Un barrage contre l’Atlantique : la dernière maison de Holland Island (Maryland)

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La dernière maison de Holland Island

    Construite en 1888, cette maison victorienne a bravé les éléments et a combattu durant plus d’un siècle l’érosion du littoral de Holland Island dans la baie de Chesapeake. Malgré les efforts des anciens résidents de la maison et du propriétaire Stephen White pour protéger l’île afin de la sauver, les eaux ont été victorieuses et les ont submergées toutes les deux.
    Ce qui suit est l’histoire de de la lutte d’un homme qui a entrepris une lutte désespérée pour sauvegarder ce à quoi il tenait plus que tout : son passé…

Holland Island - Naissance d'un village

Holland Island – Naissance d’un village

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    La première occupation humaine date des années 1600, Holland Island a reçu son nom du propriétaire de l’île, le colon Daniel Holland. Pendant près de deux siècles, la vie s’est déroulée sans incident pour la petite île dont les rives n’étaient occupées que par un seul village de taille minuscule. Puis, dans les années 1850, on assista à un boom de la pêche et de l’agriculture dans la région de Chesapeake qui apporta un certaine prospérité dans l’île. Quarante années plus tard, il y avait dans l’île une importante communauté de bateliers et à l’orée du vingtième siècle, en 1910, l’île abritait 360 habitants, ce qui en faisait l’île la plus peuplée de la baie de Chesapeake. À l’apogée de sa prospérité, Holland Island comptait plus de 70 constructions comprenant des commerces, une école, un bureau de poste, plusieurs magasins généraux et une église. L’île avait aussi son propre médecin, un centre communautaire, et même une équipe de baseball qui voyageait par bateau pour participer à des matchs à l’extérieur.
  Près de 90 navires mouillaient à Holland Island, dont les propriétaires s’attachaient à bâtir leurs fortunes par la pêche, le piégeage des crabes ou la collecte des huîtres.

Holland Island tel qu'elle était encore le 18 Octobre 1953

Holland Island tel qu’elle était encore le 18 Octobre 1953

carte de Holland Island     Une des caractéristiques géologiques des îles de la baie de Chesapeake est que leur sol est constitué de boue et de limon déposés par les glaciers de l’époque glaciaire lors de la fonte des glaces. Cette particularité rend une île comme Holland Island plus sensible à l’érosion des berges causée par l’assaut permanent des vagues. Ainsi, le processus d’érosion qui s’est développé depuis des milliers d’années a peu à peu grignoté le socle terreux de l’île. Ce processus s’est accéléré ces dernières années avec la montée du niveau de l’océan résultant du réchauffement climatique.
    C’est au cours de l’année 1914 que les habitants de l’île ont commencé à sérieusement s’inquiéter en assistant à la submersion de pans entiers de rivages. Des travaux de consolidation des rivages ont alors été menés et des dépôts de pierres importées du continent ont été mis en place pour constituer des digues et des brise-lames. On a également sabordé des navires pour amortir le choc des vagues mais tous ces efforts se sont révélés inutiles.

    Cette situation a obligé la majorité des habitants à démonter leurs maisons pour les reconstruire sur le continent mais certains îliens sont restés dans l’espoir de la venue d’un hypothétique miracle mais ce dernier espoir s’est envolé sous l’effet de la tempête tropicale de 1918 qui a fortement endommagé l’église. Durant quelques années encore l’île a été partiellement occupée lors de la période de pêche mais a finalement été totalement désertée en 1922 après la fermeture de l’église.

Google Map - carte et vue satellite montrant l'érosion

Google Map – carte et vue satellite montrant l’érosion

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Un barrage contre l’Atlantique

hi-stephen-white    Le sort de l’île paraissait définitivement scellé et pendant les années qui suivirent l’action destructrice de la nature suivit son cours inexorable de délitement et d’anéantissement. Mais en 1995, un événement que l’on avait plus connu depuis longtemps vint troubler la tranquillité de ce qui restait de l’île… L’homme était de retour sur l’île et pas seulement de manière momentanée comme le faisaient les quelques pêcheurs ou navigateurs qui venaient jeter parfois l’ancre sur son rivage. Non, l’homme était de retour et était là pour y rester dans la ferme intention de contrecarrer l’œuvre de la nature sinon du Seigneur. L’homme en question s’appelait Stephen White, et en matière de navigation et de relation avec le Seigneur, il s’y connaissait puisque il était ancien batelier et pasteur méthodiste et connaissait bien l’île pour y avoir passé son enfance. Il venait d’acheter ce qui restait de l’île pour 70.000 dollars dans le but de la sauver et avait créé afin de parvenir à cet objectif une association : la Fondation Holland Island Preservation.

Stephen White avec en arrière-plan son île

Stephen White avec en arrière-plan son île

    S’engagea alors une lutte titanesque et inégale contre l’océan. Stephen White, aidé par son épouse, construisit tout d’abord des brise-lames en bois mais les vagues les détruisirent. Il les remplaça alors par le dépôt de sacs de sable qui finirent par percer et se dissoudre dans l’océan. Il remplaça alors les sacs de sable par des tonnes de roches importées du continent. Au total 23 tonnes de roches furent déposées sur le rivage mais là également, en vain. C’est alors qu’il apporta un engin de terrassement et se mit à créer des digues de fortune pour contrer l’action des vagues et protéger le rivage mais comme le reste, ces barrières dérisoires furent emportées par les flots. Dans un ultime recours recours, il alla jusqu’à saborder une vieille barge à proximité de la maison pour la protéger mais là encore sans succès. La maison fut envahie par les eaux. Au total Stephen White avait consacré 15 années de sa vie à lutter contre le destin et dépensé en pure perte plus de 150.000 dollars.

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L’agonie de la maison

l'engin de terrassement (2)

La dernière maison de Holland Island avec l’engin de terrassement de White

Holland Island - photo Jay Fleming

l’agonie de la maison – photo Jay Fleming

Holland Island

Holland Island avec sa barge de protection dernière trace de ce qui fut la maison

à gauche, la maison encore debout protégée par sa barge (rectangle orange) – à droite tout ce qui reste comme traces de la maison après sa submersion.

l'engin de terrassement (4)

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l'engin de terrassement (3)

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article lié

La Ballade de Holland Island House, un court-métrage d’animation réalisé par l’américaine Lynn Tomlinson sur ce thème
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The Ballad of Holland Island House

    La Ballade de Holland Island House, la réalisatrice  Lynn Tomlinson raconte l’histoire véridique d’une maison qui est la dernière de son village à résister à la montée de l’océan sur une île de la baie de Chesapeake. Après une longue lutte, elle finira par disparaître à son tour dans les flots. Dans la ballade chantée qui accompagne les images, la maison raconte l’histoire de sa vie avec les créatures qu’elle a côtoyé et abrité au cours de son voyage depuis sa vie originelle en tant qu’arbre, puis en bois de construction jusqu’à son ultime retour à la nature. Ce film est une interrogation sur le temps, le changement de l’environnement et la montée du niveau des océans.

C’est ICI

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2 réflexions sur « Un barrage contre l’Atlantique : la dernière maison de Holland Island (Maryland) »

  1. En réalité, c’est surtout l’île qui s’est enfoncée, comme c’est le cas pour d’autres de la baie de Chesapeake (Washington).
    Regardez les données d’un marégraphe voisin dont les données remontent à 1911 :
    https://tidesandcurrents.noaa.gov/sltrends/sltrends_station.shtml?stnid=8534720
    celui de Atlantic City. D’autres plus proches ont la même tendance mais avec moins d’ancienneté.

    Le phénomène est celui de la subsidence. Avec le pompage des nappes phréatiques par les grandes villes voisines, la terre s’affaisse.

    C’est encore plus marqué dans le Golfe du Mexique où le vidage des poches de pétrole s’ajoute pour démultiplier le phénomène.

    • La montée du niveau des océans, sensible depuis plusieurs années, doit y être aussi pour quelque chose. Merci néanmoins pour cette information complémentaire. Un exemple de plus qui montre que l’homme désorganise par ses actes irréfléchis l’équilibre fragile qui a permis à la planète d’être ce qu’elle était pour notre plus grand bonheur et qui risque si nous ne réagissons pas d’être irrémédiablement détruit. J’aime la métaphore de l’Homme cramponné au dos d’un tigre lancé en pleine course. Ne contrôlant rien, ni sa vitesse, ni l’aboutissement de sa course, il voit défiler la jungle autour de lui à pleine vitesse et craint par dessus tout, si le tigre s’arrêtait de courir, d’être dévoré… Misère de la condition humaine…

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