Ubris

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Francisco_de_Goya,_Saturno_devorando_a_su_hijo_(1819-1823)
l’ubris

    L’hybris (aussi écrit hubris ou ubris, du grec ancien ὕϐρις / húbris) est une notion grecque que l’on peut traduire par démesure mais aussi par orgueil, outrage, agression, insolence, transgression. Il peut engendrer l’ « harmattan » c’est à dire la folie, l’erreur. C’est un sentiment violent inspiré par les passions, et plus particulièrement par l’orgueil qui était considéré comme un crime. La démesure désigne le fait de désirer plus que ce que la juste mesure du destin (la moïra) nous a attribué. Le destin, c’est le lot, la part de bonheur ou de malheur, de fortune ou d’infortune, de vie ou de mort, qui échoit à chacun en fonction de son rang social, de ses relations avec les dieux et les hommes. Or, l’homme qui commet l’hybris est coupable de vouloir plus que la part qui lui est attribuée par la moïra et offense ainsi les dieux. Elle recouvrait des violations comme les voies de fait, les agressions sexuelles et le vol de propriété publique ou sacrée. A l‘hybris, les Grecs opposaient la tempérance, la sobriété, la modération. L’homme doit rester conscient de sa place dans l’univers, c’est-à-dire à la fois de son rang social dans une société hiérarchisée et de sa mortalité face aux dieux immortels.
     Le châtiment de l’hybris est la némésis (« destruction »), le châtiment des dieux qui a pour effet de faire se rétracter l’individu à l’intérieur des limites qu’il a franchies.

     Délire vient du terme latin « delirare » qui signifie  « s’écarter du sillon »; délirer, c’est donc ne pas suivre le même sillon que les autres, s’en affranchir. Dans l’Antiquité le délire n’était pas stigmatisé comme dans nos sociétés, il était respecté parce que considéré comme le résultat d’un intervention divine : malédiction, mise en garde prophétique ou inspiration. Chez les Grecs anciens le délire se disait « mania » et prenait la forme d’une folie furieuse ou du délire prophétique, elle résultait alors soit d’une punition divine pour fait d’hybris soit de la transmission d’un message divin de sagesse et de la beauté divine (inspiration poétique). Dans tous les cas, la mania était considérée comme le résultat d’une intervention divine qui prenait la forme d’une punition ou de la transmission d’un message et l’attitude commune face à la folie était la crainte, l’évitement mais aussi la fascination respectueuse.

°°°

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
un homme ordinaire…
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Johann-Reichhart1

Johann Reichhart

Johann Reichhart avait de qui tenir, il descendait en effet d’une lignée de bourreaux bavarois qui remontait jusqu’au milieu du XVIII e siècle. Il a servi en Allemagne sous divers régimes. Depuis 1924, pendant la république de Weimar jusqu’à la fin du IIIe Reich,dont il était l’un des quatre principaux bourreaux. Le nombre important d’exécutions dont il eut la charge lui a permit d’acquérir en 1942 une maison dans la vallée de Gleisse, près de Munich.  Après la guerre, les américains continuèrent à utiliser ses services jusqu’à fin mai 1946. C’est ainsi qu’il pendit 156 dignitaires nazis. Il fut certainement le recordman mondial des mises à mort puisqu’il exécuta au total 3.165 sentences de mort soit en moyenne 137 exécutions par an. Parmi les méthodes d’exécution utilisées par Reichhart figuraient  la décapitation à la hache ou à la guillotine, la pendaison. Les guillotinages étaient néanmoins majoritaires avec 2.948 exécutions. Parmi les personnes qu’il a exécuté figuraient les membres du réseau de La Rose Blanche à Munich (voir article précédent). 

pour l’article, c’est  ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Sophie Sholl et les membres de la Rose Blanche : pour l’honneur du peuple allemand
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

AVT_Sophie-Scholl_4176

Sophie Scholl

Une grande partie des allemands appuya au moins pour un temps le pouvoir nazi.  Cette adhésion allait de la compromission la plus abjecte avec une participation active aux actions barbares menées par le régime et son armée au déni de ces actions que chacun cherchait à évacuer de sa conscience. Quant aux opposants qui n’avaient pas choisi le chemin de l’exil, la plupart de ceux-ci se réfugièrent alors selon l’expression de l’écrivain allemand Frank Thiess dans une émigration intérieure(« Innere Emigration ») qui était une forme de résistance passive inactive : on prenait ses distances à l’égard du national-socialisme mais on ne menait aucune action à son encontre, attitude sévèrement jugée après la guerre par Thomas Mann. Pourtant dans le monstrueux univers monolithique de contrainte, de terreur et de lâcheté façonné par les nazis qui annihilait les consciences, quelques rares individualités eurent le courage d’agir et le payèrent de leur vie. Ils n’agissaient pas seulement pour l’honneur de l’Allemagne mais pour l’humanité toute entière.

pour l’article, c’est  ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Scott Atran, l’homme qui a compris les terroristes (France culture)
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Scoo Atran (né en 1952)

Scott Atran

Mais la notion populaire du « choc des civilisations » entre l’Islam et l’Occident est trompeuse. L’extrémisme n’est pas le symptôme de la renaissance des cultures traditionnelles, mais leur effondrement, puisque ces jeunes, sans aucune attache aux traditions millénaires, se débattent dans leur quête d’une identité sociale qui leur apporte du sens et de la gloire. C’est le côté obscur de la mondialisation. Ils se radicalisent pour trouver une identité forte dans un monde terne, où les lignes verticales de communication entre les générations ont été remplacées par des attaches horizontales de partages qui peuvent couvrir le globe. De jeunes gens, dont les aïeuls étaient des animistes de l’âge de pierre à Célèbes, bien loin du monde arabe, m’ont dit qu’ils rêvaient de partir se battre en Irak ou en Palestine pour défendre l’Islam.  Souvent définis uniquement en termes militaires, Al-QaïdaDaesh et autres groupes de ce type constituent avant tout une menace parce qu’ils représentent le premier mouvement de « contre‑culture » au monde.

pour l’article, c’est  ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
La guerre – (II) De la guerre en dentelles à la « montée aux extrêmes » : les guerres franco-allemandes
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Carl von Clausewitz (1780-1831)

Karl von Clausevitz

La pensée de Clausewitz s’est nourrie des changements fondamentaux dans l’art et la manière de mener la guerre induits par la Révolution française et la période des Guerres napoléoniennes qui l’a suivie. Pour la première fois en Europe, la guerre n’était plus  menée pour résoudre des querelle dynastiques mais était une guerre idéologique  et était le fait de soldats-citoyens levés en massepour affronter des mercenaires et des soldats de métiers. C’est cette armée révolutionnaire qui, le 20 septembre 1792, fait reculer à Valmy l’armée prussienne commandée par le duc de Brunswick et dans laquelle se trouvait alors un jeune militaire du nom de Clausewitz. Quatorze années plus tard, le 14 octobre 1806,  La Grande Armée, composée essentiellement de conscrits, écrasera les prussiens à Iéna. Cette victoire de Napoléon entraînera la disparition du Saint Empire romain germaniqueet constituera une humiliation pour la PrusseClausewitz, qui participait à la bataille prend le chemin de l’exil en servant le Tsar.

pour l’article, c’est  ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
La guerre – (I) Guerre de Succession d’Autriche : la fin des « guerre en dentelles »
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Capture d’écran 2016-01-18 à 13.18.11

 « Quand les nations elle-mêmes prendront part à la guerre tout changera de face; les habitants d’un pays devant soldats, on les traitera comme ennemis, la crainte de les avoir contre soi, l’inquiétude de les laisser derrière soi, les fera détruire. Ah ! c’était une heureuse invention que ce bel art, ce beau système de guerre moderne qui ne mettait en action qu’une certaine quantité de forces consacrées à vider la querelle des nations, et qui laissait en paix tout le reste, qui suppléait le nombre par la discipline, balançait le succès par la science et plaçait sans cesse des idées d’ordre et de conservation au milieu de cruelles nécessités que la guerre entraînait. » – Jacques-Antoine-Hyppolyte de Guibert (1743-1790)

pour l’article, c’est  ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
L’origine de la violence – Entre Darwin, Freud et Girard
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Francisco Goya - Saturne dévorant son enfant

Goya – Saturne dévorant ses enfants

René Girard a ceci de commun avec Nietzsche qu’il s’obstine à emprunter les chemins de la pensée au plus près des précipices. A la lecture de ses livres, tous les principes sur lesquels note pensée se reposait pour expliquer le monde sont mis en cause, on se sent pris soudainement d’un vertige et on est happé par le vide de l’incertitude. Jugez plutôt…
    On s’était naïvement pris à penser depuis le siècle des lumières que grâce aux progrès de la raison, l’homme se dégagerait peu à peu des déterminismes naturels et de l’obscurantisme des croyances mythiques et religieuses. Pourtant, le XXe siècle, avec ses deux guerres mondiales, ses génocides, sa barbarie élevée à une hauteur jusque là jamais atteinte et la menace de l’anéantissement de l’humanité par l’arme nucléaire et d’une catastrophe écologique irréversible aurait du nous faire douter du bien-fondé de notre optimisme béat.

pour la suite, c’est  ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
L’apocalypse vue par Arno Schmidt et les peintres expressionnistes allemands
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Dés le début du roman, on pressent que tant pour les nazis que pour tous ceux qui les suivent par conviction ou lâcheté, tout va très mal se terminer. La chute finale prend l’aspect d’une scène apocalyptique quand l’usine d’armement Eibia, bâtie par les nazis à proximité du village est bombardée par les alliés. Heinrich et Käthe sont pris au piège du bombardement et tentent désespérément d’y échapper. Dans la description de cette scène d’apocalypse, le talent de l’auteur se déploie dans toute sa démesure et sa puissance d’imagination.

pour la suite, c’est ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
La double nature de l’homme : l’Hybris ou l’Homo-sapiens-demens (d’après Edgar Morin)
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Albrecht Dürer - Nemesis - vers 1502

Albrecht Dürer – Nemesis

     Le thème « Homo démens » a été traité dans l’ouvrage d’Edgar Morin « Le paradigme perdu : la nature humaine » édité en 1973 aux Editions du Seuil qui avait pour ambition, en application de ses réflexions sur la pensée complexe, de jeter les bases d’une anthropologie ouverte sur le biologique. Morin reprochait à l’anthropologie traditionnelle d’opposer Nature et Culture alors que « la clé de la culture est dans notre nature et que la clé de notre nature est dans la culture ». Une véritable anthropologie se devait d’appréhender l’homme, non plus seulement à travers le prisme des sociétés archaïques, mais « à travers ses multiples naissances depuis les origines ». Dans cette perspective, Edgar Morin met l’accent sur le saut qualitatif représenté par l’homo sapiens qui ne se limite pas au perfectionnement de l’outil, du langage et de la culture dont il n’a été que l’héritier de la part des hominiens qui l’ont précédés mais que cette évolution fondamentale se caractérise surtout parl’apparition dans la culture de l’activité mentale « du mythe, de la magie, de la démesure, du désordre » de ce que les grecs qualifieront par la suite d’ubris. Pour Edgar Morin, le propre de l’homo sapiens est d’être « un animal doué de déraison ». Ainsi, la folie, la violence que connaissent les sociétés humaines ne constitueraient pas des « accidents » ou des dérèglements de la nature humaine mais seraient inscrits dans cette nature. Le thème a de nouveau été traité dans l’avant-propos du petit fascicule « Amour, poésie, sagesse » édité en 1997 aux Editions du Seuil.

pour la suite, c’est ICI

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
La longue litanie des coups qu’ils nous ont portés – Nous n’oublierons pas
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

  • 16/01/2016 : Attentat de Ouagadougou au Burkina-Faso : 30 morts – Leila Alaoui, photographe franco-marocaine morte pour rien…      c’est  ICI

 

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Laisser un commentaire