Regards croisés : deux photographies anciennes du Fuji San (Fuji Yama)

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Dans le pays de Yamato,
Il est notre trésor, notre dieu tutélaire.
Nos yeux ne se lassent jamais de regarder
Le pic élevé du Mont Fuji

Manyoshu (premier recueil de poésie du Japon, au VIIIe siècle)

Okinawa Soba (Rob) - Two versions of Fuji san publised by K. Ogawa - Herbert Ponting, 190

photo du Fuji San  et du lac Shoji publiée K. Ogawa – photographe Herbert Ponting, 1905.

Okinawa Soba (Rob) - Two versions of Fuji san publised by K. Ogawa - T. Enami, circa 1907 from a stereo view

photo du  Fuji San et du lac Shoji publiée K. Ogawa – vue par stéréogramme par le photographe T. Enami, vers 1907.

     Ces deux photographies prises par deux photographes différents à deux années d’intervalles et selon un cadrage différent représentent la même vue, prise rigoureusement du même endroit, du Fuji San, 3.776 m (Fuji Yama).

       C’est en 1905 que Ogawa K., un éditeur de Tokyo, publie un livre présentant vingt-cinq photos du Fuji San prises par un photographe britannique, Herbert G. Ponting. Si l’édition était de qualité irréprochable et rencontra un grand succès, les japonais critiquaient la manière dont Herbert G. Ponting avait photographié leur montagne sacrée en particulier au niveau du cadrage. Selon eux, seul un japonais avait la faculté de représenter, selon l’esprit et l’âme japonaise, le Fuji San. C’est ainsi que quelques années plus tard, en 1912, Ogawa K. rééditera le même titre mais avec vingt-quatre photos réalisées par trois photographes cette fois japonais dont il faisait partie lui-même. Les deux autres photographes étaientt son ami K. Tamamura et son ancien élève et assistant T. Enami.  

       Le photographe japonais Okinawa Soba qui a comparé le deux éditions regrette que les photographes japonais aient repris pour la plupart de leurs photos (sans doute par la volonté de leur éditeur) les vues initiales choisies par Herbert G. Ponting. Il aurait préféré qu’ils choisissent leurs thèmes en toute liberté. Pour la vue représentée ci-dessus du Fuji San en arrière-plan du lac Shoji, il déclare préférer la version de la photographie réalisée par son compatriote Enami car celui-ci a ménagé dans son cadrage un écart suffisamment important entre le sommet de la montagne et la branche d’arbre qui le coiffe, ce qui permet une meilleure visibilité du Fuji San en le détachant de son décor. Il aurait pu également ajouter que la part plus importante prise par le plan d’eau dans la photographie d’Ennemi (elle occupe 37 % de la hauteur de la photo contre 21% dans la photo de Ponting) a pour effet de mettre en valeur la montagne et que le choix d’un cadrage vertical pour la photo a pour effet d’accentuer le sentiment d’élévation que l’on ressent à la vue de celle-ci.

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  • Pour voir le contenu complet et inédit de l’édition japonaise de 1905, c’est  ICI .
  • Pour voir le contenu complet et inédit de l’édition japonaise de 1912, c’est  ICI .
  • Pour la présentation de vues comparatives des deux éditions sur flickr, c’est ICI  .
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Autres comparaisons de photos entre Herbert G. Ponting et les photographes japonais

Capture d’écran 2015-09-22 à 14.56.45
     Ponting n’a pas eu de chance car, au moment de sa prise de vue, e sommet du Fuji était caché par un nuage, la montagne sacrée des japonais n’apparaît ainsi pas dans toute sa splendeur mais en dehors de cette malencontreuse circonstance le photographe japonais Enami me semble avoir fait un meilleur choix que le photographe anglais en privilégiant la représentation verticale du paysage qui a pour effet ramener le Fuji au centre de la photo et de lui conférer de cette manière l’importance qu’il mérite. De la même manière les deux personnages n’apparaissent pas, comme dans la prise de vue de Ponting, « noyés » dans l’horizontalité de l’espace mais voient leur présence renforcée. Enfin, le fait de présenter la photo en mode verticale permet d’affirmer l’axe vertical de symétrie qui relie le sommet du Fuji au personnage qui se tient debout sur l’embarcation, effet accentué par le reflet de celui-ci dans l’eau du lac. On remarquera aussi que la structure verticale de l’eau donne plus d’importance à l’étendue d’eau sur laquelle le mont Fuji semble flotter, en équilibre entre l’eau et le ciel.
Capture d’écran 2015-09-22 à 14.57.36
       Peu de différence entre les deux photographies. Il semble que Enami a bénéficié d’une meilleure luminosité qui a permis d’accentuer le conteste entre la côte et la surface du lac. On remarquera problème récurrent chez Ponting de « coller » le sommet de la montagne au bord supérieur de la photo qui nuit à sa mise en valeur.
Capture d’écran 2015-09-22 à 14.58.29
     Photos également très semblables mais toujours le problème du « collage » du sommet de la montagne au bord supérieur du cadre. On a l’impression que Ponting cherche à « remplir » au maximum le cadre de sa photo. 
Capture d’écran 2015-09-22 à 14.58.43
     Une nouvelle fois le choix de la présentation verticale de la photo nous semble judicieux. Enami a eu raison de rapprocher les deux personnages et de les placer au centre de la composition. Peut-être aurait-il du donner un peu moins d’importance au premier plan rocheux qui emplit presque la moitié de la photon au détriment du paysage et du ciel qui le domine.

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