles fermez vos transistors.
Pas de bruit de moteur inutile, pas de klaxons.

Écoutez les musiques de la montagne.

Récoltez de beaux souvenirs, mais ne cueillez pas les fleurs.
N’arrachez surtout pas les plantes : il pousserait des pierres.
Ne mutilez pas les fleurs, marchez sur les sentiers.

Il faut beaucoup de brins d’herbe pour tisser un homme.

Oiseaux, chevreuils, lapins, chamois,
Et tout ce petit peuple de poil et de plume
ont désormais besoin de votre amitié pour survivre.
Déclarez la paix aux animaux timides.
Ne les troublez pas dans leurs affaires
L’ennemi des bêtes est l’ennemi de la vie.

Afin que les printemps futurs réjouissent encore vos enfants !

Samivel

 °°°

Samivel - Fond du fjord de Quervin, Groenland, 1949

Samivel – Fond du fjord de Quervin, Groenland, 1949

Samivel - Front de glacier au Groenland, 1949

Samivel – Front de glacier au Groenland, 1949

Samivel - Le Grand Soir, 1930

Samivel – Le Grand Soir, 1930

 

Samivel - Brouillard, 1950

 Samivel – Brouillard, 1950

°°°

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

3 réflexions sur « Illustres illustrateurs de la montagne : Samivel (1907-1992) »

  1. fjord de Quervin > fjord de Quervain.
    Contamination du Cervin?
    Le fjord a été nommé en l’honneur d’Alfred de Quervain (1879-1927), explorateur, météorologue et glaciologue suisse, deuxième traversée de l’inlandsis du Groenland en 1912, initiateur de la station de recherche du Jungfraujoch, etc.
    Cf. par exemple http://www.scnat.ch/downloads/Portrait_Quervain_f_def.pdf
    Par ailleurs Samivel, outre l’Amateur d’abîmes et les Contes à pic, est aussi l’auteur d’un roman prophétique sur, comment dire, la confiscation de la montagne par les stations de ski et leurs promoteurs: Le fou d’Edenberg, Albin Michel, 1967. Non réédité, malheureusement (et malgré quelques tentatives).
    Ce fut aussi un pionnier dans le découpage visuel en BD avec Bonshommes de neige, 1947. Très novateur pour l’époque!

    • Merci pour ces précisions. Cet article sur Samivel sera suivi par d’autres. Je m’intéresse en particulier aux influences exercées par la peinture japonaise sur sa technique picturale. Enki

      • La seule fois où je l’ai rencontré un peu longuement (interview), je lui avais posé des questions sur sa technique de l’aquarelle, en faisant moi-même alors sans réussir à obtenir des dégradés aussi parfaits. Il ne m’avait pas vraiment répondu, mais en tout cas n’avait fait aucune allusion au Japon.

Laisser un commentaire