Αποκάλυψις – Les quatre Dragons Rouges de William Blake : Apocalypse et transfiguration

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William Blake

William Blake (1757-1827)

     Les peintures du Grand Dragon Rouge sont une série de quatre aquarelles réalisées par le poète et peintre anglais William Blake entre 1805 et 1810. Durant cette période, Blake fut chargé de créer plus d’une centaine de peintures pour illustrer des livres de la Bible. En particulier, cette tétralogie s’appuie sur la description du Grand Dragon Rouge de l’Apocalypse :

« Un grand signe apparut dans le ciel : une femme, vêtue du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l’enfantement. Alors un autre signe apparut dans le ciel : c’était un grand dragon rouge-feu. Il avait sept têtes et dix cornes et, sur ses têtes, sept diadèmes. Sa queue, qui balayait le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le dragon se posta devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.
Elle mit au monde un fils, un enfant mâle; c’est lui qui doit mener paître toutes les nations avec une verge de fer » »    –   
La Bible, Ap 12:3-4

William Blake - The Great Red Dragon and the Woman Clothed in Sun

William Blake, The Great Red Dragon and the Woman Clothed in Sun, 1805
Pen and watercolour, 43,7 x 34,8 cm, The Brooklyn Museum of art, NY

   Cette peinture montre le dragon, de dos, prêt à dévorer l’enfant de la femme enceinte décrite dans l’Apocalypse :

       « le dragon, vu de dos, semble enjamber tout l’univers, un ped posé sur les abîmes maritimes (sous la lune, la couleur est bien d’eau…), l’autre fermement appuyé sur un piton rocheux. Son attitude triomphante et dominatrice n’est pas sans rappeler celle de l’ange au petit livre; mais la bête remplace l’ange et l’imminence de la mort celle de la révélation. Le dragon surplombe la femme allongée à ses pieds, affolée, suppliante; l’agresseur est debout. Ses ailes déployées ont des arêtes acérées et des angles aigus mis en valeur par quelques traites de plume noire; la victime, couchée, s’enroule dans les plis vaporeux de sa robe et ses cheveux son ondulés. la transparence lumineuse de al femme contraste avec l’opacité des ailes membraneuses qui obstruent l’horizon. Dans cette première aquarelle, la femme est déjà la proie du dragon rouge-feu : la queue qui, dans l’Apocalypse, balaie le tiers des étoiles, enserre ici le corps de sa victime. Conformément à la légende, le dragon serait le premier amant de la femme. Sa queue énorme est un phallus : la fureur du dragon serait l’envers de son désir, et l’occultation de l’enfant va dans le même sens. Dans l’Apocalypse, quatre «forces» sont en présence : une femme, un enfant, un dragon, Dieu. Blake resserre le conflit et modifie sensiblement sa signification. La mise en scène et la mise en image – les lignes, les formes et les couleurs : le style même de cette œuvre – exacerbent la confrontation des contraires; l’agresseur contre sa victime, l’actif et le passif, le masculin contre le féminin, la bête ou la matière contre l’âme…»

William Blake - The Great Red Dragon and the Woman Clothed with the Sun

William Blake, The Great Red Dragon and the Woman Clothed in Sun, 1805-1810
Aquarelle, 40 x 32,5 cm, National gallery of Art, washington

    Similaire à la précédente, cette aquarelle illustre la même scène mais d’un point de vue différent : la femme enceinte est présentée de face, dominée par le Dragon.

     La seconde aquarelle peut surprendre au premier abord : quoique précipité sur terre, le Dragon semble toujours en position dominatrice, celle des spectres blakiens. Mais la dynamique de l’œuvre inverse radicalement sa signification : alors que le dragon bascule vers la terre, la femme se redresse et semble affronter l’ennemi du regard. Les cornes de la lune sont dressées, comme les bras tendus vers les hauteurs et les ailes éplorées. Assise sur un promontoire qui l’isole des eaux et de la foule, elle est déjà sauvée et prête à s’envoler. Sa silhouette fait écho à celle du ressuscité, ou de Saul converti. La victoire de cette femme est bien une victoire sur la mort; elle est à proprement parler résurrection et renaissance à un autre ordre de valeurs, renaissance à l’Esprit. La femme aux formes pleines et arrondies s’impose comme un centre irradiant de l’œuvre. Ses ailes n’ont pas l’envergure de celés du grand aigle, mais la forme et la douceur des ailes duveteuses des anges. Elles sont un écho triomphant des ailes nocturnes de Jérusalem déchue. Les deux figures gagnent d’ailleurs à être rapprochées : l’une s’enferme en son chagrin et se replie sur soi; l’autre s’ouvre au contraire et s’offre pour sauver le monde : ses bras tendus sont ceux du Christ et ceux d’Albion. La mère de l’Apocalypse devient ainsi l’émanation d’Albion et l’âme de l’humanité : lorsque l’homme éternel s’éveille de son long sommeil, elle se dresse comme lui sur le rocher des siècles, triomphant du dragon, de la matière et de la mort. 

     Ces deux illustrations de l’Apocalypse de Saint Jean « résument » magnifiquement l’épopée de Jerusalem, L’Emanation du géant Albion; elles rassemblent les images et les thèmes épars dans le cours du poème : le papillon de la page de titre ou celui du rêve de Los, exalté parmi les étoiles, l’arche lunaire oui le spectre d’Albion, le serpent qui enserre le corps nu d’une femme ou l’attitude offerte d’Albion devant le crucifié : elles concentrent la vision. La mère de l’Apocalypse n’est pas autre, pour Blake, que la fiancée de l’Agneau, l’émanation d’Albion, Jérusalem et la liberté. – Danièle Chauvin, Apocalypse et transfiguration, pages 78 à 80.

William Blake - The Great Red Dragon and the Beast from the Sea

William Blake, The Great Red Dragon and the Beast from the Sea, 1805
Pen and watercolour, 41 x 35,6 cm, National gallery of Art, washington

     L’aquarelle n° 3 représente toujours le grand dragon rouge, un avatar du Diable, représenté dans sa gloire, hideux debout sur la bête à sept têtes de la merVoici comment Saint Jean, reclus dans l’île de Patmos sous l’empereur romain Domitien, a décrit dans l’Apocalypse selon sa vision la Bête monstrueuse :

« Puis je vis monter de la mer une Bête, qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La Bête que je vis était semblable à un léopard ; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le Dragon lui donna sa puissance et son trône, et une grande autorité. Et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort ; mais sa blessure mortelle fut guérie. Et toute la terre était dans l’admiration derrière la Bête. Et ils adorèrent le Dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la Bête; ils adorèrent la Bête, en disant : Qui est semblable à la Bête ? Qui peut combattre contre elle ? Et il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles arrogantes et des blasphèmes ; et il lui fut donné le pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois. Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son Nom et son tabernacle, et ceux qui habitent dans le Ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation. Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dès la fondation du monde dans le Livre de vie de l’Agneau qui a été immolé [ Jesus-Christ ]. Si quelqu’un a des oreilles, qu’il entende ! » (Apocalypse 13, 1-9)

      Les exégètes voient généralement dans cette Bête le symbole de tout pouvoir qui s’oppose à Dieu et à ses commandements à travers le monde, à travers les siècles. Par exemple, jusqu’au IVe siècle, le pouvoir de l’empire romain, encore païen, qui a plus ou moins violemment persécuté l’Église. Au XXe siècle, le totalitarisme nazi, d’une part, et le totalitarisme soviétique, d’autre part, ont pu être perçus comme de nouveaux « visages » de la Bête. D’autres pouvoirs ou puissances dans le monde, tant dans le passé, dans l’actualité contemporaine et dans les temps à l’avenir, dès lors qu’ils s’opposent à Dieu et à l’Église, peuvent entrer dans la grille de « lecture » interprétant leur action comme étant celle de la Bête.

William Blake - The Number of the Beast is 666

William Blake, The number of the Beast is 666
Pen and watercolour, 40,6 x 33,0 cm, Rosenbach Museum and Library, Philadelphia

     Dans l’Apocalypse selon saint Jean, la « bête de l’Apocalypse » est une bête à sept têtes et dix cornes, qui représente un système de pouvoir, conféré par Satan, s’étend sur tous les hommes qui y adhèrent en recevant la marque de la bête. Cette marque est le 666, le Nombre de la Bête. La particularité de ce système de pouvoir – et donc de la Bête – est de s’opposer à Dieu et à tout ce qui le représente, en particulier l’Evangile.

    « Il lui fut donné d’animer l’image de la bête, de sorte qu’elle ait même la parole et fasse mettre à mort quiconque n’adorerait pas l’image de la bête. À tous, petits et grands, riches et pauvres, hommes libres et esclaves, elle impose une marque sur la main droite ou sur le front. Et nul ne pourra acheter ou vendre, s’il ne porte la marque, le nom de la bête ou le chiffre de son nom. C’est le moment d’avoir du discernement : celui qui a de l’intelligence, qu’il interprète le chiffre de la bête, car c’est un chiffre d’homme : et son chiffre est six cent soixante-six. » (Traduction œcuménique de la Bible donne pour les versets 15 à 18)

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