°°° En mars 1979, le poète suédois Tomas Tranströmer quitte le monde bruyant de ceux qui parlent pour ne rien dire pour une île couverte de neige où règne le silence. Sur l’immensité du sol immaculé, se profilent les traces du passage d’une bête… Pas un bruit mais un langage muet, celui de la nature et de la vie… °°°
°°° Las de tous ceux qui viennent avec des mots, des mots mais pas de langage, je partis pour l’île recouverte de neige. L’indomptable n’a pas de mots. Ses pages blanches s’étalent dans tous les sens ! Je tombe sur les traces de pattes d’un cerf dans la neige. Pas des mots, mais un langage.
Dans son essai Requiem, le poète vaudois Gustave Roud est lui aussi mis en présence, une nuit, de traces d’animaux dans la neige. Elles aussi lui parlent mais l’âme inquiète et tourmentée du poète y voit le signe de la cruauté implacable de la nature avec ses traques, ses combats sanglants, ses famines, actions et comportements pareils à ceux des hommes. Ces hommes dont il a fui la société pour vivre dans le refuge d’une solitude qu’il a magnifié et idéalisé. Cette solitude qu’il veut parfaite, il l’assimile à cette neige pure et immaculée qui vient de tomber et que nul animal mu par ses besoins sanguinaires n’a encore foulé. Neige vierge qui peut être parfois marquée par le simple frôlement d’une aile d’oiseau. Pour le poète, l’oiseau, cet envoyé du ciel, n’a pas vocation à fouler le sol terrestre; la marque que son battement d’aile a laissé sur la neige vierge est comme une blessure, un stigmate, le signe d’une révélation possible qu’il appelle de ses vœux. Langage muet des signes : celui du dépassement de soi et de la transfiguration.
Non pas cette neige d’une nuit sous le pâle soleil rose, où le regard au lacs de mille signes déchiffre avec ennui les feintes, les chasses, les famines de tant de bêtes glacées ! Qu’ai-je à faire de ces traces trop pareilles à celles des hommes ? Elles s’en vont toute vers la tanière et vers le sang. La neige a d’autres signes. Son épaule la plus pure, des oiseaux la blessent parfois d’un seul battement de plume. Je tremble devant ce sceau d’un autre monde. Ecoute-moi. Ma solitude est parfaite et pure comme la neige. Blesse-la des mêmes blessures. un battement de cœur, un sombre, et ce regard fermé se rouvrira peut-être sur ton ailleurs.
Je reviens sur un poème que j’avais composé il y a quelques années sur le thème de l’ordinateur et d’internet.
Internet
l’écran de l’ordinateur ? Un trou creusé dans la glace de l’océan gelé des relations humaines. Dans ce trou, je pêche l’océan tout entier. parfois je rentre bredouille, parfois je suis comblé. M’étant endormi un jour je suis tombé dedans. L’océan ne m’a pas recraché.
Enki, Douarnenez, 15 août 2011
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Une fidèle lectrice, que je ne connais que par son gravatar mystérieux de « seriousmoonlight » qui est déjà par sa formulation tout un programme, de culture apparemment anglo-saxonne, fidèle parce qu’elle est abonnée à mon blog et n’hésite pas à intervenir souvent pour commenter mes articles m’a envoyé en réponse en anglais, ce beau poème. Je précise que la traduction en français a été réalisée par moi et n’est sans doute pas totalement fidèle à l’original.
A computer screen ? Un écran d’ordinateur ? Bottomless pit rien qu’un abîme sans fond Hewn from the ice découpé dans la glace That froze over our relationship. où gèlent les relations humaines. Delving deeply into the dark Plongeant profondément dans l’obscurité Nettiing your pêche miraculeuse, leurs filets pour une pêche miraculeuse You fondled it in your head and heart. qu’espèrent votre âme et votre cœur.
Hook, line and sinker Hameçon, ligne et plomb you offered up your very soul vous livrez intensément votre âme to the enchanting depths aux profondeurs enchantées where mermaids murmur où murmurent les sirènes Retaining for the rest laissant pour le reste the dregs and crumbs of your desires. la lie et les miettes de vos désirs.
Sleepwalking thus through Life Traversant la vie tel un somnanbule You carved your perfect world vous sculptez votre monde parfait Wherein no small fry could ever dans lequel aucun menu fretin rock the boat. ne viendra faire tanguer votre esquif.
seriousmoonlight, 24 February 2015
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Merci à seriousmoonlight de ce poème percutant sur les dangers qui guettent les utilisateurs du Net et qui fait réfléchir. Je faisais déjà référence à ces dangers dans mon poème. Peut-être connait-elle quelqu’un qui est dans ce cas…
Vue des Gratte-ciels du centre ville à partir des fenêtres embuées du Philadephia Museum of Art – photo Enki
Vois ce soleil ! Mais c’est un soleil qui gèle et qui rend malheureux !
Robert Walser – lettre à Fanny, 1904
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Ambiance fraîche
Un journal local titre : « Frozen in Philly ».
Philly gelée, figée dans les glaces, Philly, kaléidoscope urbain de pierres, de briques de miroirs et de glace Philly glacée, glaciaire, glaciale, glaçante.
Au cours de cette nuit de froidure, deux immenses cristaux de glace ont jaillis de ton sein. ils resplendissent au soleil mort du matin. Philly de la démesure, Philly du vertige. Le long de tes rues étroites blanchies par le givre les skycrapers ont fini par bousculer tes sobres maisons de brique. Ils dominent désormais, goguenards et triomphants, William Penn le quaker rêveur que ses concitoyens ingrats ont condamnés à la stylité pour l’éternité. Sous ses pieds un palais à l’allure française, mélange de Louvre et d’Hôtel de Ville de Paris qu’on aurait distendu en hauteur pour le rendre plus monumental, se demande ce qu’il fait là, à plus de 6.000 km de Paris…
L’Hôtel de ville de Philadelphie avec la statue de William Penn perchée au sommet du beffroi
Dans les rues,derrière des écrans de verre des anges nous regardent, immobiles… Ils ne nous lâchent pas des yeux et leur sourire figé accompagne longtemps notre marche solitaire. Des silhouettes furtives tout de noir vêtues sillonnent d’un pas pressé les rues enneigées, comme si elles fuyaient un danger inconnu. Leur présence semble, tout comme la vôtre, incongrue.
rues de Philly prise d’un taxi (photo bricolée par mon IPhone)
Hier matin, au sortir de la gare centrale, dans la file d’attente des taxis, un couple d’amoureux venait tout juste de se retrouver, et s’enlaçait langoureusement. Lui, apparemment originaire du coin, chaudement vêtu emmitouflé dans son parka fourré, Elle, visage poupon de petite fille, gravure de mode longiligne, sortie tout droit des pages glacées d’un magazine, chaussures à hauts talons à lanières qui la propulsait à vingt centimètres du sol et simple collant moulant ses longues jambes laissées à découvert par une veste trop courte et trop légère. Il est vrai que le thermomètre ne marquait que – 15° et que c’était le jour de la Saint-Valentin… Toute la file attendait méchamment que le fragile oiseau des îles égaré dans ces lieux, peu à peu engourdi par le froid, se fige et dans un dernier et pathétique battement d’ailes, se pâme et chute sur le sol glacé, mais, Dieu merci ! comme dans les films hollywoodiens qui finissent bien, in extremis, le taxi salvateur a fini par arriver…
Philly – Immeuble incendié pris par les glaces
Comme si la morsure cruelle du froid ne suffisait pas il faut maintenant qu’un hurlement de sirène strident vous perce soudainement cruellement les tympans le bruit est difficilement supportable. C’est un Firetruck dont les multiples illuminations ont pour vos yeux les mêmes effets que la sirène pour vos oreilles. Véhicule futuriste de couleur rouge sang, bardé de chromes rutilants, sorti tout droit d’un film de Mad Max Des lumières violentes clignotent en divers points et à l’avant, un curieux effet de lumière à couleurs multiples tourne à pleine vitesse en décrivant une spirale. Peut-être pour éteindre l’incendie d’un immeuble que l’on découvrira le lendemain dans les journeaux recouverte de stalactites, l’eau des lances d’incendie ayant gelé instantanément sous l’action du froid. Une passante, l’air effaré, serre son enfant contre elle.. Quels esprits sadiques ont créé et autorisé cette cacophonie mutileuse de tympans et sans doute traumatisante à vie pour les enfants ?
On ne m’empêchera pas de penser que les américains éprouvent à tout propos le besoin d’en « rajouter », d’en « remettre une couche » : aspect antédiluvien de leurs trucks et de leurs véhicules de secours, ornements et accessoires ostentatoires de leurs motos et autos, allure bionique de leurs joueurs de football, déguisements délirants de leurs lutteurs et catcheurs, attitude virile et agressive en toute occasion de leur forces de sécurité. Il faut avoir traversé en train la paisible frontière en rase campagne avec le Canada pour en être persuadé si l’on en doutait… On se sent soudainement plongé en pleine action anti-terroriste : prise d’assaut du train par une escouade de garde-frontières armés jusqu’aux dents et munis de gilets pare-balle avec des gueules de types qui ne plaisantent pas. Wagon restaurant transformé pour l’occasion en centre d’opération où les étrangers sont emmenés pour être interrogés sans ménagement. En Amérique, même les homosexuels et les femmes arborent le masque viril : Les homosexuels préfèrent le style « Village people » au style « cage aux folles« et la mode est aux chanteuses hypersexuées, agressives et décomplexées.
le pompier de Philadelphie Jack Silvinski posant pour un calendrier
Aujourd’hui, sur le trottoir, un homme noir énonce avec une voix de stentor une déclamation à un public absent. Hier, sur South Street,dans le quartier Zen et hippie branché devenu, grâce à ses fresques et ses mosaïques murales, l’une des Mecques mondiales du Street Art, tout près du Magic Garden d’Isaiah Zagar, un avatar américain du Facteur Cheval, c’en était un autre qui rappait à tue-tête en se trémoussant sous la neige.
Isaïah Zagar photographié sur Bainbridge Street au début des années 1970 et son hommage au facteur Cheval dans son musée de South Street.
Au milieu des années 1960, Zagar et son épouse Julia ont passé trois ans au Pérou en bénévolat pour le Peace Corps .C’est à cette occasion que le parcours artistique et spirituel de Zagar a commencé . Au Pérou, il a été fasciné par la tradition de l’art populaire et ses artistes.Lorsque le couple est revenu à Philadelphie en 1968, Zagar, qui était atteint de trouble bipolaire non encore diagnostiqué, a souffert d’une dépression nerveuse invalidante, a été hospitalisé et a fait une tentative de suicide. C’est après cet événement qu’il a commencé à réaliser des mosaïques. Cette pratique artistique joua le rôle d’une thérapie pour lui. Par la suite, durant les années 1970, Zagar s’est intégré à un groupe d’artistes et de jeunes entrepreneurs travaillant sur South Street connu sous le nom de South Street Renaissance qui s’étaient donné pour but de redonner la vie à ce qui était devenu un quartier déshérité de la ville. Il a ensuite entrepris des études artistiques à la Pratt Institute de Brooklyn de New York et à 75 ans est devenu titulaire d’un BFA en peinture et graphisme. Il a réalisé plus de 200 œuvres sur les murs de Philadelphie et intervient désormais à l’étranger.
le Reading Terminal Market
Si vous voulez fuir l’univers vide et glacé des rues ventées et ressentir de nouveau avec intensité et dans toute sa promiscuité la pulsation brûlante de la vie, un lieu s’impose : le Reading Terminal Market, à la base d’un ancien dépôt de trains désaffecté, sorte de caravansérail dédié à la bouffe sous toutes ses formes et tous ses goûts. C’est là qu’à Philly se brassent toutes les races du monde dans le grand melting-pot de l’Amérique, toutes dévotement unies dans la célébration du rite de l’ingurgitation des sacro-saints Philly cheese steaks… ces double sandwichs à multiples épaisseurs de viande que vous voyez engloutir à toute heure du jour dans des dizaines de palais, ad nauseam.
Bon appétit !
Liberty Bell avec en arrière-plan l’Indépendance Hall
Il vous reste quelques heures à perdre avant de quitter Philly Vous ne pouviez décemment pas échapper à l’hommage rendu à Liberty Bell, ce symbole de la liberté et de l’Indépendance américaine.
Il fut néfaste pour les américains d’avoir commandé cette cloche en 1752 à ceux qui deviendront leurs futurs ennemis, les anglais… Au premier coup de battant, la cloche se fendit d’une belle fissure Fallait-il voir là un signe du destin annonciateur des ambiguïtés futures attachées à la conception américaine de la « Liberté » ? Quoi qu’il en soit, on s’efforça de la colmater sans succès. Le légende veut qu’elle ait au moins sonné en juillet 1776 pour l’annonce de la Déclaration d’indépendance des États-Unis. Durant un temps, la cloche a sillonné le pays et servi de symbole aux grandes luttes pour les droits civiques. Elle est maintenant exposée dans un pavillon spécialement créé pour elle devant l’ancien bâtiment de l’Indépendance Hall. En 1950, 55 répliques de la Liberty Bell (une pour chacun des 48 états plus le district de Columbia et les territoires) furent commandées par le département du Trésor des États-Unis Echaudés par l’expérience négative de la première cloche, cette fois la commande ne fut pas passée aux anglais. C’est un fabriquant d’Annecy en Haute-Savoie, la fonderie Paccard , (aujourd’hui installée à Sevrier toujours en Haute-Savoie) qui eut l’honneur de fondre ces cloches.
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Old Pine Street Presbyterian Church cemetery
Le pavillon de Liberty Bell jouxte le quartier le plus ancien de Philly où l’on trouve des rues pleines de charme bordées d’arbres séculaires parmi lesquelles se trouvent des maisons très anciennes aussi que quelques églises et un cimetière qui aligne des pierres tombales rustiques mangées par le temps le Old Pine Street Presbyterian Church cemetery, C’est là que sont enterrés certains vétérans de la Révolution américaine. Leurs tombes sont surmontées d’une médaille et de la star spangled vanner,le drapeau américain, mais à seulement treize étoiles,Les Etats-Unis ne comptaient en effet, à l’époque de la proclamation, que treize états.
Il me reste un regret en quittant Philly, celui de pas m’être recueilli devant la maison d’Edgar Poe, l’un de mes poète et romancier préféré. L’écrivain a habité Philadelphie de 1839, année où il a exercé comme rédacteur au au Graham’s Magazine, jusqu’en 1843. C’est dans cette ville qu’un grand nombre de ses œuvres parmi les plus connues ont été publiées. Il avait également durant cette période collaboré au mensuel Burton’s Gentleman’s Magazine et projeté de créer son propre journal, « The Penn » (plus tard rebaptisé « The Stylus »), mais ce projet ne verra jamais le jour. En février 1844, il quittera la ville pour s’installer à New York.
Edgar Poe (1809-1849) et la maison où il habitait sur Spring Garden Sreet
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––– article du blog lié : la Mason-Dixon Line (1763-1767), Sailing To Philadelphia (M. Knopfler)–––
Depuis la fin de la guerre d’indépendance des États-Unis, la ligne Mason-Dixon était la ligne de démarcation entre les États abolitionnistes du Nord et les États esclavagistes du Sud, jusqu’au Compromis du Missouri voté en 1820 qui déplaçait la limite à la latitude 36°30′ Nord (frontière sud du Missouri) pour les territoires de l’ancienne Louisiane française, achetée en 1803. Ce sont deux géomètres britanniques, Charles Mason et Jeremiah Dixon qui l’avaient établie entre 1763 et 1767.
Pour lire l’article entier consacré à cette chanson et musique, c’estICI
Montréal sous « la poudrerie » le 8 février 2015 – photo Enki
Réflexion faite, ce n’est pas si mal d’aborder Montréal sous le blizzard. Le franchissement des 300 m que vous avez à parcourir à pied entre « l’embarcadère »(nom donné par les Québecquois à leurs arrêts de bus dans cette province où l’essentiel des communications s’effectuait par le fleuve Saint-Laurent) où la navette en provenance de l’aéroport vous a lâchée en pleine tempête et votre hôtel s’apparente à une expédition polaire. Un vent glacial chargé de fins cristaux de neige vous fouette le visage et vous pique les yeux au point que cela devient vite insupportable. La température est descendue à – 20° et malheur aux imprévoyants qui n’avaient pas prévus de se munir d’un bonnet, d’une veste rembourrée à haut col recouvrant et d’une paire de gants. Cette averse de neige poudreuse qui tombe du ciel en oblique sous l’effet d’un vent glacial venu du nord et qui parfois monte joliment en tourbillonnant dans les angles morts des constructions bordant les voies, les québécois l’appellent « la poudrerie »*. Pour l’heure la poudrerie a pour effet de transformer la ville en une cité fantôme : peu de voitures et de citadins dans les rues (nous comprendrons plus tard que dans ces conditions extrêmes les habitants de cette grande ville se terrent dans une ville bis souterraine), silhouettes aléatoires des gratte-ciel qui se perdent dans les limbes avec leurs façades rideaux dont on ne sait plus si ce sont des parois de verre ou des murailles de glace, halos lumineux des sources de lumière vite étouffées sous la densité de la neige… Au pieds de certains immeubles, un écriteau vous met en garde : « attention aux chutes de glace ». Inquiet, vous levez les yeux pour distinguer effectivement, vingt mètres au-dessus de votre tête, des masses monstrueuses de stalactites aux pointes effilées et menaçantes. L’intention de vous mettre en garde est louable mais un peu vaine car vous ne découvrez le panneau qu’au moment au vous êtes déjà en danger mortel. Je comprends mieux maintenant pourquoi un passager américain que je transportais dans ma voiture sur une route encaissée des Alpes s’était soudainement plié de rire à la vue d’un panneau « Attention, chutes de pierres ». Mais l’avertissement n’aura pas été totalement inutile; au moins aurez vous pu apprécier, au moment du choc final, la compréhension de votre brusque passage dans l’au-delà…
Ville étrange où un gratte-ciel de verre côtoie une église de style gothique ou un bâtiment de style victorien et où, dans les années soixante, on a allègrement sacrifié sans état d’âme une grande partie du magnifique patrimoine urbain du XIXe siècle sur l’autel du capitalisme débridé à peine camouflé derrière la feuille de vigne de la modernité. La neige, pure et immaculée, qui continue de tomber en abondance semble vouloir enfouir la ville sous un épais manteau blanc et la faire disparaître. Punition ou rédemption envoyée par le ciel ? Ni l’une, ni l’autre. La ville s’est donné les moyens de résister au déluge blanc. Tout d’abord, au plus fort de la tempête, ses habitants font le dos rond en s’enterrant dans les gigantesques citadelles souterraines bâties en accompagnement des différentes opérations immobilières toutes reliées entre elles et au métro souterrain par un linéaire impressionnant de galeries. Ensuite, une impressionnante armada de véhicules anti neige ne tarde pas à mener la contre attaque : ce sont d’abord des formations de chasse-neige qui raclent la neige et la rassemble en tas sales et compacts, puis des engins à la fois pulvérisateurs et aspirateurs qui la broient et l’envoie sur des camions transporteurs qui l’évacueront hors de la ville et enfin un nouveau ballet de chasse-neige pour faire chaussée nette.
les galeries marchandes et les cathédrales de la ville souterraine
Dans ces gigantesques ensembles commerciaux, la profusion d’espace disponible, la qualité des matériaux mis en œuvre tels que les carrelages et autres revêtements, la propreté rigoureuse que l’on constate partout ne parviennent pas à faire oublier la sensation de claustrophobie que l’on ressent et l’impression de laideur inhérente à la nature et à l’excès d’utilisation des matériaux habituels de décoration. La réalisation de vastes centres commerciaux intégrés et souterrains est présenté par les autorités politiques, économiques et les professionnels de l’architecture et de l’urbanisme comme résultant d’un choix fonctionnel pour répondre aux problèmes posés par une période hivernale au climat rigoureux. Mais ce choix a en contrepartie induit des conséquences négatives pour le reste du développement urbain. Les activités de service et de commerces abritées par ces centres se seraient implantées, si ceux-ci n’avaient pas été réalisés, dans les quartiers anciens de la ville et permis ainsi de les valoriser et de les revivifier. De plus l’implantation d’activités dans un bâti ancien s’effectue le plus souvent de manière autonome alors que les implantations dans des centres commerciaux s’effectuent de manière contrôlée et centralisée.
des éléments de l’armada anti-neige au travail
Les galeries souterraines et les centres commerciaux où règnent quantités de fast-food dispensateurs d’une nourriture frankenstein ne sont pas notre tasse de thé… La féérie de la ville, nous la retrouveront plus tard en soirée, toujours sous la neige, en déambulant dans les rues du vieux port heureusement préservées et sur les rives du Saint-Laurent, transformées en gigantesque complexe de loisir ou les montréalais peuvent flâner, patiner, pêcher sous la glace. Le lieu a échappé in extrémis dans les années soixante à la construction d’une immense autoroute qui aurait eu pour effet de couper la ville de son fleuve.
En météo, il est très fréquent au Québec d’entendre parler de poudrerie et de blizzard sans pour autant qu’on définisse exactement de quoi il s’agit. La plupart des gens les associent simplement tous les deux à de la neige forte et à de forts vents sans trop savoir ce qui les différencie. Voici donc, selon les services autorisés québecquois de MétéoMédia, certains critères permettant de s’y retrouver :
Poudrerie La poudrerie est le plus souvent formée d’une neige fine et légère qui se forme le plus souvent dans des températures très basses. Afin de répondre aux critères météorologiques, elle doit être accompagnée par des vents soutenus d’au moins 30 kilomètres à l’heure et réduire la visibilité sur une distance d’au moins 800 mètres pendant au moins 3 heures. Il existe deux types de poudrerie. La poudrerie basse peut être générée même en l’absence de chute de neige. «Il faut toutefois qu’il y ait une neige fraîche légère au sol. Les vents peuvent soulever la neige jusqu’à deux mètres, ce qui peut nuire à la visibilité», explique Anne-Sophie Colombani, météorologue à MétéoMédia. La poudrerie normale nécessite de son côté la chute d’une neige fine au moment où elle se forme. Elle nuira à la visibilité à une plus grande hauteur et de façon plus soutenue.
Blizzard Le blizzard est une version très intense de la poudrerie. Des vents d’au moins 40 kilomètres doivent accompagner les chutes de neige et la visibilité doit être réduite sur une distance de 400 mètres pendant au moins 24 heures. Ces conditions donnent lieu à de fortes chutes de neige en peu de temps et à des conditions routières très risquées.
« Stratégie de l’inespoir » est le 17ème album de Hubert-Félix Thiéfaine. Il paraît trois ans après l’album « Suppléments de mensonge » acclamé par la critique et qui avait notamment permis à son interprète de remporter deux trophées aux Victoires de la Musique en 2012. Dans cet album qui comporte 13 chansons, le single « Angélus » tire son nom de la célèbre prière dédiée à Jésus et renvoie aux racines jurassienne du chanteur : « C’est Louis XI qui a rétabli ces sonneries de cloches quotidiennes » rappelle-t-il. Et d’ajouter: « Les instituteurs en général m’ont marqué, deux en particulier qui ont voulu me punir de venir d’une école catholique »…
« Si je vais bien physiquement, en tant qu’humain, je ne peux pas me sentir bien. Le titre du nouvel album, « Stratégie de l’inespoir », est lié à ça. L’inespoir, ça n’existe pas. Ce n’est ni positif, ni négatif. Quand on parle de situation inespérée, il y a quelque chose de positif. Là, « l’inespoir » paraît plus négatif. Et en même temps ce n’est pas le désespoir. J’aime bien cette idée.. Je suis assez joueur, je pars des mots que j’aime et je les emboîte comme des Lego. Une des nouvelles chansons s’appelle « Médiocratie » parce que je trouve l’époque assez médiocre. On est dans un monde d’épiciers encore plus qu’avant. Tout tourne autour du commerce. Si quelque chose marche, c’est bien, si ça ne marche pas, c’est pas bien. Ce monde-là ne m’intéresse pas, les réseaux sociaux, la télé. J’ai du mal à être devant mon poste. Alors je me fabrique mes choses, mon monde avec les chansons. »
« L’inespoir est à la fois une sorte de no man’s land où l’on n’est pas attiré par l’illusion souvent malheureuse de l’espoir ni par les douleurs et les souffrances du désespoir. On n’est pas dans une tempête émotionnelle »
Question RL : Cet album reflète une lucidité calme, tranquille… « Hubert-Félix Thiéfaine : La lucidité, oui, c’est vraiment le sens que laisse le mot « inespoir ». C’est l’absence d’espoir, mais aussi de désespoir. Un no man’s land émotionnel qui permet d’avoir ce recul nécessaire pour voir les choses. C’est presque une perception philosophique de la vie. La religion, la politique, le sport : je suis fatigué de toutes ces choses derrière lesquelles on nous fait courir. » (Interview Républicain Lorrain)
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Angélus
Je te salue seigneur, du fond de l’inutile À travers la tendresse de mes cauchemars d’enfant Le calme désespoir, de mon bonheur tranquille Et la sérénité de mon joyeux néant
Et je m’en vais ce soir, paisible et silencieux Au bras de la première beauté vierge tombée des cieux Oui je m’en vais ce soir, paisible et silencieux Au bras de la première beauté vierge tombée des cieux Oui je m’en vais ce soir
Pendant que mes ennemis amnistient leur conscience Que mes anciens amis font tomber leur sentence Les citoyens frigides tremblent dans leur cervelle Quand les clochards lucides retournent à leur poubelle
Et je m’en vais ce soir, paisible et silencieux Au bras de la première beauté vierge tombée des cieux Oui je m’en vais ce soir, paisible et silencieux Au bras de la première beauté vierge tombée des cieux Oui je m’en vais ce soir
Je te salue seigneur, du fond de tes abîmes De tes clochers trompeurs, de tes églises vides Je suis ton cœur blessé, le fruit de ta déprime Je suis ton assassin, je suis ton déicide
Et je m’en vais ce soir, paisible et silencieux Au bras de la première beauté vierge tombée des cieux Oui je m’en vais ce soir, paisible et silencieux Au bras de la première beauté vierge tombée des cieux Oui je m’en vais ce soir
Oui je m’en vais ce soir
Oui je m’en vais ce soir
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Thiéfaine a chanté Angelus en live à la soirée de solidarité « Je suis Charlie « présentée à l’auditorium de Radio France et retransmise par FRANCE 2 le 12 Janvier 2015.