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John Muir (1838-1914)
« Encore une de ces magnifiques journées de la Sierra, au cours desquelles on a l’impression de se dissoudre et d’être absorbé, puis envoyé tout palpitant on ne sait trop où. La vie ne semble ni longue ni courte, et nous ne songeons pas plus à gagner du temps ou à nous dépêcher que les arbres et les étoiles. Voilà la véritable liberté, voilà une excellente et pratique sorte d’immortalité. » 13 juin 1869
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En mars 1868, un homme se retrouve à San Francisco, seul, désœuvré et un peu perdu. Il devrait se trouver pour l’heure en Amérique du sud en pleine forêt vierge pour explorer les sources de l’Amazone mais une crise de paludisme l’a bloqué en Floride et fait renoncer à son voyage. Hélant un passant sur le trottoir, il lui demande quel est le chemin le plus court pour sortir de la ville – Mais pour aller où ? demande son interlocuteur – Pour n’importe quel endroit, pourvu qu’il soit sauvage, lui réponds l’homme. Cet homme, c’est John Muir, Il est né trente année plus tôt à Dunbar en Ecosse et est le troisième enfant d’une famille nombreuse qui en comptera huit. La famille a émigré aux Etats-Unis alors qu’il avait onze ans pour s’installer dans le Wisconsin où son père a fait l’acquisition d’une ferme. Adolescent, il a travaillé dur dans la ferme de son père, homme autoritaire a qui il devra demander la permission de se lever plus tôt que le reste de la famille pour s’adonner à sa grande passion, la lecture….
photos ci-contre : John Muir et sa canne de marche et avec le Président Roosevelt en 1906 devant les Yosemite Falls
Désirant échapper le plus vite possible à l’emprise paternelle, il s’inscrit à l’université de Madison où il suivra quelque temps des cours de sciences naturelles et de botanique qui vont le passionner mais qu’il abandonne bientôt pour une autre université « celle de la vie sauvage ». Il parcourt alors le pays de l’Indiana à la Floride. Ses qualités de technicien et inventeur hors-pair lui permettent de trouver des emplois au cours de ses pérégrinations mais en 1867 un accident du travail lui fait presque perdre la vue à Indianapolis. Par bonheur il guérit. Cette guérison inespérée est pour lui une nouvelle naissance et, mesurant ce qu’il a failli perdre, il décide de vivre désormais dans la magnificence de la nature sauvage. C’est dans cet état d’esprit qu’il avait décidé de partir pour l’Amazonie. Il se retrouvera finalement, après avoir quitté San Francisco, dans les montagnes de la Sierra Nevada et la vallée de Yosemite pour laquelle il éprouvera, lors de sa découverte, un véritable coup de foudre et sur laquelle il écrira : “Aucun temple construit de la main de l’homme ne peut être comparé à Yosemite” et “Yosemite est le plus grand de tous les temples dédiés à la Nature”.
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–––– Extrait du texte « Vue rapprochée de la Grande Sierra » –––––––––––––––––––––––––––––––––––
Le texte qui suit est tiré du live « Célébration de la nature » publié en France en 2011 (édit. José Corti – traduction André Fayot) et qui regroupe divers textes sur le thème de la montagne écrits par Muir tout au long de sa carrière. Le chapitre « Vue rapprochée de la Grande Sierra » relate sa découverte d’un secteur de la Grande Sierra remarquable pour la qualité de ses paysage et de l’excursion qu’il fit quelque temps plus tard pour le faire découvrir à deux peintres américains.
Un aspect peu connu de la personnalité de John Muir est le fait qu’il était animé d’un tempérament d’artiste. Ses nombreux dessins de la région du Mont Shasta de la période 1874-1875 en témoignent, ils sont empreints à la fois d’un contenu scientifique et artistique. C’est ainsi que lorsque qu’il dessine les réseaux du système hydraulique du Mont Sasha, ses croquis possèdent la précision nécessaire à une enquête scientifique et technique mais en même temps tentent de reproduire la splendeur du paysage et les évènements météorologiques qui influent sur son aspect et sa perception : présence d’un chapelet de nuages ou approche d’une forte tempête, par exemple. La recherche du « sublime » a marquée la découverte et l’exploration des montagnes dans la première partie du XIXe siècle et l’ermite de la Grande Sierra n’y aura pas échappé. Les écrits et les dessins de Muir nous informent autant sur sa personnalité et son imaginaire que sur la géographie des sites du Yosemite et de la Grande Sierra.
One of the Highest Mt. Ritter Fountains (Muir 1911)
« L’image réconcilie les contraires, mais cette réconciliation ne peut être expliquée par des mots – sinon ceux de l’image, qui ont cessé d’être des mots. L’image est ainsi un recours désespéré contre le silence qui nous envahit chaque fois que nous tentons d’exprimer la terrible expérience de ce qui nous entoure et de nous-mêmes (…) Tel est le sens ultime de l’image : elle-même » (Octavio Paz).
« On croit que la description peint des objets, alors qu’elle propose des sens. » Micheline Tison-Braun, Poétique du paysage.
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Vue rapprochée de la Grande Sierra (extrait)
De bonne heure, par un beau matin du milieu de l’été indien, alors que les prairies glaciaires craquetaient encore de cristaux de givre, je partis du pied du mont Lyell pour la vallée de Yosemite, afin de reconstituer mes réserves de pain et de thé. J’avais passé l’été, comme bien des précédents, à explorer les glaciers qui sont à la source des fleuves San Joaquin, Tuolumne, Merced et Owens, à mesurer et étudier leur direction, leurs mouvements, leurs crevasses, moraines, etc., et le rôle qu’ils avaient joué, au cours de la période de leur plus grande extension, depuis la création et le développement des paysages alpins de ce merveilleux pays. L’époque propice à ce genre de travail était presque achevée pour cette année-là et je me régalais d’avance de l’hiver qui venait avec ses prodigieux orages, où je serais bloqué bien au chaud par la neige dans ma cabane de Yosemite, avec une bonne provision de pain et de livres; une pointe de regret me vint pourtant lorsque je me dis que, peut-être, je ne reverrais plus avant l’été prochain cette région bien-aimée, hormis de loin, des hauteurs proches des murailles de Yosemite.
Pour les artistes, peu d’endroits de la Grande Sierra sont, strictement parlant, pittoresques. L’ensemble de la chaîne forme un seul grand tableau, qu’il est difficile de diviser en panneaux plus petits – bien différente, de ce point de vue, des montagnes plus anciennes et, pourrait-on dire, plus matures de la chaîne côtière. Tous les paysages de la Grande Sierra, nous l’avons vu, ont connu une nouvelle naissance et ont été remodelés de la base au sommet par les déferlements de glace du dernier âge glaciaire. Mais tous ces nouveaux paysages n’ont pas vu le jour simultanément : certains des plus élevés, où la glace a duré plus longtemps, ont des dizaines de siècle de moins que ceux des régions inférieures, plus chaudes. En général, plus les paysages de montagne sont jeunes – par rapport à l’époque où ils ont émergés des glaces de l’ère glaciaire j’entends –, moins on peut les décomposer en éléments artistiques capables de donner des tableaux chaleureux, aimables et sympathiques, et renfermant une humanité respectable.
Ici pourtant, sur le haut bassin du Tuolumne, se trouve un groupe de pics sauvages, sur lesquels un géologue pourrait dire que le soleil vient à peine de commencer à briller, mais qui est néanmoins hautement pittoresque, et, dans ses grandes lignes, si régulier, si bien équilibré, qu’il en apparaît presque conventionnel – un groupe de pitons noirs couverts de neige, avec, parquant sa base, des mamelons de granit gris bordés de pins, le tout dressé librement vers le ciel, au fond d’une vallée superbes, dont les imposantes murailles s’avancent en biseau des deux côtés pour embrasser l’ensemble sans renfermer le moindre élément étranger. L’avant-plan flamboyait des couleurs de l’automne, marron, violet et or, enrichies encore par le clair soleil, contrastant violemment avec le bleu profond du ciel comme avec le noir, le gris, le blanc pur, spirituel, des roches et des glaciers. Vers le bas, à travers la brume, on pouvait voir le jeune Tuolumne jaillir de ses fontaines cristallines, tantôt étalé en calmes vitreux comme s’il retournait à l’état de glace, tantôt bondissant en blanches cascades pour se changer en neige; se glisser à droite et à gauche entre des éminences de granite, puis traverser le fond plat et herbeux de la vallée en divaguant rêveusement d’un côté à l’autre avec des mouvements calmes et solennels, près des saules et des laîches qui s’y baigner les pieds et autour de bosquets de pins effilés. Et tout au long de ce cours si varié, parfois rapide et parfois lent, on l’entendait chanter à pleine ou à mi-voix, remplissant constamment le paysage d’une animation spirituelle et manifestant constamment à travers chacun de ses mouvements, chacune de ses intonations, la grandeur de ses origines.
Poursuivant mon chemin solitaire vers le bas de la vallée je me retournais constamment pour contempler ce somptueux tableau, en élevant les bras afin de l’enfermer comme dans un cadre. Après des siècles de développement dans le noir, sous les glaciers, après avoir connu le grand soleil et les tempêtes, il semblait être prêt et attendre l’artiste élu, comme le blé mûr attend le moissonneur. Que j’aurais aimé pouvoir emporter couleur et pinceaux durant mes voyages et apprendre à peindre ! En attendant, il me fallait me contenter de photographies dans ma tête et de croquis dans mon carnet. Lorsque j’eus contourné un promontoire à pic formant saillie sur la muraille occidentale de la vallée, les sommets disparurent et je pressai le pas à travers les prairies gelées, le long de la ligne de partage entre les eaux de la Merced et du Tuolumne, puis au sein des forêts qui recouvrent les pentes de Cloud’s Rest, arrivant au Yosemite au bon moment – car pour moi, c’est toujours le moment. Curieusement, parmi les premières personnes que j’y rencontrai, se trouvaient deux artistes, qui, munis de lettres de recommandation, attendaient mon retour. Ils me demandèrent si, au cours de mes explorations dans les montagnes environnantes, je n’avais pas trouvé un paysage qui se prêtât à une peinture de grande dimension – sur quoi je me mis à décrire celui qui venait justement de susciter mon admiration. Au fur et à mesure que je donnais plus de détails, je vis leur visage s’illuminer, si bien que je m’offris pour les guider et qu’ils me dirent que, près ou loin, ils me suivraient avec joie si je pouvais prendre le temps de les conduire.
Comme des orages pouvaient à tout instant venir à éclater dans le beau temps, ensevelissant les couleurs sous la neige et coupant la retraite des artistes, je leur conseillai de se préparer séance tenante.
Cascades de Vernal Fall (peinte par Thomas Hill en 1889) ) et de Nevada Fall (peinte par Bierstadt vers 1873)
Thomas Almond Ayres – Tuolumne Meadows
Je leur fis quitter la vallée par les cascades de Vernal Fall et Nevada Fall, puis en suivant l’arête principale de partage des eaux jusqu’aux grandes prairies du Tuolumne, par l’ancienne piste de Mono, et, de là, le long du Tuolumne jusqu’à sa source. C’était la première excursion de mes compagnons dans la Grande Sierra et comme ordinairement j’étais presque toujours tout seul dans mes expéditions, la manière dont cette beauté nouvelle se reflétait sur leurs visages était pour moi un sujet d’étude inédit et intéressant. Naturellement, ils étaient surtout sensibles aux couleurs – l’azur intense du ciel, le gris violacé du granite, le rouge et le brun des prés desséchés, le pourpre et le cramoisi translucide des marais à myrtilles, le jaune flamboyant des bois de trembles, le miroitement argenté des cours d’eau, le vert et le bleu vifs des lacs glaciaires. Pourtant, l’expression d’ensemble du site, rocailleux et sauvage, leur semblait extrêmement décevante, et comme ils parcouraient la forêt d’une crête à l’autre, scrutant intensément les paysages au fur et à mesure qu’ils se déroulaient devant eux : « Certes, tout cela est immense et sublime, me dirent-ils, mais nous n’avons encore rien vu qui puisse faire l’objet d’un tableau. L’art est long. L’art est limité, vous savez; voici des premiers plans, des seconds plans, des arrière-plans, mais tous pareils : des moutonnements de rochers nus, des bois, des bouquets d’arbres, de légères mouchetures de prairies et des bandes d’eau scintillante.
– Ne vous en faites pas, répondis-je. Un peu de patience et vous allez voir quelque chose qui vous plaira. »
De fait, vers la fin du deuxième jour, la crête de la Sierra commença à se découvrir, et quand nous eûmes contourné complètement le promontoire dont j’ai parlé, le tableau tout entier apparut dans l’éclat radieux du couchant. Leur enthousiasme alors ne connut point de bornes et le plus impulsif des deux, un jeune Ecossais, s’élança droit devant lui, en criant, en gesticulant et en levant les bras au ciel comme un dément. Enfin un paysage alpin bien typique !
John Muir
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–––– un description du paysage construite comme un tableau ––––––––––––––––––––––––––––––––––
Généralement, les études menées sur le thème du paysage et du paysage de montagne – en particulier depuis que la montagne est devenue à la mode – ont porté le plus souvent sur les impressions ressenties par une catégorie très particulière de la population constituées principalement par les touristes qu’ils soient contemplatifs ou sportifs et les intellectuels, savants, artistes, écrivains et poètes. On s’est intéressé relativement peu au point de vue et au vécu des populations autochtones qui vivent depuis toujours « dans le paysage » et des hommes, naturalistes ou aventuriers ou les deux à la fois, qui, par passion, ont choisi de vivre eux aussi d’y vivre. Il est entendu que les touristes de passage perçoivent le paysage à travers le prisme des poncifs culturels et de la mode du moment et que leur vision fait peu de cas des données objectives du site qu’ils parcourent et qu’ils contemplent. A l’opposé, on peut se poser la question du comportement et des critères de compréhension et d’appréciation d’hommes qui avaient choisi de vivre « dans le paysage » dans des conditions souvent extrêmement dures et qui se frottaient ainsi de manière concrète à la réalité objective du terrain.
Deux personnages nous semblaient tout indiqué pour servir de sujets à cette étude, il s’agit de deux sujets américains, Henry-David Thoreau sur la côte Est et, à l’autre extrémité des Etats-Unis, John Muir dans la Sierra Nevada qui ont connu, sur certains points un parcours parallèle, chacun, à un moment de sa vie, ayant choisi de quitter le monde des villes pour vivre à l’écart des autres hommes en communion étroite avec la nature. Nous avons, dans un premier article consacré à l’ascension du Katahdin par Thoreau (c’est ICI), montré comment celui-ci, malgré la liberté d’esprit qu’il avait pleinement manifesté tout le long de son existence et son expérience pratique de la vie en pleine nature (l’expédition correspondait chronologiquement à la fin de son ermitage de Walden) n’était pas exempt, pour ce qui est de l’interprétation du paysage, des poncifs culturels de l’époque. Mais Thoreau était un intellectuel qui avait étudié le grec, le latin et divers langues étrangères comme le français, l’italien et l’allemand et suivi de solides études de rhétorique, de philosophie et de sciences à Harvard, était l’ami de Ralph Waldo Emerson, le chef de fil du mouvement transcendantaliste américain, et l’on pouvait de ces faits comprendre que sa vision de la montagne puisse être influencée par l’idéologie et les structures mentales héritées de ses études classiques. Le cas de John Muir est assez différent de celui de Thoreau car ses études ont été sommaires, ayant déclaré lui-même avoir préféré choisir « l’université de la vie sauvage » à l’université des hommes. Très apprécié pour ses connaissances pratiques et techniques, Muir était un parfait autodidacte. Compte tenu de ces faits, on aurait pu imaginer que sa vision de la montagne sur le plan esthétique fasse référence à des données plus concrètes et objectives que celles manifestées par Thoreau or, à l’instar de de ce dernier, mais dans un registre différent, Muir interprète lui aussi le paysage selon la mode de son temps mais à travers le regard du peintre.
Les descriptions figurant dans le texte en référence à cette vision picturale du paysage sont multiples : dès le début du récit, l’idée en est lancée : « L’ensemble de la chaîne (de la Grande Sierra) forme un seul grand tableau » et un peu plus loin : « on peut les décomposer en éléments artistiques capables de donner des tableaux chaleureux, aimables et sympathiques, et renfermant une humanité respectable« . Suit une description lyrique des montagnes qui dominent le haut-bassin de la Tuolomne, description qui s’apparente à celle qui serait faite d’un tableau peint par un peintre et dans laquelle l’accent est mis sur les nuances des couleurs, les effets de lumières, les contrastes entre les teintes et le symbolisme de cette représentation : « remplissant constamment le paysage d’une animation spirituelle et manifestant constamment à travers chacun de ses mouvements, chacune de ses intonations, la grandeur de ses origines. » Non content d’assimiler le paysage à un tableau, Muir va jusqu’à matérialiser le cadre de ce tableau à l’aide ses bras et à se lamenter de n’être pas un peintre : « Que j’aurais aimé pouvoir emporter couleur et pinceaux durant mes voyages et apprendre à peindre ! ». Le statut de « Merveille sublime » conféré au paysage ne serait pas complet si celui-ci n’était pas « consacré » par la réalisation d’un tableau qui sous l’auspice d’un élu, va lui conférer un statut supérieur : « il (le paysage) semblait être prêt et attendre l’artiste élu, comme le blé mûr attend le moissonneur ». Dans l’attente, le contemplateur qu’est Muir se sent frustré et ne goûte pas pleinement la beauté du paysage : « En attendant, il me fallait me contenter de photographies dans ma tête et de croquis dans mon carnet. » La découverte du paysage promis apparait ainsi au yeux des deux peintres comme une révélation d’essence quasiment divine qui met l’un des peintres en transe : « le tableau tout entier apparut dans l’éclat radieux du couchant. Leur enthousiasme alors ne connut point de bornes et le plus impulsif des deux, un jeune Ecossais, s’élança droit devant lui, en criant, en gesticulant et en levant les bras au ciel comme un dément. Enfin un paysage alpin bien typique ! »
Pour l’homme occidental, le paysage qui l’entoure et au sein duquel il vit est ressenti comme un tableau. Des siècles de production d’images et d’interprétation iconographique ont façonné sa manière de voir et d’interpréter le monde qui l’entoure. Même les écrivains ont fini par décrire le monde à la manière des peintres… John Muir, autodidacte génial, mais formé par ses lectures et ses contacts fréquents avec les peintres à la recherche du « sublime » dans les paysages de l’Ouest américain n’aura pas échappé à cette vision des choses.
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Les deux artistes que John Muir a emmené à la découverte d’un « paysage alpin » étaient le peintre paysagiste William Keith (1838-1911) et le peintre portraitiste Irwin Benoni. Deux autres personnes auraient fait partie du groupe, ce que Muir omet de préciser dans son récit, l’avocat et politicien de l’Indiana Merrill Moores, ami de jeunesse de Muir et un certain Thomas Ross sur lequel je n’ai obtenu que peu de précisions. William Keith a écrit dans son journal en des termes beaucoup plus mesurés que ceux employés par Muir, le phénomène de « transe » qui s’était emparé de lui lors de sa découverte du Mont Lyell : «Quand nous sommes arrivés à Mont Lyell, c’était la chose la plus grandiose que j’ai jamais vu. C’était en fin Octobre, et à une altitude de 10.000 pieds. Le gel avait changé les herbes et une sorte de saule pour les jaunes et les rouges les plus brillantes; ces contrastes avec le pin à deux à feuilles et le Williamson épinette, les rochers gris et froids, la neige froide, a fait un beau spectacle ». Il précisait également que pour l’épicurien qu’il était, la frugalité de Muir qui ne nourrissait sa troupe que de pain rassi et de viande séchée et servait le café sans sucre, était difficilement supportable …
William Keith – Yosemite Valley,1875
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l’ascension du Ktaadn dans le Maine décrite par Henry-David Thoreau (1846)
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Parfois, on pouvait croire que le sommet allait se dégager dans peu de temps et resplendir dans le soleil, mais ce qu’on gagnait d’un côté, on le perdait de l’autre. C’était un peu comme être assis dans une cheminée et à attendre que la fumée se disperse. C’était en fait d’une usine à nuages, que le vent extrayait des rochers froids et nus. De temps à autre, quand les colonnes du vent se brisaient contre moi, j’apercevais, à droite ou à gauche, un rocher escarpé, sombre et couvert d’humidité, le brouillard défilant sanie cesse entre lui et moi. Cela me rappelait les créations des anciens poètes épiques et dramatiques, Atlas, Vulcain, les Cyclopes et Prométhée. Le Caucase avec le rocher auquel était enchaîné Prométhée ressemblait à ça. Eschyle avait sûrement visité un paysage comme celui-ci : immense, titanesque, et où pas un homme n’habite jamais. A croire qu’une partie – et même une partie vitale – de celui qui l’embrasse s’échappe entre ses côtes au fur et à mesure qu’il monte. Et il est plus seul qu’on ne peut l’imaginer. Là-haut, la pensée est moins riche, l’esprit moins clair que dans les plaines où habitent les hommes; la raison s’y disperse, indécise – plus rare et plus ténue, comme l’air.
pour l’article complet, c’est ICI
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