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« Tout ce dont vous aviez rêvé a pourri dans les recoins… »
Ismael Serrano : « Papá cuéntame otra vez » (Papa raconte-moi à nouveau)
Quel goût amer a cette belle chanson d’Ismael Serrano qui nous rappelle nos espoirs, nos enthousiasmes fous, nos illusions perdues, nos échecs, nos erreurs, nos aveuglements, nos abandons, nos compromissions… Cette chanson est malheureusement intemporelle. Il suffit de remplacer dans ses paroles le nom de Bosnie par Syrie, et malheureusement demain Syrie par le nom d’un autre pays à venir.
Papá cuéntame otra vez
Papá cuéntame otra vez Papa racontes-moi à nouveau
ese cuento tan bonito ce si joli conte
de gendarmes y fascistas, de gendarmes et de fascistes
y estudiantes con flequillo, et d’étudiants aux cheveux longs
y dulce guerrilla urbana et de douce guérilla urbaine
en pantalones de campana, en pantalons pattes d’éléphant,
y canciones de los Rolling, en écoutant les Rolling Stones
y niñas en minifalda. avec les filles en mini-jupe.
Papá cuéntame otra vez Papa racontes-moi à nouveau
todo lo que os divertisteis comme vous vous êtes amusés
estropeando la vejez à foutre en l’air les vieux
a oxidados dictadores, dictateurs rouillés,
y cómo cantaste Al Vent Et comment vous avez chanté « Al Vent » *
y ocupasteis la Sorbona et occupé la Sorbonne
en aquel mayo francés en ce mois de mai français
en los días de vino y rosas. au temps du vin et des roses
Papá cuéntame otra vez Papa racontes-moi à nouveau
esa historia tan bonita la si jolie histoire
de aquel guerrillero loco de ce guérillo fou
que mataron en Bolivia, qu’ils ont tué en Bolivie.
y cuyo fusil ya nadie Et dont plus personne
se atrevió a tomar de nuevo, n’a osé brandir le fusil,
y como desde aquel día et comment, depuis lors,
todo parece más feo. tout paraît plus moche.
Papá cuéntame otra vez Papa racontes-moi à nouveau
que tras tanta barricada qu’après tant de barricades
y tras tanto puño en alto et tant de poings levés
y tanta sangre derramada, et tant de sang versé,
al final de la partida à la fin de la partie
no pudisteis hacer nada, vous n’avez pu rien faire
y bajo los adoquines et sous les pavés
no había arena de playa. il n’y avait pas de plage.*
Fue muy dura la derrota : La déroute fut très dure :
todo lo que se soñaba tout ce dont vous aviez rêvé
se pudrió en los rincones, a pourri dans les recoins,
se cubrió de telarañas, s’est couvert de toiles d’araignée.
Y ya nadie canta Al Vent, Et plus personne ne chante « Al Vent »
ya no hay locos ya no hay parias, y’a plus de fous, plus de parias,
pero tiene que llover mais il doit encore pleuvoir
aún sigue sucia la plaza. la plage est encore sale.
Queda lejos aquel mayo, Ce mois de mai est loin maintenant.
queda lejos Saint Denis, Loin de nous Saint-Denis.
que lejos queda Jean Paul Sartre, Comme il est loin, Jean-Paul Sartre.
muy lejos aquel París, Très loin le Paris d’alors.
Sin embargo a veces pienso Ceci dit, parfois je pense
que al final todo dio igual : qu’au final, çà n’a servi à rien :
las ostias siguen cayendo les torgnioles continuent à tomber
sobre quien habla de más. sur ceux qui parlent trop.
Y siguen los mismos muertos Et continuent les mêmes morts
podridos de crueldad. qui pourrissent par la cruauté.
Ahora mueren en Bosnia Aujourd’hui meurent en Bosnie
los que morían en Vietnam. ceux qui hier mouraient au Vietnam.
Ahora mueren en Bosnia Aujourd’hui meurent en Bosnie
los que morían en Vietnam. ceux qui hier mouraient au Vietnam.
Ahora mueren en Bosnia Hier mouraient en Bosnie
los que morían en Vietnam. ceux qui hier mouraient au Vietnam.
Traduction (légèrement remaniée par moi) de Bruno Fernandez
* un des slogans de mai 1968 était « sous les pavés, la plage »
* « Al Vent » (le vent) est le titre d’une chanson populaire du chanteur catalan Valence Ramon qui était un symbole de lutte contre la dictature de Franco. Pour écouter, c’est ICI
Sous les pavés, la plage…
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Ismael Serrano Morón est un auteur, compositeur, interpète et guitariste espagnol inspiré par le mouvement de la Canción protesta (Chanson protestation) apparu pendant les années de lutte contre le franquisme et la Nueva canción (Nouvelle chanson) latino-américaine. Il est né le 9 mars 1974 à Madrid dans le quartier de Vallecas, a fait des études de physique la l’Université Complutense de Madrid et a commencé dans les années 1990 à se produire dans les cafés de la ville. « Papá cuéntame otra vez » est sa chanson la plus célèbre. Il est le fils du poète et journaliste Rodolfo Serrano.
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