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« La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différents d’atteindre le même but : celui de posséder ce que l’on désire. Le commerce n’est qu’un hommage rendu à la force du possesseur par l’aspirant à la possession. C’est une tentative pour obtenir de gré à gré ce qu’on n’espère plus conquérir par la violence. Un homme qui serait toujours le plus fort n’aurait jamais l’idée du commerce. C’est l’expérience qui, en lui prouvant que la guerre, c’est-à-dire l’emploi de sa force contre la force d’autrui, l’expose à diverses résistances et à divers échecs, le porte à recourir au commerce, c’est-à-dire à un moyen plus doux et plus sûr d’engager l’intérêt d’un autre à consentir à ce qui convient à son intérêt. La guerre est l’impulsion, le commerce est le calcul. ». (B. Constant, 1815) Allégorie de la Liberté du commerce
Gérard de Lairesse, 1672.
J’ai bien conscience que cet article est politiquement incorrect, qu’il va être taxé de faute absolue, que l’on va m’accuser d’anti-germanisme primaire, de vouloir réveiller les vieux démons qui ont conduit par deux fois l’Europe à la catastrophe mais on sait également depuis Freud qu’un conflit condamné à l’intériorisation par des préjugés ou un tabou induit des conséquences néfastes sur notre équilibre mental et qu’il est préférable de s’en libérer par la parole ou par l’écrit. Quel est mon problème avec l’Allemagne ? Je dois dire que j’en ai vraiment plus qu’assez d’une certaine arrogance allemande qui s’exprime sur les plans économique et diplomatique et sur les médias par l’intermédiaire de la publicité. Sur le plan économique, OK ! Reconnaissons-le, l’Allemagne apparaît exemplaire : paix sociale, industrie performante, balance des paiements largement bénéficiaire, excédent budgétaire mais ces bons chiffres sont en grande partie la résultante d’une politique de recherche de compétitivité forcenée sur le dos de ses partenaires européens et de la France en particulier. De 1998 à 2010, le pouvoir d’achat de chaque salarié avait baissé de 1% en Allemagne alors qu’il avait progressé de 18% en France ce qui a eu pour effet de faire passer le pourcentage de travailleurs pauvres dans ce pays (l’Allemagne) de 8% à 10% (Alternatives économiques – Gilles Raveaud, avril 2014). Cette « déflation salariale » a permis d’améliorer la compétitivité de l’Allemagne et maintenir l’emploi au détriment de ses partenaires mais en même temps cette politique a eu pour effet de déprimer sa consommation intérieure ainsi que celle du reste de l’Europe car la plupart des pays européens ont été contraints de procéder à la même politique que l’Allemagne pour rééquilibrer leur compétitivité et redresser leurs exportations, amorçant ainsi une spirale de déflation salariale et économique dont l’Europe n’est toujours pas sortie et qui est l’une des causes du marasme actuel. On sait également que l’actuelle perte de compétitivité de l’agriculture française par rapport à l’agriculture allemande résulte pour une part d’un coût salarial inférieur en Allemagne dû au fait que les travailleurs agricoles émigrés dans ce pays sont rémunérés aux conditions de leur pays d’origine ce qui n’est pas le cas en France. Alors, un exemple de l’éternelle fable de la cigale et de la fourmi ? Non, car le monde ne peut être constitué que de fourmis : « Si tout le monde mène la politique allemande centrée sur les exportations, il n’y aura plus personne pour acheter celle des autres. Dans le commerce mondial, il ne peut y avoir plus d’excédents que de déficits : la Terre ne peut pas encore exporter vers la Lune ! » (L’Allemagne, modèle ou repoussoir – Le point économie). Alors, oui, succès sur toute la ligne pour l’Allemagne mais au détriment de ses partenaires car les excédents qu’elle accumule provoquent les déficits de ceux-ci.
Alors, dans ces conditions, le déferlement des publicités des marques allemandes vantant la supériorité du made in Germany telle la publicité « Das Auto » de Wolkswagen (on sait ce qu’il en est réellement depuis la révélation du scandale des moteurs truqués) ou « Deutsch Qualität » de la marque OPEL qui met en scène un bellâtre arrogant a de quoi énerver. De plus j’ai un compte personnel à régler avec une marque allemande de machine à laver pour un modèle que j’avais acheté fort cher (la fameuse « Deutsch Qualität ») et qui m’a lâché…
D’où, pour me défouler, le pamphlet cocardier qui va suivre, de totale mauvaise foi, je l’admets bien volontiers. Ce qui est dommage c’est que c’est un écrit de Günther Anders qui a servi de prétexte à ce défoulement. Ce penseur et essayiste autrichien d’origine allemande a souffert en Allemagne, en tant que juif, de l’antisémitisme et a du s’exiler en France puis aux Etats-Unis et ne peut donc être accusé de nationalisme. De retour en Europe en 1950, il refusera d’ailleurs de retourner en Allemagne de l’Ouest, préférant s’installer pour un temps en RDA, puis en Autriche. Il deviendra en 1968 membre du Tribunal Russell sur les crimes contre l’humanité.
Une dernière mise au point : que cet article ne vous empêche surtout pas de lire Günther Anders…
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Article d’origine : « Le poulet éternellement picorant » du blog Nana Marton, Une dans l’Ain, (c’est ICI) dans lequel elle écrit : « J‘ai noté, il y a un certain temps, de lire Günther Anders, philosophe allemand disparu en 1992 qui dénonce le péril nucléaire. Je n’ai pas encore pris le temps de le faire. Et voilà que je tombe sur un extrait de Sténogrammes philosophiques, ouvrage qui rassemble ses pensées au fil de la plume.
Je vais, de ce pas, lire Günther Anders. »
« Que nos repas désignent des temps dévolus à notre restauration est le signe de notre humanité. Car entre les repas se déploie le temps libre de toute consommation et le vaste horizon du monde non consommable, le territoire de l’absence, de ce qu’on ne peut contempler, envisager, le territoire du possible – bref : le monde de l’esprit. Vraiment ? Aujourd’hui encore ? Guère. Car la tendance pointe vers une consommation ininterrompue, vers une existence vers laquelle sans cesse nous consommons comme nous respirons : sans cesse nous mâchons du chewing-gum ; sans cesse, nous écoutons la radio. Et comme il n’est rien qui ne devienne produit de consommation, la substitution d’un produit par un autre garantit la non-interruption de la consommation. Une situation animale. Non, la situation des animaux les plus vulgaires. Pas celle des animaux qui embrassent l’horizon, du regard ou en le survolant, afin d’atteindre leurs proies. L’horizon de ceux-ci est encore vaste ; leur temps, dans sa plus grande partie, libre de consommation. Mais celle du poulet, éternellement picorant. »
Günther Anders, Sténogrammes philosophiques, Fario
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« Quoi ! Qu’est-ce qu’il avait contre les poulets, Günther Anders ? Pourquoi les méprisait-il ? Ne perçevait-il pas les conséquences de la comparaison qu’il établissait entre les poulets vulgaires qui picorent et les animaux nobles qui « embrassent l’horizon du regard ou en le survolant, afin d’atteindre leurs proies. » Voilà une position bien maladroite. Aurait-il voulu opposer l’aigle germanique au coq gaulois qu’il ne s’y serait pas pris autrement. C’est y pas malheureux après trois siècles de guerres franco-allemandes dont deux mondiales ! D’abord, le poulet, s’il picore, c’est parce qu’il mange avec mesure et humilité alors que tout le monde l’aura remarqué, l’aigle baffre de manière brutale et sanguinaire… Et pourquoi pensait-il, ce Günther Anders, que l’on est idiot lorsque l’on picore ? Contrairement à l’aigle tout entier absorbé par la traque, la capture, le transport puis le déchiquetage et l’ingurgitation de ses proies, le poulet, en picorant, a tout le loisir de penser et réfléchir, lui… Oui, Monsieur Anders, de penser et réfléchir, car le picorage est un automatisme qui loin de brider la pensée, la libère et lui permet de se projeter et de s’épanouir. Et lui, Günther Anders, n’avait-il jamais lu son journal au petit déjeuner et, entre deux brötchen, parlé philosophie ou commenté l’actualité ? Et puis, d’après lui, que fait un animal soi-disant noble comme est réputé être l’aigle germanique, entre deux agapes ? Il pratique la poésie ou la philosophie peut-être ? à moins que par inclination romantique, il admire le paysage et médite sur celui-ci ? Non, Monsieur Anders, entre deux agapes, l’aigle germanique n’a qu’une seule activité : rechercher et traquer d’autres proies car son appétit est insatiable et il ne pense qu’à baffrer, cet animal là ! Et lorsque l’on est tenaillé par la faim et que l’on traque, on est tout entier obsédé et absorbé par cette tâche, on n’a pas le temps de penser, Monsieur Anders ! Et puis, Monsieur Anders, toujours lors de votre frühstück, lorsque vous trempiez vos mouillettes dans votre œuf à la coque, c’était un œuf d’Aigle Impérial, peut-être ? Alors, s’il vous plait, un peu moins de condescendance et faites preuve de respect pour les gallinacés. »
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Pas d’accord ?
Coq Brahma perdrix doré (J-D Echenard)
Le coq gaulois
Le choix du coq comme « emblème » de la France fait référence aux origines gauloises de ce pays en jouant sur le jeu de mot latin gallus (coq) et Gallus (Gaulois), comme le faisait remarquer l’auteur latin Suétone. Il faut néanmoins souligner que malgré son utilisation comme symbole de la France, il n’a jamais été choisi comme symbole officiel de la République française. C’est à partir de l’époque de la Renaissance que le coq commence à symboliser le roi de France, puis son royaume. Il figure, en même temps que la fleur de Lys, sur de nombreux emblèmes officiels de rois de France des dynasties des Valois et des Bourbons. La Révolution le met à l’honneur comme symbole de la Vigilance et du Travail et il est souvent représenté coiffé d’un bonnet phrygien. Napoléon Ier lui préférera l’aigle impérial car « le coq n’a point de force, il ne peut être l’image d’un empire tel que la France« . L’avènement de la monarchie de Juillet marquera son retour et plus tard, au cours des IIIe, IVe et Ve Républiques le coq gaulois ornera occasionnellement les timbres, les pièces de monnaie en franc. Lors de la Première guerre mondiale, le coq sert la propagande officielle, notamment par le biais d’affiche, se dressant en rempart et en veilleur courageux face à la menace allemande. A la fin du conflit, il orne de nombreux monuments aux morts. Créé par décret en 1951, l’insigne officiel des maires aux couleurs nationales est conforme au modèle ci-après: « Sur un fond d’émail bleu, blanc et rouge portant + MAIRE + sur le blanc et + R.F.+ sur le bleu; entouré de deux rameaux de sinople, d’olivier à dextre et de chêne à senestre, le tout brochant sur un faisceau de licteur d’argent sommé d’une tête de coq d’or barbée et crêtée de gueules« .
Pour une histoire plus complète du coq gaulois, regarder ICI
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articles liés
- un article de Max Gallo de l’Académie française : Deutsche Qualität, c’est ICI
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Une anecdote sur les « coqs humains » de la cour d’Angleterre
La fascination pour les monstres animaux et humains existait dans le Bas-empire romain et un commerce florissant avait cours après la « fabrication » de monstres humains à partir d’enfants confiés à des nourrices très spéciales par des marchands sans scrupules. Cette fascination s’est perpétuée en Europe jusqu’au XVIIe siècle. Le roman de Victor Hugo, « L’Homme qui rit » conte l’histoire d’un jeune homme qui a été défiguré enfant pour arborer un sourire permanent. Des tribus nomades originaires de l’Inde qui avaient émigré en Europe portant le nom de Dacianos avaient la réputation de fabriquer des monstres et fournissaient à la cour d’Angleterre des « coqs humains » qui après une intervention mutilante sur le larynx, ayant perdu l’usage de la parole, ne pouvaient s’exprimer que par des sons gutturaux ressemblant au chant du coq. Les « coqs humains » avaient charge à la cour de chanter l’avènement de chaque heure et étaient rétribués pour cette tâche. Cette horrible tradition qui remontait au début du Moyen Âge a perduré jusqu’au règne du roi George II (1683-1760) qui y mit un terme non sans avoir fait exécuter le coq.
L’histoire ne dit pas pourquoi ce pauvre personnage aurait été exécuté. Peut-être avait-il manqué une heure faisant un rendez-vous à son illustre maître ? Ou bien avait-il troublé trop tôt son sommeil…
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