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Arno Schmidt (1914-1919)
Thomas Mann avait dés 1933, année de la prise de pouvoir par Hitler, choisi d’émigrer dans un premier temps en Suisse, puis à partir de 1938 aux Etats-Unis. Il devait pour cela être déchu par les nazis de sa nationalité allemande. Reprochant à l’issue de la guerre aux intellectuels allemands de ne pas avoir choisi l’exil durant la période nazie et de s’être ainsi compromis avec le régime, il ne revint jamais s’installer dans sa patrie d’origine, se contentant d’y effectuer de brèves visites. L’écrivain Frank Thiess avait répondu en 1946 aux critiques de Thomas Mann en défendant l’attitude de résistance passive qu’avait mis en œuvre selon lui une grande partie des intellectuels allemands demeurés au pays qui se seraient placés « en dehors de la société » dans une forme d’émigration à l’intérieur d’eux-mêmes qu’il nomme l’« Innere Emigration » (l’émigration intérieure). Dans le roman d‘Arno Schmidt « Scènes de la vie d’un faune », Heinrich Düring, petit fonctionnaire a choisi lui aussi une forme d’ « Innere Emigration » en évitant la médiocrité ambiante et l’embrigadement généralisé. Il méprise la passivité et la compromission avec les nazis de ses collègues et même de sa famille et ne trouve de réconfort dans sa solitude que par la pratique d’un l’humour acerbe dans ses relations avec les autres, par l’étude de vieux documents d’archives et par la liaison amoureuse qu’il entretient avec sa jeune voisine lycéenne, la jeune Käthe, qu’il surnomme la Louve.
Dés le début du roman, on pressent que pour les nazis et pour tous ceux qui, par conviction ou lâcheté, les soutiennent ou les suivent, tout va très mal se terminer. La chute finale prend l’aspect d’une scène apocalyptique quand l’usine d’armement Eibia, bâtie par les nazis à proximité du village est prise pour cible par l’aviation alliée. Heinrich et Käthe sont pris au piège du bombardement et tentent désespérément d’y échapper. Dans la description de cette scène apocalyptique, le talent de l’auteur se déploie dans toute sa démesure et sa puissance d’imagination totalement débridée. Je suis surpris que dans les analyses de l’œuvre littéraire d’Arno Schmidt, il n’est jamais fait mention de la forme expressionniste de son style. J’ai noté un rapport évident entre le style flamboyant et halluciné de son écriture, le sentiment de chaos qui prédomine dans ses textes dans lesquels les thèmes et les images se succèdent sans lien logique entre eux et les œuvres des poètes et peintres expressionnistes allemands qui ont précédé et suivi la Première Guerre mondiale. C’est la raison qui m’a amené à mêler au texte de Schmidt ci-dessous présenté certains tableaux de ces peintres (pour l’essentiel allemands) dans leur représentation de scènes de guerre. A lire également les articles de ce blog consacrés aux poètes expressionnistes allemands.
Le bombardement de l’usine d’armement Eibia (extrait de « Scènes de la vie d’un faune »).
Ludwig Meidner – Paysage apocalyptique, 1913
La lampe à pétrole, dans ma main, fit avec moi un bond, et la secousse fit tomber l’abat-jour laiteux. L’armoire m’asséna un coup que je ne pus que de justesse parer du poing, mais ses battants continuèrent à s’acharner sur moi. Ma femme vacilla derrière la grille de son tablier, tenant une table dans ses mains ! Les vitres tintèrent et bronchèrent en ruant dans leur cadre; une tasse s’élança dans l’air et retomba entre mes pieds écartés; l’air jumpait (heureusement que toutes les fenêtres, estivales, étaient ouvertes !); je fus précipité à travers des portes, tête baissée, dansai désordonné sur l’escalier qui titubait, et m’affalai au milieu de gens sur le pas de la porte.
« Ils attaquent l’Eibia !! » le vieux Evers hurla et tremblait comme un manteau noir, j’attrapai Käthe saisie au hasard et nous galopions déjà, premiers secours techniques, derrière le vent dans cette direction sombre, nos semelles claquaient, on enjambait les barrières; deux cornières grasseyaient à nos côtés; l’une des deux se tournant vers moi me lança un hargneux : Crass !! Crass !!
De nouvelles secousses formidables, et les maisons là-bas faisaient entendre des rires déments, des éclats aigus de vitres et de verres. Le pot au noir applaudissait de ses poings tonnants, explosive et mille détonations lançaient leurs grappins vers l’horizon. (Aujourd’hui, les éclairs hameçonnaient de bas en haut; et chacun, jupitérien, é-tonnait grandement et frappait de stupeur le nuage où il disparaissait!)
La longue route tressauta. Un arbre nous désigna de son doges énorme, tituba plus avant et referma derrière nous la prison de son branchage. On grimpa par-dessus la terre à carreaux rouges, à travers des ruines nourries de flammes, on mastiqua à pleines mâchoires un air gélatineux au goût de fumée, on repoussa de nos paumes nues des éblouissements assourdissants, et nos pieds palpaient le sol toujours plus avant, dans nos chaussures aux lacets emmêlés, toujours soudés l’un à l’autre. Des pointes de feu lacéraient nos fronts jusqu’à la défiguration; le tonnerre nous brassait peau et pores, enfonçant dans nos bouches des bâillons d’éboulis : et à nouveau des lames énormes nous trituraient menu.
Ludwig Meidner – ville incendiée, 1913 et paysage apocalyptique, 1912
Tous les arbres déguisés en torches (sur le Sandberg) : tout un front de maison trébucha et faillit basculer sur nous, une écume de soie rose au coin de la gueule béante, aux yeux des fenêtres, des flammes vacillantes. des boulets d’acier hauts comme des maisons déployaient, noirâtres, leur grondement autour de nous, meurtrier déjà leur seul écho ! Je me projetais contre Käthe, l’enveloppai de mes bras obstinés, et arrachai de là ma grande costaude : la moitié de la nuit se déchira, alors nous tombâmes, morts, au sol, sous l’effet du tonnerre (malgré tout, opiniâtres, on regrimpa hors de là, désemparés, cherchant notre souffle dans tous le volcan).
Deux rails s’étaient détachés et partaient à la pêche, en pince de crabe; leur tenaille se retourna, passa, formant un arc qui sonnait harmonieusement au-dessus de nos deux têtes (et nous courûmes et nous aplatîmes sous le lent fouet d’acier). En-dessous, quelque chose frappa, avec un défi rageur, contre nos os : la gueule d’un tuyau s’ouvrit, déversant tranquillement ses acides.
Toutes les filles ont des bas rouges; elles ont toutes du vermillon dans leurs seaux : un long silo de poudre se scalpa lui-même, laissant déborder son cerveau efflorescent : par en-dessous, il se fit hara-kiri, balançant plusieurs fois son corps monumental au-dessus de la boutonnière sanglante, avant, d’un jet, de se séparer de son tronc. Des mains blanches s’activaient, s’affairaient partout à la fois; certaines avaient dix doigts sans phalanges, un seul était fait de nodosités rouges (et au-dessous de nous la grande danse des socques de bois marquait la cadence !). Les HJ grouillaient comme des loups-garous paramilitaires. Les pompiers, sans but, s’activaient. Des centaines de bras jaillissaient des cicatrices de l’herbe et distribuaient des tracts de pierre, et sur chacun s’inscrivait « Mort », grand comme une table.
Ludwig Maidner – Paysage d’apocalypse, 1913
Otto Dix – Trench, scène de bataille
Des vautours de béton aux serres d’acier rougies au feu passaient avec des cris malsonnants au-dessus de nous par grandes bandes (jusqu’à ce qu’ayant trouvé leur proie en face, dans le lotissement, ils eussent fondu sur elle). Une cathédrale aux dentelures jaunes s’éleva poussant des hurlements dans la nuit aux franges violettes : c’est ainsi que l’énorme clocher sauta dans les airs ! Des gerbes de balles traçantes rouges comme l’amour se déployaient au-dessus de Bommelsen et nos visages étaient de deux couleurs : la moitié droite était verte, la gauche d’un brun ennuagé; le sol, en dansant, se dérobait sous nous; nous levions nos longues jambes en cadence; un cordon lumineux traçait des loopings déments dans le ciel : à droite, bonbon vitreux, à gauche, le violet profond du vertige.
Le ciel prit la forme d’une scie, la terre, d’un étang rouge vif.
Et frétillants, noirs, des poissons humains : une jeune fille, buste nu, traversait l’air dans notre direction, en caquetant, telle une collerette de dentelle, lui pendant autour des seins recroquevillés; sortant des aisselles, ses bras flottaient derrière elle comme deux bandelettes blanches. Au ciel, les serpillères rouges frottaient bruyamment, dégouttant de sang. une longue remorque pleine de gens bouillis et cuits, passa sans bruit sur des roues garnies de pneus. Des mains aériennes de géant nous saisissaient constamment, nous soulevaient puis nous larguaient à terre. D’autres, invisibles, nous tamponnaient l’un contre l’autre nous laissant tremblants d’épuisement en sueur (ma belle suante et puante petite fille, viens, partons d’ici !).
Une citerne d’alcool enterrée se libéra sous les secousses, partit en roulant, s’ouvrant, se répandant comme des cristaux liquides sur un sol ardent, formant un Halemaumau (d’où s’écoulèrent deux rivières de feu : un policier, éberlué, s’interposa devant celle de droite et se sublima en service). Une nuée obèse se dirigea vers le dépôt, y dégaza sa grosse panse météorisée et d’un rot fit sauter une tarte à la crème en l’air, avec un gros rire : eh ben ! et en glougloutant, fit des nœuds emmêlés de ses bras et jambes, tourna par ici son croupion, et poussa des pets pleins de gerbes de tubes d’acier brûlants, sans répit, en vraie pétomane, à faire plier et craquer le subissons autour de nous.
Otto Dix – La Guerre (panneau central), 1929-1932
Un cadavre de braise tomba devant moi à genoux, mourant de soif, apportant sa petite sérénade encore fumante; un bars flambait encore et rissolait sec : elle était venue des airs, « Du haut du ciel », l’apparition mariale. Le monde, au demeurant en était plein : chaque fois qu’un toit sautait, les cadavres fusaient des corniches comme des plongeurs, casqués ou en cheveux, volaient encore un peu puis s’écrasaient au sol comme des bombes à eau. Dans la main de Dieu, sa main de mauvais drôle !)
De verre rubis, une actinie de feu pulsait dans une forêt döblinienne, dondonnant avec grâce un équipage d’une centaine de bras (dont chacun portait un toupet urticant), puis s’immergea sans hâte dans l’océan de nuit, à la dérobée se livrant encore à quelques escarmouches. Un bunker de trois étages se mit en branle : il broncha, encore endormi, et remua des omoplates; puis avec des borborygmes, il rejeta de lui toit et murs, et l’aurore verticale nous fit aussitôt des vêtements de taffetas feu ainsi qu’une foule de visages de rose échauffées (jusqu’au moment où le coup de sang apoplectique tira la terre de dessous nos pieds comme une toile de sauvetage : une voiture de pompiers fut précipitée du ciel, tourbillonnant, et fit quelques voltes avant de s’écraser, affalée, sur le gravier; le scores s’accoudaient les uns aux autres, tableau vivant).
George Grosz – Explosion, 1917
Otto Dix – La Guerre, Soleil couchant, 1918
(Pour un temps, dans une chute lente et silencieuse tombèrent sur nous de larges flocons de feu, comme di névé in alpe senza vento : de la main et du béret, je les chassai de la déesse de Käthe tout en tournant autour d’elle en priant : elle m’en balaya un de mes cheveux gris qui se consumaient, tout en continuant à regarder les ombres qui, avec des sifflements, se couchaient en carène.)
Un homme rigide parut au ciel, dans chaque main un haut-fourneau : il prophétisait ainsi la mort, toujours la mort, si bien que repoussant le dessus de ma main, j’en aperçus vaguement les os parmi la chair en feu. Deux longs fuseaux de lumière, en levier, basculèrent ces murailles; sous cette clarté, la route pâlit et fondit en partie. Sur des brancards, on portait en grand nombre des paquets noirs comme la poix : les ouvriers de la troisième équipe, expliqua le conducteur en chat, et se rassit, la langue pendante, en tête du cortège où régnait le silence. dans les airs supérieurs, des météores passaient en klaxonnant; des maisons de paysans se secouaient de rire, à faire dégringoler les bardeaux du toit; partout, la pyrotechnie impie s’en donnait à cœur joie, geysers et fontaines de feux grégeois.
Dans le groupe cancanier des pleureuses, sur le bord de la route, une femme devint folle : de ses gros poings convulsés, elle relevait ses jupes jusqu’en haut du ventre, bloquées les mâchoires, bouche de bois béante, et se précipita, tête la première, cheveux gras gominés, dans les décombres jazzy; soudain, le sol devant nous devint une fournaise : une grosse veine se gonfla, se divisa, plus claire, pulsant des soupes avec des loups, et dans un soupir se déchira (l’air laiteux nous asphyxiant presque, nous, rendant tripes et boyaux, nous repliâmes à tâtons sur nos arrières ténébreux. poussant des cris, un épicéa prit feu, la jupe, les cheveux, tout; mais cela n’était rien comparé aux basses caverneuses hurlant des ordres depuis des éclairs de foudres et grinçant de leurs dents de flammes hautes comme des barrières).
A l’instant : voici que la grosse femme de tout à l’heure chevauchant une rosse, roche du Brocken, traversa les airs au ras de nos têtes, se consumant comme une mèche en appelant sa mère ! Le vent, par-derrière, nous harcelait toujours passant entre nos jambes, traînant aveuli des asthmatiques avec les convalescences de la poussière, formant, quand ça lui chantait, des tentes d’étincelles vacillantes. Un phallus de lumière, long comme une cheminée, par à-coups pénétrait la nuit dans sa touffe feutrée (mais débanda trop tôt; en revanche, à droite, une colonne de feu à barbe rousse, en yodlant se mit à danser, se claquant cuisses, talons, genoux, si bien que le mâchefer, sous nous, gronda avec un hoquet).
Otto Dix – la mort
Précédé de sa respiration sifflante un homme s’en venait vers nous, une cigarette s’en grillant une; il se trouva cloué à une souche par le front et il y resta à frétiller encore un bon moment. Les sons en dent de scie nous percutaient comme des masses d’armes; la lumière caustique nous corrodait le bord des paupières; près de nous des ombres s’écroulaient à genoux. le bunker B 1107 mugissait comme un taureau avant de faire sauter sa calotte crânienne de béton; alors son corset se débrida en craquant et une braise rouge nous rentra le souffle dans la gorge (J’empilai des mouchoirs humectés sur la bouche écartelée de Käthe et sur son grand nez palpitant.)
Les lambeaux noirs soufré de la nuit volaient au vent ! (une arlequine passa vêtue seulement de cravates rouges!) : quatre hommes essayèrent de rattraper un serpent géant qui sauta sur le ballast de la voie ferrée en sifflant et écumant de l’avant; ils se calèrent sur leur talons et semblaient émettre des cris (les bouches seules juste distendues; et les casques ridicules des courageux idiots). Des placards lumineux apparurent de toutes parts à grand bruit, passant si vite qu’on ne pouvait pas tous les lire (seul résultat, les couleurs vénéneuses nous collèrent les yeux qui n’arrivaient qu’à s’entrouvrir en fentes spasmodiques : « Viens donc ! Käthe ! » Des flammes putassières, lubriques, tout en rouge, vissages pointus, maquillage de travers, s’aventuraient dangereusement jusqu’à nous; gonflaient vers nous leurs ventre lisse, leur rire crépitait, elles se rapprochèrent encore dans une lumière scabreuse de bordel : « Viens donc, Käthe ! »).
La nuit se pourlécha encore une fois de toutes ses lèvres et de toutes ses langues luisantes, et s’exécuta quelques strip-teases excitants en faisant ruisseler autour d’elle ses clinquants oripeaux. Déjà explosaient des applaudissements sans fins (et des trépignements à nous briser le crâne). Des camions chargés de SA agitant leurs armes s’approchèrent un peu trop : les gars sautèrent en marche, chinèrent comme des allumettes qu’on frotte et se vaporisèrent (tandis que leurs véhicules se perdirent dans toutes le directions en cahotant). Un jeune gars en pleurnichant tendit vers nous ses bras démanchés : comme un torchon, la peau lui pendait des os à l’horizontale; il montrait des dents de cuivre et gémissait au rythme des détonations, dés que le gorille se frappait de nouveau la poitrine.
Dans l’intérieur des terres, on aurait dit le roulement ininterrompu des rames de métro : c’étaient les dépôts souterrains de grenades ! : Bien ! C’est mieux que si elles éclataient sur les gens, coupables ou innocents ! Tous les retours de flamme éventraient les filles de la BDM. Et elles respiraient encore quand nous les chargeâmes de là vers les pelouses en le striant par leurs jambes solides.
« Käthe !! »
« A terre !!! »
Car à côté de nous le bunker se mit à pousser le chant du coq en dressant sa crête rouge d’un air si menaçant que nous nous affalâmes à plat ventre nous communiquant l’un à l’autre la tremblote lorsque, brisant ses murs, il effectua un vol plané au-dessus de nous. A sa place parut d’abord
une morille de feu (dont 30 hommes n’auraient pu cerner la circonférence).
puis la Giralda,
puis pas mal d’apocalyptique (et des montagnes de petits fagots de brindilles pailletées).
C’est ensuite que l’onde sonore nous plaqua sans couture contre l’herbe et que les lotissements de l’autre côté, lancèrent en l’air leur casquette en vivotant : « Käthe !! »
« Kää-tee !!! »
Je passai ma main sur ses jambes en remontant jusqu’à son ventre haletant que j’escaladai, l’agrippai aux deux épaules : « Käthe !! »; La tête geignait d’étourdissements. Je repassai horrifié son visage : « Ooooh ! »
Emile Nolde
Edvard Munch – Baiser sur les cheveux, 1915
Un billot de chair à vif, grand comme un buffet, me mordit le revers de la main : « Käthe !! » — Elle jetait ses jambes en l’air et se tortilla comme une couleuvre. « Mes cheveux ! » hurla-t-elle à pleins poumons. Et comme un fou je la tâtai de proche en proche : le front, les oreilles déchirées, l’occiput dépouillé. J’agrippai par les épaules la blessée qui criait : « Mes cheveux !!! »; et elle ne se redressait toujours pas !
Sa crinière : fumait dans la gueule de pierre brûlante ! — Je me jetai sur le côté, libérai de mes ongles la lame du canif, et taillai comme un sauvage au-dessus de sa tête, tandis qu’elle hurlait et me criblai de coups : « C’est bon ? !!! » — « Non : toujours pas !! »
« Et maintenant ?!? » : — « Aïe — je », elle arracha de là sa tête de méduse et me griffa de douleur. Des pinceaux rouges sortirent de terre et teintèrent de pourpre des nuages aux cris rauques, le ciel s’effondra plusieurs fois (et les morceaux de rouge noirci tombèrent sous l’horizon). Käthe aboyait et agitait ses mollets; nous nous mordîmes avec des cris de loups nos visages invisibles et, prenant sur la gauche, on rampa parmi les monceaux d’étoiles, jusqu’à se retrouver dans le bosquet de cannes sonores, les cimeterres des roseaux, et qu’il fit noir à nouveau; et que je…
« Là : cette direction ! : en suivant les rails ! »
Arno Schmidt : Scènes de la vie d’un faune, traduction Nicole Taubes – Editions TRISTAM, 2011 (pages146 à 155)
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articles liés :
. Poèsie de l’expressionnisme allemand (I) : de mortelle amertume à l’apocalypse, c’est ICI
. pessimisme, cynisme et ambiguïté : Gottfried Benn, poète expressionniste et dermatologue, c’est ICI
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