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John Muir (1838-1914)
« Encore une de ces magnifiques journées de la Sierra, au cours desquelles on a l’impression de se dissoudre et d’être absorbé, puis envoyé tout palpitant on ne sait trop où. La vie ne semble ni longue ni courte, et nous ne songeons pas plus à gagner du temps ou à nous dépêcher que les arbres et les étoiles. Voilà la véritable liberté, voilà une excellente et pratique sorte d’immortalité. » 13 juin 1869
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–––– le contexte politique et culturel des Etats-Unis entre 1820 et 1900 –––––––––––––––––––––––––––
Au XIXe siècle, après la défaite militaire de l’Espagne, la cession des terres française par Napoléon et la défaite du Mexique, l’Amérique est engagée dans la conquête de l’ouest. C’est la ruée vers le Pacifique, surtout depuis que de l’or a été trouvé en Californie. En échos aux discours nationalistes qui accompagnent cette avancée et en prélude à l’appropriation coloniale des terres et à l’extraction de leurs ressources, la représentation peinte ou photographique des paysages de l’ouest qualifiés de sauvages et de sublimes devient à la mode et nombre de peintres ont recours aux « prospects », « vistas » et autres échappées visuelles pour les représenter. C’est ce que l’historien de l’art américain Albert Boime a appelé « the Magisterial Gaze » le « Regard magistral », vision impérialiste que les américains de l’est portaient, depuis les hauteurs ou promontoires, sur le paysage convoité. Les tableaux réalisés par les peintres qui exaltent le caractère sublime des paysages n’invitaient pas seulement à la contemplation ; ils constituaient en fait la retraduction esthétisée de l’idéologie nationaliste et conquérante de la « Manifest Destiny » la « Destinée Manifeste », idéologie défendue par les républicains-démocrates dans les années 1840, plus particulièrement par les « faucons » sous la présidence de James Polk. selon laquelle la nation américaine avait pour mission divine de répandre la démocratie et la civilisation vers l’Ouest.
Albert Bierstadt – Yosemite Valley, 1866
Les formes géologiques remarquables nouvellement découvertes dans les territoires de l’ouest sont magnifiées dans les tableaux dont les techniques de représentation sont directement inspirés des styles promus par le peintre Thomas Cole au sein du groupe informel de l’Hudson River School ou par l’école plus tardive dite du « lumininisme« . Les peintre se rattachant à l’Hudson River School étaient influencés au début du XIXe siècles par les mouvements romantique et naturaliste alors en vogue en Europe et s’attachaient, sur des toiles de grandes dimensions, à représenter le caractère sublime de la nature américaine d’une manière fortement idéalisée, empreinte d’un élan de transcendance religieuse et mystique et la montrant soit totalement vierge, soit au contraire transformée harmonieusement par l’occupation humaine. Pour ces peintres la magnificence et l’opulence de la Nature américaine et la beauté sublime de ses paysages permettaient de l’assimiler au Paradis originel et était la preuve de la manifestation de l’intervention divine. Le mouvement un peu plus tardif du luminisme né au milieu du XIXe siècle apparaît comme plus réaliste et contemplatif, il tempère cette vision mystique de la nature au profit d’une représentation moins grandiose et plus intime, aux tonalités plus douces, en travaillant sur le rendu d’atmosphères lumineuses intégrant des effets très élaborés de lumière directe ou indirecte créée par des reflets sur la surface de l’eau. Leur technique, très élaborée et forgée dans les écoles européennes notamment celle de Dusseldorf qui accueillait alors de nombreux peintres américains, permettait de représenter des scènes réalistes de manière extrêmement détaillée dans lesquelles, un peu à la manière de nos hyperréalistes actuels, la trace du travail du pinceau était rendue pratiquement invisible.
Albert Bierstadt – The Rocky Mountains, Lander’s Peak, 1863 – Ce tableau fut acheté par le magnat des chemins de fer James McHenry pour 25 000 dollars. Sa composition est parfaitement équilibrée et révèle de nombreux détails ethnologiques.
Parmi les peintres qui se sont consacré à la représentation des paysages de l’ouest et en particulier de la vallée du Yosemite et de la Sierra Nevada, on citera le peintre d’origine allemande Albert Bierstadt (1830-1902), formé à Düsseldorf, l’un des derniers représentants de l’Hudson River School mais également fortement influencé par le luminisme, qui participa en 1858 à la reconnaissance des Montagnes Rocheuses par l’expédition du Colonel Lander effectuée pour le compte de compagnies ferroviaires, voyagea de nouveau dans l’ouest en 1859 en compagnie d’un arpenteur du gouvernement américain, puis en 1863 en compagnie de l’écrivain Fitz Hugh Ludlow. La même année il demande à William Byers, fondateur du journal de Denver, le Rocky Mountain News, de lui servir de guide, pour une expédition d’Idaho Springs, vers le sommet du Mont Evans, qui sera d’abord appelé Mont Bierstadt, puis Mont Rosalie. Il s’établir à San Francisco en 1870 à partir de laquelle il entreprit de nouveau voyage dans la région en 1871 et 1873. Ses paysages de l’Ouest américain sont détaillés, grandioses parfois écrasants.
Albert Bierstadt – A Storm in the Rocky Mountains, Mt. Rosalie, 1866 – Google Art
Thomas Moran – Bridalveil Falls, Yosemite Valley, 1904
Un autre peintre a accompagné l’une expédition de reconnaissance de l’ouest; il s’agit du peintre d’origine anglaise Thomas Moran (1837-1926), parti sous l’égide de l’United States Geological and Geographical Survey of the Territories dans la région du Yellowstone. Influencé par le style de l’Hudson River School, ce peintre découvre la peinture de Turner et effectuera un voyage à Londres en 1862 pour approfondir sa connaissance des techniques picturales de ce peintre dont l’influence sera décisive dans le choix des couleurs et la composition des paysages qu’il peindra après cette date. Certains tableaux offrent des variations de couleurs et un rendu quasi-abstrait des scène représentées. C’est le cas notamment des tableaux représentant le Grand Canyon du Yellowstone et de la Cascade de Bridal Veil, dans la vallée de Yosemite. Ses représentations des paysages de l’Ouest américain furent déterminantes pour la création du parc national de Yellowstone. Ses peintures qui avaient saisi la grandeur et la diversité des paysages de Yellowstone furent en effet présentées au Congrès américain dans un but pédagogique et démonstratif par les initiateurs du projet de parc. La création des parcs naturels protégés de Yellowstone en 1872 et de Yosemite en 1890 instaura le paysage en élément fédérateur de l’identité américaine et éleva la peinture de paysage au rang d’école nationale.
Thomas Moran – Grand Canyon of the Yellowstone, 1872
Thomas Moran – Domes of the Yosemite, 1904
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