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Hiroshige – Renards de feu la nuit du Nouvel An sous l’arbre Enoki près d’Ōji. Chaque renard a un kitsunebi flottant devant sa tête – septembre 1857 ( Cent vues d’Edo, estampe 118 )
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Une planche célèbre et imaginaire. Dans cette composition nocturne, sous un ciel gris bleuâtre parsemé d’étoiles, des renards phosphorescents au-dessus desquels planaient de mystérieuses fumerolles sont réunis au pied d’un grand micocoulier (enoki) à Ôji, au nord d’Edo, près du sanctuaire shintô d’Inari, la divinité du riz. L’attention est concentrée sur ce groupe près de l’arbre au premier plan, cependant qu’à une certaine distance apparaissent plusieurs autres renards qui se dirigent vers le premier groupe mais qui ne sont encore que de petits points lumineux perdus dans le fond de l’image. L’intense luminosité autour des renards contraste fortement avec l’obscurité nocturne et donne un effet dramatique et mystérieux à la scène. D’après la légende, les renards, messagers d’Inari et gardiens du temple, étaient dotés de pouvoirs surnaturels. Ils étaient censés se réunir avec leurs forces magiques sous cet arbre la nuit du dernier jour de l’année pour adorer Inari afin de protéger la récolte et conjurer le mauvais sort; alors émanaient d’eux des feux follets qui brûlaient à leur côté comme autant de flambeaux alimentés par leur haleine. C’était le moment pour les paysans de formuler des vœux : du nombre de renards et de la forme de leurs fumeroles dépendait l’abondance de la récolte à venir. Les paysans se rendaient ensuite au sanctuaire d’Ōji Inari (ou Shōzoku Inari), où le dieu leur confiait différentes tâches à accomplir pendant la nouvelle année. Lorsque mourut le grand arbre de l’époque de Hiroshige, les habitants décidèrent d’en planter un nouveau vénéré de nos jours encore.
Hiroshige utilise une impression en quadrichromie afin de tirer le meilleur parti de cette scène très dramatique et à l’atmosphère fantastique.L’impression de cette planche, tirée dans des teintes de gris, de noir et de bleu, avec quelques touches de vert, de jaune et de rouge, est une prouesse technique. Le peintre joue sur la technique du bokashi, les dégradés de gris et l’emploi de poudre de mica, avec des surimpressions de vert pour les végétaux. la perfection dans le rendu du clair-obscur, le traitement de la lumière et des ténèbres, la réussite de l’effet nocturne, rehaussé par la luminosité des renards et le scintillement des étoiles, font de cette estampe un vrai chef-d’œuvre graphique. (crédits Wikipedia & Bibliothèque Nationale de France)
Portrait posthume d’Hiroshige, peint par son ami Utagawa Kunisada
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Hiroshige – Renards de feu la nuit du Nouvel An (détail)
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Kitsune, l’esprit renard
obake karuta (carte de monstre) du début du xixe siècle représentant un kitsune
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Au Japon, le terme kitsune désigne aussi bien un renard qu’un esprit surnaturel (yōkai) pouvant prendre la forme d’un renard. Le kitsune a souvent été associé à la divinité shintoïste Inari pour laquelle il sert de messager. Dans le folklore et la tradition japonaise, le renard incarne l’esprit du mal à l’exception de ceux qui servent Inari. Ils ont la réputation d’être rusés, jouer des tours aux humains et d’être doués de pouvoirs magiques, comme par exemple celui de se transformer en femme-renarde. On dit que les renards japonais ont adopté certaines mœurs des humains., en particulier ceux concernant le mariage. N’importe quel kitsune est censé être capable de changer de forme quand il atteint un âge avancé (souvent une centaine d’années), et ses pouvoirs ne cessent de croître avec le temps. Parallèlement, de nouvelles queues lui poussent, et il peut devenir un renard à neuf queues.
Renard à neuf queues, de l’édition Qing du texte ancien Shan Hai Jing
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Extrait de (Cent vues du mont Fuji) de Dazai Osamu : Kuzu-no-ha, la Renarde blanche
Kuniyoshi – l’ombre chinoise de Kuzunoha à travers le paravent révèle une silhouette de renard, vers 1843-45
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Dans Kuzu-no-ha de Dazai Osamu (Cent vues du mont Fuji), l’héroïne est en réalité une renarde blanche qui s’est transformé en une très belle femme pour pouvoir se marier avec l’homme qui lui a sauvé la vie :
« Nous bûmes ensemble. Ce soir-là, le Fuji était magnifique. Vers dix heures, mes deux jeunes compagnons me laissèrent pour rentrer chez eux. Ne dormant pas, je sortis. J’avais gardé ma veste d’intérieur. La lune jetait un vif éclat sur le paysage nocturne. Merveilleux spectacle : sous les rayons de la lune, le Fuji, translucide, avec ses reflets bleutés. Etait-ce un renard qui m’avait ensorcelé ? La montagne, bleue comme l’eau ruisselante. Etat phosphorescent. Feux follets. Etincelles. Lucioles. Hautes herbes. Kuzu-no-Ha. Je marchais tout droit dans la nuit, mais avec l’impression d’être sans jambes. Seul résonnait avec clarté le bruit de mes sandales – dont on eût dit qu’elles ne m’appartenaient pas, que c’étaient des êtres indépendants de moi. Je me retournai doucement et regardai le Fuji. Il était comme une flamme aux reflets bleus flottant dans le ciel. Je poussai un soupir. Je m’identifiai à de grandes figures : celle d’un patriote, passionnément dévoué à la cause de la Réforme; celle de Karuma Tengu… Prenant un peu la pose, je croisai les bars dans mon vêtement et continuai ma route. Je me croyais vraiment beau. Je marchai un bon bout de temps. »
Dans la ville d’ Izumi, se trouve un lieu saint du nom de Kuzunoha Inari dont on dit qu’il a été construit à l’endroit d’où Kuzunoha est partie, laissant son poème d’adieu sur un paravent de soie.
Le poème lui-même est devenu célèbre :
恋しくば Koishiku ba
尋ね来て見よ tazunekite miyo
和泉なる izumi naru
信太の森の shinoda no mori no
うらみ葛の葉 urami kuzunoha
Le folkloriste Kiyoshi Nozaki offre la traduction suivante en anglais :
If you love me, darling, come and see me.
You will find me yonder in the great wood
Of Shinoda of Izumi Province where the leaves
Of arrowroots always rustle in pensive mood.
Ce qui peut se traduire ainsi en français :
Si vous m’aimez, chéri, venez me voir.
Vous me trouverez là-bas dans le grand bois
De Shinoda de la province d’Izumi où les feuilles
De kudzu bruissent toujours d’humeur songeuse.
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