Regards croisés

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China, 1982

Chine, 1982

The Heart’s Counting Knows Only One

In Sung China,
two monks friends for sixty years
watched the geese pass.
Where are they going?
one tested the other, who couldn’t say.

That moment’s silence continues.

No one will study their friendship
in the koan-books of insight.
No one will remember their names.

I think of them sometimes,
standing, perplexed by sadness,
goose-down sewn into their quilted autumn robes.

Almost swallowed by the vastness of the mountains,
but not yet.

As the barely audible
geese are not yet swallowed;
as even we, my love, will not entirely be lost.

Jane Hirshfield, The Lives of the Heart, 1997
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​​Un homme sous les pins - dit être par Ma Yuan, M. Magoshi Kyohei, Tokyo

Ma Yuan (?) – Un homme sous les pins

Le cœur ne bat que pour l’Unique. 

Dans la Chine de la Dynastie Song
Deux moines, amis de soixante années
regardent les oies passer.
Où vont-elles ?
Demande l’un à l’autre qui ne peut rien répondre.

Le silence de ce moment s’éternise.

Jamais personne n’étudiera leur amitié
dans les recueils de Gong’an* savants.
Personne ne se souviendra de leurs noms.

Je les imagine quelquefois,
figés, attristés de leur ignorance,
emmitouflés dans leur robes d’automne cousues de duvet d’oie.

Presque avalés par l’immensité de la montagne,
mais pas tout à fait.

Tout comme les à peine audibles
oies n’ont pas encore été avalées;
alors même que nous, mon amour,
ne serons jamais tout à fait perdus.

Traduction Enki, Janvier 2015

Merci à Sylvie Durbec de m’avoir mis sur la voie de ce délicieux poème fait de brumes, de silence, d’éternité et en même temps plein d’humour de Jane Hirshfield et que je prie de bien vouloir m’excuser de l’avoir trahi en tentant de le traduire…

Koan : En japonais, un Koan est la traduction du mot chinois Gong’an qui est un dossier, un récit, un dialogue, une question ou une déclaration utilisés dans la pratique du Zen pour provoquer une « grande interrogation » et tester le progrès de l’élève.

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2 réflexions sur « Regards croisés »

  1. Il y a un très beau poème découvert hier, de jane Hirschfield qui raconte ce sentiment à la fois de perte et de beauté. Deux moines devisent sur le vol des grues. « debout, perplexes, dans leur tristesse/… » « Personne ne se souviendra de leurs noms, écrit-elle encore.

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