Poésie : des pierres, encore… et Tomas Tranströmer, toujours…

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Magritte - le château des Pyrénées, 1959

Les Pierres

Les pierres que nous avons jetées, je les entends
tomber, cristallines, à travers les années. Les actes
incohérents de l’instant volent dans
la vallée en glapissant d’une cime d’arbre
à une autre, s’apaisent
dans un air plus rare que celui du présent, glissent
telles des hirondelles du sommet d’une montagne
à l’autre, jusqu’à ce qu’elles
atteignent le derniers hauts plateaux
à la frontière de l’existence. Où nos
actions ne retombent
cristallines
sur d’autres fonds
que les nôtres.

Tomas Tranströmer, Baltiques (17 poèmes, 1954)

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Philosophie : le ressentiment

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Jean de La Fontaine - Le renard et les raisins

Le Renard et les Raisins

Certain Renard Gascon, d’autres disent Normand,
Mourant presque de faim, vit au haut d’une treille
Des Raisins mûrs apparemment,
Et couverts d’une peau vermeille.
Le galand en eût fait volontiers un repas ;
Mais comme il n’y pouvait atteindre :
« Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats.  »
Fit-il pas mieux que de se plaindre ?

Jean de La Fontaine

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Ressentiment ou quand le ressenti  ment…

     Combien de fois, tel le renard de la fable, nous mentons-nous à nous-même lorsque quelque chose que nous avons ardemment désiré nous est refusé. Une demoiselle a dédaigné nos avances ? Elle n’était finalement pas si bien que cela et sur le plan intellectuel laissait à désirer et si elle préfère un goujat à notre auguste personne, grand bien lui fasse, elle ne méritait finalement pas mieux… Notre candidature a un emploi a été refusé ? Le DRH était un imbécile qui n’a rien compris et qui ne sait pas ce que sa société va perdre en nous laissant échapper… Nous avons du mal à assumer nos échecs et notre impuissance et nos mensonges qui constituent une forme de déni de la réalité sont un moyen de retourner la situation à notre profit. Pauvre petite et mesquine victoire dont nous ne serons jamais tout à fait dupes. Au fond de nous-mêmes un sentiment de dépit, de rancœur, de jalousie et parfois même de haine envers les goujats qui nous ont volés ce qui nous était destiné nous dévore et nous brûle, c’est ce sentiment qu’en philosophie ou en psychologie on nomme le ressentiment.

       Le ressentiment est chez un individu ou un groupe d’individus le fait de se souvenir avec rancune et animosité de situations ou d’actions dont ils ont ou pensent avoir été victimes comme des mauvais traitements, des injustices, des actes humiliants ou discriminatoires; c’est donc un sentiment éprouvé en retour d’une offense, d’une injure ou d’une blessure préalable. Les victimes de tels actes éprouvent alors un sentiment d’humiliation et de frustration et d’injustice et un profond désir de vengeance.

Richard Glauser     Le professeur Richard Glauser de l’Université de Neuchâtel a, dans un article publié en 1996 intitulé (Ressentiment et valeurs morales : Max Scheler, critique de Nietzsche) et portant comme son titre l’indique sur les différences d’interprétation de ce sentiment chez les philosophes Nietzche et Scheler,  défini le mécanisme de naissance et de développement du ressentiment chez des personnes qui se considèrent comme victimes d’injustices. Son énoncé est si exhaustif et si clair que je ne peux résister à vous le présenter.

     «  Le «ressentiment» étant un phénomène essentiellement réactif, le désir de vengeance est tout indiqué pour en être la source principale. En effet, le désir de vengeance suppose une croyance, vraie ou fausse, en une offense, une injure ou une blessure préalable contre laquelle le sujet réagit. Il est vrai que le désir de vengeance n’est pas le seul sentiment réactif; il y a aussi, par exemple, la tendance à la riposte et la tendance à la défense, accompagnées ou non d’indignation, de colère, de haine ou de rage. Mais le désir de vengeance n’est pas réductible à une simple tendance à la riposte. En effet, celui qui veut se venger d’une offense ou d’une blessure, ne cherche pas à réagir immédiatement. Au contraire, il retient sa tendance à riposter, ainsi que les émotions de colère ou de haine qui l’accompagnent ; on dit : « la vengeance est un plat qui se mange froid »Il les retient, les suspend, mais ne les refoule pas; du moins il ne les refoule pas encore. En second lieu, l’acte de riposter est délibérément différé ; il est remis à une occasion plus propice (« tu ne perds rien pour attendre »). En troisième lieu, si la tendance à riposter est retenue, et si l’acte de riposter est différé, c’est parce que le sujet prévoit une issue défavorable à une riposte immédiate. C’est-à-dire, il pense qu’il est impuissant à riposter immédiatement. C’est précisément le sentiment d’impuissance, lié au désir de vengeance, qui fait de ce désir l’origine principale du ressentimentOr, le désir de vengeance cesserait si le sujet réalisait effectivement l’acte vengeur ajourné. Il pourrait aussi cesser, par exemple, si celui dont on veut se venger était puni par autrui à la satisfaction de l’intéressé, ou si le tort était réparé à la satisfaction de l’intéressé, ou encore, d’une façon morale, par le pardon de l’intéressé. Avec la réalisation d’une de ces éventualités, le désir de vengeance ne donnerait pas lieu au ressentiment. Pour qu’il y ait ressentiment, il faut qu’aucune de ces issues ne se réalise ; il faut que la rancune ou le désir de vengeance subsiste, inassouvi. D’autre part, si après un laps de temps le sujet constate qu’il est toujours incapable de réaliser l’acte différé, et surtout, s’il pense qu’il sera incapable de le faire à l’avenir, alors le sentiment d’impuissance s’intensifie. Il peut aussi s’intensifier si le sujet sait que l’offense subie n’est pas réparable parce que, loin d’avoir été un événement ponctuel, elle est un état de choses permanent et inaltérable. En bref, une autre condition du ressentiment est que le désir de vengeance subsiste alors même que le sujet constate que l’acte vengeur est – ou est devenu – impossible, ce qui a pour effet de prolonger et d’accroître le sentiment d’impuissance
      Mais il faut ajouter que si le désir de vengeance, le sentiment d’animosité ou de haine, ainsi que le sentiment accru d’impuissance, se prolongent dans le temps, cela ne signifie pas simplement que le sujet se souvient de ces sentiments. Cela signifie que ces sentiments sont constamment ravivés dans la conscience. D’où, d’ailleurs, le terme de ressentiment : « c’est une reviviscence de l’émotion même, un re-sentiment ». Et cette reviviscence continuelle des sentiments permet d’expliquer ce qu’on appelle la rumination, qui est typique du ressentiment. […] nous pensons l’interpréter correctement en disant que le processus global de la formation du ressentiment contient un épisode circulaire : d’abord, le sentiment d’impuissance est une condition nécessaire du désir de vengeance, et l’intensité du désir de vengeance est fonction de l’intensité du sentiment d’impuissance ; ensuite, l’incapacité à réaliser l’acte de vengeance différé ravive et intensifie le sentiment d’impuissance, qui, à son tour, intensifie le désir de vengeance ainsi que le sentiment d’animosité ou de haine, et ainsi de suite. Mais ce mouvement circulaire ne saurait se prolonger indéfiniment. Car le désir de vengeance et le sentiment d’impuissance sont des états conflictuels. Etant sans cesse ravivés, ils rendent d’autant plus intense le conflit émotionnel auquel ils donnent lieu. L’existence de ce conflit intense est essentiel au ressentiment: « C’est […] à la suite d’un conflit intérieur d’une violence particulière qui met aux prises, d’une part la rancune, la haine, l’envie, etc., et leurs modes d’expression, de l’autre l’impuissance, que ces sentiments prennent forme de ressentiment »,
    Jusqu’ici, le désir de vengeance, la haine et le sentiment d’impuissance sont conscients. Mais une fois le conflit émotionnel devenu insupportable pour le sujet, il y aura un épisode de refoulement, qui sera une nouvelle étape dans le processus global de la formation du ressentiment. Mais avant de parler du refoulement, il convient de mentionner une dernière condition du désir de vengeance. […] il est de la nature du désir de vengeance « de postuler l’égalité entre l’offensé et l’offenseur ». C’est-à-dire, une des conditions psychologiques du désir de vengeance est que celui qui veut se venger d’autrui croie, à tort ou a raison, qu’il est, sous au moins un rapport, l’égal de l’offenseur. Cette condition est importante parce qu’elle permet de rendre compte du fait que le désir de vengeance, contrairement à la colère, la haine et la rage, qui peuvent accompagner ce désir, est toujours accompagné de la croyance d’avoir raison, comme si l’offensé avait un droit de son côté. Elle permet également de rendre compte du fait que, dans certains cas, la vengeance peut même être considérée comme un devoir.

Richard Glauser (Ressentiment et valeurs morales : Max Scheler, critique de Nietzsche) — Pour l’article complet, c’est  ICI 

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Le ressentiment chez Nietzsche

Nietzsche (1844-1900)      Nietzsche (1844-1900), dans la Généalogie de la morale aborde le ressentiment dans sa recherche sur le fondement de la morale au-delà de la pratique sociale. Il partira de l’analyse de la révolte des esclaves dans l’Antiquité pour montrer que ce sentiment est à la base de la création des valeurs morale et religieuse du christianisme et de la civilisation occidentale. Nietzsche s’oppose au ressentiment dans la mesure où ce sentiment est induit par un mécanisme psychologique essentiellement réactif donc négateur et constitue l’aveu d’une inaction, d’une impuissance. C’est ce qu’il nomme une  « morale d’esclave ». Pour lui, les êtres de ressentiment sont des individus pour qui « la véritable réaction, celle de l’action, est interdite et qui ne se dédommagent qu’au moyen d’une vengeance imaginaire ».  Quand le désir de vengeance devient une obsession et ne laisse plus la pensée en repos, il rend ainsi impossible toute extériorisation et dépassement de la situation. Incapable d’admettre son impuissance, l’homme de ressentiment va inventer des justifications à cette impuissance et chercher à s’attribuer une supériorité morale imaginaire que Nietzsche résume ainsi : « ils sont méchants, donc nous sommes bons. » ou « le monde est foncièrement déterminé par le mal, donc nous lui sommes supérieurs. » (phénomène d’hyper-compensation). Dans le christianisme, l’étape ultime du ressentiment est le nihilisme, la volonté d’anéantissement dans laquelle la réaction négative se tourne contre la vie en général au bénéfice d’un idéal ascétique et de la survie dans un arrière-monde (Hinterwelt).

    Pour Nietzsche le seul moyen d’échapper au ressentiment est de le dépasser en surmontant le désir de vengeance. En s’engageant dans cette voie, celui qui se considère comme victime rompt le cercle infernal de l’impuissance et place la force de son côté.

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Le ressentiment chez Max Scheler

Max Scheler (1874-1928)     Max Scheler (1874-1928) reprend la plupart des thèses de Nietzche sur le ressentiment  à l’exception de celles qui relient la morale chrétienne à ce sentiment. Le fait qu’il se soit converti au christianisme y est peut-être pour quelque chose… Pour Max Scheler la théorie de Nietzsche contient un mélange de vérités et d’erreurs et il en fait la critique dans un article écrit en 1912, remanié plus tard « Das Ressentiment im Aufbau der Moralen » paru en France en 1958 sous le titre « L’Homme du ressentiment  » et dans  lequel il donne sa définition du ressentiment

      « Le ressentiment est un autoempoisonnement psychologique, qui a des causes et des effets bien déterminés. C’est une disposition psychologique, d’une certaine permanence, qui, par un refoulement systématique, libère certaines émotions et certains sentiments, de soi normaux et inhérents aux fondements de la nature humaine, et tend à provoquer une déformation plus ou moins permanente du sens des valeurs, comme aussi de la faculté de jugement. Parmi les émotions et les sentiments qui entrent en ligne de compte, il faut placer avant tout la rancune et le désir de se venger, la haine, la méchanceté, la jalousie, l’envie, la malice. ».

        Voici comment le professeur Richard Glauser présente la position de Scheler sur les rapports existant entre la théorie du ressentiment et les valeurs morales chrétienne et comment il se différencie de Nietzsche sur ce sujet :

         « Selon Scheler, Nietzsche a confondu l’amour et l’altruisme. L’altruiste cherche à être bienfaisant à l’égard des personnes démunies ou faibles à cause d’un ressentiment dirigé contre certaines valeurs qu’il désire secrètement, telles la puissance, la force et la richesse, et à cause d’une haine dirigée spécialement contre lui-même parce qu’il se sait impuissant à les atteindre. Par ses actes bienfaisants à l’égard des malheureux, il multiplie les signes extérieurs de l’amour chrétien. Mais ces actes sont des moyens pour lui de détourner son attention de son impuissance et de la haine qu’il se voue. Toutefois, si Nietzsche a pu confondre amour et altruisme, c’est à cause de leur ressemblance extérieure : « Plus je médite la question, et plus je me convaincs que l’amour chrétien est, dans sa racine, absolument pur de ressentiment ; et cependant, il n’est pas de notion que le ressentiment puisse mieux utiliser à ses propres fins, en lui substituant une autre émotion, grâce à un effet d’illusion si parfait que l’œil le plus exercé ne parvient plus à discerner du véritable amour un ressentiment où l’amour ne serait plus qu’un moyen d’expression »

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Le ressentiment chez Ludwig Klages

Luswig Klage s (1872-1956)        Ludwig Klages (1872-1956) surtout connu comme caractérologie et pour avoir établi le sfondemenst de la graphologie a été l’une des références majeures du groupe utopiste de Monte Verità dans le Tessin et est l’un des penseurs allemands qui, à l’instar de Scheler, ont approfondi les idées de Nietzsche sur le ressentiment. Klages utilise l’expression Lebensneid (littéralement l’envie de la vie) pour désigner la forme la plus virulente et la plus radicale du ressentiment : l’envie qui porte sur la richesse vitale d’autrui. Lorsque le plaisir de vivre est perverti par le désir absolu de puissance, de l’affirmation de soi et de la domination du monde, les personnes qui ont succombé à cette tentation ont quitté le monde de la qualité pour celui de la quantité, la sphère de la vie pour celle de l’esprit :

      « Dès lors que, dans la mobilisation personnelle en vue d’une quelconque performance, à l’intérieur d’un groupe d’êtres humains, d’une classe, d’une profession, d’un peuple, d’un siècle, c’est le pur esprit de compétition qui l’emporte sur l’intérêt pour la chose, l’accent dans les valeurs passe du qualitatif au quantitatif, jusqu’au complet refoulement du sentiment d’accomplissement (de quelque nature qu’il soit) au profit de cette chose contraire à la vie, le record, qui, de par sa nature même, n’est sensible qu’au plus grand chiffre, quelle que soit l’activité en cause : écrire des vers, danser ou… manger.» Chez l’homme du ressentiment, précise Klages, cette réserve vitale est au bord de l’épuisement. «Quand Nietzsche emploie les mots sentiment de fatigue ou sentiment d’épuisement, ce n’est pas au corps qu’il faut penser, mais à une inaptitude au plaisir qui colore tout, ­ une chose bien différente de la dépression organique à la quelle on peut la comparer à une apathie croissante, à une incapacité intérieure de jouir, à une impuissance à vivre tout engagement affectif, en un mot à cette exclusion de la vie que nous avons décrite. » 

     C’est la haine de la joie inconnue. S’il existe un remède à cette haine, ce remède suppose un absolu détachement en même temps qu’une parfaite lucidité à l’égard de soi-même. Seule la joie d’être dans la vérité peut consoler de la peine d’être hors de la vie.

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Le ressentiment chez Marc Ferro

Marc Ferro    Marc Ferro, historien, a écrit un livre sur ce thème Le ressentiment dans l’histoire. Voici ce qu’il écrit sur le sujet  : « À l’origine du ressentiment chez l’individu comme dans le groupe social, on trouve toujours une blessure, une violence subie, un affront, un traumatisme. Celui qui se sent victime ne peut pas réagir, par impuissance. Il rumine sa vengeance qu’il ne peut mettre à exécution et qui le taraude sans cesse. Jusqu’à finir par exploser. Mais cette attente peut également s’accompagner d’une disqualification des valeurs de l’oppresseur et d’une revalorisation des siennes propres, de celles de sa communauté qui ne les avait pas défendues consciemment jusque-là, ce qui donne une force nouvelle aux opprimés, sécrétant une révolte, une révolution ou encore une régénérescence. C’est alors qu’un nouveau rapport se noue dans le contexte de ce qui a sécrété ces soulèvements ou ce renouveau. » et encore :  « La reviviscence de la blessure passée est plus forte que toute volonté d’oubli. L’existence du ressentiment montre ainsi combien est artificielle la coupure entre le passé et le présent, qui vivent ainsi l’un dans l’autre, le passé devenant un présent, plus présent que le présent. Ce dont l’Histoire offre maints témoignages. »

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Le ressentiment chez Marc Angenot

Marc Angenot   Le québecois Marc Angenot traite de l’« idéologie du ressentiment » qu’il assimile à « revanche des vaincus » étant sur ce point particulier très proche de Nietzsche. le constat est fait qu’aujourd’hui, les « grands récits » idéologiques rassembleurs sont épuisés et remplacés par des « micro-récits » identitaires, nationalistes, communautaires ou tribaux. Ces discours sont véhiculés par des groupuscules qui tendent à se replier sur eux-mêmes et à se « réifier » en idéologie. Ces groupes ethniques ou sociaux « ne se définissent pas pas à l’origine par une identité collective pleine mais par un manque, une infériorisation collectivement éprouvée et les revendications qui en découlent d’une perte commune ». Angenot rapporte à la pensée du ressentiment « Toute idéologie qui paraît raisonner comme suit : je suis enchaîné, pauvre, impuissant, ignorant, servile, vaincu — et c’est ma gloire, c’est ce qui me permet de me rendre immédiatement supérieur, dans ma chimère éthique, aux riches, aux puissants, aux talentueux, aux victorieux. »

      Pour Marc Angenot , le ressentiment demeure une composante tant des idéologies de droite (nationalisme, antisémitisme) que de gauche (socialisme, féminisme, militantismes minoritaires, tiers-mondisme). Son essai étayé à partir d’une lecture de Max Scheler et de Nietzsche dérange et a créé une vive polémique dans les journaux en particulier quand elle présente les nationalistes comme des êtres gouvernés par le ressentiment, qui se perçoivent comme des victimes.

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Les critiques de la théorie du ressentiment

    D’autres philosophes refusent la diabolisation du ressentiment ou faut au moins l’utilisation qui en est faite :

      C’est ainsi que Vladimir Jankélévitch répondra à Nietzsche : « S’il n’y a pas d’autre manière de pardonner que le bon-débarras, alors plutôt le ressentiment ! Car c’est le ressentiment qui impliquerait ici le sérieux et la profondeur : dans le ressentiment, du moins, le cœur est engagé, et c’est pourquoi il prélude au pardon cordial. »

      Pour sa part, l’écrivain québécois nationaliste André Brochu qui s’est senti mis en cause par l’assimilation du nationalisme à un effet du ressentiment par son compatriote Marc Angenot, écrit : « Mon oeuvre, dès lors, n’a pas toujours l’aseptique bienséance requise. Elle garde souvent l’odeur d’intimes défaites. Celle du ressentiment, peut-être. Oui, du ressentiment. J’aime ce mot de plus en plus. Il fleure tellement la bonne conscience des vainqueurs que je le veux porter comme un stigmate.» (cité par Réginald Martel, « Brochu et Ricard à l’Académie des lettres « La Presse, 28 septembre 1996).

    Dans un ouvrage collectif Le ressentiment, passion sociale, paru aux Pressses Universitaires de Rennes sous la direction d’Antoine Grandjean et Florent Guénard qui prolonge en de nombreux points l’étude de Marc Ferro (Le ressentiment dans l’histoire, 2007), les auteurs visent à revaloriser ce sentiment qui, pour la société, loin d’être une passion négative, peut être dynamique et créative et s’affirmer comme une passion « productrice du politique ». Comme le suggère l’un des auteurs, le ressentiment serait bel et bien, non une pathologie à l’usage des pauvres, des opprimés, des « précarisés » ou des minorités, mais une « passion sociale démocratique » créatrice de valeurs, porteuse d’imaginaires et d’enjeu de justice.

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Rennes - des-femmes voilées contre l'lislamophobie

Rennes – des femmes voilées défilent contre l’islamophobie

Ressentiment et communautarisme

      A l’éclairage de la montée des nationalismes et du communautarisme politique ou religieux dans nos sociétés, le problème qui se pose aujourd’hui est celui de la liaison supposée entre le ressentiment et ces mouvements identitaires. En particulier, la montée du communautarisme musulman dans les pays européens est-elle l’expression sincère d’une  identité et d’une différence que des musulmans veulent « vivre » pleinement dans ces sociétés ou bien est-elle la résultante, pour des raisons sociales et historiques, d’un phénomène de ressentiment vécu de manière consciente ou inconsciente sous une forme de confrontation absolue avec l’occident.

Manifestation islamiste en Grande-Bretagne

Manifestation islamiste en Grande-Bretagne

La réflexion que nous avons l’intention de mener sur ce thème comportera quatre volets :

  1. définition du ressentiment (l’actuel article)
  2. comment sortir du ressentiment en présentant plusieurs exemples dans le monde où des procédures de réconciliation ont été menés (Commission dialogue, vérité et réconciliation en Afrique du Sud, Commission de vérité et réconciliation du Canada, réconciliation aborigène en Australie)
  3. le ressentiment croisés dans les pays occidentaux et les pays arabo-musulmans
  4. le cas français

le Renard et les raisins

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poésie persane : Nos lèvres sont des plages et nous sommes la mer…

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Poèmes de Farīd al-Dīn ʿAṭṭār dit Attâr

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Ayant bu des mers entières, nous restons tout étonnés
que nos lèvres soient encore aussi sèches que des plages,
Et toujours cherchons la mer pour les y tremper sans voir
que nos lèvres sont les plages et que nous sommes la mer.

Attâr, poète mystique soufi perse

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Farīd al-Dīn ʿAṭṭār (en persan : فَریدالدّین ابوحامِد محمّد عطّار نِیشابوری, farīd ad-dīn abū ḥāmid moḥammed ʿaṭṭār nīšābūrī) est un poète mystique persan, (v. 1142- mort entre 1190 et 1229), né à Nichapour dans le Khorassan, où se trouve son tombeau. Il commença sa vie active en tant que droguiste-parfumeur, c’est d’ailleurs de là que vient son nom d’« Attâr ». Il quitta ensuite son commerce lucratif pour embrasser la doctrine des soufis, se fit derviche, et se livra au mysticisme. Il fut exécuté par les Mongols qui avaient envahi son pays à Nishâpûr. Attar a écrit plusieurs poèmes moraux et mystiques, dont les plus célèbres sont : le Pend-namèh, ou le Livre des conseils, le Manṭiq al-ṭayr ou La Conférence des oiseaux. Crédit Wikipedia.

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Tant que tu n’es pas dépouillé de ton existence

     tu ne seras pas un oiseau agile dans le néant absolu. Sors comme la pluie du nuage fécond et pars en voyage ! Car sans voyager, tu ne seras jamais un joyau. Déchire le voile en ton for intérieur ! Tu ne pénétreras pas le Rideau si tu ne déchires pas des voiles. Si le monde entier s’acharne contre toi, tu ne reculeras pas, si tu es l’homme de la situation. Si tous les atomes des deux mondes se soulèvent contre toi, tu ne chercheras pas à te défendre. Si tu es noyé dans la mer pour toujours, ne te laisse pas mouiller même d’un cheveu. Si tu es le sage du monde, personne ne te croira, tant que tu ne seras pas davantage fou de l’amour. Si tu te vêts de bleu comme le ciel sur ce chemin, pourquoi comme le ciel ne tournes-tu pas constamment ?
     ‘Attâr, devient la poussière de Son chemin ! Car si, sur ce chemin, tu ne deviens pas poussière, tu ne récolteras que le vent.

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L’amour est un océan, la raison sa riveraine.

       Que peut faire un riverain sinon observer l’océan ? Si la raison se faisait guide en amour, aucun nageur n’arriverait vivant sur le rivage. devant l’amour qui inonde le cœur et l’âme, la raison est une étrangère, la sagesse un nouveau-né. Ceux qui s’introduisent derrière le rideau de l’Être laissent leur existence pour entrer dans le néant. Tu cherches tous les moyens pour que l’amour, le temps d’un instant, te révèle son secret. Tu peux suivre ce chemin une éternité, tant que tu restes toi, on ne pourra rien pour toi. Comment peux-tu savoir la douleur de l’amour, si ton cœur n’a pas subi ses blessures ? Tous les mille ans, seule une étoile se dirige du ciel de l’amour vers la constellation du cœur.
     ‘Attâr, si tu descend de la monture des deux mondes, tu ne verras aucun cavalier à ton égal.

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    Une fenêtre s’est ouverte dans mon cœur, je me suis assis longtemps à cette fenêtre. J’ai vu une centaine d’océans à travers la fenêtre, la source de mon cœur a rejoint les océans. Puisque je n’ai pas pu résister, je me suis noyé à cause du poids de la pêche tombée dans mon filet. Lorsque mon âme s’est orientée vers l’autre monde par amour, je me suis libéré des coutumes et des habitudes de ce monde. On ne croira pas à ce que j’exprime par la langue, vu l’état dans lequel je me trouve. Je ne suis ni dans l’existence, ni dans le néant. Je ne suis rien, je suis tout, je suis haut, je suis bas.

Farid al-Din Attar

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Hommage à Alain Bashung – L’Apiculteur

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Alain Bashung (1947-2009) – L’Apiculteur

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D’heure en heure                                          Le jour en tailleur
L’apiculteur se meurt                                   Le soir en guêpière
Il a eu son heure                                           Quand la mort vous susurre
Il a fait son beurre                                        Des serments veloutés
Api apiculteur                                                Que rien n’est moins sûr
                                                                          N’aura plus d’importance
D’heure en heure                                          Ni la chaleur
L’apiculteur effleure                                     Ni les piqûres
La fin du labeur
Api apiculteur                                                Api apiculteur
                                                                          Api apiculteur
Dans une autre vie
Les marguerites s’effeuillent au ralenti   D’heure en heure
Personne n’est vainqueur                           L’apiculteur se meurt
Les proies les prédateurs                            Trouve l’interrupteur
Savourent le nectar                                      Une oasis
D’une pomme d’api                                      Aux allées bordées d’épagneuls
Api apiculteur                                                Que la splendeur n’effraie plus
                                                                          Api apiculteur
L’heure c’est l’heure                                     Api apiculteur
On n’est pas d’humeur                                 Api apiculteur
A verser des pleurs                                       Api 45
Fières ont les ouvrières
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Alain Bashung (1947-2009)

« J’dédie cette angoisse à un chanteur disparu, mort de soif dans le désert de Gaby, respectez une minute de silence, faites comme si j’étais pas arrivé… »

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Ils ont osé toucher à la lune…

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Edward Steichen – lever de la lune au-dessus de l’étang, 1904

    J’ai bien conscience qu’en présentant les extraits de textes qui vont suivre, je ne vais pas me faire que des ami(e)s car pour beaucoup de personnes l’astre lunaire est comme investi  d’un caractère sacré (on ne touche pas à la Lune ! m’écrivait une correspondante…) et c’est commettre un crime de lèse-majesté ou un sacrilège que vouloir le tourner en dérision. A la différence du Soleil qui est célébré comme une divinité bénéfique bien qu’ambivalente car elle peut se révéler en certaines occasions violente et destructrice, la Lune est considérée comme une divinité douce et discrète dont la pâle clarté permet d’atténuer la noirceur inquiétante et pleine de dangers de la nuit. Elle est par ses cycles la garante de la marche ordonnée du monde, de l’éternel retour des jours et des saisons. Qui voudrait être hostile à la Lune ? et quelles en seraient les raisons ? Les poètes du monde entier l’ont toujours célébrée comme un astre bénéfique dont la douce et calme beauté est source de joie, incite à la sérénité mais aussi à la mélancolie : pour Goethe la lune, par sa clarté, rend l’âme sereine et sa « flamme adoucie d’astre pur » lui semble « un regard aimant penché sur sa vie » (Nuit de lune). Novalis, quant à lui, écrit que « Le merveilleux éclat de la lune remplit mon cœur de délices », Verlaine, plus mélancolique, parle du « calme clair de lune triste et beau » qui fait rêver les oiseaux et « sangloter d’extase les jets d’eau ». Dans un autre de ses poème, il parle du « vaste et tendre apaisement [qui] semble descendre du firmament quand l’astre [lunaire] irise ».

La lune - semaine comique illustrée

Les iconoclastes

     Certains écrivains ou poètes ont néanmoins pris leur distance à l’égard de ce consensus universel de sympathie et n’ont pas hésité à décrire l’astre lunaire de manière critique ou ironique. C’était déjà le cas d’un poète chinois de l’époque Tang (IXe siècle) , Li He, qui n’hésitait pas à faire prendre à partie la lune par l’un des personnages de ses écrits dans le but de faire prolonger le temps du plaisir :

Sous la pluie du Dongting il vient jouer du sheng
Et insulte la lune pour la faire marcher en arrière.

   C’est le cas, plus près de nous, d’Alfred de Musset qui dans la première partie d’un poème écrit en 1827/1828 (à lire en fin d’article) taquine la lune en la comparant :

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– au point qui coiffe le i formé par un clocher
– à la face et au profil d’une marionnette manipulée par un esprit sombre
– à l’œil d’un ciel borgne
– au masque blafard qui cache le visage d’un chérubin cafard
– à une boule sans pattes ni bras roulée par un grand faucheux bien gras
– au cadran de fer qui sonne l’heure aux damnés d’enfer.
– à un disque noirci rongé par un ver qui se transforme en croissant rétréci
– à une créature pâle et morne éborgnée par un arbre pointu
– à une créature moribonde déchue à la face toute ridée

    Pour Rimbaud (dans le bateau ivre) « toute lune est atroce » mais c’est aussi pour lui le cas de tout soleil qui lui est qualifié d’« amer. »

   Le poète belge Albert Giraud (de son vrai nom Émile Albert Kayenberg) dans son extraordinaire recueil de poèmes Héros et Pierrots publié en 1898, malmène lui aussi la lune. Dans le poème Cuisine lyrique, il la qualifie de « jaune omelette, battue avec de grands œufs d’or » et dans celui intitulé A mon cousin de Bergame déclare ressentir « un pâle émoi quand [la lune] allaite la nuit brune». Dans le poème Lune malade, il n’hésite pas à la traiter de « nocturne phtisique, sur le noir oreiller des cieux au regard fiévreux ».

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George Méliès – le Voyage sur la Lune, 1902

La lune selon Arno Schmidt

   J’ai découvert récemment qu’Arno Schmidt (1914-1979), un écrivain allemand atypique que je qualifie à la fois d’expressionniste et burlesque ne ménageait également pas dans ses écrits, la lune, qui occupe pourtant une place importante dans son œuvre. En 1960 déjà, l’un de ses roman « Kaff auch Mare  Crisium » (nom français : On a marché sur la lande) décrivait la vie de terriens exilés sur l’astre Lunaire après que la terre eut été rendue inhabitable suite à une guerre nucléaire. Ce n’est paradoxalement pas dans cet ouvrage que l’on trouvera des descriptions métaphoriques de la lune, puisque l’image que l’on connait de cet astre depuis la Terre n’est plus visible (sur la surface de la lune, c’est la Terre que l’on perçoit dans le ciel.)
    Arno Schmidt manie avec un talent doublé d’une imagination débordante les métaphores auxquelles il confère un caractère le plus souvent ironique et moqueur pouvant aller jusqu’à la méchanceté. Il est vrai qu’il n’hésite pas à appliquer à lui-même cet art de la dérision.

Arno Schmidt vers 1970 (photo Alice Schmidt)

Arno Schmidt  ou la face cachée de la lune (vers 1970, photo A. Schmidt)  Ne trouvez-vous pas qu’il arborait à cette époque une face lunaire ?

    Les métaphores truculentes qui suivent ont été recueillies dans deux de ses ouvrages publiés aux Editions Tristram : Le cœur de pierre (traduction Claude Riehl) et Scènes de la vie d’un faune (traduction Nicole Taubes). Lorsque l’on cherche à analyser les mécanismes qui régissent ces métaphores (les lire en original à la fin de l’article), on constate qu’elles se classent en deux catégories : 

1) la lune considérée comme créature vivante – humaine ou animale – ou comme allégorie :

la lune à la face embrouillée (4)  / la lune biglant de guingois (regardant de travers) (9) / la lune touillant dans le mucus (13) / la lune traînant dans la gadoue ( plus d’un lui était passé dessus ) (20) / la lune au visage blanc déformé qui me regardait fixement et qui gonflait une joue (21) / La lune nous suivant en bondissant (21) / la lune s’affairant dans mon dos, la lune et moi se regardant (26) / la lune tel un héros grec (Achille) traînant un cadavre rigide de nuages (30) / La lune faisant son entrée et me considérant d’un œil glacial (33) / la lune comme orateur devant un parterre d’étoiles (33) / la lune comme coursier de la nuit riant, s’ébrouant (34) / La lune traficotant, grimaçante, rouge de colère (38).

2) la lune assimilée à un objet inerte ou en mouvement  :

la lune comme parafe (1) / la lune comme dent en or de la nuit (2)  / la lune comme cuiller en corne rompue figée dans la bouillie du ciel (3)  / la lune comme un comprimé d’aspirine (6) / la lune comme de la mousse (7) / la lune comme agrafe rouillée (15) \ la lune comme un morceau d’écorce de cacahouète (16) / la lune comme un œuf plat cuit dans une poêle noire (17) / la lune comme un gros sou sale (20) / la lune comme un vieux blason (22) / la lune comme une éponge dans un caillot de nuées (28) / la lune ronde et rouge pour feu arrière de la nuit (32) / la lune comme deux parenthèses de formule algébrique (35) / la rue comme soc de charrue (36) / la lune comme pioche s’activant dans l’amas immobile des nuages (37).

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Pour aller plus loin : les textes

Ballade à la lune d’Alfred de Musset  (extraits)

C’était, dans la nuit brune,                         Est-ce un ver qui te ronge
Sur le clocher jauni,                                    Quand ton disque noirci
La lune                                                           S’allonge
Comme un point sur un i.                          En croissant rétréci ?

Lune, quel esprit sombre                           Qui t’avait éborgnée
Promène au bout d’un fil,                           L’autre nuit ? T’étais-tu
Dans l’ombre,                                                Cognée
Ta face et ton profil ?                                   A quelque arbre pointu ?

Es-tu l’oeil du ciel borgne ?                        Car tu vins, pâle et morne
Quel chérubin cafard                                  Coller sur mes carreaux
Nous lorgne                                                   Ta corne
Sous ton masque blafard ?                         À travers les barreaux.

N’es-tu rien qu’une boule,                          Va, lune moribonde,
Qu’un grand faucheux bien gras              Le beau corps de Phébé
Qui roule                                                        La blonde
Sans pattes et sans bras ?                           Dans la mer est tombé.

Es-tu, je t’en soupçonne,                            Tu n’en es que la face
Le vieux cadran de fer                                Et déjà, tout ridé,
Qui sonne                                                       S’efface
L’heure aux damnés d’enfer ?                   Ton front dépossédé.

Sur ton front qui voyage.                           Rends-nous la chasseresse,
Ce soir ont-ils compté                                 Blanche, au sein virginal,
Quel âge                                                         Qui presse
A leur éternité ?                                           Quelque cerf matinal !

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George Méliès – le Voyage sur la Lune, 1902

Les extraits tirés de deux ouvrages d’Arno Schmidt : Le cœur de pierre (citations 1 à 24 ) eScènes de la vie d’un faune (citations 25 à 38)

  1. L’arrivage des étoiles. Le parafe blanc de la lune.
  2. La nuit montrait fièrement sa dent en or.
  3. (…), une cuiller en corne rompue était; dans la bouillie figée du ciel ( = lune ).
  4. La lune avait une feuille de chêne suspendue sur sa face embrouillée.
  5. (…); le vert-de-gris de la lune apparaissait de temps à autre au-dessus du mur de haricots.
  6. Un amas de constellations aux membres pointus était tapi en frissonnant sur l’horizon cave : si la Lune m’apparaît comme un comprimé d’aspirine : est-ce ma faute ou celle de Bayer-Leverkusen ? !
  7. De la mousse de lune proliférait sur tous les nuages : 3 heures 10. – : ? – : aha !
  8. 3 heures 60 : dans des ravins rosâtres, la lune vert cadavre dégringolait déjà d’une pointe à l’autre.
  9. La lune biglait de guingois : en face, l’avion à réaction passait sa moto au jet;
  10. La lune, boutoir et broches, se fouissait un chemin à travers des nuées primitives;
  11. La lune se fabriquait elle-même des bancs de sable sur lesquels elle échouait ensuite. pensées en eaux dormantes; à marée basse. Des étoiles rampaient des phosphorescences marines.
  12. La lune avait jalonné autour d’elle sa concession pétrolifère.
  13. La lune touilla lentement dans le mucus.
  14. Dans l’encadrement de l’œil : une miche de lune accrocha dans les branches, loin au-dessus de Köpenick.
  15. L’agrafe rouillée de la lune sur le béret. Le dos de cet homme marchait toujours devant moi.
  16. Réveillé : exact : la lune avait encore l’air d’un morceau d’écorce de cacahouète !
  17. La poêle noire de la nuit : avec 1 œuf au plat cuit. Le jaune d’un jaune pâle, le blanc des nuages gélatineux.
  18. (Lune dans un tapon jaune de nuages. A l’est du rouge sombre barbouillait déjà sur fond de plomb; comme ça, en douce.)
  19. Nuit de lune : du blond effiloché, pris dans du béton.
  20. Cash down : la lune traînait comme un gros sou sale dans la gadoue sans fond du ciel, plus d’un lui était passé dessus (impossible de distinguer la tête du fanion).
  21. Sur la mauvaise vitre de la fenêtre, le visage blanc déformé (la lune) qui me regardait fixement; quand je faisais un pas à droite, elle gonflait une joue avec malice : donc frapper encore un fois.
    Mais : au-dessus de la neige, la lumière s’étiolait afin qu’on s’y silhouette. des fils barbelés gelaient, terriblement tendus, à notre grand regret. La lune nous suivait en bondissant de pignon en pignon; entre des radio-étoiles.
  22. Seules les lampes veillaient encore : nous, venus chercher conseil auprès de la princesse d’Ahlden. Le vieux blason de la lune était aussi suspendu au-dessus du château.
  23. La grande lune chatoyait; le gel tenta de nous coincer-couper le doigts.
  24. (…), toutes les lampes à arc s’étaient éteintes d’un seul coup; ici et là-bas. La lune se rapprocha aussitôt. Voisin Ucalégon.
  25. La lune crâne rasé de Mongol s’est rapprochée de moi. (Les discussions ne servent qu’à vous faire trouver après coup les bons arguments.)
  26. Et puis la lune devait encore s’affairer dans mon dos, car parfois d’étranges rayons acérés couinaient à travers le noir des aiguilles de pins.
  27. Un bout de route. La lune. Moi : On se regarde mutuellement, jusqu’à ce que la face de pierre, là-haut, en ait assez, se teinte magiquement de bleu, avec l’aide du vent,à deux contre un, que la route se barbouille d’une pâteuse lumière blanche (et longtemps attardant un œil fasciné à travers crêpes, voiles, toiles, les aplats, les bosses).
  28. Encore une fois : la lune comme une éponge dans un caillot de nuées.
  29. Les chiffres phosphorescents : seulement 3 heures. Aller faire un petit pipi; puis à la fenêtre : l’air, un roc taillé aux arêtes aiguës; de l’autre côté les champs et la rue où la lune a coupé des coins de bois à la hache, les rendant presque méconnaissables.
  30. Un vrai Achille, l’astre lunaire : traînant un cadavre rigide de nuages tout autour de notre Troie de terre cuite (et venteuse).
  31. La lune résiduelle était posée sur l’arête du clocher; l’unique cloche noire, dans son abat-son, grogna sourdement vers le sol.
  32. La nuit avait la lune ronde et rouge pour feu arrière. (Seule manquait la plaque d’immatriculation. Sinon, tout était en règle.)
  33. La corneille décrivit un grinçant trait noir dans l’air sans écho. La lune fit son entrée et me considéra d’un œil glacial sortant des paupières de nuages d’argent jauni. Les buissons amaigris se resserrèrent entre eux sous une blafarde lumière d’épouvante? Je restai ainsi longtemps captif du maigre treillis du jardin. La lune se fit plus incisive, animée, comme un orateur, devant les étoiles rameutées.
  34. Le coursier de la nuit : sa large étoile d’argent au front, larmes, rire, effroi, s’ébrouait toujours à ma fenêtre. (Fractionner l’incompréhensible en fragments plus compréhensibles.)
  35. Joyeux retour à la maison (et je pensai souvent à la fille rouge et jaune du pasteur) : devant la fine parenthèse de la lune il y avait un gros point : entièrement inscrit à la pointe d’argent entre de tendres nuages noirs et des bras d’arbres silencieux. (Un peu comme dans le jargon des mathématiciens : Nuage multiplié par, ouvrez la parenthèse, nervure de tilleul.)
  36. (Le soc de charrue lunaire, brillant, galbé, s’enfonçait toujours plus profondément dans le gazon blême des nuages, pleuvant leurs gouttes, cependant que moi aussi je frayai ma piste en plus en plus mince, indiscernable, à travers le après.) –
  37. La pioche lunaire s’active dans l’amas immobile des nuages : Rotenburg.
  38. La lune traficota de son côté, quelques secondes, dans le sous-bois ouest, grimaçante, rouge de colère. Au détour du bois : elle nous fait face, petite et menaçante, au-dessus des gourdins de résineux, bandits de grands chemins en haillons de nuages, au beau milieu de notre route : arrière, toi !

George Méliès - le voyage dans la Lune, 1902

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Racines de nuages

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Wang Chih-Yuan (dynastie Tsing)

Wang Chih-Yuan (dynastie Tsing)

Un rocher, certes, est une entité stable.
Pourtant il faut le représenter comme une présence aussi mobile que le souffle,
aussi fluide que l’eau.
Cela ne s’explique pas aisément par des mots; au peintre de le sentir.
Les anciens donnaient au rocher le nom de « racines des nuages » ou « os de la terre »,
On disait aussi qu’ils étaient des pans de la voute céleste tombés sur notre sol
et que les rochers, à l’aspect tourmenté et joyeux, fantastiques ou paisibles, semblent changer de physionomie à chaque instant.
On voit par là que l’esprit du rocher est tout de mobilité et de fluidité.

(Exposition « Rochers de lettrés » de 2012 au musée Guimet, Paris)

Shen Zhou - Le poète sur la montagne

Shen Zhou – Le poète sur la montagne

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L’Epopée de Gilgamesh et d’Enkidou : le mythe des origines

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Khaled Assaad (1932-2015)

A la mémoire de Khaled Assaad, éminent archéologue et universitaire syrien, directeur du site archéologique de Palmyre (Syrie), l’un des plus éminents experts du monde antique décapité il y a quelques jours sur une place publique de la ville antique à l’âge de 82 ans par les barbares fanatiques et obscurantistes de l’Etat islamique. Il aurait été décapité au couteau et sa dépouille a ensuite été suspendue, sa tête disposée à ses pieds, à un mât dressé sur le site archéologique dont il avait été responsable pendant cinquante années. Khaled Assaad était resté à Palmyre pour tenter de protéger le site archéologique et avait été arrêté par les islamistes dans le but d’identifier les caches de certains trésors archéologiques dont le pillage est une de leurs sources de financement.

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    Le récit des origines de la civilisation et des fondements de la Bible d’après les tablettes Suméro-babyloniennes raconté par un documentaire passionnant réalisé par Arte : le royaume de Sumer et sa capitale Uruk – le passage de la civilisation des chasseurs cueilleurs à l’agriculture – Le roi indigne d’Uruk, Gilgamesh et l’homme sauvage, Enkidou –Shamhat-la-Joyeuse, la belle prostituée – l’amitié de Gilgamesh et d’Enkidou et la rédemption de Gilgamesh – l’invention de l’irrigation, de la poterie, de l’écriture, des tablettes d’argile et de la brique  – la déesse Ishtar – la mort d’Enkidou – le désespoir de Gilgamesh et sa quête de l’immortalité – le Royaume des morts – L’histoire du déluge et de Ut-napishtim et son arche, 2.000 ans avant la Bible – la mort de Gilgamesh.

Les pleurs de Gilgamesh à la mort d’Enkidou par Abed Azrié

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meraviglia – Alchimie par Abed Azrié

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Abed Azrié     Abed Azrié (arabe : عابد عازرية), né à Alep en 1946 est un chanteur et compositeur franco-syrien, auteur de deux oratorios, quinze albums de chants, de plusieurs musiques de films et plusieurs livres dont la traduction de l’épopée de Gilgamesh en français. Il naît à Alep et, après plusieurs années passées à Beyrouth et après avoir passé son baccalauréat s’installe à 21 ans à Paris où il étudie la musique classique occidentale. Il y traduit en français de la poésie classique, comme l’Épopée de Gilgamesh écrite en sumérien et compose des musiques et des chants partir des poèmes du poète persan Omar Khayyam, du poète libanais Adonis. Il compose également un oratorio sur l’Evangile selon Jean.

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Axis mundi selon Philippe Jaccottet

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l’Axis mundi …

Chaque microcosme, chaque région habité, possède un centre ; c’est-à-dire, un lieu sacré au-dessus de tout […]
un lieu sacré qui constitue une rupture dans l’homogénéité de l’espace; cette rupture est symbolisée par une ouverture, au moyen de laquelle est rendu possible le passage d’une région cosmique à une autre (du Ciel à la Terre et vice versa : de la Terre dans le monde inférieur) ; la communication avec le Ciel est exprimée indifféremment par un certain nombre d’images se référant toutes à l’Axis muni… autour de cet axe cosmique s’étend le « Monde » ( « Monde », par conséquent l’axe se trouve « au milieu », dans le  « nombril de la Terre », il est le Centre du Monde    –  Mircea Eliade.

Caspar David Friedrich - Temple de Junon à Agrigente, vers 1828-1830

Caspar David Friedrich – Temple de Junon à Agrigente, vers 1828-1830

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Les lieux…

    Nous rencontrons, nous traversons souvent des lieux, alors qu’ailleurs il n’y en a plus. Qu’est-ce qu’un lieu ? Une sorte de centre mis au monde avec un ensemble.  […]. Dans les lieux, il y a communication entre les mondes, entre le haut et le bas…

Philippe Jaccottet, La seconde semaison (Carnet 1980-1994 paru en 1996)

   Plus particulièrement : qu’est ce qu’un lieu ?
     Qu’est-ce qui fait qu’en un lieu […] on ait dressé un temple, transformé en chapelle plus tard : sinon la présence d’une source, et le sentiment obscur d’y avoir trouvé un « centre » ? Delphes était dit « l’ombilic du monde » en ce sens, et dans les années de son égarement visionnaire, Hölderlin s’est souvenu de ces mots pour les appliquer à Francfort, où il avait aimé Diotima. Une figure se crée dans ces lieux, expression d’une ordonnance. On cesse, enfin, d’être désorienté. Sans pouvoir l’expliquer entièrement, ou le prouver, on éprouve une impression semblable à celle que donnent les grandes architectures; il y a de nouveau communication, équilibre, entre la gauche et la droite, la périphérie et le centre, le haut et le bas. Murmurante plutôt qu’éclatante, une harmonie se laisse percevoir. Alors, on a plus envie de quitter cet endroit, de faire le moindre mouvement : on est contraint, ou plutôt porté au recueillement.

Philippe Jaccottet, Paysages avec figures absentes (1970 puis 1976).

    […] je comprends que je suis encore dans un temps où les outils de fer, les bêtes, les plantes et le mouvement des constellations se lient par des attaches simples et fortes; et je me dis que ces temples dont je ne vois plus que les ruines, encore si grandes, ont été les demeures réservées au nouement et au renouement de ces liens, aujourd’hui rompus pour notre désespoir et, peut-être, notre perte. Nous ne pourrions éprouver tant de déférence devant leurs débris s’ils n’avaient pas accomplis un travail essentiel d’écoute et de filtrage des messages  le plus lointains, de transformation de ces ondes en parole humaine […]
    […] Pour moi, ces temples ne peuvent être que des rappels, destinés à rester de toute façon lointains, les preuves superbes d’une chance d’harmonie, donc une espèce d’issue que tout nie aujourd’hui, mais qui n’intéresse plus nos enchaînements de négations, nos nuages d’encre noire, la délectation du déchet.

Philippe Jaccottet, Cristal et fumée (1993).

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Philippe Jaccottet

Philippe Jaccottet, né le 30 juin 1925 à Moudon, est un écrivain, poète, critique littéraire et traducteur suisse vaudois. Très tôt intéressé  par la poésie et l’écriture, il sera très lié au poète vaudois Gustave Roud qui l’initiera au romantisme allemand (Novalis et Hölderlin) et éveillera son intérêt et sa sensibilité à la beauté de la nature et des paysages. Après un séjour à Paris, de 1946 à 1953, il s’installe avec sa femme, artiste peintre à Grignan dans la Drôme. La découverte de ce lieu qu’il qualifiera de « lieu avant tous les autres » influencera profondément le poète. Il a écrit de nombreux ouvrages et fait œuvre de traducteur en traduisant des auteurs allemands tels que Goethe, Hölderlin, Musil, Rilke, Thomas Mann mais aussi les italiens Leopardi et Ungaretti ainsi que l’Odyssée d’Homère.

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Jurassic Parc

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Du Jura à la Savoie en passant par le Bugey

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Vraiment dérangeant de se sentir fixé par des milliers de regards…

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Le nom de la rue ? « rue des Dieux »… Parfait, y’aura pas de jaloux !

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Je suis entré
j’ai attendu,
longtemps…
très longtemps…
j’ai demandé
Y’a quelqu’un ?
Personne n’a répondu,
Personne n’est venu
alors je suis sorti.

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Ne dites jamais « Fontaine, je ne boirais pas de ton eau… »  Encore que…

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Lac du Bourget sous le col de Chambotte - photo Enki (IMG_0456)

Non, ce n’est pas le lac d’Annecy. C’est le lac du Bourget en montant au col de la Chambotte

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