Aenne Biermann – Betrachtung (contemplation), 1930
Ces quatre portraits de sa fille Helga sont caractéristiques du style photographique d’Aenne Biermann pour le portrait. Cadrage au plus près qui privilégie le sujet et nous projette au plus près de son intimité profonde. Savant dosage des ombres et de la lumière dont le contraste fait vivre le visage. Choix du moment qui dans le déroulé temporel des attitudes et des apparences fait ressortir celle qui sera la plus expressive du cheminement de la pensée ou d’un état d’âme. C’est le désir de fixer sur la pellicule la vie de ses enfants qui a amener Aenne à la photographie et la volonté à cette occasion de capturer en plein vol « le bon moment » et la représentation la plus vraie qui a éveillé son esprit à la technique photographique et a forgé son style. Sa mort précoce lui a épargné les persécutions nazies mais, malheureusement pour nous, pas son œuvre dont la plus grande partie a ensuite été détruite.
Aenne Biermann est née Anna Sibilla Sternfeld en 1898 dans une famille juive allemande aisée de la ville de Goch près de Clèves à deux pas de la frontière néerlandaise. En 1920 elle épouse Herbert Biermann un marchand de textile grand amateur d’art. Le couple s’installe à Gera, une petite ville de Thuringe qui possède des manufactures de textile et cultive une sensibilité artistique de modernité. De belles villas sont construites pour les entrepreneurs de la ville par des architectes renommés dont Van de Velde et elle est la ville natale du peintre et graveur expressionniste Otto Dix, l’un des fondateurs du courant artistique de la Nouvelle Objectivité. Deux enfants naîtront à Gera de cette union, Helga en 1921 et Gershon en 1923. Autodidacte, c’est en photographiant ses enfants que la jeune femme va développer une passion pour la photographie, rompant avec le style conventionnel du portrait et, influencée par la « Nouvelle Objectivité », un mouvement artistique d’avant-garde de la République de Weimar, va porter son intérêt sur la représentation d’architectures géométriques et de natures mortes : minéraux, matériaux, plantes, objets du quotidien. À partir de 1926, elle va connaître une certaine notoriété; ses œuvres sont exposées dans plusieurs manifestations en Allemagne, en Suisse et en Belgique et des publications lui seront dédiées. Aenne Biermann ne connaîtra pas les exactions nazies contre les juifs; elle décède des suites d’une maladie du foi en janvier 1933 quelques jours avant la prise de pouvoir d’Hitler. Quelques mois plus tard, son mari et ses deux enfants émigreront en Palestine emportant avec eux 3.000 négatifs de ces œuvres qui seront malheureusement confisqués lors du passage de la frontière à Trieste et renvoyés en Allemagne. On ne retrouvera jamais leur trace.
Aenne Biermann – autoportrait avec monocle