Enfin un peintre qui nous représente les Walkyries de manière non académique et échappe à l’art «pompier». Assez des mégères cuirassées aux fortes hanches et aux larges épaules coiffées de casques à cornes ou ailés qui chevauchent des montures essoufflées ployant sous leur charge !
Peter Nicolai Arbo – La Chevauchée des Walkyries, 1865
La Chevauchée des Walkyries est l’appellation populaire qui désigne le prélude de l’acte III de l’opéra Die Walküre de Richard Wagner. L’opéra s’inspire des légendes nordiques qui mettent en scène des vierges guerrières obéissant aux ordres du dieu Odin. Le tableau du peintre norvégien Peter Nicolai Arbo les montre retourner au Valhalla, le paradis viking avec les âmes de leurs victimes.
Homo demens
Le thème musical de l’acte III est fréquemment utilisé au cinéma et notamment dans la scène du raid des hélicoptères dans le film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola ci-dessus présenté. Un groupe d’assaut allemand aurait joué la Chevauchée sur ondes courtes avant de lancer les offensives de la Seconde Guerre mondiale.
Je suis beau, ô mortels ! comme un rêve de pierre…
Pourquoi ce portrait de Jim Morrison m’a-t-il fait penser irrésistiblement au David de Michel-Ange ? Sans doute par le fait que la Beauté, lorsqu’elle atteint un tel degré de perfection et de rayonnement, se désincarne et se détachant de la réalité finit par revêtir l’apparence d’un rêve, un rêve de pierre…
The End est une chanson du groupe The Doors, chanté par Jim Morrison, parue en 1967 sur leur premier album The Doors, elle a été utilisée au cinéma dans les films « Who’s that knocking at my door » de Martin Scorcese en 1967 et « Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola en 1979.
The End
This is the end, beautiful friend This is the end, my only friend, the end Of our elaborate plans, the end Of everything that stands, the end No safety or surprise, the end I’ll never look into your eyes, again
Can you picture what will be, so limitless and free Desperately in need, of some, stranger’s hand In a, desperate land
Lost in a Roman wilderness of pain And all the children are insane, all the children are insane Waiting for the summer rain, yeah There’s danger on the edge of town Ride the King’s highway, baby Weird scenes inside the gold mine Ride the highway west, baby Ride the snake, ride the snake To the lake, the ancient lake, baby The snake is long, seven miles
Ride the snake, he’s old, and his skin is cold The west is the best, the west is the best Get here, and we’ll do the rest The blue bus is callin’ us, the blue bus is callin’ us Driver, where you taken us
The killer awoke before dawn, he put his boots on He took a face from the ancient gallery And he walked on down the hall
He went into the room where his sister lived, and, then he Paid a visit to his brother, and then he He walked on down the hall, and And he came to a door, and he looked inside Father, yes son, I want to kill you Mother, I want to, fuck you
C’mon baby, take a chance with us C’mon baby, take a chance with us C’mon baby, take a chance with us
And meet me at the back of the blue bus Doin’ a blue rock, on a blue bus Doin’ a blue rock, c’mon, yeah Kill, kill, kill, kill, kill, kill This is the end, beautiful friend
This is the end, my only friend, the end It hurts to set you free But you’ll never follow me The end of laughter and soft lies The end of nights we tried to die This is the end
La version de 1967 de la chanson dans le film « Who’s that knocking at my door » de Martin Scorcese avec Harvey Keitel et la célèbre scène finale du jet de cartes qui tue.
T. S. Eliot, de son nom complet Thomas Stearns Eliot (1888-1965) est un poète, dramaturge et critique littéraire américain qui a émigré en Grande-Bretagne. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1948. C’est en 1922 qu’il publie son célèbre poème The Waste Land (La Terre vaine ou La Terre Gaste) dans la revue The Criterion qu’il vient de fonder. Ce poème qui va devenir un modèle pour la nouvelle poésie britannique reflète son état d’esprit de l’époque lié à sa situation personnelle avec l’échec de son mariage et le traumatisme encore présent de la génération qui a souffert de la Première Guerre mondiale. En ce qui concerne son premier mariage contracté en 1914 avec Vivienne Haigh-Wood, il écrira plus tard : « Je me suis convaincu d’être amoureux de Vivienne simplement parce que je voulais rester en Angleterre et me forcer à rester en Angleterre. Et elle s’est convaincue (…) qu’elle pourrait sauver un poète en le forçant à rester en Angleterre. Le mariage ne lui a apporté aucun bonheur… À moi, il m’a mis dans un état d’esprit qui aboutira à The Waste Land. ». The Waste land est un long poème sombre et désespéré de 433 vers qui mêle imagerie et symboles dans un style nouveau pour l’époque fait de changements brusques de narrateur, de temps et de lieu. Il sera suivi quelques années plus tard, en 1925, de la parution de The Hollow Men (Les hommes creux) qui apparaît comme une continuité de Waste Land par son utilisation des mêmes procédés stylistiques et sur les thèmes traités qui sont l’Europe après la Première Guerre mondiale et le Traité de Versailles, la difficulté de l’espérance et la conversion religieuse et son mariage raté. Le poème est divisé en cinq parties et se compose de 98 lignes dont les quatre dernières figurent parmi le plus citées de la poésie britannique. Les deux épigrammes qui précédent le poème, « Mistah Kurtz – il est mort » et « Un penny pour le vieilhomme» sont des allusions au chef-d’œuvre de Joseph Conrad, Heart of Darkness (Cœur des ténèbres), et à la coutume traditionnelle des gamins anglais qui, le 5 novembre, anniversaire du Complot des Poudres de 1605, promènent des effigies en paille de l’incendiaire Guy Fawkes avant de les brûler en place publique. La suite du poème est une description pessimiste des entreprises humaines vouées à l’échec et qui conduisent à la solitude et au vide en référence ou allusions à des personnages ou des situations tirées des grandes œuvres de la littérature mondiale. Ce poème célèbre a servi de référence dans des films comme « Apocalypse Now » de Coppola où Kurtz (joué par Marlon Brando) lit à voix haute le texte du poème. (voir vidéo ci-dessous)
Thomas Stearns Eliot, La Terre vaine et autres poèmes [1922; 1976 pour la traduction française], Éditions du Seuil, Collection Points Poésie, 2006. Traduction de Pierre Leyris.
C’est l’un des tableaux d’Andrew Wyeth que je préfère et qui m’a ému avant même que je connaisse son histoire. Cette colline arrondie à l’herbe rase qui semble mouvante sous les pas incertains du personnage happé par la pente, ce teint blême et ce regard dur qui se perd dans des pensées pesantes, ce bras et cette main raides en suspension dans l’air, cette ombre figée qui semble se refuser d’accompagner le personnage dans sa marche erratique, tout cela créait une atmosphère troublante qui me mettait mal à l’aise. La concision et la précision du titre : Winter 1946, renforçait encore le caractère mystérieux du tableau car il semblait faire référence à une situation ou à un événement particulier qui s’était produit cet hiver là. J’ai appris depuis que ce tableau reflétait l’état d’esprit du peintre durant cet hiver particulier où il s’était retrouvé seul avec lui-même après la mort de son père, le peintre Newell Convers Wyeth, mort accidentellement en octobre de l’année précédente avec son petit-fils (le fils de Nathaniel, l’un des frères d’Andrew), sa voiture ayant été heurtée par un train de marchandise au passage à niveau situé tout près de leur maison de Chadds Ford. Newell Convers Wyeth travaillait alors à l’exécution d’une fresque pour la Metropolitan Life Insurance Company et ce sera son fils Andrew avec l’aide du peintre John McCoy qui achèvera cette fresque. Andrew Wyeth a passé tout l’hiver 1946 à peindre cette toile. Il dira à son sujet : « C’était moi, en perdition — Cette main flottant dans l’air, c’était mon âme errante, tâtonnante ». L’endroit où son père et son neveu étaient morts se situe juste derrière la colline. Wyeth n’avait jamais peint le portrait de son père et disait le regretter. Pour lui « la colline était finalement devenue le portrait de son père ».
Cet article est né de la relecture d’un livre paru il y bientôt 10 années : Comment les riches détruisent le monde (Seuil, 2007). Son auteur, Hervé Kempf, est un ancien journaliste de Courrier international, de La Recherche et du Monde, écrivain et militant écologiste (il est l’actuel rédacteur en chef de Reporterre). Dans cet ouvrage, l’auteur expliquait l’articulation entre l’actuelle crise sociale et la crise écologique en s’appuyant sur la théorie de la rivalité ostentatoire de l’économiste et sociologue américain d’origine norvégienne Thorstein Veble. Selon lui, l’absence de réelle solution à la crise écologique découle de la profonde inégalité qui règne dans la période actuelle, et du comportement de la classe oligarchique.
Histoire d’un yacht ou exemple de consommation ostentatoire et de rivalité mimétique
Le yacht Eco au temps où il appartenait à Emilio Azcarraga – photo Bugsy Gedlek
Le yacht Eco a été construit par les chantiers navals allemands Blom & Voss et lancé en 1991. Son propriétaire d’origine était le magnat des médias mexicains Emilio Azcarraga, fondateur et ancien PDG du conglomérat de TV et médias Televisa qui avait alors payé environ 350 millions de francs pour sa construction. Long de 244 pieds (75 m) et pesant 1.100 tonnes, c’était l’un des plus grands Yachts du monde. Il possédait deux moteurs diesel Deutz AG BV16M628 de 5.000 chevaux chacun et une turbine à gaz GE LM1600 produisant 18 500 chevaux qui lui permettait d’atteindre la vitesse de 35 nœuds (64,8 km/h) ce qui en faisait l’un des yachts les plus rapides du monde. Sa vitesse de croisière était de 28 nœuds (51,8 km/h) pour une autonomie de 4 000 milles nautiques. Sa coque était en acier et le pont couvert de teck. Une fois lancé, Eco adopta le rythme habituel des grands yachts : l’hiver en Caraïbe, l’été en Méditerranée. Il devait donc traverser chaque année l’Atlantique à deux reprises. Un tel monstre avait un appétit féroce en carburant et sa gourmandise l’empêchait de traverser d’une seule traite. Il devait donc à chaque traversée se faire accompagner par un pétrolier ravitailleur pour refaire le plein au milieu de l’Atlantique. Hélas ! le remplissage prenait un temps fou et ruinait les nerfs de l’impatient Emilio Azcarraga. Qu’à cela ne tienne, aussitôt arrivé en Méditerranée, le navire fut confié à un chantier de Marseille pour l’équiper d’un système de remplissage performant et rapide. Le coût ? une peccadille… juste 1,5 million de francs. Est-ce la faute au stress accumulé lors des opérations de remplissage de carburant ? C’est sur son yacht que Emilio Azcarraga mourut en 1998 au large de Miami.
le yacht Katana (ex Eco) lorsqu’il appartenait à Larry Ellison
Eco fut alors racheté aux héritiers Azcarraga par Larry Ellison, le flamboyant président d’Oracle Corporation, une société américaine de technologie de l’information basée à Silicon Valley pour un montant de 52 millions de dollars.Larry Ellison avait largement les moyens de l’acquérir car il est classé par le magazine Forbes le septième individu le plus riche du monde avec une fortune estimée à 49,3 milliards de dollars américains. Changement de propriétaire a pour conséquence changement de nom, le yacht Eco fut rebaptisé par son nouveau propriétaire Katana qui signifie « épée » en japonais et il reçut un « lifting » aux chantiers Lürssen en Allemagne afin de procéder à une modification complète de la partie arrière, en abaissant le pont arrière de 60 cm, ainsi qu’à une rénovation de l’intérieur. Le yacht comportait neuf suites luxueuses et le pont arrière a été conçu à l’origine pour porter un hydravion à turbopropulseurs Maule Air. Mais Katana, comparé à certains autres yachts de milliardaires, avec ses petits 75 m, était pitoyable n’occupant que la 6e place parmi les grands yachts privés du monde… Larry Ellison le revendit donc quatre ans plus tard pour 68 millions de dollars (les yachts de luxe sont comme les grands vins, avec le temps ils se bonifient) à Aidan Barclay, le fils du magnat des médias britannique Sir David Barclay qui gère les affaires de la famille au Royaume-Uni et le remplaça par un navire plus grand, le Rising Sun qui, avec ses 137 m de long, est presque deux fois plus grand que le Katana. Les Barclay Brothers, père et oncle d’Aidan l’acheteur du Katana ont aussi les moyens, ils sont propriétaires des sociétés Press Holdings et May Corporation Limited enregistrées à Jersey qui contrôlent les journaux le Daily Telegraph et le Sunday Telegraph, les magazines le Business et leSpectator. La famille est également propriétaire des hôtels The Ritz et Cavendish et possède 64% du Maybourne Hôtel Group. Comme Larry Ellison, son prédécesseur, Aidan Barclay rebaptisa le Katana et le nomma Enigma.
L’Enigma d’Aidan Barclay à Majorque en 2006
La suite de la saga ? Finalement Larry Ellison a trouvé que son nouveau joujou, le Rising Sun était tout compte fait, avec ses 137 m de long, un tantinet encombrant, il l’a donc vendu à David Geffen, un grand producteur de musique pour acheter un navire plus modeste de seulement 87 m de long; quant à Aidan Barclay, le propriétaire de l’Enigma, il semblerait qu’en 2016 il ait décidé de le mettre à son tour en vente pour environ 51 millions de dollars. On se lasse de tout, tels des enfants gâtés, chez les riches…
Ad nauseum : les Gigayachts
Vous n’en pouvez plus ? Et bien sachez selon le Daily Mail que le yacht le plus grand et le plus cher du monde, le « Double Century », acheté par le président des Emirats arabes unis, coûte 770 millions de dollars. Le palace flottant, qui sera commercialisé par la société 4 Yacht, basée à Fort Lauderdale, en Floride, est long de 200 mètres – soit l’équivalent de deux terrains de football. Il s’élève à 27 mètres au-dessus des flots, dispose de neuf ponts, de plusieurs piscines et deux héliports. Il rassemble en outre trois petits bateaux et un mini-sous-marin. Il nécessite 70 membres d’équipage pour voguer, jusqu’à 30 noeuds, grâce à ses 94.000 chevaux. Ce yacht détrône d’une quarantaine de mètres le yacht «Eclipse » détenu par le milliardaire russe Roman Abramovitch, propriétaire, entre autres, du Chelsea FC. Mais le temps de « Double Century » pourrait être limité, un nouveau navire nommé « Triple Deuce », de 221 mètres de long, est attendu pour 2018.
La rivalité mimétique des riches
Le yacht de prestige est avec la villa de luxe, l’avion privé, l’île privée, l’art, la manifestation festive, l’un des domaines où la rivalité des riches se déploie sans mesure, chacun devant être le premier sur le registre choisi par ses concurrents. Cette confrontation des égos est une lutte sans fin dans laquelle des sommes colossales non productives se perdent dans des gouffres sans fond. Les riches croient se racheter une bonne conscience en défendant l’idée que ces dépenses font marcher le commerce et l’industrie et créent des emplois mais ces dépenses sont stériles et seraient beaucoup mieux employées si elles étaient investies dans des projets utiles pour l’ensemble de la société et d’avenir. À l’époque de la Renaissance italienne, les riches familles vénitiennes qui avaient fait fortune dans le commerce ont investi dans de somptueuses villas à l’intérieur des terres qui étaient en même temps des fermes agricoles modèles. Ces investissements étaient utiles pour la société vénitienne car ils permettaient de nourrir la ville et créaient des emplois pérennes. Que rapportent aux pays qui les accueillent les luxueuses propriétés ou les îles aménagées appartenant aux milliardaires sinon quelques emplois limités de personnel de service. Il est intéressant de constater que les propriétaires successifs du yacht Eco étaient en majorité d’extraction modeste, Larry Ellison était le fils d’une jeune femme non mariée et avait été élevé dans le ghetto juif de Chicago par sa tante et son oncle Louis, un émigrant russe. Les frères jumeaux Barclay sont nés à Londres de parents écossais, au sein d’une famille de 10 enfants. Leur père est décédé alors qu’ils n’avaient que 12 ans et ils ont du quitter l’école à l’âge de 16 ans pour exercer divers petits métiers. Les parents de David Geffen étaient deux juifs immigrés aux Etats-Unis qui s’étaient rencontrés en Palestine sous le mandat britannique. Il a abandonné ses études à l’Université du Texas à Austin. Roman Abramovitch, né dans une famille juive est devenu orphelin à l’âge de 4 ans et a été élevé par deux oncles successifs loin de Moscou. Il a commencé sa carrière comme mécanicien. Il semble que ces «self made men» ressentent le besoin d’exposer leur réussite de manière ostentatoire. À qui ? certainement pas aux pauvres et aux exclus de la société mais plutôt à ceux de l’establishment qui sont nés avec une cuillère en or dans la bouche et qu’ils s’étaient jurés de rejoindre et dépasser. Prendre leur revanche sur la vie et en mettre plein la vue semble être leur credo. Le personnage romanesque qui les représente le mieux, c’est Gatsby le Magnifique du roman éponyme de Fitzgerald. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté des extraits d’un essai portant sur ce personnage.
Que peut-on faire avec le coût d’un yacht (source Million Dollar Blog, c’est ICI)
Pour 35.000 $, le coût d’un petit yacht, on peut sauver la vie de plus de 6.000 enfants et les nourrir pendant un mois.
Avec le coût d’un yacht de 250.000 $, on peut sauver plus de 40.000 enfants
Avec le coût d’un yacht de 1 million $, on peut sauver plus de 160.000 enfants
Avec le coût du Gigayacht « Double Century » de 770 millions $, on peut sauver plus de 123 millions d’enfants ou construire 18 hôpitaux de 200 lits en Afrique.
Selon le dernier rapport d’Oxfam International, huit hommes possèdent autant de richesse que les 3,6 milliards de personnes qui représentent la moitié la plus pauvre de l’humanité : « Le rapport d’Oxfam montre que nos économies canalisent les richesses vers une élite fortunée aux dépens des couches les plus pauvres de la société, et majoritairement des femmes. Les plus fortunés accumulent les richesses à un tel rythme que le premier « super-milliardaire » du monde pourrait voir son patrimoine dépasser le millier de milliards dans 25 ans à peine. Pour mettre ce chiffre en perspective, sachez qu’il faudrait débourser un million de dollars par jour pendant 2 738 ans pour dépenser 1 000 milliards de dollars. » Ce rapport met en lumière la façon dont les plus fortunés recourent à un réseau de paradis fiscaux pour éviter de payer leur part d’impôt et à une armée de gestionnaires de patrimoine pour obtenir des retours sur investissement inaccessibles à l’épargnant moyen. Contrairement aux idées reçues, nombre de ces personnes ne doivent pas leur fortune à leur propre mérite. L’analyse d’Oxfam montre que plus de la moitié des milliardaires du monde ont hérité de leur fortune ou l’ont accumulée dans des secteurs d’activité où la corruption et le copinage sont monnaie courante. (lire le compte-rendu du rapport d’Oxfam dont ce texte est extrait, c’est ICI)
La parabole de l’abeille et des frelons de Saint-Simon
Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825) qui a participé à la guerre d’indépendance américaine et a été fasciné par l’économie du nouveau monde comprend que la révolution américaine aura des conséquences qui déborderont le cadre politique. Une nouvelle civilisation est en train d’émerger : celle de l’industrie et de la production. Contrairement aux nations de la vieille Europe, les États-Unis d’alors ignorent les privilèges de classe et l’oppression et l’exploitation du plus grand nombre par une classe d’oisifs. De ce fait, l’État qui en Europe représente les oisifs et les improductifs et est de ce ait un outil d’oppression sur les citoyens y est moins puissant et la société plus libre, égalitaire et responsable.
Saint-Simon, en temps que digne héritier des Lumières, va alors imaginer une société parfaite fondée sur la valorisation des compétences et du travail qui exclura les parasites de son sein. « l’homme doit travailler » et une élite scientifique et artistique doit prendre les rênes de la société pour la diriger. Mais avec le développement de l’industrialisation, sa pensée évoluera sur ce point et ce sera bientôt l’industriel qui sera promu comme l’élément déterminant pour guider et diriger la société. Pour Saint-Simon cette évolution de la société devrait s’effectuer sans violence : le « gouvernement des choses » sera le produit du discours et de la persuasion et la société libre s’imposera d’elle-même. C’est en cela que sa pensée apparaît utopiste.
La parabole des abeilles et des frelons pose le principe de la lutte des classes. La classe des oisifs, par la ruse et la violence, prive la masse des créateurs, inventeurs, travailleurs d’une partie du fruit de leur travail et gaspille la richesse produite par une consommation intempestive et inutile. La classe des oisifs est néfaste et la société est comparée à un ruche où cohabitent abeilles travailleuses et frelons parasites : « supposons que la France perde subitement ses cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers chimistes, ses cinquante premiers physiologistes… et les cent autres personnes de divers états non désignés, les plus capables dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers (…), la nation deviendrait un corps sans âme, à l’instant où elle les perdrait et il faudrait au moins une génération entière pour réparer ce malheur » Par contre si la France perdait le même jour la classe irriguante des oisifs : officiers, ministres, conseillers d’États, nobles et autres parasites, « cette perte des trente mille individus réputés les plus importants de l’État ne causerait aux français de chagrin que sous un rapport purement sentimental car il n’en résulterait aucun mal politique pour l’État ».
Si Saint-Simon a posé le principe de la lutte des classes, il n’envisage comme classe agissante destinée à renverser le pouvoir des oisifs que la classe formée par l’élite industrielle qui deviendra la future classe dirigeante. Le prolétariat naissant reste maintenu dans un rapport de subordination avec les industriels qui le dirigent et l’égalité ne l’atteint pas : « Vous êtes riches et nous sommes pauvres. Vous travaillez de la tête et nous des bras. Il résulte de ces deux différences fondamentales que nous sommes et devons être subordonnés » (Lettre à messieurs des ouvriers). Dans la vision utopiste de Saint-Simon l’amélioration de la condition de vie des ouvriers s’effectuera sous l’action de la raison et la compassion de leurs maîtres dans un esprit religieux.
Critique de la consommation ostentatoire par Thorstein Veblen
L’économiste et sociologue américain d’origine norvégienne Thorstein Veblen (1857-1929), injustement oublié aujourd’hui, s’était intéressé aux motivations des acheteurs et avait déjà en 1899 dans son ouvrage « The theory of the leisure class » (publié en français sous le titre Théorie de la classe de loisir) expliqué que les membres de la classe supérieure qui est à l’abri des besoins matériels et qui n’a pas l’obligation absolue de travailler (ses membres ne travaillent alors que s’ils le souhaitent) et à laquelle il avait donné le nom de «classe de loisir» manifestait par esprit de vanité le désir impérieux de se démarquer de leur voisin et de lui montrer leur supériorité par une consommation ostentatoire (conspicuous consomption) que l’on peut analyser comme une émission de signifiants de puissance. Pour Veblen, cette sur-consommation non motivée par les besoins essentiels de l’individu est source de gaspillage de temps et de moyens au détriment de la société toute entière. On constatera que cette analyse est très proche de celle professée par Saint-Simon un siècle plus tôt lorsqu’il opposait oisifs et classes laborieuses et promouvait une société dirigée par une classe d’industriels mais contrairement à l’utopiste français, Veblen ne promeut pas la bourgeoisie industrielle comme classe dirigeante souhaitée, il oppose à celle-ci la classe des experts et des ingénieurs. Il est vrai qu’entre temps, la bourgeoisie industrielle avait montré qu’elle pouvait adopter les comportements des anciens oisifs de la noblesse. L’absurdité qui préside au comportement de consommation ostentatoire prend toute son ampleur dans l’«effet Veblen» qui fait que plus la valeur d’un produit désiré augmente, plus sa consommation augmente également car sa cherté est interprétée pour les consommateurs comme une valorisation de la représentation de ce produit. La recherche de produits de marque coûteux par les jeunes appartenant aux classes défavorisées est un exemple de ce processus. On pourrait croire que par ce raisonnement, Veblen s’inscrit dans une vision marxiste des relations sociales et de l’histoire mais il n’en ait rien, Veblen se place, et c’est en cela que sa vision anticipe d’une certaine manière la vision qui sera plus tard celle de René Girard, dans une optique anthropologique et évolutionniste de type darwiniste. Pour lui, la tendance à rivaliser est inhérente à la nature humaine et ce sont les instincts qui conditionnent les relations humaines et parmi ceux-ci l’instinct prédateur par lequel les hommes veulent se déposséder mutuellement de leurs biens et du résultat de leur travail.
Gatsby le magnifique : réification et consommation ostentatoire (par Robert Sayre et Michael Lowy dans le Club de Mediapart) – Extraits.
Film Gatsby le Magnifique : la fête ostentatoire
« Pour s’attirer et conserver l’estime des Hommes, il ne suffit pas de posséder simplement richesse ou pouvoir : il faut encore les mettre en évidence, car c’est à l’évidence seule que va l’estime. En mettant sa richesse bien en vue, non seulement on fait sentir son importance aux autres, non seulement on aiguise et tient en éveil le sentiment qu’ils ont de cette importance, mais encore, chose à peine moins utile, on affermit et préserve toutes raisons d’être satisfait de soi. » (Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir, 1899).
Pour illustrer le propos de Thorstein Veblen, nous présentons l’analyse qu’a faite du roman de Francis Scott FitzgeraldGatsby le magnifique, le sociologue et philosophe franco-brésilien Michael Löwy et le chercheur américain Robert Sayre dans un article présenté sur Internet par le Club Mediapart. Michael Löwy qui est marxiste voit dans la consommation ostentatoire des classes supérieures oisives décrite en son temps par Thorstein Veblen,l’une des formes prise par la réification au sens de « magie du fétichisme de la marchandise ». Rappelons que chez Marx et Lukács, la réification est la transformation de l’activité humaine en marchandise qui aboutit dans l’économie capitaliste à une véritable fétichisation de l’objet en tant que valeur d’échange dominant complètement la valeur d’usage. Dans le Capital (1867), Marx avait défendu l’idée que dans la société capitaliste développée, toute chose — matérielle ou immatérielle — tend à devenir marchandise et valeur d’échange, représentée par l’argent. La marchandise, de simple produit du travail humain devient une entité autonome sur le marché et revêt de ce fait un caractère « mystique » et « fantastique ». En conséquence, le champ social est « chosifié » et les rapports humains « déshumanisés ». À la suite de Marx, Lukàcs a travaillé sur le phénomène de réification qui selon lui touche de plus en plus profondément les rapports sociaux au fur et à mesure du développement de la société capitaliste. Dans le roman de Fitzgerald, l’univers de Gatsby le Magnifique est régi par la réification au sens donné par Marx et Lukàcs et le pouvoir de l’argent par sa déshumanisation a transformé le paysage des êtres et des relations humaines en « wasteland » (terre stérile) en référence au célèbre poème écrit par T.S. Eliot en 1922.
Extraits du texte de Robert Sayre et Michael Löwy sur Gatsby le Magnifique
Un des aspects les plus intéressants du roman de Francis Scott FitzgeraldGatsby le magnifique est sa mise en scène du phénomène de la consommation ostentatoire, expression frappante de la réification * dans la vie sociale des classes oisives. (…) On peut considérer la consommation ostentatoire comme étant, jusqu’à un certain point, une des formes que prend la réification dans une société hiérarchique. Il s’agit, là encore, de la domination des « choses » sur l’être social des individus et de la dégradation-chosification des rapports sociaux.
Pour mieux faire ressortir l’originalité et la puissance cognitive du roman de Fitzgerald, nous allons le confronter avec le célèbre livre du sociologue et économiste Thorstein Veblen, La Théorie de la classe de loisir . Cette confrontation est possible parce qu’ils observent tous les deux le même phénomène: les moeurs, le style de vie, la culture – au sens anthropologique – des classes oisives, notamment aux USA. Ils partagent tous les deux un regard critique, non dépourvu d’ironie et même de sarcasme, sur l’éclat superficiel et « magnifique », le luxe tapageur de cette élite parasitaire et rapace. (…)
Regardons de ce point de vue la consommation ostentatoire, thème central de la Théorie de la classe de loisir : la consommation improductive de biens et de services comme preuve de la capacité pécuniaire à s’offrir une vie d’oisiveté. Il s’agit, par un étalage permanent du superflu et de l’inutile, d’afficher perpétuellement sa richesse et tracer la signature de sa puissance monétaire en grosses lettres. Dans le roman, ce besoin d’étalage est particulièrement frappant chez le personnage de Gatsby, le nouveau riche — « sorti de rien, tout droit du caniveau » par le spéculateur/escroc juif Wolfshiem — qui a besoin de forcer la note, d’exagérer dans le gaspillage pour pouvoir affronter son rival, Tom Buchanan, l’homme de la richesse héréditaire.
Leonardo di Caprio dans le film Gatsby le Magnifique
Sa voiture « monstrueuse« , gonflée de multiples réceptacles « triomphants« , et ornée d’un « labyrinthe de vitres réfléchissant une douzaine de soleils » est un bel exemple de cette surenchère. Le même vaut pour sa maison, « une affaire colossale, de tous les points de vue« , un faux château de Normandie, avec sa tour, son jardin immense et sa piscine de marbre; ou pour ses somptueuses réceptions mondaines, dont les participants étaient « anxieusement conscients de l’argent facile dans le voisinage« . Le riche héréditaire ne fait pas moins l’ostentation de sa puissance pécuniaire – « J’ai une belle demeure ici« , se vante-t-il au narrateur en embrassant d’un vaste geste la maison sophistiquée (elaborate), le demi-kilomètre de gazon, le jardin italien et le bateau à moteur – mais il dépense avec plus de naturel: issu d’une famille « immensément riche« , il gaspille avec une aisance « à vous couper le souffle« . Tous les deux utilisent le gaspillage ostentatoire comme un instrument dans ce que Veblen appelle « la comparaison provocante« : la rivalité pécuniaire, la dispute pour écraser l’adversaire par la demonstration visible de sa supériorité monétaire.
Parmi les formes de consommation ostentatoire les plus importantes Veblen cite l’habitude de « donner à grands frais festins et divertissements« . Mais il n’analyse pas le contenu social de ce rituel et quelle forme spécifique il prend dans les sociétés capitalistes modernes (en contraste notable avec les festins aristocratiques anciens). Dans un des passages les plus impressionants de son roman, Fitzgerald nous montre, par petites touches successives, « l’esprit » d’une telle fête tapageuse et clinquante: une foule de gens – pour la plupart non invités – dont « les règles de comportement étaient celles associées aux parcs d’amusements« , dansent dans des « cercles éternels disgracieux« , tandis que le champagne coule à flots et que des « éclats de rire vides montent vers le ciel d’été« . Ce qui frappe le plus dans ces manifestations éclatantes et « joyeuses » de richesse, c’est la solitude des individus au milieu de la foule – à commencer par celle de Gatsby lui-même, l’hôte des réjouissances, que la plupart des fêtards ne connaît pas et ne désire pas connaître. L’alcool, même en grandes quantités, n’arrive pas à remplir le vide sidéral de cet « événément social » et de sa « convivialité » factice.
Film Gatsby le Magnifique : la fête ostentatoire
« Qu’est-ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire…» (Anna Karina sur la Côte d’Azur dans le film Pierrot le Fou de Godard)
On trouve ici une autre caractéristique fondamentale du style de vie des classes oisives qui est absente chez Veblen : l’ennui. Jordan Baker, l’amie de Daisy, personnage jeune/sportif/arrogant, ne cesse de bailler tout au long de l’histoire. Quant à Daisy elle-même, voici son cri du coeur : « Que ferons-nous de nous-mêmes cet après-midi? Et le jour suivant et les prochaines trente années ?« . Cet aveu résume, mieux que tout discours sociologique, l’acedia* – au triple sens de paresse, ennui et mélancolie – qui frappe de son sceau les interminables journées d’oisiveté des happy few . C’est pour échapper à l’ennui que Daisy a voyagé avec son mari Tom Buchanan en France et partout dans le monde « où les gens jouent au polo et sont riches ensemble« . Mais cette fuite en avant aboutit à une impasse : « J’ai été partout, j’ai tout vu et tout fait. Je suis blasée ! « . C’est l’éternelle répétition du même — polo, fêtes, voyages, voitures de sport, chevaux de course, polo à nouveau et ainsi de suite, ad aeternam — qui rend la vie de l’élite pécuniaire si vide et si ennuyeuse.
Selon Walter Benjamin, le pire des enfers est celui des grecs anciens, où les damnés – Sysiphe, les Danaïdes – sont voués à l’éternelle répétition des mêmes gestes, à l’infini. Si l’on accepte cette prémisse, il n’y a pas de doute que le paradis artificiel des richissimes oisifs a quelque chose d’une descente aux enfers. Nous ne sommes pas loin de l’atmosphère de Gatsby le magnifique…
Gatsby le magnifique : réification et consommation ostentatoire par Michael Lowy dans le Club de Mediapart (Extraits). Pour l’article complet, c’estICI. Les titres et les illustrations sont de nous.
*acedia : Étymologiquement, ἀϰήδεια (akêdéia) signifie en grec ancien : négligence, indifférence, ne pas prendre soin de. La conséquence de cette négligence est un mal de l’âme qui s’exprime par l’ennui, une torpeur spirituelle et un repli sur soi.
Mythique, iconique… Les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier ce vélo motorisé 100% français dont le premier prototype fut réalisé en décembre 1940 par la société Solex fondée en 1905 par deux centraliens, Maurice Goudard et Marcel Mennesson. L’engin sera baptisé VéloSoleX et la production débutera en 1946 dans l’usine de Courbevoie au rythme de 15 machines par jour.
Le principe mécanique de ce cyclomoteur était simple : un vélo dont la roue avant était entraînée par un petit moteur à essence 2 temps à vilebrequin de 49 cm3 de cylindrée, positionné contre l’axe central de la fourche avant au sommet de la roue. La transmission s’effectuait directement contre le pneu de la roue avant par galet. Une béquille rétractable permettait de le stabiliser à l’arrêt.
bloc moteur éclaté du VéloSolex 3800, galet d’entraînement, béquille, porte-bagage, pompe à essence et bidon de mélange spécial solexine
La « La bicyclette qui roule toute seule » était légère, solide, économique et de ce fait très populaire chez les jeunes et les ouvriers. Ma grande sœur possédait l’un de ces engins et je me souviens, enfant, n’avoir jamais pu l’utiliser car il fallait pour faire démarrer le moteur, pédaler avec force et en même temps faire descendre manuellement à l’aide d’une manette le moteur pour le mettre en position d’entraînement de la roue… Entre 1946 date de son lancement et 1988, l’année de l’arrêt de sa fabrication, 7 millions d’exemplaires ont été vendus en France et à l’étranger, surtout aux Pays-Bas.
Les célébrités à VéloSoleX : Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, Sylvie Vartan, Jacques Tati, Charles Aznavour, philippe Noiret, Robert de Niro, Steve Mac Queen,
Des solex de nouveau fabriqués en France à Saint-Lô ?
Le nouveau style de Solex électrique, peu de rapport avec l’ancien Solex : le bloc moteur avant est supprimé et plusieurs couleurs disponibles
Fondée en 2005 et basée à Paris, la société Easybike a décidé de relancé la production du Solex mais cette fois à propulsion électrique. La société produisait jusque là 2 marques de vélos à assistance électriques (VAE), les VAE Easybike fabriqués en Chine et les VAE Matra fabriqués à Saint-Lô depuis qu’elle avait racheté la société locale Mobiky. Son objectif est de produire 3.500 VAE Solex cette année dans 50 à 60 points de vente. Mais ce vélomoteur privé de son bloc moteur caractéristique à l’avant est-il toujours un Solex ? Son aspect fait plutôt référence aux vélos électriques communs mais on ne va pas faire la fine bouche sur quelques emplois créés… Une seule ombre au tableau, l’usine est surtout une usine de montage car si les rayons et les jantes sont fabriqués en France à Saint-Etienne, les autres pièces sont fabriquées à l’étranger : cadres en Asie, moteurs Bosch en Allemagne et en Hongrie. Les Solex version Easybike seront vendus entre 1.800 et 3.000 euros selon la gamme.
L’envoûtante intro de Twin Peaks (1990) accompagnée de l’inquiétante musique d’Angelo Badalamenti – Acteurs Kyle MacLachlan, Sherilyn Fenn, Lara Flynn Boyle, Sheryl Lee, Peggy Lipton, Mädchen Amick, James Marshall, etc. …
Twin Peaks ou Mystères à Twin Peaks est une série américaine créée par Mark Frost et David Lynch diffusée pour la première fois sur 2 saison du 8 avril 1990 au 10 juin 1991, et une troisième saison sera diffusée à partir du 21 mai 2017. Dans la ville imaginaire de Twin Peaks, située dans le nord-ouest de l’Etat de Washington, le cadavre de Laura Palmer, une jolie lycéenne connue et aimée de tous, est retrouvé emballé dans un sac en plastique sur la berge d’une rivière. L’agent spécial du FBI Dale Cooper est désigné pour mener l’enquête. Il découvre alors que Laura Palmer n’était pas celle que l’on croyait et que de nombreux habitants de la ville ont quelque chose à cacher. La musique de la série (Twin Peaks Soundtrack) est sortie en CD le 15 avril 1991 sous le label Warner Bros. Elle comporte onze morceaux composés par Angelo Badalamenti et Julee Cruise .(crédit Wikipedia)
Article publié pour la première fois le 6 septembre 2013 et remanié
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. Il crut trop à l’éclat de l’or . et périt des flèches solaires. . Sa pensée mesura les siècles . Mais vivre sa vie – il ne sut. (Biély, aux Amis)
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Biographie
Boris Nikolaïevitch Bougaïev, connu sous le pseudonyme d’Andreï Biély ou André Bély, né le 26octobre1880 à Moscou et mort le 8janvier1934, est considéré comme l’un des plus grands écrivains russes du XXe siècle. Il a eu une forte influence sur la langue russe moderne, un peu comme James Joyce sur l’anglais, et Goethe sur l’allemand. Avec son ami, Alexandre Blok, il fut un des chefs de file de la seconde génération symboliste en Russie. Très doué et instruit dans plusieurs disciplines dont les mathématiques, les sciences naturelles, la philosophie, il était également poète, musicien et dessinateur. Pendant son enfance à Moscou où son père était professeur de mathématiques, il est marqué par Goethe, Frédéric Chopin et Ludwig van Beethoven, puis par Nicolas Gogol et Charles Dickens. Ses influences s’étendent en 1896 par ses lectures d’Arthur Schopenhauer, en 1897 par celles de Dostoïevski et d’Ibsen ; ensuite en 1899 par sa découverte de Nietzsche et du philosophe russe Vladimir Soloviev, de Wagner ainsi que par Emmanuel Kant. Il lit les Vedas, et les « auteurs modernes français ». En 1899, il entre à l’université de Moscou, où il s’inscrit d’abord en sciences naturelles, puis en lettres. Il fréquente le salon moscovite de Margarita Morozova à partir de 1905. En 1905, il séjourne à Saint-Pétersbourg, où il assiste au début de la révolution. À Moscou il prend part à des manifestations. En 1907, il séjourne à Munich et à Paris, où il rencontre Jean Jaurès, pour y tenir des conférences. Son premier roman La Colombe d’argent est publié dans une revue en 1909, année où il rencontre Assia Tourguenieva, qu’il épousera en 1914 à Berne. Ils visitent ensemble la Sicile, l’Égypte, la Tunisie et la Palestine. En 1912, il part pour Bruxelles, pour Bergen en Norvège puis pour Leipzig, où il fait la rencontre de Rudolf Steiner. Subjugué par ce dernier, il le suit à Dornach, où il s’installe en 1914. Il fait partie de la communauté qui construit le Johannes Bau qui fut dénommé ultérieurement Goetheanum. Assia et sa sœur Nathalie participent activement à l’entreprise (Assia dirige l’équipe de sculpteurs). Biély, peu habile de ses mains, n’est pas vraiment utile, aussi il sillonne l’Europe suivant Steiner dans ses tournées de conférences, Stuttgart, Munich, Vienne, Prague. En 1916, il répond à l’appel de mobilisation et rentre en Russie en passant par l’Angleterre, mais il est réformé. Assia refuse de quitter Dornach et son travail au Goetheanum en construction. Il vit alors dans un monde obsessionnel et grotesque qu’il décrit minutieusement dans les Carnets d’un toqué. L’année suivante, il fonde le groupe anthroposophique de Moscou avec l’anthroposophe T. Trapeznikov. Il rencontre pour la première fois celle qui sera sa seconde épouse en 1925, Klavdia Nikolaïevna Vassilieva.
Comme Alexandre Blok, Biély soutient par utopie la Révolution russe. Cependant, en 1919, déçu par la révolution bolchévique, il constate qu’il n’y aura pas de « révolution de l’esprit ». En 1920, il fonde avec le critique Ivanov Razoumnik la VOL-FILA (Association libre de Philosophie) dont il présida la branche moscovite. Il éprouve des doutes sur l’anthroposophie. Très vite, son indépendance à l’égard de la stricte doctrine marxiste avait été mal tolérée du pouvoir. Plusieurs membres de l’association avaient été arrêtés puis relâchés, le groupe était de plus en plus surveillé par la Tcheka, et fut finalement interdit à Moscou au début de 1921. Cependant, Lénine accepte de laisser partir Biély pour l’étranger. En 1921, il s’installe à Berlin, où se trouvent de très nombreux intellectuels russes. Assia lui signifie leur séparation définitive. Ils se rencontreront encore à Berlin en 1922 puis à Stuttgart en1923 pour le constat de séparation. Klavdia Nikolaïevna Vassilieva le rejoint alors à Berlin. Ils rentrent ensemble à Moscou, en URSS, où Léon Trotski condamne avec mépris l’écrivain Biély dans son ouvrage Littérature et Révolution. En 1931, le couple s’installe près de Léningrad. Le 15 juin 1933, Andreï Biély subit une première crise cardiaque ; il meurt à Moscou le 8 janvier 1934, à l’âge de 54 ans. À sa mort, son œuvre comprend 46 volumes et plus de 300 articles, récits, esquisses. (crédit Wikipedia)
Son nom a été donné à l’un des principaux prix littéraires russes, le prix Andreï Biély. Pour plus d’information sur la vie et l’œuvre d’Andreï Biély, lire le blog « Esprits Nomades », c’estICI.
Andreï Biely par Petrov Vodkin
Je rentre dans ma bouche pour y épier la création du langage. J’ai à dire une histoire en laquelle je crois comme en ce qui fut. L’histoire des sons. Si elle n’est pour vous qu’une légende, elle est pour moi la vérité. J’ai à dire la vérité sauvage du son.
En 1917, André Biely publie Glossolalie, un essai de poésie critique sur l’origine du langage, la manière dont les mots naissent dans la bouche, la conformité du son et du sens que la présentation de son éditeur français (édit. NOUS, 2002 – trad. Christian Prigent) qualifiera de « poème sur le son, une genèse hallucinée des significations syllabiques. Logogonie emportée par la passion cratylienne, elle rapproche Biély du Rimbaud des Voyelles, du Mallarmé des Mots anglais, du Brisset de La Science de Dieu ou du Khlebnikov de La Création verbale.»
Glossolalie (extrait)
» De profonds mystères gisent dans la langue, dans les grondements des parlers gisent les sens d’un verbe énorme. Mais les grondements des parlers et les instants d’éclair des sens sont occultés par le nuage métaphorique d’où pleuvent dans les flots du temps des traits de concepts solidifiés. Et comme dissemblent l’averse, le tonnerre, les nuages, ainsi dissemblent les sens des sonorités et les images des mots, dont diffère le sens sec et plat du concept. Qu’est-ce que la Terre ? La Terre est lave. Seule l’écorce des cristaux (des pierres) emprisonne la flamme ; et la lave rugissante frappe aux cratères volcaniques. La première couche (de terre) est si mince ! Seule l’herbe la recouvre. Ainsi le mot : ouragan de rythmes en fusion, rythmes des sens sonores. Ces rythmes sont pris dans l’étau des racines de silex. Le sens rétif est occulté. La couche supérieure est le mot-image (la métaphore). Sa sonorité, comme nous le dit l’histoire de la langue, n’est qu’un collage de sons rongés, érodés. L’image est le procès de destruction du mot. Les sens du mot familier – l’herbe ! – se mettent à pousser hors de lui. Ainsi le déclin de la pureté phonétique précède la pléthore dialectale et le déclin de la pléthore dialectale est le terme, l’automne de la pensée. La flamme folle, le granit, l’argile, l’herbe dissemblent. Et dissemblent pour nous les sens : ceux des concepts, des métaphores, des racines et des mouvements de la colonne d’air sculptant les sons de l’énorme Cosmos (la cavité buccale).
Il fut un temps où il n’y avait ni plantes ni « terres » ni silex ni granits. Il y avait l’incandescent. Les pales d’un gaz volatil tournaient dans le Cosmos. La terre clapotait, fleur ignée ; elle enflait, s’épandait de la sphère cosmique. Et ces gestes ignés se redirent plus tard dans les pétales des fleurs. Ainsi la lumière (svet) cosmique est-elle la couleur (cvet) des champs. Toutes les fleurs sont souvenirs des feux d’une sphère cosmique sans limites, tous les mots sont souvenirs du son d’un sens ancien. Il fut un temps où il n’y avait nul concept dans notre acception : l’écorce conceptuelle proliféra autour de l’image du mot. Il fut un temps où il n’y avait pas même d’image du mot : les images proliférèrent plus tard autour d’un racine amorphe. Avant, il n’y avait nulle racine. Toutes les racines sont des peaux de serpent ; le serpent vivant est la langue. Il fut un temps où ce serpent était flux, où le palais était voile des rythmes emportés dans leur mouvement. Le Cosmos en durcissant devint la cavité buccale. La colonne d’air, danseuse du monde, devint notre langue. Avant les sons distincts dans leur sphère refermée, le langue dansait. Toutes ses positions, ses courbures, ses effleurements du palais et ses jeux avec la colonne d’air (la chaleur interne respirée) créèrent dans le temps des signes sonores : spirantes, sonantes. Ils prenaient corps de consonnes et rassemblaient des massifs d’explosives : sourdes (p t k) et sonores (b d g).
Les jeux de la danseuse avec la colonne d’air légère, telle une écharpe de gaze, nous sont désormais incompréhensibles. Les alliances de sons, de collusions en dispersions et en dessications, ont alourdi les parlers. Les dictionnaires de sons-images chargent notre mémoire, mais la clarté de leur ancien geste n’atteint plus notre âme. Ainsi la clarté du sens sonore est-elle dans cette faculté de voir les danses de la danseuse à l’écharpe, à la colonne d’air. La nuit du sens sonore gît dans les dictionnaires dont l’humanité a bâti ses temples de langage. L’alliance duisupérieur au u inférieur ne signifie plus pour nous alliances, fusions. Nous ne comprenons plus : le sonw est le son u. En i il y a n : iun-iuw-iun(go)-iuv(enes) court à travers notre histoire et signifieslijanie (fusion), junost’ (jeunesse). Nous ne comprenons plus l’ancien w prononcé dans la glotte, nous ne comprenons plus comment naît ensuite le son v qui atteint les lèvres. L’expression de l’entrée de l’air dans la glotte est hah !, d’où ah – étonnement, ivresse d’air -, Ha ! – don, émanation, chaleur de l’âme. Le son hauch exprime par la valeur du sens la valeur du son. La semi-voyelle h (ou, plus exactement, aaspiré) est le premier souffle d’air du son hors de la chaleur, hors de la glotte. La genèse des spirantes est genèse de nébuleuses de gaz brûlantes : la matière subtile des sons. Enw-v-r-h et s, nous avons le partage en chaleur (w), énergie (r), air froid (v), air chaud (h), en lumière et feu (s et r). Et dans la série sonnante u-w-r-l-n, il y a for- mation de l’air. L-m-n sont, bien sûr, liquides. Les trois explosives g-d-b sont presque dures : best visqueux, d sonore, g poreux-friable. K-t-p (série des sourdes, sourdes-explosives) sont dures. Je dirais qu’elles sont de pierre si p n’était le symbole de l’animalité solide, t celui du tissu végétal. K est le son de pierre, le son minéral, inerte. Voici donc les trois règnes : animal(p, b), végétal(t, d), cristallin (k)et celui des terres amorphes(g). Tous les mouvements de la langue dans notre cavité buccale sont gestes de la danseuse-tronc enroulant l’air telle une écharpe de gaze. L’écharpe s’éploie en tous sens, ses pointes chatouillent le larynx et un h sec s’émet, aérien, soudain, prononcé comme le kh russe. H, c’est le geste des bras ouvert (écartés vers le haut, cf. dessin 1). Les gestes des bras reflètent tous les gestes de la danseuse-tronc dansant dans sa prison obscure, sous les voûtes du palais. Le mouvement des bras évoque la gesticulation sans bras. Ces mouvements sont les titans du monde énorme, invisible, du son. Ainsi la langue dirige-t-elle, du fond de sa caverne, la masse, le corps, et le corps dessine les gestes qui recouvrent les tempêtes du sens. Notre langue-tronc a surpris le geste des bras et l’a redit en sons. Les sons savent les mystères des très anciens mouvements de l’âme. De la même façon que nous prononçons les sens sonores des mots, ainsi l’on nous créa jadis, on nous prononça avec du sens : nos sons – nos mots – deviendront un monde. Nous créons l’homme depuis les mots et les mots sont des actes. Les sons sont d’anciens gestes dans les millénaires du sens. Dans les millénaires de mon existence à venir, le bras me chantera la pensée cosmique. Les gestes sont les sons juvéniles de pensées encore embryonnaires contenues dans mon corps. Dans tout mon corps se produira avec le temps ce qui se produit aujourd’hui en un seul lieu du corps : sous l’os frontal. Tout mon corps s’emplira de pensée.