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Le monde selon l’un de mes poètes préférés, le poète suédois Tomas Tranströmer…
L’éveil :
« est un saut en parachute hors du rêve. »
Le silence :
« En un lent tourbillon, le silence est monté jusqu’ici, du centre de la terre, pour prendre racine, pousser et ombrager de son épais feuillage l’escalier d’un homme que chauffe le soleil. »
L’arbre gris :
Voyez cet arbre gris. le ciel a pénétré
par ses fibres jusque dans le sol —
il ne reste qu’un nuage ridé quand
la terre a fini de boire. L’espace dérobé
se tord dans les tresses des racines, s’entortille
en verdure.
Les coprins :
En rentrant chez moi, je vois que les coprins jaillissent du gazon.
Ce sont les doigts désemparés de celui qui a longtemps sangloté seul dans l’obscurité du sol.
Nous sommes à la terre.
La côte :
(…) Notre bande côtière, drapée de pinèdes s’étend, tel un dragon vaincu dans la tourbière, entre brume et vapeurs.
Les villas de la plage :
Aussi fières que des crabes, les villas de la plage
se déplacent sur le côté.
Le pont :
Ce grand oiseau de fer qui plane sur la mort
un pont se construit
lentement
droit dans l’espace.
Les aboiements du chien :
Les hiéroglyphes d’un aboiement ont été dessinés dans l’air au-dessus du jardin.
les bruits de la forêt :
Quelques variétés de bruit seulement : comme si quelqu’un déplaçait prudemment des brindilles avec des pincettes
ou comme une grosse charnière qui grince doucement au cœur d’un tronc épais.
Le piano :
Le piano à queue noir, cette araignée lustrée,
tremblait au milieu de sa toile de musique.
Je suis remonté jusqu’ici pour ferrailler avec le silence
Mon ouvroir est étroit
Le piano à queue y est aussi serré que l’hirondelle sous la tuile du toit.
Le clavier qui s’est tu durant tout Parsifal (mais qui a écouté) peut enfin exprimer quelque chose.
Soupirs… sospiri…
Quand Liszt joue ce soir, il garde la pédale marine pressée
pour que les forces vertes de la mer remontent par le sol et s’unissent aux pierres de l’édifice.
Bonsoir, belles profondeurs !
La gondole est lourdement chargée de vie, elle est simple et noire.
Le journal :
Ce grand papillon sale.
Ils sont nombreux dans le parc à lire le papillon blanc. J’aime ce papillon comme un coin de vérité qui volette au vent !
La lettre :
A la recherche d’une boîte aux lettres
je portais l’enveloppe par la ville.
Ce papillon égaré voletait
dans l’immense forêt de pierre et de béton.
Le tapis volant du timbre-poste
les lettres titubantes de l’adresse
tout comme ma vérité cachetée
planaient à présent au-dessus de l’océan.
L’avenir :
Une armée de maisons vides
qui cherchent leur chemin sous la neige fondue.
Le cerveau :
Les espaces infinis du cerveau humain ont été réduits à la taille d’un poing.
La mort de Beethoven :
C’est au printemps 1827. Beethoven hisse son masque de mort et fait voile vers le large.
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Tiré du recueil de poèmes de Tomas Tranströmer « Baltiques » – Œuvres complètes dans l’édition française traduite par Jacques Outin parue chez NRF – Gallimard en 2004
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Le prix Nobel de littérature 2011 a été décerné au poète suédois Tomas Tranströmer, a annoncé jeudi l’Académie suédoise. Tranströmer, 80 ans, psychologue de formation, est récompensé «car, par des images denses, limpides, il nous donne un nouvel accès au réel», selon l’Académie. «La plupart des recueils de poésie de Tranströmer sont empreints d’économie, d’une qualité concrète et de métaphores expressives», ajoute l’Académie. «Dans ses derniers recueils….Tranströmer tend à un format encore moindre et à un degré encore plus grand de concentration.»
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. Tomas Tranströmer – Finalement… C’est une poule ou un chapeau ? – c’est ICI
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Un bien beau florilège 🙂 !
c’est un métaphlorilège…