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Grillon champêtre (Gryllus campestris) à l’orée de son terrier
Il sera dit qu’aucun espace, qu’aucune créature dans le monde où nous vivons, même la créature la plus innocente ne sera à l’abri du mal, de l’horreur absolue qui peuvent surgir à tout moment et transformer une vie en cauchemar. Tenez, prenez le cas du grillon champêtre (Gryllus campestris). Qui voudrait faire du mal à une créature aussi utile par son chant qui agrémente nos oreilles les jours d’été et dont la livrée est aussi belle. Enfant, j’avais appris à connaître et à apprécier les grillons au cours de mes séjours en colonie de vacances. L’un de nos jeux favoris avec mes camarades était de repérer un grillon par son chant (en fait il ne chante pas, il stridule), se rapprocher de lui sans faire de bruit jusqu’au moment où le chant cessait. L’interruption de son chant signifiait que le grillon avait repéré notre présence et était entré dans son trou pour se cacher. Il fallait alors rechercher parmi les herbes son terrier aisément repérable car il était implanté sur un petite surface dégagée avec une entrée sablonneuse très propre. On cueillait alors une tige d’herbe rigide et longue dont on introduisait l’extrémité la plus fine dans le terrier en la faisant tourner. A tout les coups, on voyait sortir à reculons le grillon mécontent que l’on attrapait à la volée avant qu’il ne change d’avis et retourne dans son trou. On s’amusait alors un peu avec lui en organisant des courses avec d’autres de ses congénères ou on l’introduisait parfois dans le terrier d’un autre grillon pour semer la pagaille. Après les avoir gentiment tourmenté nous prenions bien soin de les relâcher car nous respections et éprouvions de la sympathie pour cet animal que l’on identifiait dans nos âmes d’enfant à un guerrier casqué à l’armure rutilante. Nous ne possédions pas alors la méchanceté d’Eric Orsenna qui, pour donner une patine ancienne à un livre trop neuf, donne cette recette scandaleuse : « Voulez-vous vieillir au plus vite un vieux document ? Placez-le dans une boîte où vous glisserez un grillon. Pauvre bête. Dans le noir, elle se sent perdue, la panique la prend, elle ne se retient plus… Rien de tel, paraît-il, que les excréments de grillon pour donner à un papier tout neuf une allure d’antiquité, c’est-à-dire d’authenticité » (Voyage au pays du coton, petit précis de mondialisation). J’espère au moins, pour ne pas ajouter au malheur du pauvre grillon, que le livre à patiner n’était pas l’un de ses livres…
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La stridulation est le mécanisme principal de communication acoustique chez les grillons. Il permet d’émettre une large gamme de signaux via l’utilisation des deux ailes antérieures, durcies et cornées appelées élytres qui recouvrent au repos les ailes postérieures de ces insectes. Le mouvement stridulatoire correspond au frottement des deux élytres. Chaque élytre dispose à sa face inférieure d’une râpe stridulatoire composée de dents et d’un plectrum (grattoir). Le plectrum de l’élytre gauche vient frapper les dents disposées sur la face ventrale de l’élytre droit. Deux plages membraneuses, harpe et miroir, amplifient les sons. La stridulation sert à la reproduction, la femelle choisissant, en général, le mâle dont le chant est le plus puissant,et aussi à éloigner un mâle rival (production de «combats de chant» entre mâles grillons pour la domination d’une hauteur, d’une branche, etc.)
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Si vous voulez écouter le chant du grillon…
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C’est en lisant le dernier livre de Michel Onfray, « Cosmos », que j’ai été profondément horrifié d’apprendre le mal qui frappait ces pauvres petites bêtes qui m’avaient donné tant de joie au cours de mon enfance. Dans le chapitre 3 de son ouvrage intitulé « Le monde comme volonté et comme prédation« , le philosophe pour étayer son propos, cite le cas d’un parasite qui infeste les grillons et d’autres insectes en utilisant une stratégie extraordinaire. Il s’agit d’un ver nématomorphe qui, non content de vivre et prospérer dans le corps de l’insecte (il peut mesurer jusqu’à 70 cm de long), est doué de la faculté de manipuler le comportement de celui-ci en prenant le contrôle total de son cerveau.
Le grillon n’est aucunement un insecte aquatique, il vit dans les bois, les prairies et les champs mais pratiquement jamais en bordure des cours d’eau. Or, les grillons qui ont été infestés par le ver parasite, à un moment du développement de ce dernier, poussés par une force irrépressible et à l’encontre de leur instinct naturel se dirigent vers des points d’eau, mare, rivière, étang, piscine, abords des toilettes ou des douches d’un camping municipal dans le but de se jeter à l’eau, ce qui équivaut pour eux à une forme de suicide. Dés qu’ils ont plongés dans l’élément liquide on voit alors sortir de leur abdomen un long ver filiforme qui s’échappe en ondulant. Le ver était arrivé à un stade de son développement où il avait besoin de l’eau pour continuer à vivre et se reproduire. Dans l’eau, le ver va pondre des oeufs qui seront ingurgités par des hôtes intermédiaires tels des escargots d’eau ou autres mollusques d’eau douce ou des insectes. Dans le corps de ceux-ci les œufs donneront naissance à des larves qui parasiteront de nouveau le grillon ou tout insecte qui absorbera l’insecte porteur et ainsi le cycle infernal se reproduira.
Ce qui fait frémir l’homo sapiens que nous sommes, c’est que le ver réussit comme l’explique Onfray « à prendre les commandes du cerveau du grillon en modifiant son dispositif cérébral : il programme l’insecte à produire des cellules nerveuses en surnombre, dans des logiques de connexion qui ne sont pas celles du grillon mais les siennes. Ces molécules mimétiques produites par le ver sont reconnues par le système de décodage central de l’insecte. Le cerveau perturbé par les protéines ainsi fabriquées, le grillon agit à rebours de son propre intérêt, dans la perspective du seul bénéfice du ver. Les molécules du ver qui obéit à sa structure exigent du grillon soumis à sa structure de se plier à la volonté du ver qui est volonté de vie, elle aussi inscrite dans sa structure à laquelle il se conforme. »
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Attention ! la vidéo qui suit est à déconseiller pour les personnes sensibles…
Disgusting, isn’t it ?
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Et moi d’imaginer évidemment le pire : que des vers puissent à la suite d’une mutation génétique parasiter l’homme, prendre le contrôle de son cerveau, le transformer en zombie et lui faire commettre des actes horribles « à l’insu de son plein gré » jusqu’au moment où l’on verrait sortir de l’abdomen des infortunés parasités des centaines de vers ondulants qui s’échapperaient pour se reproduire. Bref ! un thème pour un film d’horreur à la sauce hollywoodienne…
En fait si l’on en croit Michel Onfray le scénario catastrophe est déjà en train de se produire, à une échelle mineure, heureusement. D’après lui, la toxoplasmose causée par un parasite nommé toxoplasma gondii affecte un tiers de la population mondiale soit près de deux milliards de personnes. Les scientifiques ont démontré que ce parasite supprime chez les petits mammifères qui en sont également atteints leur peur naturelle envers leurs prédateurs ce qui les conduit à la mort. Ils avancent l’hypothèse que les facultés mentales des humains pourraient être elles aussi touchées et que la toxoplasmose pourrait être à l’origine de certaines neuropathologies, parmi lesquelles la schizophrénie, la dépression mentale et les idées suicidaires.
Bon week-end tout de même,
Enki
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