un poème du poète hongrois Miklos Radnoti

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Radnóti Miklós en 1930

Radnóti Miklós en 1930

     Radnóti Miklós fait partie de la longue lignée des poètes tragiques. Goethe se plaisait à évoquer l’heureuse disposition des astres le jour de sa naissance que Julien Gracq qualifiait de «baiser des planètes». Pour Radnóti Miklós, poète juif hongrois, le «baiser des planètes» aura été un baiser de mort. Sa naissance en 1909 est aussitôt suivie de la mort de sa mère et de son frère jumeau. Confié  à son oncle paternel, il n’apprendra la terrible vérité que plus tard, endossant dés lors la culpabilité du survivant, thème qui reviendra de manière récurrent dans ses poèmes (poèmes sur les suicides de Maïakovski en 1929 et du surréaliste René Crevel en 1935, l’assassinat de Federico garcia Lorca en 1936 et la mort de son compatriote Attila József en 1937).
      En 1944, l’Amiral Horthy, pourtant allié d’Hitler est renversé par les nazis des Croix-Flèchées, partisans d’une ligne plus dure. L’armée allemande occupe alors le territoire hongrois et le STO (Service du Travail Obligatoire) est instauré. Radnóti Miklós, qui était entré dans la clandestinité est arrêté et jeté sur les routes dans une « marche forcée » qui le conduira d’abord en Bulgarie, puis en Yougoslavie et enfin de nouveau en Hongrie, sous la poussée des troupes soviétiques. Epuisé par cette longue marche, l’absence de nourriture et les mauvais traitements, un jour de novembre 1944, Radnoti s’effondre; il est alors abattu d’une balle dans la nuque avec tous ses comptons inaptes à la marche par les SS qui encadraient les prisonniers. Son corps sera retrouvé après la guerre dans une fosse commune. Dans l’une des poches de son manteau, on retrouve son carnet de poèmes qui permet son identification. La première page précisait en effet en cinq langues qu’il s’agissait là des « poèmes de l’écrivain hongrois Miklós Radnóti ». Le dernier poème, prémonitoire, est daté du 31 octobre 1944 et se conclu par ces lignes :

« Je suis tombé près de lui. Comme une corde qui saute
son corps, roide, s’est retourné
la nuque, à bout portant… Et toi comme les autres
pensais-de, il te suffit d’attendre sans bouger.
la mort, de notre attente, est la rose vermeille.
Der spring notch auf*, aboyait-on là-haut.
de la boue et du sang séchaient sur mon oreille »

Radnóti Miklós, Marche forcée, œuvres 1930-1944
Trad. Jean-Luc Moreau,  édit. Phébus, Paris 2000

Der spring notch auf* : « il remue encore »

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Un autre poème tiré du même recueil

Avance, condamné à mort!

Avance, condamné à mort!
le vent, les chats fuient devant toi
dans les buissons, les rangs chancellent
des arbres noirs, et se bossèle
la route qui blanchit d’effroi.
Dessèche-toi, feuille d’automne!
disparais, monde sans amour!
du ciel tombe une bise froide
et sur l’herbe rouillée et roide
l’ombre des oies sauvages court.
Sois pur, poète, comme un sage
dans la neige des hauts parages
battus de vent, sois innocent
comme le tout petit enfant
jésus de nos vieilles images.
Et dur aussi comme un grand loup

blessé qui, saigne de partout.

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Pour en savoir plus sur Radnóti Miklós, se reporter à l’incontournable site Esprits Nomades consacré à ce poète, c’est  ICI

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