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Vue des Gratte-ciels du centre ville à partir des fenêtres embuées du Philadephia Museum of Art – photo Enki
Vois ce soleil !
Mais c’est un
soleil qui gèle
et qui rend malheureux !
Robert Walser – lettre à Fanny, 1904
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Ambiance fraîche
Un journal local titre : « Frozen in Philly ».
Philly gelée, figée dans les glaces,
Philly, kaléidoscope urbain de pierres, de briques de miroirs et de glace
Philly glacée, glaciaire, glaciale, glaçante.
Au cours de cette nuit de froidure,
deux immenses cristaux de glace
ont jaillis de ton sein.
ils resplendissent au soleil mort du matin.
Philly de la démesure,
Philly du vertige.
Le long de tes rues étroites
blanchies par le givre
les skycrapers ont fini par bousculer
tes sobres maisons de brique.
Ils dominent désormais, goguenards et triomphants,
William Penn le quaker rêveur
que ses concitoyens ingrats
ont condamnés à la stylité pour l’éternité.
Sous ses pieds un palais à l’allure française,
mélange de Louvre et d’Hôtel de Ville de Paris
qu’on aurait distendu en hauteur pour le rendre plus monumental,
se demande ce qu’il fait là, à plus de 6.000 km de Paris…
L’Hôtel de ville de Philadelphie avec la statue de William Penn perchée au sommet du beffroi
Dans les rues,derrière des écrans de verre
des anges nous regardent, immobiles…
Ils ne nous lâchent pas des yeux
et leur sourire figé accompagne longtemps
notre marche solitaire.
Des silhouettes furtives tout de noir vêtues
sillonnent d’un pas pressé les rues enneigées,
comme si elles fuyaient un danger inconnu.
Leur présence semble, tout comme la vôtre, incongrue.
rues de Philly prise d’un taxi (photo bricolée par mon IPhone)
Hier matin, au sortir de la gare centrale,
dans la file d’attente des taxis,
un couple d’amoureux venait tout juste de se retrouver,
et s’enlaçait langoureusement.
Lui, apparemment originaire du coin,
chaudement vêtu emmitouflé dans son parka fourré,
Elle, visage poupon de petite fille,
gravure de mode longiligne, sortie tout droit
des pages glacées d’un magazine,
chaussures à hauts talons à lanières
qui la propulsait à vingt centimètres du sol
et simple collant moulant ses longues jambes
laissées à découvert par une veste trop courte et trop légère.
Il est vrai que le thermomètre ne marquait que – 15°
et que c’était le jour de la Saint-Valentin…
Toute la file attendait méchamment
que le fragile oiseau des îles égaré dans ces lieux,
peu à peu engourdi par le froid, se fige
et dans un dernier et pathétique battement d’ailes,
se pâme et chute sur le sol glacé, mais, Dieu merci !
comme dans les films hollywoodiens qui finissent bien,
in extremis, le taxi salvateur a fini par arriver…
Philly – Immeuble incendié pris par les glaces
Comme si la morsure cruelle du froid ne suffisait pas
il faut maintenant qu’un hurlement de sirène strident
vous perce soudainement cruellement les tympans
le bruit est difficilement supportable.
C’est un Firetruck dont les multiples illuminations
ont pour vos yeux les mêmes effets que la sirène pour vos oreilles.
Véhicule futuriste de couleur rouge sang,
bardé de chromes rutilants, sorti tout droit d’un film de Mad Max
Des lumières violentes clignotent en divers points
et à l’avant, un curieux effet de lumière à couleurs multiples
tourne à pleine vitesse en décrivant une spirale.
Peut-être pour éteindre l’incendie d’un immeuble
que l’on découvrira le lendemain dans les journeaux
recouverte de stalactites, l’eau des lances d’incendie
ayant gelé instantanément sous l’action du froid.
Une passante, l’air effaré, serre son enfant contre elle..
Quels esprits sadiques ont créé et autorisé
cette cacophonie mutileuse de tympans
et sans doute traumatisante à vie pour les enfants ?
On ne m’empêchera pas de penser
que les américains éprouvent à tout propos
le besoin d’en « rajouter », d’en « remettre une couche » :
aspect antédiluvien de leurs trucks et de leurs véhicules de secours,
ornements et accessoires ostentatoires de leurs motos et autos,
allure bionique de leurs joueurs de football,
déguisements délirants de leurs lutteurs et catcheurs,
attitude virile et agressive en toute occasion de leur forces de sécurité.
Il faut avoir traversé en train la paisible frontière en rase campagne
avec le Canada pour en être persuadé si l’on en doutait…
On se sent soudainement plongé en pleine action anti-terroriste :
prise d’assaut du train par une escouade de garde-frontières
armés jusqu’aux dents et munis de gilets pare-balle
avec des gueules de types qui ne plaisantent pas.
Wagon restaurant transformé pour l’occasion en centre d’opération
où les étrangers sont emmenés pour être interrogés sans ménagement.
En Amérique, même les homosexuels et les femmes arborent le masque viril :
Les homosexuels préfèrent le style « Village people » au style « cage aux folles«
et la mode est aux chanteuses hypersexuées, agressives et décomplexées.
le pompier de Philadelphie Jack Silvinski posant pour un calendrier
Aujourd’hui, sur le trottoir, un homme noir
énonce avec une voix de stentor
une déclamation à un public absent.
Hier, sur South Street, dans le quartier Zen et hippie branché
devenu, grâce à ses fresques et ses mosaïques murales,
l’une des Mecques mondiales du Street Art,
tout près du Magic Garden d’Isaiah Zagar,
un avatar américain du Facteur Cheval,
c’en était un autre qui rappait à tue-tête
en se trémoussant sous la neige.
Isaïah Zagar photographié sur Bainbridge Street au début des années 1970 et son hommage au facteur Cheval dans son musée de South Street.
Au milieu des années 1960, Zagar et son épouse Julia ont passé trois ans au Pérou en bénévolat pour le Peace Corps . C’est à cette occasion que le parcours artistique et spirituel de Zagar a commencé . Au Pérou, il a été fasciné par la tradition de l’art populaire et ses artistes. Lorsque le couple est revenu à Philadelphie en 1968, Zagar, qui était atteint de trouble bipolaire non encore diagnostiqué, a souffert d’une dépression nerveuse invalidante, a été hospitalisé et a fait une tentative de suicide. C’est après cet événement qu’il a commencé à réaliser des mosaïques. Cette pratique artistique joua le rôle d’une thérapie pour lui. Par la suite, durant les années 1970, Zagar s’est intégré à un groupe d’artistes et de jeunes entrepreneurs travaillant sur South Street connu sous le nom de South Street Renaissance qui s’étaient donné pour but de redonner la vie à ce qui était devenu un quartier déshérité de la ville. Il a ensuite entrepris des études artistiques à la Pratt Institute de Brooklyn de New York et à 75 ans est devenu titulaire d’un BFA en peinture et graphisme. Il a réalisé plus de 200 œuvres sur les murs de Philadelphie et intervient désormais à l’étranger.
le Reading Terminal Market
Si vous voulez fuir l’univers vide et glacé des rues ventées
et ressentir de nouveau avec intensité et dans toute sa promiscuité
la pulsation brûlante de la vie,
un lieu s’impose : le Reading Terminal Market,
à la base d’un ancien dépôt de trains désaffecté,
sorte de caravansérail dédié à la bouffe
sous toutes ses formes et tous ses goûts.
C’est là qu’à Philly se brassent toutes les races du monde
dans le grand melting-pot de l’Amérique,
toutes dévotement unies dans la célébration du rite
de l’ingurgitation des sacro-saints Philly cheese steaks…
ces double sandwichs à multiples épaisseurs de viande
que vous voyez engloutir à toute heure du jour
dans des dizaines de palais, ad nauseam.
Bon appétit !
Liberty Bell avec en arrière-plan l’Indépendance Hall
Il vous reste quelques heures à perdre
avant de quitter Philly
Vous ne pouviez décemment pas échapper
à l’hommage rendu à Liberty Bell,
ce symbole de la liberté et de l’Indépendance américaine.
Il fut néfaste pour les américains d’avoir commandé cette cloche
en 1752 à ceux qui deviendront leurs futurs ennemis, les anglais…
Au premier coup de battant, la cloche se fendit d’une belle fissure
Fallait-il voir là un signe du destin
annonciateur des ambiguïtés futures
attachées à la conception américaine de la « Liberté » ?
Quoi qu’il en soit, on s’efforça de la colmater sans succès.
Le légende veut qu’elle ait au moins sonné en juillet 1776
pour l’annonce de la Déclaration d’indépendance des États-Unis.
Durant un temps, la cloche a sillonné le pays
et servi de symbole aux grandes luttes pour les droits civiques.
Elle est maintenant exposée dans un pavillon spécialement créé
pour elle devant l’ancien bâtiment de l’Indépendance Hall.
En 1950, 55 répliques de la Liberty Bell
(une pour chacun des 48 états plus le district de Columbia et les territoires)
furent commandées par le département du Trésor des États-Unis
Echaudés par l’expérience négative de la première cloche,
cette fois la commande ne fut pas passée aux anglais.
C’est un fabriquant d’Annecy en Haute-Savoie, la fonderie Paccard ,
(aujourd’hui installée à Sevrier toujours en Haute-Savoie)
qui eut l’honneur de fondre ces cloches.
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Old Pine Street Presbyterian Church cemetery
Le pavillon de Liberty Bell jouxte le quartier le plus ancien de Philly
où l’on trouve des rues pleines de charme bordées d’arbres séculaires
parmi lesquelles se trouvent des maisons très anciennes
aussi que quelques églises et un cimetière qui aligne
des pierres tombales rustiques mangées par le temps
le Old Pine Street Presbyterian Church cemetery,
C’est là que sont enterrés certains vétérans de la Révolution américaine.
Leurs tombes sont surmontées d’une médaille et de la star spangled vanner, le drapeau américain, mais à seulement treize étoiles, Les Etats-Unis ne comptaient en effet, à l’époque de la proclamation, que treize états.
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Il me reste un regret en quittant Philly, celui de pas m’être recueilli devant la maison d’Edgar Poe, l’un de mes poète et romancier préféré. L’écrivain a habité Philadelphie de 1839, année où il a exercé comme rédacteur au au Graham’s Magazine, jusqu’en 1843. C’est dans cette ville qu’un grand nombre de ses œuvres parmi les plus connues ont été publiées. Il avait également durant cette période collaboré au mensuel Burton’s Gentleman’s Magazine et projeté de créer son propre journal, « The Penn » (plus tard rebaptisé « The Stylus »), mais ce projet ne verra jamais le jour. En février 1844, il quittera la ville pour s’installer à New York.
Edgar Poe (1809-1849) et la maison où il habitait sur Spring Garden Sreet
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––– article du blog lié : la Mason-Dixon Line (1763-1767), Sailing To Philadelphia (M. Knopfler) –––
Depuis la fin de la guerre d’indépendance des États-Unis, la ligne Mason-Dixon était la ligne de démarcation entre les États abolitionnistes du Nord et les États esclavagistes du Sud, jusqu’au Compromis du Missouri voté en 1820 qui déplaçait la limite à la latitude 36°30′ Nord (frontière sud du Missouri) pour les territoires de l’ancienne Louisiane française, achetée en 1803. Ce sont deux géomètres britanniques, Charles Mason et Jeremiah Dixon qui l’avaient établie entre 1763 et 1767.
Pour lire l’article entier consacré à cette chanson et musique, c’est ICI
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A reblogué ceci sur Mon site officiel / My official websiteet a ajouté:
Bon article. J’aime beaucoup cette chanson aussi.
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Good post. I really like this song too.