Des voilées dévoilées


Vu sur le media « Brut » : Vies voilées, vies volées

Elles veulent être libres de ne pas porter le voile. Ces femmes iraniennes filment et dénoncent ceux qui tentent de les en empêcher.


Et sur « la Tribune des Pirates… » : Pour être conforme à la religion ou par défi ?

    Sara El Attar qui a tant impressionné le chroniqueur de Cnews Pascal Praud dans l’émission mal nommée « L’heure des Pros » au point qu’il s’est répandu à l’issue du débat en félicitations est consultante en gestion de projet après avoir été diplômé de l’ESILV (l’École supérieure d’ingénieurs Léonard-de-Vinci)

À la question de Pascal Praud : «  Pourquoi portez-vous le voile ? »

Sara El Attar répond :  « Le voile que je porte c’est le fruit d’un cheminement spirituel, c’est une démarche religieuse, un respect pour Dieu ».


Port du voile : « La liberté de choix n’existe pas, je me fais invectiver sur ma tenue non conforme »

Une jeune musulmane, signataire d’une tribune contre le port du voile dans « Marianne », se confie à Europe 1 samedi sur les « insultes », « menaces » et « intimidations » qu’elle reçoit lorsqu’elle refuse de le porter.


Les raisons pour lesquelles de nombreux français jugent que le port du voile est « non souhaitable » (à l’instar du ministre de l’éducation nationale, Michel Blanquer).

     Soit ! chacun est libre de conformer ses actes à son cheminement spirituel et à sa religion mais dans les limites définies en France par la loi sur la laïcité qui proscrit le port d’un signe religieux dans la fonction publique par obligation de neutralité. Dans le secteur privé, le port d’un signe religieux est autorisé, mais reste soumis à la discrétion de l’employeur, qui peut choisir de le restreindre pour des motifs strictement professionnels (organisation, sécurité et hygiène) mais une entreprise peut inscrire l’obligation de neutralité (politique, religieuse…) dans son règlement intérieur, par exemple pour les salariés qui seraient amenés à rencontrer des clients. Il est regrettable que la jeune femme invitée qui déclare porter le voile par « respect pour Dieu » n’est pas répondu de manière claire à la question posée sur le fait que pour des spécialistes éminents de l’Islam, le Coran n’impose aucunement le port du voile et que cette affirmation repose sur une interprétation erronée ou orientée des textes cités (voir les textes présentés ci-dessous). Si Dieu est omniscient, on ne comprend d’ailleurs pas pourquoi il a donné une chevelure aux femmes et ne les a pas créé chauves… La plupart des porteuses de voiles ou de foulards interrogées n’expliquent jamais les raisons qui motivent leur choix, se retranchant derrière une vague explication de « cheminement spirituel » qui laisse leur interlocuteur sur sa faim. Ce « flou » affiché sur les motivations qui les animent ne traduit-il pas le fait que ce choix repose plus sur un a-priori de motivations irrationnelles de type identitaire et d’opposition à l’autre liée au ressentiment qu’à des raisons objectives.  Sara El Attar revendique sa liberté de porter en toutes circonstances son voile et présente les oppositions qui s’élèvent à cette revendication à un ostracisme envers la population musulmane. Pour appuyer son raisonnement, elle cite le fait que dans l’espace public personne ne met en cause le fait qu’un sikh porte un turban et un juif, la kippa et que cette mise en cause ne s’applique qu’au voile. Il est regrettable que parmi les « Pros » présents à l’émission, aucun n’ait recadré ce fait en expliquant qu’il existe une différence fondamentale entre les exemples cités et que cette différence se situe au niveau de la symbolique. Le turban et la kippa sont « neutres » dans le sens où ils se contentent d’exprimer l’appartenance religieuse de celui qui le porte sans émettre d’autre message. Or la signification du voile est tout à fait différente, elle est l’expression d’une idéologie qui établie une hiérarchie dans le système des valeurs : la femme qui porte le voile s’affirme aux yeux des autres comme une femme pudique et décente qui par sa tenue ne risquera pas de tenter la lubricité masculine et la protégera. Elles considèrent donc que si elles n’adoptaient pas ce comportement, elles seraient responsables du surgissement ou des débordements du désir masculin. Le Président de la Fondation de l’islam de France, Ghaleb Bencheikh, considère que « le voile est une atteinte à la dignité humaine dans sa composante féminine. Ce n’est pas cela l’élévation spirituelle ». On pourrait considérer que dans notre société chacun(e) est libre de porter atteinte à sa dignité si cela ne lui est pas imposé et résulte d’un choix personnel mais cela ne règle pas le problème pour autant car la conséquence de cette vision des choses est que les femmes qui ne portent pas le voile sont considérées comme impudiques et tentatrices, qu’elles le soient par irresponsabilité ou par perversité comme le croient certains musulmans (lire les propos de Hani Ramadan ci-après). Dans le même ordre d’idée, tout homme qui croise une femme est considéré à priori comme présentant un danger à cause de sa lubricité potentielle. C’est en cela que le fait de porter un voile ne se limite pas à exprimer l’appartenance à sa religion mais exprime une dévalorisation de l’autre qui peut être ressenti par cet autre comme une atteinte à sa dignité et une insulte. Le voile ne peut être neutre, il est pour celles qui le portent l’étendard d’une supériorité morale qui a pour conséquence de rabaisser à la fois celles qui ne le portent pas et la gente masculine dans son ensemble. Il y aurait beaucoup à dire sur cette responsabilisation à sens unique qui fait porter sur les seules épaules des femmes le poids des dérives de la sexualité, dédouanant ainsi de manière totale l’homme qui serait finalement victime de la légèreté et de l’irresponsabilité féminine (quand ce n’est pas la perversité…). On comprend mieux l’attitude ignoble d’un Hani Ramadan, frère du prédicateur Tariq Ramadan actuellement accusé de viols par plusieurs femmes, qui n’hésitait pas à déclarer : « la femme sans voile est comme une pièce de deux euros. Visible par tous, elle passe d’une main à l’autre. » D’autre part, comment ne pas relever, dans l’attitude de certaines porteuses de voiles une certaine hypocrisie lorsque celles-ci arborent des bijoux, se maquillent et portent des tenues élégantes savamment composées. En quoi ces agencements sont-ils différents de la mise en valeur et de l’exposition de leur chevelure ?
     Je ne nie pas les difficultés que rencontrent certains français musulmans pour s’intégrer harmonieusement à la République. Je comprends que dans cette situation et face à la lenteur de l’évolution, la tendance soit au repli sur soi et l’affirmation de ses différences  réelles ou supposées mais ces attitudes ne peuvent être qu’irresponsables parce que contreproductives en faisant le lit du communautarisme élargissant ainsi le fossé entre français. Dans ces circonstances, le port du voile qui ne semble pas encore une fois être imposé par les textes religieux apparaît comme un prétexte et un cheval de bataille pour celles et ceux qui veulent affirmer à n’importe quel prix, par ressentiment, leur différence, fut-elle artificielle, et s’opposer ainsi au reste de la population.

Enki sigle


La sourate 24 du Coran citée par Sara El Attar dans le débat pour justifier le port du voile

    « Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. Et qu’elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l’on sache ce qu’elles cachent de leurs parures. Et repentez-vous tous devant Allah, ô croyants, afin que vous récoltiez le succès. »

   Voir l’interprétation plus loin de cette sourate par Mohammed Chirani pour qui elle ne signifie aucunement l’obligation de se couvrir la tête ou le visage…


Evolution ou involution ?

Deux photographies d’étudiants posant devant l’Université du Caire en Egypte. Dans celle de gauche qui date de 1978, on ne distingue aucun voile ; par contre dans celle de droite qui date de 2004, la très grande majorité des jeunes filles sont voilées.


Le port du voile est-il imposé par le Coran ? Trois avis de personnalités musulmanes sur le sujet.

Citations de Ghaleb Bencheikh *

Capture d’écran 2019-11-03 à 09.57.54.png     […] « Pour nous tous musulmans, la question du voile était réglée depuis 1923, année où Hoda Chaarawi a retiré son voile en pleine gare du Caire au retour d’une conférence féministe… En l’espace de trois ans, le voile avait disparu d’Égypte, même s’il perdurait encore à la campagne. Le voile semblait donc constituer une affaire réglée. Au lendemain du recouvrement des indépendances, aucune étudiante n’allait voilée à l’école… pas plus à Casablanca qu’à Damas, au Caire, à Bagdad, à Kaboul ou Téhéran ! J’ajoute que depuis des siècles, pas une femme musulmane indienne n’a porté de voile, mais plutôt le sari, pas une femme d’Afrique subsaharienne n’a porté le voile, mais le boubou… Le problème du voile est arrivé avec Khomeiny. Cette affaire est venue avec le mimétisme et la surenchère wahabo-salafiste… »   

    « Je pense fondamentalement que le voile est une atteinte à la dignité humaine dans sa composante féminine. Ce n’est pas cela l’élévation spirituelle. » 

     « Ma conviction profonde comme homme de foi, c’est que cette affaire-là (le voile) n’est pas si nécessaire pour compromettre et la scolarité et le travail, (…) l’avenir, le bonheur et l’épanouissement de nos compatriotes coreligionnaires femmes. »

* Ghaleb Bencheikh, né le  à Djeddah en Arabie saoudite, est un docteur ès sciences diplômé de l’université Pierre-et-Marie-Curie. Il est islamologue et président de la Fondation de l’islam de France.


La communauté française à laquelle nous aspirons

    Je ne résiste pas à vous présenter le portait d’une jeune fille musulmane kabyle d’origine algérienne totalement épanouie qui respire la joie de vivre, soucieuse et fière de son origine et de son identité, qui semble parfaitement intégrée à la nation française et dont les propos donnent à ceux qui sont d’origine différente l’envie de connaître et de partager sa culture. Voilà la France multiculturelle et décomplexée à laquelle nous aspirons. Quelle différence avec l’attitude figée ostentatoire de l’austère vestale invitée sur le plateau de CNEWS toute pétrie de ressentiment.


Pour compléter le dossier ci-dessus, voir ci-après les avis de Mohammed Chirani et Asma Lamrabe sur le voile.

Réponse de Mohammed Chirani * à ses détracteurs :

Capture d’écran 2019-11-01 à 08.22.13.png  « Mes chères sœurs et mes chers frères, beaucoup ont été choqués et m’ont demandé de me repentir suite à mes déclarations sur le port du voile sur Itélé et Europe 1. Certains ont même déclaré que j’étais apostat pour avoir falsifié le Coran. Tout d’abord, je tiens à souligner qu’il y a certes dans le Livre une obligation d’une tenue vestimentaire pudique, et notamment la poitrine. Mais l’obligation de pudeur s’applique également aux hommes. Par ailleurs, sachez qu’il y a quelques années, je croyais comme vous que le foulard, tel que porté aujourd’hui, était une injonction divine. Mais j’ai eu la chance de reprendre des études en islamologie et de lire le Coran sans le voile d’interprétations orientées de certains théologiens musulmans. Je vous propose donc cette courte analyse du verset du « dévoilement » transformé en verset du voilement (Coran 33.59)

      Le verset que vous ne cessez de répéter pour prouver que le voile Hijab est obligatoire commence par l’injonction suivante : « Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles ». Tout d’abord, je tiens à souligner que la traduction ne rend pas compte du verbe arabe « dana » qui veut dire baisser ou abaisser. En effet, il s’agit de baisser leur grand voile. Ce sens apparaîtra clairement à la lecture de la suite du verset « afin qu’elles soient plus vite reconnues et évitent d’être agressées ». La majorité des théologiens passent très vite sur cette partie du verset, car elle fait sauter en éclat tout l’argumentaire religieux du voile. En effet, il y a deux indications révélatrices dans ce verset.

     Premièrement, Il faut qu’elles soient reconnues, d’où la nécessité que le visage soit reconnaissable.
      Deuxièmement, le but de cette injonction est d’éviter l’agression. On comprend donc qu’il y a des agressions de femmes voilées et que pour éviter l’agression il faut qu’elles soient reconnaissables afin de ne pas être agressées. La finalité du verset donc est de protéger la femme de l’agression.

     Ce verset est d’actualité car il dit aux femmes voilées qui subissent des offenses, agressions et exclusion de baisser leur voile des cheveux afin de ne plus subir de pressions. Étant donné que c’est un verset révélé dans des circonstances particulières, ses finalités sont la sécurité et la protection. Mais surtout je vous invite à méditer la fin du verset « Dieu est Pardonneur et Miséricordieux ». C’est par miséricorde qu’Il Veut votre protection et qu’Il vous pardonnera. Donc, suis je apostat pour avoir fait dire au verset révélé dans des circonstances particulières ce qu’il dit et pas ce que vous voulez lui faire dire ? »

Extrait d’un article paru sur Internet, c’est  ICI.

 * Mohammed Chirania été délégué du préfet pour les quartiers sensibles de la Seine-Saint-Denis de 2009 à 2013. Il a participé aux travaux du réseau européen de déradicalisation RAN Radicalisation Awarness Network. Il est l’auteur de Réconciliation française-Notre défi du vivre ensemble paru en janvier 2014 aux Editions nouvelles François Bourin.


Voir également l’article très documenté sur le dévoiement du voile d’Asma Lamrabet * : c’est ICI

Extrait :

Capture d’écran 2019-11-01 à 08.18.44.png     « Ayant fait cette distinction importante entre Hijab et Khimar, on serait en droit ici de se demander pourquoi remarquons nous cette persistance linguistique à utiliser le terme de Hijab pour ce qui  a été désigné par le texte coranique comme étant un   Khimar ou foulard ?
    L’on constate avec étonnement  comment cette confusion sémantique a fini par être généralisée et intériorisée et ce dans  toutes les sociétés et communautés musulmanes, qui depuis l’élite savante, en passant par les académiciens, jusqu’au commun des mortels, tous sans exception,  utilisent de façon erroné le terme de Hijab pour désigner ce qui étymologiquement a pour dénomination Khimar.
     

     Il va sans dire qu’actuellement, l’erreur sémantique, s’étant tellement répandue et sa reproduction inconsciente s’étant à ce point systématisée, il est devenu presque impossible de tenter de la rectifier de façon rationnelle.
    Il est assez surprenant aussi de voir comment au niveau académique et à l’échelle des institutions religieuses et malgré la confusion régnante, aucune tentative de rectification n’a été pensée encore moins amorcée.
    D’aucuns affirmeront que cette erreur sémantique est de l’ordre du  négligeable et qu’il serait absurde de rectifier cette mégarde linguistique  alors que son usage a été généralisé et accepté selon un consensus tacite.
    Mais, il convient de constater, que devant l’étendue des dégâts provoquée par les débats stériles sur la thématique du  dit « Hijab » et devant la confusion qui règne dans les esprits quant à son instrumentalisation religieuse, il est devenu urgent d’attirer l’attention sur cette problématique qui ne pourra, d’ailleurs,  être résolue, que si l’on déconstruit toute la littérature conceptuelle qui l’a fondé.    

    Certes, actuellement cette erreur n’est pas induite volontairement et elle reste dans la majorité des cas reproduite inconsciemment  mais force est de constater que l’origine de ce  glissement sémantique à travers l’histoire de la production intellectuelle islamique,  n’est, par contre,  pas innocent et n’a pas été fortuit.
    Les glissements sémantiques, justement sont généralement le produit d’interprétations et de traductions incorrectes et obéissent à des impératifs d’ordre socioculturel, qui à un moment donné de l’histoire tentent de forger des concepts « sur mesure » en relation avec l’ordre politique établi.
    Et c’est bien ce qui s’est passé avec ce Hijab forcé que l’on a voulu à tout prix imposer aux femmes musulmanes en le transposant volontairement dans le registre de l’éthique corporelle en islam.
    Quand on revient à l’origine du terme Hijab, et qui comme on l’a déjà vu, signifie « cacher » ou  « séparer » et qu’on constate le processus de transformation qu’il a subit pour devenir « foulard », on est en droit de nous demander si ce concept n’a pas été finalement utilisé justement dans ce double sens afin de justifier religieusement parlant l’enfermement des femmes musulmanes.
    On a imposé le « Hijab » aux femmes musulmanes dans son sens de « séparation » afin de bien indiquer à ces dernières où est leur place dans la société, autrement dit afin de les cantonner, au nom de l’islam, dans la relégation et l’ombre, loin de la sphère sociopolitique.

    Remplacer ainsile Khimar par le Hijab c’est intervertir des champs sémantiques et conceptuels  différents voire opposés  afin de cautionner, au nom de l’islam,  l’enfermement des femmes derrière un rideau et de les exclure de l’espace sociopolitique !
    En effet, substituer le Khimar par le  Hijab  c’est confondre  deux registres  très différents l’un de l’autre. Alors que le Khimar reste, selon la vision coranique, incontestablement un signe de visibilité sociale de la femme, voire de participation sociale active,  le Hijab,  est quant à lui,  incontestablement le signe de la relégation à  l’espace privé et à celui de l’intimité. C’est ainsi que par analogie, le terme de Hijab, symbolise le confinement du corps des femmes à l’intérieur de la sphère de la Fitna  ou de la  tentation et de la  Awra  autrement dit celle de l’impudeur et de la honte…
    C’est à l’intérieur de ces deux concepts, Fitna et Awra, véritables « effets collatéraux » du Hijab,  qui, faut-il le rappeler ne sont nulle part retrouvés dans ce sens dans le Coran, que l’on va enfermer les femmes musulmanes et les condamner éternellement le long de l’histoire de cette civilisation.

 * Asma Lamrabet : Native de Rabat (Maroc), elle exerce actuellement en tant que médecin biologiste à l’Hôpital Avicennes de Rabat. Elle a exercé durant plusieurs années (de 1995 à 2003) comme médecin bénévole dans des hôpitaux publics d’Espagne et d’Amérique latine, notamment à Santiago du Chili et à Mexico.


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