Ils nous ont frappé au cœur, c’était facile……

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Les Justes

tués pour des dessins, parce qu’ils étaient journalistes, policiers ou simplement parce qu’ils étaient juifs…

Bernard Maris (économiste), Wolinski, Cabu, Charb, Tignous, Honoré (dessinateurs), Elsa Cayat (psychanalyste), Michel Renaut, Mustapha Ourad (correcteur), Frederic Boisseau (agent de maintenance), Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro (policiers). Clariisa Jean-Philippe, Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab, François-Michel Saada.

     Ils nous ont frappé au cœur, c’était facile…

     La plupart d’entre nous n’avaient sans doute jamais rencontré aucun des dessinateurs et journalistes assassinés mais nous nous apercevons aujourd’hui, dans ces tristes heures, qu’ils étaient depuis toujours et sans que nous en ayons eu une conscience claire, des amis très chers… Depuis de nombreuses années ils ont accompagnés avec leurs dessins, leur humour, leur verve, leur irrévérence, leur bonne humeur, tous les évènements sociaux ou politiques qui ont rythmé nos vies, nous arrachant à chaque fois un sourire  même lorsque les sujets traités étaient graves et sérieux et que nous trouvions certaines de leurs productions de mauvais goût. La liberté absolue et l’outrance qui accompagnaient leur action étaient pour eux la condition nécessaire pour leur permettre d’accomplir la mission qu’ils s’étaient fixés en utilisant les simples armes de l’humour et du rire. En cela, ils étaient l’incarnation même de l’esprit français : frondeur, rebelle, iconoclaste qui, de Rabelais à Desproges en passant par Voltaire et Béranger s’est appliqué à exercer avec humour et dérision la critique sociale et politique. Ils avaient choisi pour exercer cette critique de s’exprimer par le moyen de la caricature dans la lignée de dessinateurs célèbres du XIXe siècles tels Honoré Daumier, André Gill ou Amédée de Noé dit Cham mais leur pratique était dénuée de toute méchanceté et haine car dans le même moment ils étaient naturellement optimistes, avaient foi dans l’humanité et étaient amoureux de la vie. Tout le contraire de ces monstres déshumanisés et morbides qui les ont assassinés.

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     Cabu avait coutume de dire qu’une bonne caricature agit « comme un coup de poing dans la gueule« . En cela, la caricature agit comme une catharsis. Par la représentation d’une image ou d’un acte réprimé par la morale, la loi ou la religion, et par la déstabilisation qu’elle induit dans l’esprit du spectateur par effet de plaisir ou de rejet, elle pousse à la réflexion et permet d’évacuer, d’une certaine manière, tensions et passions. Ils semblent malheureusement que pour certains, elle les a au contraire exacerbé… Ils exerçaient cette mission comme un sacerdoce – pardon d’utiliser ce mot au contenu religieux pour qualifier le travail de ces bouffeurs de curés – On leur a reproché leurs excès mais n’étaient-ce pas les actes et les sujets qu’ils dénonçaient qui étaient excessifs et insupportables ?  Peut on traiter et combattre de manière feutrée et « soft » le fanatisme, la bêtise la plus crasse, l’intolérance, le machisme le plus absolu, la misogynie  et la barbarie ? –  « Ne pas faire de vague… », – « ne pas provoquer… » – tel était le crédo des politiques « responsables » et des médias prudents mais cette attitude timorée et passive constituait en fait une forme d’auto-censure et avait pour effet de laisser le champs libre aux extrémistes. Elle constituait pour ceux-ci une première victoire et la preuve qu’ils pouvaient par l’intimidation imposer une limitation de cette liberté d’expression qu’ils exécraient… Nos amis de Charlie Hebdo étaient restés des grands gamins, des êtres aux cœurs purs qui avaient gardé leurs âmes d’enfants et qui réagissaient avec la spontanéité et la candeur de l’enfance à l’injustice, au mensonge, à l’hypocrisie, à la duplicité et à la violence. En cela ils étaient des Gavroches, des incarnations de la figure archétype du gamin de Paris généreux et malicieux créé par Victor Hugo dans Les Misérables. Ils ont assumés à eux seuls la charge que les politiques, les médias et nous tous n’avions pas voulu assumer qui était de lutter de front contre le fanatisme. Ils se sont portés en première ligne focalisant ainsi la haine des obscurantistes. Nous les avons ignoré, oublié, et laissé seuls, sans les appuyer et les réconforter de notre soutien. Si l’ensemble des publications françaises et européennes avaient alors suivi leur exemple, que ce serait-il produit ? Rien ou plutôt tout. La France, l’Europe auraient manifesté de manière massive leur indépendance d’esprit et leur attachement à la liberté d’expression face à ceux qui voulaient réduire ses libertés et nos amis seraient toujours vivants. Cette mission qu’ils s’étaient assignés, ils l’ont mené de nombreuses années au péril de leur vie. Aucun d’eux n’était fait pour vivre dans la peur permanente, dans la contrainte des précautions à prendre pour leur protection. Les enfants comme les oiseaux ne sont pas faits pour vivre en cage. On les présente aujourd’hui comme des héros… Je pense qu’ils seraient les premiers à en rire… Des héros, oui, mais à leur corps défendant. Ils ne se sont pas sacrifiés, nous les avons sacrifiés par notre indifférence…

  Alors, oui, ceux qui les ont assassinés nous ont touchés au cœur…Mais ils ont par cela réveillé nos consciences et faisons en sorte qu’ils trouvent désormais sur leur route tout un peuple que leur acte ignoble aura révolté, un peuple bien décidé à honorer la mémoire de ses héros et à défendre ses acquis politiques, culturels et moraux parmi lesquels figure en premier lieu la liberté d’expression.

Charlie Hebdo

Faire vivre et prospérer Charlie Hebdo

    Ces derniers temps Charlie Hebdo n’allait pas bien financièrement et aux soucis générés par les menaces s’ajoutaient les problèmes financiers pour la survie du journal. Les quelques survivants de l’équipe de rédaction, malgré leur douleur et le traumatisme subi vont s’attacher à sortir un nouveau numéro. Il sera imprimé à un million d’exemplaires. Il faut que tout le monde l’achète. Mieux encore, il faut que nous nous abonnions en masse pour assurer la pérennité du journal. Il faut que le journal vive, prospère et soit massivement lu. Ce sera notre réponse aux fanatiques qui constateront alors que leur action aura eu un effet opposé à celui qu’ils escomptaient. Dans le cas contraire, cela signifierait que les assassins avaient vu juste quand ils ont crié aussitôt après leur forfait « Charlie Hebdo est mort ! ». Il faut que Charlie Hebdo vive et poursuive la mission que Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Honoré, Bernard Maris et Elsa Cayat ont mené jusqu’ici avec enthousiasme, brio et courage. On pourrait imaginer également que des expositions itinérantes des dessins que les extrémistes ont voulu interdire soit organisées et parcourent les villes et les villages de France et même d’Europe. Il faut également diffuser au maximum sur le Net et les réseaux sociaux les dessins publiés par Charlie Hebdo. Les terroristes avaient voulu faire taire toute critique, ils auront alors récolté tout le contraire, une extraordinaire diffusion de ce qu’ils avaient voulu interdire. Pour ma part, dans ce blog, dans la rubrique « Illustres Illustrateurs », je publierais une série d’articles sur chacun des dessinateurs assassinés de Charlie Hebdo montrant leurs dessins et j’invite chacun à relayer la diffusion de ces dessins. Il faut submerger la toile des dessins de Charlie Hebdo. A eux, qui utilise le Net pour leur propagande, il faut leur renvoyer au visage les dessins qu’ils ont voulus effacer…

Les dessinateurs de Charlie Hebdo ou l’esprit Gavroche…

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Gavroche (Victor Hugo)

Cabu

Cabu Gavroche

On est laid à Nanterre
C’est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C’est la faute à Rousseau.

Je ne suis pas notaire,
C’est la faute à Voltaire,
Je suis petit oiseau,
C’est la faute à Rousseau.

Joie est mon caractère,
C’est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C’est la faute à Rousseau.

Je suis tombé par terre,
C’est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C’est la faute à… 

      Peu de gens savent que cette chanson est née d’une réaction à la censure. C’est le genevois Jean-François Chaponière (1769-1850) qui en a composé le premier refrain pour se moquer de l’interdit (le « mandement »), professé par le clergé le 5 février 1785, de prendre connaissance des écrits des philosophes des lumières comme Voltaire et Rousseau. Plus tard, en 1832, est apparu une deuxième version de cette chanson écrite par le chansonnier Béranger qui s’intitulait alors Mandement des vicaires généraux de Paris. Cette chanson est vite devenue un signe de ralliement entre les révolutionnaires, les gens du peuple, et les libéraux. Victor Hugo, dans Les Misérables, en a repris le refrain « C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau » lors de la manifestation révolutionnaire du 5 juin 1832 ; Gavroche, tout en ramassant les cartouches des morts, se moque des gardes nationaux en la chantant jusqu’à sa mort, fauché par les balles des versaillais.

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dessin de Tignous

dessin de Cabu

dessins de Tignous à gauche et de Cabu à droite

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