Découverte d’une vidéo d’Isabelle Françaix (ses productions sont ICI) consacrée à un poème de Philippe Jaccottet, l’humble et immense poète vaudois, ami de Gustave Roud, un autre poète vaudois qui lui fera découvrir avec bonheur les trésors du romantisme allemand, traducteur inspiré de l’Odyssée d’Homère et des œuvres de Goethe, Robert Musil, Höderlin, Thomas Mann et Rainer Maria Rilke, pour qui selon ses propres termes l’effacement était la façon qu’il avait choisi pour resplendir et qui pour cela avait fui Paris et ses trop grandes sollicitations pour s’établir avec son épouse, l’illustratrice et peintre Anne-Marie, dans le village de Grignan dans la Drôme.
Monde
Poids des pierres, des pensées
Songes et montagnes
n’ont pas même balance
Nous habitons encore un autre monde
Peut-être l’intervalle
Aube
On dirait qu’un dieu se réveille, regarde serres et fontaines
Sa rosée sur nos murmures nos sueurs
J’ai de la peine à renoncer aux images
Il faut que le soc me traverse de l’hiver, de l’âge
Il faut que le temps m’ensemence
La promenade à la fin de l’été
Nous avançons sur les rochers de coquillages, sur des socles de libellules et de sable, promeneurs amoureux surpris de leur propre voyage, corps provisoires, en ces rencontres périssables.
Repos d’une heure sur les basses tables de la terre.
Paroles sans beaucoup d’écho.
Lueurs de lierre.
Nous marchons entourés des derniers oiseaux de l’automne
et la fable invisible des années bourdonne sur le bois de nos corps
Reconnaissance néanmoins à ce vent dans les chênes qui ne se tait point.
En bas s’amasse l’épaisseur des morts anciens,
la précipitation de la poussière jadis claire,
la pétrification des papillons et des essaims,
en bas le cimetière de la graine et de la pierre,
les assises de nos amours, de nos regards et de nos plaintes,
le lit profond dont s’éloigne au soir toute crainte.
Plus haut tremble ce qui résiste encore à la défaite,
plus haut brillent la feuille et les échos de quelque fête;
avant de s’enfoncer à leur tour dans les fondations,
des martinets fulgurent au-dessus de nos maisons.
Puis vient enfin ce qui pourrait vaincre notre détresse,
l’air plus léger que l’air
et sur les cimes la lumière,
peut-être les propos d’un homme évoquant sa jeunesse,
entendus quand la nuit s’approche
et qu’un vain bruit de guerre
pour la dixième fois vient déranger l’exhalaison des champs.
***
Suit un documentaire sur ce poète « Philippe Jaccottet en personne » réalisé en 1975 par la Radio Télévision Suisse.
Pour d’autres vidéos sur ce poète : c’est ICI
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Merci Enki pour ce partage !
Jâai découvert votre site tout à fait par hasard cette semaine, au fil de certaines recherches sur lâanthropologie et⦠câest une mine dâor, de découvertes inlassables, de vibrations passionnées, dâenvolées lucides et vivifiantes !
Je me réjouis de le lire petit à petit, comme on se promène, avec la gourmandise de lâimprévisible.
Chaleureusement,
Isabelle
Description : signature
Isabelle Françaix
photographe vidéaste
+ 32 (0)496 13 87 76
http://www.isabellefrancaix.com
Heureux d’apprendre que mes errances et mes envols déambulatoires imprévisibles tous azimuts vous font vibrer et satisfont votre gourmandise. À consommer toutefois avec modération…
Bien à vous,
Enki