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Les « Masques » de cour
La coutume du déguisement de Noël en Grande-Bretagne qu’on appelle « mumming, » ou « disguising » (déguisement) remonte à des pratiques de la cour anglaise du temps du règne d’Edouard III. Elle dérive de toute évidence de coutumes folkloriques plus anciennes où l’on voyait des groupes de personnages vêtus de têtes et de peaux de bêtes se rendant de maison en maison pour porter chance. En Angleterre, un vestige de cette coutume subsiste dans les groupes de « guisers » ou « geese-dancers » qui s’arroge le droit à certaines périodes de l’année d’entrer dans les maisons.
C’est aux XVIe et au début du XVIIe siècles que les fêtes masquées anglaises atteignent leur plus grands développement. Les costumes animaliers initiaux ont alors été remplacés par des vêtements splendides et compliqués et la fête a intégré dans son déroulement des représentations théâtrales l’idée fondamentale a été ensuite généralement recouverte d’attributs splendides, les robes et les arrangements étaient souvent extrêmement complexe, et l’introduction de la parole a fait ces dialogué « déguisements » représentations théâtrales régulières. Voici ce qu’en dit Arthur Pougin en 1885 dans son Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre :
Le masque était une composition scénique, musicale et chorégraphique, fort en honneur en Angleterre il y a deux et trois siècles. Un écrivain en a parlé en ces termes :
Les masques étaient des jeux dramatiques en grande faveur à la cour des rois et reines d’Angleterre pendant les seizième et dix-septième siècles. Pour en donner une idée, un écrivain les a comparés aux ballets que l’on jouait à la cour de Louis XIV ; mais l’analogie entre ces deux sortes de divertissements est très imparfaite. Le masque anglais était, à l’origine, un spectacle d’une pompe extraordinaire et bizarre, un ensemble de musique, de danses, de festins, de scènes ou parlées ou mimiques entre des personnages allégoriques accoutrés fastueusement ou fantastiquement. Suivant la chronique d’Holinshed, l’un des premiers masques aurait été joué sous Henri VIII en 1510.
Ce plaisir royal, en se perfectionnant, se renferma dans des proportions plus simples, et , sans jamais constituer un genre dramatique facile à définir (Les masque, dit Hallam, étaient des compositions poétiques et musicales plutôt que dramatique, et destinées à flatter l’imagination par les charmes du chant en même temps que par la variété des tableaux qui passaient sous les yeux de spectateur… Ces sortes de poèmes n’ont pas la prétention de se faire croire, ils ne visent point à l’illusion : l’imagination s’abandonne volontairement à un rêve éveillé ; elle ne demande, et ces poèmes n’exigent que cette possibilité commune ne rejette pas comme incompatibles, et sans laquelle l’imagination du poète ressemblerait à celle du lunatique. ») cependant à prendre place parmi les plus agréables plaisirs d’un temps où les jouissances de la poésie étaient une sorte de nécessité. Les grands génies d’Angleterre ont composé des masques ; il suffit de citer entre eux Shakespeare, Ben Jonson, Beaumont et Fletcher. Les rois et reines avaient coutume d’aller visiter chaque année quelques nobles seigneurs. Ces visites étaient ruineuses pour les hôtes qu’elles honoraient. On mettait en action sur les routes, à l’entrée des villes, dans les châteaux, les inventions poétiques les plus extraordinaires. Le recueil de ces imaginations, qui ressemblent souvent à des rêves, forme une suite d’énormes in-quarto. Les masques étaient au premier rang parmi ces jeux : ils étaient aussi considérés comme des accessoires indispensables à la célébration de certaines fêtes et à celle des mariages dans les familles royales et nobles. Pour composer un masque, il fallait la collaboration d’un poète, d’un peintre, d’un musicien et d’un compositeur de ballet. Parmi les masques de Ben Jonson, on cite le Masque de Reines, joué par la reine et ses dames à White-Hall en 1609 ; le masque d’Obéron, pour le prince Henri ; le Masque Irlandais, le Retour de l’âge d’or (1615), le masque de Noël (1616), la Vision du Plaisir (1617), le Plaisir réconcilié avec la Vertu (1619), Nouvelles du nouveau monde découvert dans la lune (1620), la Métamorphose des Bohémiens (1621), le masque des Augures (1622), le Triomphe de Neptune pour le retour d’Albion (1624), l’Anniversaire de Pan ou la Fête du berger (1625), le masque des Hiboux (à Kenilworth, 1626), les Iles Fortunées et leur union (1626), le Triomphe de l’Amour à Callipolis (1630), Chloridia ou le Culte de Chloris et de ses nymphes, masque représenté par la reine et ses nymphes à Shrove-Tide (1630), etc. Les étudiants des quatre principaux inns (établissements où logeaient les jeunes gens qui étudiaient le droit, la médecine, etc. ) représentaient aussi quelquefois des masques devant la cour, ainsi que le prouve un curieux petit billet d’entrée découvert dans l’étalage d’un colporteur et publié par John Nichols
A la cour des Tudor et dans les collèges, Inns of Court, est également apparu un personnage que l’on élisait annuellement pour présider les ébats, the “Lord of Misrule.” (Seigneur de l’Anarchie) qui semble avoir été inspiré par l’ancien abbé ou évêque de la fête des fous que l’on élisait au Moyen-Age. Cette coutume était vivement attaquée par les protestants puritains comme comme Stubbes et Prynne qui considéraient que le théâtre détournaient le peuple de son culte et de son travail, et le dépouillaient de ses économies. Le 2 septembre 1642, un décret du Long Parlement ordonne la cessation de toute représentation théâtrale publique. Cette ordonnance contraint tous les théâtres de Londres, publics ou privés, à fermer leurs portes, et toutes les troupes itinérantes de province à cesser leurs activités.
Les Mummers’ Plays et les Morris Dances
Dans le milieu du XIXe siècle, les fêtes ou représentations des « Christmas mummers » étaient encore fréquentes dans le monde rural. Leurs noms communs sont « Mummers » et « Guisers » mais ailleurs ils portent des noms différents. Par exemple dans le Sussex, on les appelaient « tipteerers », peut-être en raison des avantages indirects qu’ils tiraient de leur collectes, en Cornouaille, « Geese-dancers » (sans doute à cause de leur déguisement), dans le Shropshire « Morris-dancers » ou « Merry-dancers ». Tous ces groupes s’invitent dans votre maison sans plus de formalités, y chantent, y dansent ou jouent une représentation le plus souvent grossière.
Mummers at Chilworth, Christmas 1864 – A.D. Lucas, 1900
« I am S. George with sword and lance
And this is how I fought in France »
Dans ces représentations, le personnage central est souvent Saint-George (parfois appelé Roi, Sir, ou Prince George) et il souvent question de combats, parfois avec des épées, et de l’arrivée d’un autre personnage, souvent un médecin, qui ramène les morts à la vie. D’autres personnages peuvent également apparaître tels Hector et Nelson en passant par Alexandre et Bonaparte… On a relié ces représentations à des coutumes anciennement répandues en Europe continentale notamment celle des danseurs de sabres. C’est ainsi que Tacite, dans sa « Germania » rapporte déjà qu’une coutume des germains voyait des jeunes gens danser nus avec des épées et des lances (Chambers). Certains ont postulés que rite initial qui sous-tend ces manifestations était la mort, peut-être causée par un sacrifice, suivie d’une régénération.
The Feast of Fools (La fête des fous)
Au lendemain de Noël, une autre fête était célébrée non plus dans les villages, le saisons et les champs mais dans les murs même des établissements religieux, c’était la « Fête des fous » d’origine païenne. Parmi le bas clergé, des groupes de danseurs (tripudia) portaient des masques et chantaient le Magnificat élisant dans leur rangs des faux « Evêque », « prélat », « archevêque », « cardinal, » ou même « pape ». Voici ce que décrit une lettre adressée en 1445 par la Faculté de théologie de Paris pour les évêques et les chapitres de France : «Les prêtres et les greffiers peuvent être vus portant des masques et visages monstrueux aux heures de bureau. Ils dansent dans le chœur habillés comme des femmes, des panthères ou des ménestrels. Ils chantent des chansons lascives. Ils mangent du boudin à la corne de l’autel tandis que le célébrant dit la messe. Ils jouent aux dés là. Ils encense avec de la fumée chargée de puanteur faite avec des semelles de vieilles chaussures. Ils courent et sautent dans l’église, sans rougir à leur propre honte. Enfin ils conduisent sur la ville et ses théâtres dans des pièges et des chariots minables, et déclenchent le rire de leurs semblables et des spectateurs par des performances infâmes, avec des gestes impudiques et des versets calomnieux et prostitués. »
Fête des fous, gravure de Pieter Van der Heyden, en 1559, d’après Brueghel
Le pays par excellence de la Fête des fous était la France mais elle peut également être tracée en Allemagne et de Bohême, et dans une moindre mesure en Angleterre. Ses abus ont fait l’objet de dénonciations fréquentes par les réformateurs de l’Eglise du XIIe au XVe siècle. La fête a été interdite à plusieurs reprises, et notamment par le Conseil de Bâle en 1435, mais elle était trop populaire pour être rapidement supprimée, et il a fallu un siècle et demi pour qu’elle disparaisse après cette condamnation par un conseil général de l’Église. Dans la cathédrale d’Amiens, on l’a encore célébrée en1721.
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The Boy Bishop (le garçon Evêque)
Cette fête remonterait aux Xe siècle et avait lieu le jour des Saints-Innocents. Correspondant au « seigneur » de la Fête des Fous, un enfant de chœur était élu par les autres garçons à qui on confiait la mitre et un bâton pastoral pour donner la bénédiction et parodier le véritable évêque. Les autres garçons étaient également vêtus d’habits sacerdotaux. En Angleterre, ces cérémonies étaient beaucoup plus populaires et plus durable que la fête des fous, et, contrairement à cette dernière, elles étaient reconnues et approuvées par les autorités, sans doute parce que les garçons étaient plus disposés à se discipliner que les hommes adultes. Ces festivités ont dû constituer une pause appréciable dans l’année de l’écolier médiéval, pour qui les vacances, par opposition aux jours-saints institués par l’église n’existaient pratiquement pas. La fête n’était nullement confinée dans les murs de l’église; il y avait beaucoup de réjouissances et à l’extérieur.
XIXe siècle, représentation d’un Boy-Bishop, en présence de ses canons
Le jour de la Saint-Innocent était donné un dîner après une cavalcade qui avait parcourue la ville et l’«évêque» pouvait bénir le peuple.Il pouvait aussi prêcher un sermon, sans doute écrit pour lui. Le parallélisme de la fête du Boy Bishop et la Fête des Fous est évident, et sans doute ils avaient la même origine folklorique.Un point doit être spécialement remarqué : l’élection du Boy Bishop généralement avait le 6 Décembre, la fête de Saint-Nicolas , le patron des enfants, et son autorité durait jusqu’aux Saints Innocents (28 Décembre). Le véritable évêque devait, symboliquement, démissionner à la Deposuit potentes de sede du Magnificat («il a renversé les puissants de leurs trônes»), et le garçon prenait sa place à et exaltavit humiles (« et il a élevé les humbles et doux »). Le Boy-Bishop était souvent appelé l' »évêque Nicolas»
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Mummers
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