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Peter Behrens (1868-1940) – portrait par Max Liebermann, 1923
Peter Behrens, né le 14 avril 1868 à Hambourg et mort le 27 février 1940 à Berlin était un artiste visionnaire qui réunissait les talents les plus divers. Tout à la fois architecte, peintre, graveur, designer et typographe. Il passait allègrement d’une discipline à l’autre : de la peinture à l’architecture en passant par la conception graphique et le dessin d’appareils ménagers ou de meubles et la création de polices d’écriture. Il contribué de manière importante au développement de l’Architecture moderne en Allemagne et a été le premier designer industriel en étant l’ inventeur du design d’entreprise (Corporate Design) par son travail au sein de l’entreprise AEG avant la Première Guerre Mondiale. Cofondateur de la Deutscher Werkbund, il a participé à tous les mouvements d’avant-garde dans les domaines de l’art, de l’artisanat et de la production industrielle.
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–––– période 1885-1899 : le Jugendstil et la Sécession de Munich –––––––––––––––––––––––––––––––––
Après avoir étudié la peinture à l’Académie préscolaire de Karlsruhe et suivi les cours de l’École des beaux-arts à Hambourg, Behrens part à Munich en 1890 où il travaille comme peintre et artiste graphique, il y rejoint le mouvement Jugendstil , une variante munichoise du modern style, et produit alors des gravures sur bois, des illustrations en couleurs, des dessins pour les métiers du livre et des objets selon le style en vogue produit par ce mouvement. En avril 1892, plus de 100 artistes créent la Sécession de Munich (Verein bildender Künstler Münchens e. V. Secession), parmi eux figure Peter Behrens en compagnie de Franz von Stuck, Max Liebermann et Lovis Corinth. Il s’agissait pour tous ces artistes de rejeter l’historicisme, le style officiel «du temps de la fondation» ( Gründerzeitstil) qui s’était développé au cours de la fondation du second empire (Reich) en 1871 qu’on estimait alors lourd, trop baroque et démodé. Le moment était venu de trouver un nouveau style. et créer du neuf. La Sécession de Munich poursuivra son activité jusqu’à sa dissolution par les nazis en 1938, durant leur « purification culturelle ». Un peu plus tard, en pleine période de la renaissance des Arts and Crafts en Allemagne, Behrens uni ses forces avec Hermann Obrist, Août Endell, Bruno Paul, Richard Riemerschmid et Bernhard Pankok pour fonder en 1898, toujours à Munich, les Ateliers réunis pour l’art dans l’artisanat (Vereinigte Werkstätten für Kunst und Handwerk) afin de produire des objets utilitaires façonnés à la main, mouvement qui exercera une influence considérable sur al suite du design germanique. Tous ces mouvements étaient fédérés autour de la revue Jugend créé en 1896 par l’éditeur munichois Georg Hirth.
Peter Behrens – Der Kuss, 1898
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–––– période 1899-1907 : la colonie de la Mathildenhöhe à Darmstadt ––––––––––––––––––––––––––––
Mathildenhöhe à Darmstadt
Mathildenhöhe : le credo de Joseph maria Olbrich :
« Nous devons construire une ville, une ville complète ! Quelque chose de plus petit ne servirait à rien ! Le gouvernement devrait nous donner […] un champ, et il nous appartient de créer un monde. Construire une seule maison ne signifierait rien. Comment pourrait-elle être belle si une maison laide est construite à ses côtés ? À quoi serviraient trois, cinq, voire dix belles maisons […] si les fauteuils qui sont placés à l’intérieur sont laids ou les plaques ne sont pas beaux ? Non – il nous faut un grand champ, un vaste domaine vide ; et nous pourrons montrer ce que nous pouvons faire. De la conception générale jusqu’au dernier détail, tout sera régi par le même esprit, les rues et les jardins, les palais et les maisons, les tables et les fauteuils , les lampes et les cuillères exprimeront tous la même sensibilité, et au milieu de tout cela, comme un temple dans une rainure sacré, sera bâti une maison de travail, l’atelier de deux artistes et un atelier d’artisans […] » (Joseph Maria Olbrich, cité dans: Hermann Bahr, ». Ein Dokument deutscher Kunst « , dans Bildung Essais , Leipzig 1900, p. 45 .)
Au cours du XIXe siècle, l’art décoratif était devenu une branche économique importante en Allemagne. Le Grand-Duc de la Hesse Ernst Ludwig, petit-fils de la reine Victoria, avait passé beaucoup de temps en Angleterre où il avait apprécié les écrits de Morris et Ruskin et l’essor des Arts and Crafts. Dans son Nouveau Palais érigé à Darmstadt, il avait d’ailleurs engagé deux artistes de ce mouvement pour décorer des chambres. Son projet était de profiter de la vogue de l’art décoratif pour développer l’industrie régionale et en même temps de faire de Darmstadt un centre culturel important. C’est ainsi qu’en automne 1899, il réunit sept artistes reconnus dans les domaines de l’architecture, de l’art décoratif, de la sculpture et de la peinture et fonda une colonie d’artistes sur la Mathildenhöhe (colline de Mathilde), un parc situé non loin du centre ville. Peter Behrens et l’autrichien Joseph Maria Olbrich, cofondateur de la Sécession viennoise, figuraient parmi ces artistes. la colonie devint un champ d’expérimentation sensationnel en matière d’innovations artistiques, à travers lesquelles les jeunes artistes s’efforçaient de concrétiser leur idéal de fusion entre l’art et la vie. Leur intention était de révolutionner l’architecture et la décoration d’intérieur afin de créer une nouvelle culture qui serait l’expression de la vie moderne Les efforts du Grand-Duc étaient secondés à Darmstadt par l’éditeur-mécène Alexander Koch dont les revues d’art Innendekoration (La décoration intérieure) et Deutsche Kunst und Dekoration (L’art et la décoration allemands) devinrent des porte-voix importants du nouveau style. La première exposition de la colonie d’artistes avait lieu en 1901 sur la Mathildenhöhe. Les membres de la colonie, dont Peter Behrens, avaient construit un bâtiment d’exposition et neuf maisons du style Art Nouveau et du Jugenstil allemand, entièrement meublées et décorées afin de donner l’exemple comment construire et habiter de façon moderne. Les sept artistes invités ont reçu une bourse de 7 ans. Cet exposition était un grand succès international même si ici et là on critiquait certaines formes trop bizarres. Ainsi Darmstadt, avec Nancy, Paris, Vienne et Glasgow, était devenu un centre de l’Art Nouveau européen, et trois autres expositions en 1904, 1908 et 1914 faisant sensation avaient lieu. En 1902, le duc de Saxe-Weimar s’inspirera de la démarche du Grand-Duc de la Hesse en invitant Henry Van de Velde à ouvrir une Ecole des arts.
la maison de Behrens à Mathildenhöhe
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mobilier de la maison Berhens à Mathildenhöhe et objets conçus par Behrens
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–––– période 1903-1907 : enseignement à Dusseldorf, premières commandes en architecture ––––
En 1902, Berhens commençait à se sentir à l’étroit à Mathildenhöhe où l’architecte Olbrich monopolisait la conception de la plupart des constructions principales et des dissensions étaient apparues entre les artistes de la colonie. Le poste de directeur de la Kunstgewerbeschule (école des arts appliqués) de Dusseldorf était vacant, Bahrens y postula. C’est grâce à l’architecte Hermann Muthesius, fonctionnaire d’état qui rentrait d’un séjour à Londres où il avait été attaché culturel, qu’il obtint le poste. Mathesius voulait réformer les écoles d’art et de design allemandes en s’inspirant de ce qu’il avait appris en Angleterre. A peine installé à Dusseldorf, Behrens effectua en juin 1902 un voyage d’étude en Angleterre et en Ecosse qui lui fit une grande impression : « Ce voyage m’a permis d’approfondir et de renforcer mes notions sur la culture moderne, que j’honorerai jusqu’à la fin de mes jours » (lettre à Muthesius du 9 août).
Behrens s’entourera à Dusseldorf de jeunes artistes et architectes de talents engagés dans le courant moderniste qui exercèrent une influence notable sur son propre travail. C’est le cas notamment de Rudolf Bosselt, sculpteur de la colonie de Darmstadt, Fritz Ehmcke, graphiste berlinois, Max Benirschke, décorateur d’intérieur viennois, Joseph Bruckmüller, peintre viennois et surtout J.L. M. Lauweriks, architecte hollandais qui exercera une grande influence sur sa pratique architecturale. Sous sa direction des réformes fondamentales changeront le visage de cette école.
Réalisations architecturales entre 1904 et 1907
. 1904 : Garten und Kunstausstellung à Düsseldorf et restaurant Jungbrunnen
. été 1904 : séjour en Italie, à Rome et Pompéi pour étudier les antiquités.
. 1905 : lieu de conférence pour le Folkwang musuem à Hagen en Westphalie
. 1905 : salon et mobilier de la maison Schede sur la Ruhr près de Hagen.
. 1905 : salle de lecture de la bibliothèque de Düsseldorf
. 1905 : bâtiments de la Nordwestdeutsche Kunstausstellung (exposition d’art du nord-ouest de l’Allemagne) à Oldenburg.
. 1905 : chambre à coucher et salon pour exposition organisée par les magasins Wertheim à Berlin
. 1905 : aménagement de l’exposition de peintures Deutsche Jahrhundertausstellung du Musée national de Berlin.
. 1905-1906 : maison Obenhauer à St-Johann-Saarbrücken
. 1906 : salle de concerts de l’exposition Deutsche Kunstgewerbeausstellung de Dresde
. 1906 : salle de concerts La Tonhaus pour l’exposition artistique du parc floral de Cologne.
. 1906-1907 : crématoire de Delstern en Prusse
. 1906-1907 : atelier pour la société Josef Klein à Hagen
. 1906 : projets non réalisés d’un temple protestant à Hagen et des grands magasins Warenhaus Leonard Tietz à Düsseldorf.
. fin 1906-1907 : salle d’Exposition Internationale de l’Art de Mennheim.
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Peter Behrens, fenêtre du crématorium de Hagen-Delstern, Germany
Crédit photographique : livre d’Alan Windsor « Peter Behrens, architecte et designer » – Pierre Mardaga, Editeur à Bruxelles, 1981
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