Alain Badiou – Et s’il n’en reste qu’un (de communiste)…


 

Sortir du néolithique…

Conférence du philosophe Alain Badiou à l’institut Français de Grèce le 12 décembre 2019 : la Liberté, l’Egalité, la démocratie, le parlementarisme, la Nature, la technique, le néolithique, le capitalisme, l’impossible et le possible (entre autres)

Un texte fascinant de simplicité, de justesse et de clarté. Merci, Monsieur Badiou. (Nous avons supprimé les 9 mn 05 de la fastidieuse introduction)

Sur la Nature

       Depuis les origines de la philosophie on se demande ce qui recouvre le mot Nature. Il a pu signifier la rêverie romantique des soirs couchants, le matérialisme atomique de Lucrèce De Natura rerum (La Nature des Choses), l’Être intime des choses, la totalité de Spinoza « Deus sive Natura » (Dieu ou la Nature), l’envers objectif de toute culture, le site rural et paysan par opposition aux artifices suspects de la ville, « la terre elle ne ment pas » disait Pétain qui n’est pas une référence convenable. Ça peut désigner aussi la biologie par différence de la physique, la cosmologie au regard du petit monde qu’est notre planète, l’invariance séculaire au regard de la frénésie inventive, la sexualité naturelle au regard de la perversion, etc. Ce que je crois, c’est qu’aujourd’hui Nature désigne en fait surtout la paix des jardins et des villas, le charme touristique des animaux sauvages, la plage et la montagne où passer un agréable été et qui donc peut imaginer que l’homme soit comptable de la Nature lui qui n’est à ce jour qu’une puce pensante sur une planète secondaire dans un système solaire moyen sur les bords d’une galaxie banale.

Le capitalisme, c’est la forme contemporaine du néolithique*

     L’humanité depuis quatre ou cinq millénaires est organisée de façon immuable par la triade de la propriété privée qui concentre d’énormes richesses dans les mains de très petites oligarchies, de la famille où les fortunes transitent via l’héritage, de l’Etat qui protège par la force armée la propriété et la famille. C’est cette triade qui définit l’âge néolithique de notre espèce. Et nous y sommes toujours, voir plus que jamais. Le capitalisme c’est la forme  contemporaine du néolithique et son asservissement des techniques par la concurrence, le profit et la concentration du capital ne fait que porter à leur comble  les inégalités monstrueuses, les absurdités  sociales, les massacres guerriers et les idéologies délétère qui accompagne depuis toujours sous le règle historique de la hiérarchie de des classes le déploiement des techniques. Les techniques ont été les conditions initiales et non pas  du tout le résultat final de la mise en place néolithique.

Sur la nature humaine : De l’audace camarades, tentons l’impossible…*

    On ne peut pas parler de nature humaine mais d’un rapport intra-humain entre individu et sujet :

  • l’individu c’est l’ensemble des caractérisations empiriques d’une personne : ses capacités, sa langue, l’endroit où il a vécu, etc.. toutes une série de caractéristiques contraignantes à leur manière.
  • Le sujet c’est ce qui mesure ce dont il est capable au-delà justement de cette composition stricte qu’on peut dire naturelle.  une caractéristique fondamentale du sujet humain c’est  la découverte du fait qu’il est capable de choses dont il ne se savait pas capable.

    Ça, c’est la clé de l’humanité comme telle. L’humanité comme telle, ce n’est pas ce dont la nature humaine est capable, c’est le surgissement dans la nature humaine de ce dont elle se se savait pas capable et cette capacité à faire qui s’appelle la création, la capacité créatrice de l’humanité et je crois qu’on pourrait définir la politique la meilleure comme celle dont le point d’appui principal n’est pas la nature humaine mais le sujet humain qui s’appuie à tout moment sur l’hypothèse légitimement acceptée que le sujet humain est capable de ce qu’il ne se sait pas lui même capable. Cela veut dire qu’au delà la nature humaine il y a la dialectique entre ce qui est possible et ce qui est impossible. Je crois que le statut particulier de l’animal humain c’est de déplacer constamment les frontières entre le possible et l’impossible et de ne pas être déterminé pas même par l’impossibilité;

     Il faut tenir ferme sur un concept de l’humanité qui serait le déplacement constant et créateur de la frontière apparemment établie entre ce qui est possible et ce qui est impossible. L’homme c’est l’animal de l’impossible et finalement quand on me dit que le communisme est impossible, cela ne m’impressionne pas beaucoup car finalement parce que tout ce qui est intéressant est impossible.

    La réaction, c’est toujours la défense stricte de l’impossibilité ; le conservatisme c’est le gardien de l’impossible qui vise interdire le développement d’une nouvelle forme du sujet que créé par le déplacement entre le possible et l’impossible.

les titres sont de moi, le texte a été légèrement remanié.


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Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Livre IV, Chapitre XIV, Lérida, 1658. ( Borges, Histoire universelle de l’infamie, 1935)

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le rêve

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Si vous voulez vivre longtemps votre rêve
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Enfermez le dans une cage et jetez la clé…

Enki

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L’utopie de Taylor Camp à Hawaii ou quand l’alternative semblait encore possible…

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Symbole de la paix associé à l'expression Peace and love.

     Quitter le monde lorsque celui-ci n’apparaissait plus digne d’être supporté, passer comme Alice de l’autre côté du miroir pour atteindre un monde plus vrai, plus authentique, plus juste et y vivre comme Eve et Adam dans le dépouillement le plus extrême en harmonie avec la nature et en se limitant à l’essentiel : des milliers de jeunes, en Europe et surtout aux Etats-Unis y ont cru et l’ont expérimenté dans les années soixante et soixante dix. En France, on allait garder des chèvres et des moutons dans le Larzac, aux Etats-unis, on gagnait des régions au climat clément telle la Californie où l’on s’établissait en communautés dans des hameaux retirés faits de caravanes ou de constructions sommaires de bric et de broc… On y subsistait de petits boulots, d’artisanat et de jardinage. On y vivait d’amour et d’eau fraiche et accessoirement de LSD, en vêtements légers à fleurs ou dans le plus simple appareil et l’on se réunissait le soir au son d’une guitare autour d’un feu de camp. Le credo de ces déserteurs de la société officielle et adeptes d’une contre-culture qu’on appelait alors les hippies se résumait à deux mots : PEACE and LOVE !

Capture d’écran 2015-04-10 à 12.58.27 Ka'ilio Point, Ha'ena

     Taylor Camp est le lieu d’implantation de l’un de ces groupes à partir de 1969. Ils n’avaient pas choisi pour fonder leur communauté l’une des contrées au climat rigoureux du nord des Etats-Unis mais une île au climat enchanteur, celle d’Hawaii, profitant de la bonne volonté du propriétaire d’un bout de côte dans cette île, un certain Howard Taylor (le frère de l’actrice Elisabeth Taylor) à qui l’Etat refusait le droit de construire. On ne connaîtrait rien aujourd’hui de cette expérience si un jeune photographe de 23 ans alors en vacance à Hawaii chez des amis, John Wehrheim, n’était tombé par hasard sur le camp et en avait fait quelques clichés. En 1977, l’Etat a acquis la propriété pour l’intégrer à un parc protégé et les résidents ont été expulsés. Les autorités ont alors mis le feu au camp pour empêcher leur retour.
     Pourquoi, ce qui était possible en 1969, est-il devenu inenvisageable aujourd’hui ? La valorisation outrancière du foncier a fait qu’il ne serait guère possible de trouver aujourd’hui un morceau de terrain libre dans un site comme celui d’Hawaii mais les mentalités ont elles aussi bien changées… Qui aujourd’hui dans la jeune génération souhaiterait vivre dans le dénuement le plus complet sans électricité, privé de son téléphone portable ou de son Ipad ?  D’ailleurs la plupart des protagonistes de cette époque sont depuis rentrés dans le rang et se sont ralliés sur le tard à l’American Dream of Life… Mais tous assurent que cette période a été la meilleure de leur vie et les photos de John Wehrheim nous font rêver d’une douce utopie…

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Jennie's sunset dance

Jennie’s sunset dance

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Bok, Jeannie et Gary sur la plage

Diane's house Buffalo Bill's loft above John and Marie's house

Diane’s house (photo du haut) – Buffalo Bill’s loft et John and Marie’s house (photo du bas)

°°°

   Voici le texte que le webzine Chick’n Touch a écrit pour présenter cette expérience. Je n’en change pas une ligne…

      Taylor Camp, c’est l’histoire vraie de treize hippies blasés par l’Amérique qui décident de partir vivre le rêve baba à Hawaii, fondant une communauté autogérée qui durera plus de huit ans. Huit ans d’une vie utopique et tropicale à vivre nu sur une plage en graillant des mangues et du LSD. Un scénario digne de La Plage mais sans gourou chelou et requins mangeur d’homme.
      L’aventure débute en 1969. Cela fait déjà une dizaine d’années que l’Amérique s’embourbe dans le conflit Vietnamien. Dans les rues, la jeunesse chevelue gueule son mécontentement et ses envies de paix, se faisant régulièrement matraquer la gueule par un corps policier bien décidé à casser du hippie, qu’il considère comme une bande de jeunes junkies hirsutes antipatriotiques et super énervant avec  leur manie de s’asseoir partout par terre en jouant du Jimi Hendrix au banjo.
      Dans ce climat pas très Flower Power, treize hippies, lassés par les brutalités policières, l’élection de Nixon et l’American Dream en général, décident de se faire la malle à Hawaii, espérant vivre à la cool, proche de leurs idéaux, sans flics et sans fringues. Ils débarquent sur l’île la même année, vadrouillant d’abord de plage en plage à la recherche d’un spot. Mais bon, Hawaii c’est quand même l’Amérique et les bandes de beatnik en vadrouille, ici aussi, on n’en veut pas. Le petit groupe finit donc assez rapidement en taule pour vagabondage.
     Heureusement, leur périple émeut un riche résident de l’île, Howard Taylor, frère de l’actrice, qui décide de leurs céder gracieusement un bout de terrain paradisiaque, une baie idyllique bordée de jungle et suffisamment à l’écart. C’est un terrain vierge de toute infrastructure. Pas d’électricité, pas de chiotte et tout à inventer.

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Diane dans sa chambre

Jesse below pat n'Andy's house with Emee's house behind treehouse1

Capture d’écran 2015-04-10 à 13.06.59 Cherry

Kung Fu Bill et Cerise

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Buffalo Bill

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Allan Kroll et Rosie

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les « Sin sisters », Teri et Debi Green (à gauche)

Karma assise au pied d'un arbre

Karma assise au pied d’un arbre

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Roger et Debi (photo du haut), Paulo, Sharon et Roberto (photo du bas)

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Dana et Karma devant the big house (photo du haut)  et Alpin (derrière la porte)

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Debi (photo du haut) et Diane, chacune dans leur cuisine

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John and Marie (en haut), Cherry avec Moses dans les bars (au centre) et Diane et Richie (en bas)

     Nos treize hippies se mirent donc à construire des cabanes sur pilotis en bord de mer avec du  bambou, des lianes et à peu près tous ce qu’ils pouvaient récupérer. Le climat est clément et se prête aisément à la vie sauvage et aux huttes rudimentaires. Petit à petit, le quotidien à Taylor Camp s’organise. Les mecs vivent de la culture et de la pêche, parfois aussi des bons alimentaires dispensés par le trésor américain. Bientôt, un médecin et une sage-femme rejoignent le camp, amenant avec eux une certaine autonomie. Les petits hippies vont aussi à l’école et leurs parents réussissent même à convaincre le chauffeur de bus scolaire de marquer un nouvel arrêt à Taylor Camp.
     L’utopie tropicale suit paisiblement son cour. Petit à petit, la nouvelle de l’existence d’un petit bout de paradis autogéré par une bande de fan de Frank Zappa se propage et de nouveaux arrivants affluent, attirés comme des mouches par cette ultime fantaisie hippie. A son apogée, on compte près de 120 personnes vivant sur un peu moins de 3 hectares, 120 hippies vivant cul nul un splif à la main dans un décor de carte postale. Un vrai rêve de fonfon.
     Outre la beuh, les drogues psychédéliques font également parties du voyage et le LSD coule à flot. Certains résidents sont connus pour leur amour du trip et détiennent de véritable record de défonce. Défonce qu’il nomment mignonnement « éveil des sens » ou « expérience cosmique ».

Taylor Camp

    Ce mode de vie alternatif cumulant nudité, drogue dure et amour libre ne fait pas vraiment l’unanimité sur l’île. La plupart des insulaires voyant d’un très mauvais œil ce campement de gitans à cheveux longs qui squattent désormais une belle portion du littoral. Parfois, et vu qu’on n’est pas non plus dans un Disney, les problèmes viennent de l’intérieur, donnant du grain à moudre aux détracteurs de Taylor Camp. Même si la majorité de la communauté est plutôt paisible, certains résidents amènent avec eux une ambiance beaucoup plus malsaine, troublant la tranquillité du lieu, écornant encore un peu plus l’image du groupe.
      Après 8 ans d’une vie sans règles et sans chef, l’aventure Taylor Camp s’essouffle, sous les coups répétés des insulaires excédés et de la pression grandissante de l’industrie du tourisme, qui aimerait bien récupérer cette baie idyllique squattée depuis presque 10 ans par une bande de hippies utopistes se baladant les couilles à l’air. En 1977, l’état rachète le terrain d’Howard Taylor, expulse les derniers occupants et brûle les maisons, ayant pour projet de bâtir une réserve naturelle avec parking et table de pique-nique. Les derniers des hippies s’en vont, retournant au Etats-Unis vivre une vie plus classique.

Taylor camp

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Hawk, Cherry et Moses (en haut), Moses, Paulo et Sailor

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Taylor Camp Film Trailer – 70s Hippie Film Documentary

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