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Andrew Geller (1924-2011)
Andrew Geller était un architecte américain qui était également peintre et graphiste. Il est surtout connu pour ses maisons de plage originales qui ont révolutionné l’architecture des résidences secondaires dans les régions côtières de New York, du New Jersey et du Connecticut au cours des années 1950 et 1960. Fils d’émigrés russes arrivés aux Etats-Unis en 1905 et installés à Brooklyn, le jeune Geller avait du interrompre ses études d’architecture pour s’être engagé dans l’armée lors de la seconde Guerre mondiale mais au retour il eut la chance de débuter sa carrière au sein de la prestigieuse agence de design Raymond Loewy and Associates chez qui il avait rêvé de travailler et dans laquelle il s’occupera principalement de la conception de centres commerciaux et de grands magasins à travers les États-Unis et du design des produits qui les accompagnaient.
C’est en 1957 qu’Elisabeth Reese, la directrice des relations publiques de l’agence, lui demande de réaliser le projet d’une maison de plage sur la petite parcelle qu’elle vient d’acquérir à Saganopack, un village situé dans la région des Hamptons de l’État de New York, une péninsule constituée de villages anciens, de plages et de dunes sur 45 km de cotes. Le budget était serré (5.000 dollars) et la cliente souhaitait une maison facile à vivre demandant peu d’entretien aux lignes simples et épurées. Le coût final sera finalement de 7.000 dollars.
vue aérienne de la cote de Saganopack dans les Hamptons
Geller rechercha une solution technique économique pour la structure de la construction. Le parti adopté fut la réalisation d’une construction en ossature bois à structure porteuse en A, vulgarisée par la suite sous l’appellation de A-frame, dans laquelle les chevrons porteurs des deux pans de toiture descendaient jusqu’au sol et était contreventés par des entraits horizontaux (formant la barre du A). La couverture de la toiture était constituée de bardeaux en red cedar. Le projet, qui dérogeait à l’architecture classique de la région, reçut dans un premier temps l’opposition des services administratifs de l’architecture mais Geller réussit à les convaincre en argumentant que le projet s’inspirait des granges à pommes de terre traditionnelles de la région. Outre son faible coût, la structure en A-frame offrait grâce à son contreventement une bonne résistance aux vents violents venus du large.
Andrew Geller – croquis pour la Reese House à Saganopack, 1957
Andrew Geller – Reese House à Saganopack, 1957
Andrew Geller – Reese House à Saganopack, l’un des murs pignons, 1957
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La maison doit beaucoup à la personnalité d’Elisabeth Reese, « Betty », jeune femme sportive de caractère qui souhaitait que sa maison soit un lieu à la fois de méditation et ouverte sur l’extérieur pour pouvoir bénéficier de la vue et du soleil et qui était ouverte à des solutions techniques et architecturales novatrices et originales qui iraient à l’encontre de l’architecture stéréotypée qui avait alors cours dans les Hamptons. C’est ainsi que la maison apparait surélevée du sol de la plage pour la protéger des inondations, que les terrasses se projettent en avant de la toiture par leur réalisation en porte-à-faux et jouent ainsi le rôle de brise-soleil pour le grandes baies vitrées du séjour, que la cheminée en maçonnerie n’a pas été placée au centre de la construction mais en façade au milieu de baies vitrées avec un conduit de fumée métallique mis en valeur par son décollement du volume de la construction et qu’une chambre est accessible à l’étage à l’aide d’une échelle rétractable mue par un système de poulie et de contrepoids. La maison donnait l’image d’une architecture moderne, fonctionnelle et ludique qui convenait parfaitement à l’esprit d’une maison de vacance.
Andrew Geller – Reese House à Saganopack en construction, 1957. Noter la structure en « A » avec les doubles entraits en position intermédiaire et à la base du A pour le support du plancher.
Andrew Geller – vue intérieure Reese House, 1957
le volume du séjour monte sur toute hauteur. A noter le bloc cheminée placé au milieu de la baie vitrée en pignon et la chambre placée en mezzanine au-dessus du séjour sans escalier d’accès, accessible par échelle rétractable.
Dans les années qui vont suivre, l’image de la maison, par son originalité, va souvent être référencée par les journaux et les magazine pour leurs reportages et leurs campagnes publicitaires. Elle apparaitra ainsi en mai 1957 dans le New York Times et par la suite dans les magazines Life, Sports illustrated et Esquire. Cela constituera une bonne publicité pour notre architecte qui va voir se multiplier les commandes. Une semaine après la parution de l’article du New York Times, Leonard Frisbie, un courtier de Wall Street après lu l’histoire a immédiatement pris contact avec lui pour lui demander de conçoivoir une maison à Amagansett. En moins de trois ans, entre 1958 et 1961, il réalisera plus de quinze nouvelles maisons.
Comme l’écrit l’historien de l’architecture Alastair Gordon, au premier abord, les petites maisons de plage d’Andrew Geller des années 1950 et 60 peuvent être interprétées comme des caricatures, mais ils étaient le symbole d’un modernisme à la portée de tous. «La plupart de ses clients vivaient dans la boîte d’un appartement de Manhattan, travaillaient dans une autre boîte à Manhattan et ressentaient le besoin d’une nouvelle disposition de l’espace autour d’eux », a écrit Fred Smith dans Sports Illustrated. « Ils veulent tous une superficie maximale pour un investissement minimum. » Geller avait bien saisit l’état d’esprit de ses clients. À bien des égards, leurs besoins étaient les mêmes que les siens. Ils n’étaient pas riches mais étaient ambitieux, ils étaient souvent d’anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, avaient eu des enfants et se considéraient sur le plan politique comme progressistes avec une sensibilité moderne, manifestaient un intérêt pour l’art, et avaient la volonté d’explorer de nouveaux modes de vie. C’était un temps où des milliers d’Américains profitant de la prospérité de l’économie d’après-guerre ont constaté que même avec des revenus modestes, ils pouvaient se permettre d’acquérir une maison de vacances. Les petites capsules de sauvetage de Geller les libéraient des pressions de la ville et les faisaient oublier pour un temps la bombe H et la perspective de l’anéantissement nucléaire. Chacune des maisons de Geller était conçue comme un portrait, un hommage sur mesure rendu à la personnalité de ses propriétaires. Cela pouvait aller jusqu’à prendre parfois une forme littérale absurde : Irwin Hunt qui était fabricant de boîtes de carton, a habité une maison qui ressemblait à une boîte tourné sur le bord. Victor Lynn, un dirigeant de Kodak, a obtenu une boîte avec des fenêtres en forme de lentille. Dans certains cas, les métaphores pourraient être moines heureuses. En lieu et place d’une méthodologie précise qui se serait appuyée sur une analyse formelle, Geller se fondait sur son instinct et improvisait tel un bon surfeur surpris une vague qui réagissait immédiatement. Il puisait son inspiration à partir du site et de la personnalité de ses clients en les écoutant attentivement, était dégagé de tout esprit de système et faisait preuve au contraire d’une grande liberté d’esprit.
Sa notoriété fit que l’un de ses projet fut adapté pour représenter la « maison américaine typique » lors de l’Exposition nationale américaine à Moscou en 1979.
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Accueil de l’architecture d’Andrew Geller aux Etats-Unis
Le travail de Geller a été apprécié aux Etats-Unis de manières diverses. Le critique d’architecture Mark Lamster, écrivant pour le Design Observer, décrit les modèles de maison de Geller sur Long Island comme des «maisons peu coûteuses et modestes dont les formes ludiques faisaient rayonner un sentiment d’optimisme dans les années d’après-guerre». Sa Pearlroth House à Westhampton bâti en 1959 qui se composait d’une paire de structure en forme de diamant, qu’il surnommait le « soutien-gorge carré » ou le « double cerf-volant » et qui avait failli être démolie en 2006 a été qualifiée par le New York Times comme une «icône du modernisme.» et par Alastair Gordon comme l’ «un des exemples le plus importants de la conception expérimentales construite durant la période d’après-guerre, non seulement à Long Island mais sur l’ensemble des Etats-Unis. C’est une architecture pleine d’esprit, audacieuse et inventive.»
Par contre sa conception en 1966 de la Elkin House à Sagaponack, New York, qu’il avait appelé de Picasso allongé a été qualifié dans le New York Times en 2001 de « désordre angulaire ».
Quelques autres réalisations d »Andrew Geller
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Pour en savoir plus
Articles de ce blog liés :
- Archéologie de l’habitat : de la hutte paléolithique à la charpente en A, c’est ICI
Sites et articles du Web :
- l’article très complet de l’historien de l’architecture Alastair Gordon du 26 décembre 2011 sur Andrew Geller : « Architect of Happiness« , 1924-2011, c’est ICI
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