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Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui …
Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre Ce lac dur oublié que hante sous le givre Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !
Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui Magnifique mais qui sans espoir se délivre Pour n’avoir pas chanté la région où vivre Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie, Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne, Il s’immobilise au songe froid de mépris Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.
Stéphane Mallarmé, paru dans Poésies, 1899
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Ce sonnet, paru dans le recueil Poésie en 1889 est l’un des plus emblématique de Mallarmé. Il évoque l’image d’un cygne rendu piégé par un lac gelé pour avoir tardé de s’y envoler. Certains y voit, au même titre que le poème de Baudelaire, l’Albatros, une parabole des difficultés de la création poétique. Dans le poème deux principes s’opposent : un principe de mouvement qui symbolise le désir de fuite, d’envol et de délivrance (coup d’aile ivre, vols qui n’ont pas fui, se délivre, la région où vivre, son col secouera) et un principe de fixité et de contrainte (lac dur, transparent glacier, sans espoir, stérile hiver, l’ennui, blanche agonie infligée, horreur du sol où le plumage est pris, fantôme, assigne, immobilise, exil inutile). Sur le plan formel, le poème est d’une grande unité : unité du son par la répétition des rimes qui toutes intègrent la voyelle (i) et unité de couleur par l’omniprésence de la couleur blanche dans le paysage.
Pour une analyse plus exhaustive, se reporter au travail réalisé par Daniel Lefèvre avec ses élèves d’hypokhâgne du lycée Malherbe de Caen. C’est ICI.
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Et pour finir un étrange chant à 4 voix du poème de Mallarmé en anglais… Surprenant ! (traduction du poème par SN Salomons et musique composée et dirigée par David W. Salomons
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