Vertigo


ARTICLES PUBLIÉS SUR LE THÈME DU VERTIGE
ET DE LA PLENITUDE DE L’ÊTRE


       « Le vertige : c’est-à-dire cet appel que le vide adresse à l’individu, qui l’attire et le repousse, suscite à la fois le plaisir et l’effroi, vide dans lequel on se précipite comme on se jette dans l’inconnu, afin de s’étourdir, de se perdre, prenant le pari que l’épreuve de vérité est à ce prix »  –   Philippe Forest.
    « L’ivresse : c’est l’art d’être plein, comme la plénitude est l’art d’être ivre »  –   Philippe Léotard.


vertige

     Ce que j’ai nommé dans ce blog le vertige, c’est ce vacillement de notre Être qui se produit dans certaines circonstances, cette mise en désordre soudaine de nos sens et de notre raison qui nous déstabilise et vient interrompre le cours régulier et prévisible de notre existence, et pour cela générateur d’ennui. Car, ce que nous nommons le vertige, c’est d’abord l’expression d’une rupture, celle d’un ordre établi qui rythmait jusque là notre vie et qui, à défaut de combler nos attentes, nous rassurait parce qu’il nous était devenu familier. Cette rupture brutale s’est accompagnée du surgissement d’une alternative, d’une possibilité d’évolution ou de métamorphose de notre être qui tout à la fois nous attire parce que nous sentons confusément qu’elle répond à nos désirs les plus profonds et notre attente et nous angoisse par le saut dans l’inconnu et le risque parfois mortel qu’elle représente et qui s’apparente à un gouffre. Ce gouffre béant au seuil duquel nous nous trouvons et dont le franchissement nous angoisse tant, ce n’est que la sensation de cet « entre-deux », ce vide ou ce néant où nous nous situons alors, écartelé entre les appels contradictoires de notre vie passée et d’un futur porteur de promesses.   
      Quelles sont donc ces attentes secrètes, ces désirs puissants pour la satisfaction desquels nous sommes prêts à tout risquer ? Comme l’a si bien exprimé Philippe Léotard, c’est la plénitude de l’être, cet intense sentiment moral et affectif de nature ontologique avec lequel on se sent en pleine et parfaite harmonie avec le monde et qui se traduit par une jubilation, voire une ivresse qui en elle-même est une forme de vertige. Cette « plénitude de l’être » prend chez les hommes des formes diverses et est connue principalement sous le nom d’amour, mais aussi de béatitude, deux termes qui traduisent ce puissant sentiment fusionnel d’inclinaison, d’affection et d’attachement que nous éprouvons envers tout ou partie du monde, que ce soit une divinité, la Nature dans son ensemble ou pour certains de ses éléments, un être humain ou l’humanité toute entière, une œuvre d’art… Ce sentiment peut prendre diverses formes : forme nostalgique d’une harmonie ancienne où l’homme libéré de l’aliénation du monde moderne vivait en harmonie avec la nature (Eden), du confort qu’éprouvaient le fœtus ou le petit enfant dans leur relation avec la mère et forme projective forgée par l’imagination d’un monde utopique ou d’un au-delà surnaturel (Paradis)

     À partir ce cette analyse, j’ai classé les différents articles que j’ai rédigé sur le thème du vertige, de la plénitude et de l’ivresse en plusieurs catégories :

1). le vertige physiologique lié à la spatialité, celui que l’on ressent par exemple lorsque l’on marche en bordure du vide, est un réflexe provoqué par notre instinct de conservation. Peut-être est-il issu, comme le pensait Jack London, du lointain passé où nos ancêtres vivaient dans les arbres et où ils devaient se prémunir en permanence de la chute qui était souvent mortelle ou pénalisante.

2). les vertiges liés à la recherche de la plénitude de l’être qui sont multiples :

  • vertige de nature psychosomatique connu sous le nom de « Syndrome de Stendhal » ou d’« hyperkulturemia » chez les allemands et les anglo-saxons que certains ressentent en présence d’une œuvre d’art (objet, lieu, etc.)
  • vertige connu sous le nom de communion avec le monde ou de « sentiment océanique », comme le dénommait Romain Rolland dans sa correspondance avec Freud. Cette communion peut être globale lorsque l’on éprouve le sentiment de fusionner avec le Grand Tout, que celui-ci soit la Nature, l’Univers tout entier ou Dieu ou partielle lorsque elle s’exerce sur des parties du Grand Tout (montagne, arbre, fleurs, etc…)
  • vertige amoureux du « coup de foudre » lorsque l’on s’éprend brusquement d’une personne qui nous était jusque là inconnue pour lequel certains mettent en cause le caractère fortuit considérant que le ravissement produit n’était que le surgissement d’une tension jusque là contenue.
  • vertige de la révélation ou de la conversion mystique, religieuse ou idéologique que pour ma part j’apparente au vertige amoureux du « coup de foudre » dans la mesure où il n’apparaît pas ex-nihilo mais avait été longtemps préparé chez le sujet qui l’éprouve par une longue maturation psychique (cas de Paul Claudel).

I – LE VERTIGE PHYSIOLOGIQUE LIÉ À LA SPATIALITÉ

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      C’est le désagrément que nous éprouvons lorsque nous nous trouvons en présence du vide des abîmes. Cette sensation de mal-être provient du fait que nous nous imaginons tomber dans ce vide et mourir. C’est donc un réflexe de défense provoqué par l’instinct de conservation. Nous ne sommes pas égaux face à ce vertige, chez certains d’entre nous, il est intense et revêt alors la forme d’une panique, chez d’autres, il est moins violent et peut être apprivoisé. Ce qui est paradoxal, c’est que certains d’entre nous se sentent attirés par lui. C’est le cas notamment de certains sportifs adeptes en montagne ou dans les airs de « conduites à risques » qui les conduisent à côtoyer la mort.

     Deux articles ont été écrits sur ce thème :

  • « Il y a vertige et vertige » qui présente des définitions des différentes formes de vertige, des effets ressentis, d’études menées et d’extraits de textes littéraires
  • « L’expérience du vide et le sentiment de vertige » qui présente et commente des textes de Gaston Bachelard, Gilbert Diatkine, Gilbert Durand, etc…

Il y a vertige et vertige


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     Ètymologiquement, le mot vertige vient du latin vertigore issu lui-même du latin verso, versare qui signifie tourner. Physiologiquement, le vertige est un trouble qui affecte un sujet dans son contrôle dans l’espace en créant l’illusion d’un déplacement tournant de son corps dans l’espace qui l’entoure ou de cet espace par rapport à lui-même. Ce phénomène est générateur d’une sensation de déséquilibre plus ou moins importante (ataxie). Il ne faut pas confondre le vertige avec les étourdissements dont les effets sont moindres. La sensation rotatoire que ressent le sujet correspond au vertige physiologique ou vrai vertige. Elle se produit lorsque le cerveau est soumis à un dérèglement du système vestibulaire responsable de l’équilibre chez l’homme.

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L’expérience du vide et l’éveil du sentiment de vertige


Gilbert Durand

    « L’engramme de la chute est en effet renforcé dés la première enfance par l’épreuve de la pesanteur que l’enfant expérimente lors du pénible apprentissage de la marche. Cette dernière n’est rien d’autre qu’une chute correctement utilisée comme support de la station droite, et dont l’échec est sanctionné par des chutes réelles, par des chocs, des blessures légères qui aggravent le caractère péjoratif de la dominante réflexe. Pour le bipède vertical que nous sommes, le sens de la chute et de la pesanteur accompagne toutes nos premières tentatives autocinétiques et locomotrices ».

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Définitions et citations liées à ce thème


Étymologie : Du latin vertigo « mouvement de rotation, tournoiement », « vertige, étourdissement, éblouissement » de vertere « tourner », « retourner, renverser », « changer, convertir, transformer »


Évolution : 1611 : étourdissement passager où l’on croit voir les objets tourner autour de soi / 1681 esprit de vertige : folie passagère d’inspiration divine  /  1688 : trouble passager de l’esprit, égarement  /  1782 :  impression de chute qu’éprouvent certaines personnes au-dessus du vide.


Signification : Sensation angoissante de perte d’équilibre et de chute éprouvée au-dessus du vide qui semble exercer une attraction irrésistible : Vertige des abîmes, du vide; impression, moment, sensation de vertige; peur du vertige; le vertige prend, saisit, cesse, se dissipe; être pris de vertige; être en proie au vertige


Citations

  • Une fois même, il bondit si haut et avec une telle rapidité qu’il fut, avec tout l’équipage, pris du mal des montagnes et contraint de redescendre. Bert n’échappa ni au vertige ni à la nausée.  (H. G. WellsLa Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. KozakiewiczMercure de France, Paris, 1910, p. 231 de l’éd. de 1921)

  • Elle ne veut pas regarder par la fenêtre, car elle dit que ça lui donne le vertige.

  • Toi, quand nous sommes montés sur le pont transbordeur, tu n’osais pas regarder en bas, tu avais le vertige, il te semblait que tu allais tomber (PagnolMarius, 1931, II, 6, p. 147)

  • Lewis se mit à rire: « Je ne vous ai jamais dit que j’ai un vertige terrible dès que je suis à deux mètres du sol? Je suis monté sans m’en apercevoir, mais je ne pourrai jamais descendre (…) » (BeauvoirMandarins, 1954, p. 428)

  • Mes parents m’avaient emmené avec eux sur une colline qui, couronnée d’une vaste ruine d’une hauteur considérable, attirait chaque jour de nombreux citadins. Un jeune oncle me souleva au-dessus de la balustrade d’une haute muraille et me fit regarder dans le vide. Je fus alors saisi d’angoisse et de vertige et, dans mon émoi, je tremblais de tout mon corps, jusqu’à ce que, ramené à la amidon, je me retrouve dans mon lit. À partir de ce jour, ce vide apparut souvent dans les rêves angoissés dont j’entais alors la proie, et me serra le cœur au point que je gémissais en rêvant et me réveillais baignant dans les larmes.  –  (Hermann Hesse)

  • Celui qui veut continuellement  » s’élever  » doit s’attendre à avoir un jour le vertige. Qu’est-ce que le vertige ? La peur de tomber ? Mais pourquoi avons-nous le vertige sur un belvédère pourvu d’un solide garde-fou ? Le vertige c’est autre chose que la peur de tomber. C’est la voix du vide au-dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi (Kundera Milan, L’insoutenable légèreté de l’être, 1984)

  • Poème Les Deux vertiges :  Le voyageur, debout sur la plus haute cime, / À travers le rideau d’une rose vapeur, / Mesure avec la sonde immense de la peur / Sous ses genoux tremblants la fuite de l’abîme / De ce besoin de voir téméraire victime, / Du haut de la raison je sonde avec stupeur / Le dessous infini de ce monde trompeur, / Et je traîne avec moi partout mon gouffre intime. / L’abîme est différent, mais pareil notre émoi :  / Le grand vide, attirant le voyageur, l’étonne ;  / Sollicité par Dieu, j’ai des éclairs d’effroi !  / Mais lui, par son vertige il ne surprend personne :  / On trouve naturel qu’il pâlisse et frissonne ;  / Et moi, j’ai l’air d’un fou ; je ne sais pas pourquoi.  –  (Sully Prudhomme, recueil Les Épreuves

  • La traversée avait été agitée, et dans mon sang fermentait encore une sensation de vertige et de légère ivresse : je continuais à sentir sous mes pieds ce mouvement de glisse et de roulis, la terre semblait respirer et la rue s’élancer jusqu’au ciel. cette bruyante confusion me donna soudain le vertige et, pour lui échapper, je tournai dans une rue adjacente sans en regarder le nom, puis dans une autre plus petite, où ce vacarme stupide s’atténua peu à peu, (…)  –  (Stefan Zweig, Lettre d’une inconnue)

 


II – VERTIGE PSYCHOSOMATIQUE, SYNDROME DE STENDHAL OU HYPERKULTUREMIA

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Syndrome de Stendhal : Trouble psychosomatique de nature esthétique éprouvé devant une œuvre d’art. Cette décompensation culturelle se manifeste sous la forme d’une crise d’angoisse avec vertiges, suffocation, tachycardie (accélération du rythme cardiaque), bouffées vasomotrices, douleurs dans la poitrine, perte du sentiment d’identité et du sens de l’orientation, allant parfois jusqu’au délire, à l’apparition d’hallucinations et à la dépersonnalisation. L’affection survient chez des personnes impressionnées par le lieu exceptionnel où leur voyage les a menées. Ce nom a été donné en 1989 par le docteur Graziella Magherini, psychiatre à l’hôpital Santa Maria Nuova de Florence dans un ouvrage nommé Sindrome di Stendhal, en référence aux émotions ressenties par Stendhal dans cette même ville en 1817 à la sortie de l’église Santa Croce où il venait de voir une série de chefs-d’œuvre. Pour Graziella Magherini , la statue de David et plus largement, les œuvres d’art de Florence sont dotées d’un pouvoir singulier sur les sens, par leur beauté extrême et le décalage avec le contexte esthétique de la renaissance et le monde contemporain. Leur contemplation provoquerait des crises d’anxiété, c’est à dire un sentiment d’appréhension, de tension, de malaise, voire de terreur face à un objet de nature indéterminée, ici la surcharge d’œuvres grandioses. Cette affection que les anglo-saxons et les allemands nomment « hyperkulturemia » est également connue à travers le monde sous des appellations reprenant le nom du lieu où elle se produit : syndrome de Jérusalem déclenché par le sentiment religieux, l’émotion de se trouver dans une ville sainte, syndrome de Paris qui touche plus particulièrement les touristes japonais déstabilisés par le fossé culturel entre la France et le Japon, et ayant une vision idéalisée de « la plus belle ville du monde », etc… Ces divers accès, facilités par le décalage horaire, sont regroupés sous le nom des troubles du voyage ou syndrome du voyageur, qu’il ne faut pas confondre avec le voyage pathologique. Dans ce cas le délire du patient résulte d’une pathologie psychiatrique préexistante qui se décompense sous la forme d’une impulsion à voyager.  (crédit Wikipedia,  Le Garde-mots et Observatoire Zététique)

Les deux articles suivants traitent de ce thème :

  • « Philippe Sollers victime du syndrome de Stendhal à Venise » (extrait de Prologue du Dictionnaire amoureux de Venise, 2004)
  • « Enfance, ravissement » : la découverte de la musique par une jeune enfant (extrait de Villa Amalia de Pascal Quignard)

Philippe Sollers victime du syndrome de Stendhal à Venise


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     « J’ai ressenti une émotion du même genre, mais moins forte, en pénétrant, à Pékin, dans la Cité interdite et, surtout, en allant aux environs visiter le temple du Ciel au toit bleu.
      C’est un mouvement bref de tout le corps violemment rejeté en arrière; comme s’il venait de mourir sur place et, en vérité, de rentrer chez soi. Etre dehors est peut être une illusion permanente : il n’y aurait que du dedans et nous nous acharnerions à ne pas le savoir.
     La nuit (il était très tard, il n’y avait personne ni sur la place ni dans les ruelles) favorisait ce choc semblable à celui qu’on ressent dans l’épaule en tirant un coup de fusil. Détonation silencieuse, vide, plein, vide : évidence intime. »

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Enfance – Ravissement


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      — Non, pour la musique, je ne dirais pas que j’ai éprouvé, jadis, quand j’étais enfant, un coup de foudre. Ça n’a pas été non plus une vocation. Ç’a été plus terrible et j’étais encore beaucoup trop petite pour que ce soit une vocation. C’est très proche d’une sensation de vertige panique. Mon père était musicien —  et pourtant cela ne concernait pas mon père. C’était comme dans l’angoisse. On a l’impression d’être engloutie par un tourbillon d’émotions dont on ne resurgira pas. On ne remontera pas. On coule. Il n’y a plus de bord. on ne retrouvera plus l’équilibre. Cela arrive quand on est très amoureuse. Pour moi c’est la définition. Sentez-vous ce vertige ? C’est le signe. L’abîme est là et il s’ouvre vraiment et il aspire vraiment. J’ai connu cette sensation totale, qui fait tomber corps et âme, une seule fois. J’étais vraiment petite. Je ne savais pas encore lire.

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III – VERTIGE AMOUREUX, COUP DE FOUDRE, RAVISSEMENT ET  ENAMOUREMENT

Franck Dicksee - Roméo et Juliette (détail), 1884.png Roméo et Juliette par F. Dicksee

    C’est le foudroiement d’un être provoqué par la rencontre de l’autre. Comme frappé par la foudre, le sujet est soudainement déstabilisé et ressent une attirance irrésistible pour l’autre. Certains jugent inexpliquable le phénomène et le classent parmi les mystères ou les miracles. D’autres le considèrent comme au contraire comme résultant d’une causalité, de la lente maturation chez le sujet d’un processus psychique qui se cristallise sur un être qui apparait compatible : « Je connais peu d’expressions aussi fausses que coup de foudre. L’amour soudain de foudroie pas, il fait remonter à la surface » (Didier van Cauwelaert). Avant lui, d’autres auteurs avaient considéré que la locution « coup de foudre » qui semble indiquer que le sujet est pris au dépourvu rend mal compte de ce surgissement de l’amour et préféraient utiliser d’autre termes pour décrire le phénomène, c’est ainsi que Barthes propose « ravissement », « rapt » et, en remplacement du mot« énamourement » le néologisme « énamoration ». Pour sa part Stendhal décrivait sept étapes qui présidaient la naissance de l’amour pour aboutir à la« cristallisation » finale.

Article en relation avec ce thème :

  • « Vertige amoureux à Pompéi : rencontre avec la Gradiva« , texte tiré du roman La Gradiva de Wilhelm Jensen dans lequel le jeune archéologue Noebert Hanold rest trouble par sa rencontre dans les ruines de Pompéi d’une jeune fille qu’il pense avoir déjà vu en rêve…

Vertige amoureux à Pompéi : rencontre avec la Gradiva


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    il aperçut soudain Gradiva qui traversait la Via di Mercurio en franchissant d’un pied léger les pierres volcaniques qui mènent d’un trottoir à l’autre. C’était elle, à n’en pas douter; et malgré l’auréole que les rayons du soleil tissaient autour d’elle en fils d’or vaporeux, il reconnut son profil : exactement le même que celui du bas-relief. Elle baissait un peu la tête qu’enveloppait un fichu retombant sur sa nuque, et sa main gauche soulevait légèrement sa robe aux plis multiples. Comme celle-ci ne descendait pas plus bas que la cheville, il était facile d’apercevoir le pied droit qui restait un instant en arrière: le talon était dressé à la verticale, I’ensemble du pied reposant sur la pointe des orteils..

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IV – VERTIGE LIE A LA REVELATION MYSTIQUE OU RELIGIEUSE

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25 décembre 1886 : la « conversion » de Paul Claudel


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J’étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie.  En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable.

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V – LA COMMUNION AVEC LA NATURE ET LE SENTIMENT OCÉANIQUE

Caspar Friedrich - Au-dessus de la Mer de Nuages, 1818

      C’est Romain Rolland qui, dans sa correspondance avec Freud à qui il reprochait d’ignorer les sources du sentiment religieux, a le mieux décrit le désir qu’éprouvent certains individus à fusionner avec le monde, voir l’univers tout entier. L’expression « sentiment océanique » est alors une image métaphorique qui illustre ce processus, l’individu qui éprouve ce sentiment étant comparé à la vague qui naît puis se dissous dans l’immensité de l’élément liquide représentant l’univers. Ce désir fusionnel de l’être est un « état d’âme » qui définit les rapports de l’individu avec « l’âme du monde », cet élan vital qui a présidé à sa création et à son évolution. Certes, Romain Rolland qui était croyant assimilait cet élan vital qui créé et organise toute chose à la volonté divine mais d’autres voient dans cet élan qui a créé et perfectionne la vie un processus naturel d’organisation de la matière. De la même manière que la vague participe l’espace d’un moment au mouvement incessant de l’immensité océanique, Romain Rolland assimile chaque être dans le monde à une note qui participerait à la grandiose symphonie du monde : « Une mer bouillonnante s’étend ; chaque note est une goutte, chaque phrase est un flot, chaque harmonie est une vague. […] C’est l’Océan de vie […]. Et cette mer de tendresse est toute pénétrée d’un soleil invisible, une Raison extasiée dans l’intuition sacrée du Dieu, de l’Unité, de l’Âme universelle. (…)  L’âme qui palpite en ces corps de musiciens ravis par l’extase n’est pas une âme, c’est l’Âme. C’est la vôtre, c’est la mienne, c’est l’unique, – la Vie. Ego sum Resurrectio et Vita… ». Cette symphonie qui symbolise l’unité et la marche du monde peut être muette comme l’exprime si bien le tableau du peintre romantique allemand Caspar Friedrich que nous avons placé en exergue à ce texte et qui montre un voyageur méditant au-dessus d’une mer de nuages. Nous aurions pu tout aussi bien choisir l’un des nombreux tableaux peints par l’artiste canadienne Emily Carr qui montre l’élan vital qui anime les arbres des immenses forêts canadiennes.

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Quatre articles illustrent ce thème du sentiment océanique

  • Le premier article traite de la lettre adressée par Romain Rolland à Freud dans laquelle il définit la nature du sentiment océanique qui pour lui est une part du sentiment religieux.
  • Un article traite des relations d’ordre symbiotique que le poète vaudois Gustave Roux entretien avec les paysages du Haut-Jorat.
  • L’article relatif à l’expérience du vide éprouvé à un moment de son enfance par l’écrivain Jean Grenier, le mentor du jeune Camus à Alger, est atypique. Il s’agit en effet non pas d’un sentiment rassurant de symbiose avec le monde mais tout au contraire de son envers, un sentiment de chaos et de néant : allongé à l’ombre d’un tilleul, l’enfant a vu soudain le ciel « basculer et s’engloutir dans le vide …» À l’inverse de Romain Rolland, le monde pour Jean Grenier n’est pas harmonieux, il est chaotique et incompréhensible, mais l’homme, pour son malheur, fait partie intégrante de ce chaos…
  • L’article relatif à Une grandiose polyphonie du cosmos en genèse du poète russe André Biely fait également référence au chaos mais ce chaos s’inscrit dans un ordre, sinon un dessein, celui de la création du monde terrestre par le surgissement des montagnes sous l’action dynamique d’une force verticale irrésistible et, immédiatement après, leur destruction par le lent processus de l’érosion. Cette naissance s’effectue dans la violence et la douleur, pourtant le philosophe Gaston Bachelard  a décelé dans le texte de Biély l’expression d’une «  joie dynamique », l’écrivain « ne vit pas une apocalypse, mais la joie violente de la terre ». C’est dans cette acceptation pleine, entière et joyeuse de ce processus violent de création du monde que ses sentiments se rattachent  au sentiment océanique définit par Romain Rolland.

À la recherche du “sentiment océanique“ : Romain Rolland et Sigmund Freud


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    « Mais j’aurais aimé à vous voir faire l’analyse du sentiment religieux spontané ou, plus exactement, de la sensation religieuse qui est (…) le fait simple et direct de la sensation de l’éternel (qui peut très bien n’être pas éternel, mais simplement sans bornes perceptibles, et comme océanique). 
      Je suis moi-même familier avec cette sensation. Tout au long de ma vie, elle ne m’a jamais manqué ; et j’y ai toujours trouvé une source de renouvellement vital. En ce sens, je puis dire que je suis profondément « religieux », – sans que cet état constant (comme une nappe d’eau que je sens affleurer sous l’écorce) nuise en rien à mes facultés critiques et à ma liberté de les exercer – fût-ce contre l’immédiateté de cette expérience intérieure. J’ajoute que ce sentiment « océanique » n’a rien à voir avec mes aspirations personnelles. (…) C’est un contact – Et comme je l’ai reconnu, identique (avec des nuances multiples), chez quantité d’âmes vivantes, il m’a permis de comprendre que là était la véritable source souterraine de l’énergie religieuse.    Romain Rolland

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Le « frémissement foncier » du paysage chez le poète vaudois Gustave Roud


Gustave Roud, poète vaudois

  Et tous deux nous verrons enfin ce que j’ai vu : l’instant d’extase indicible où le temps s’arrête, où le chemin, les arbres, la rivière, tout est saisi par l’éternité. Suspens ineffable ! … Les morts autour de nous, le soleil immobile comme pour toujours à la pointe d’un chêne, une feuille nue sous nos yeux qui éclate de lumière, éternelle, le voix dans un silence plus peuplé que notre cœur, une grondante musique solennelle aux veines du monde comme un sang. Non point la paix : un frémissement foncier, des moelles aux mains saisies, et l’étouffante, la vertigineuse montée des larmes…  Gustave Roud

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L’envers du sentiment océanique : l’expérience du vide chez Jean Grenier


Cy Twombly - composition

     Quel âge avais-je ? Six ou sept ans, je crois. Allongé à l’ombre d’un tilleul, contemplant un ciel presque sans nuages, j’ai vu ce ciel basculer et s’engloutir dans le vide : ç’a été ma première impression du néant, et d’autant plus vive qu’elle succédait à celle d’une existence riche et pleine. Depuis, j’ai cherché pourquoi l’un pouvait succéder à l’autre, et, par suite d’une méprise commune à tous ceux qui cherchent avec leur intelligence au lieu de chercher avec leur corps et leur âme, j’ai pensé qu’il s’agissait de ce que les philosophes appellent le « problème du mal ».
Or, c’était bien plus profond et bien plus grave. Je n’avais pas devant moi une faillite mais une lacune. Dans ce trou béant, tout, absolument tout, risquait de s’engloutir.    
Jean Grenier

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« Une grandiose polyphonie du cosmos en genèse » par le poète russe André Biély


Aiguilles de Chamonix – photo de Clément Jourdheuil

  « Les pointes rocheuses menaçaient, surgissaient dans le ciel; s’interpellaient, composaient la grandiose polyphonie du cosmos en genèse; vertigineuses, verticales, d’énormes masses s’accumulaient les unes sur les autres, dans les abîmes escarpés s’échafaudaient les brumes; des nuages vacillaient et l’eau tombait à verse; les lignes des sommets couraient rapides dans les lointains; les doigts des pics s’allongeaient  et les amoncellements dentelés dans l’azur enfantaient de pâles glaciers, et les lignes de crêtes peignaient le ciel ; leur relief gesticulait et prenait des attitudes ; de ces immenses trônes des torrents se précipitaient en écume bouillante; une voix grondante m’accompagnait partout…

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VI – RECHERCHE DU VERTIGE ET CONDUITES À RISQUE

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Définitions et citations liées à ce thème

  • Qu’est-ce qui force l’homme à ouvrir les yeux sinon le besoin de vertige ?  –  (Abellio Raymond, Ma dernière mémoire)

  • Le nietzschéisme est essentiellement un vertige surmonté. Près de l’abîme, Nietzsche vient chercher des images dynamiques d’ascension. Le réel du gouffre donne à Nietzsche, par une dialectique bien connue de l’orgueil, la conscience d’être une force surgissante  –  (Bachelard Gaston, L’Air et les Songes, 1943)

  • Par pitié emmenez-moi, où le vertige m’arrachera mémoire et raison… Par pitié ! J’ai peur de rester seul, seul avec ma douleur !   –  (Bécquer Gustavo Adolfo)

  • C’est quelqu’un qui va au bout, pour voir. C’est quelqu’un qui ne fait que monter et descendre. C’est quelqu’un qui s’accroche à ce qui tombera. C’est quelqu’un qui n’en sait rien. C’est presque aussi simple que ça. C’est quelqu’un qui veut en finir, et qui ne s’arrêtera pas. C’est quelqu’un qui persévère naïvement. C’est quelqu’un qui se casse la gueule. C’est quelqu’un, comme d’habitude. C’est quelqu’un qui cherche le vertige, mais le vertige recule. C’est donc quelqu’un à qui le vertige échappe. C’est quelqu’un accompagné d’un autre et de plusieurs autres dans l’ombre qui font que ce spectacle est. C’est quelqu’un qui se met dans le vide et qui laisse ses pieds pendrent. C’est toujours quelqu’un qui monte et qui descend. C’est quelqu’un qui constate l’ironie du cirque, et celle peut-être plus forte de la vie… (présentation du spectacle Le Vide, consacré à Marcel Camus)

  • L’attrait du danger est au fond de toutes les grandes passions. Il n’y a pas de volupté sans vertige. Le plaisir mêle de peur enivre. Et quoi de plus terrible que le jeu ? Il donne, il prend ; ses raisons ne sont point nos raisons. Il est muet, aveugle et sourd. Il peut tout. C’est un dieu  –  (France Anatole, Le jardin d’Epicure)

  • Très petits les enfants aiment perdre la tête, les années passent on recherche le vertige  –  (Oxmo Puccino)

VII – EXTRAITS DE TEXTES & CITATIONS



Signification

  1. Tournoiement de têteindisposition dans laquelle il semble que tout tourne. Sensation donnant à une personne l’illusion que son corps ou que les objets environnants sont animés d’un mouvement de rotation ou d’oscillation : Léger, petit vertige; vertige de la valse, de la vitesse.  État d’égarement ou d’étourdissement passager d’une personne dominée par une émotion intense ou placée dans une situation difficile : Vertige amoureux; vertige des sens; être pris de vertige.
    • Un beau jour, cependant, des symptômes caractéristiques d’un état nouveau, vomissements, vertiges et autres signes précurseurs d’un héritier prochain et d’un scandale qui ne l’était pas moins l’avaient contraint à se décider.  (Louis PergaudLa Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Elle s’en alla, dans un vertige qui faisait tourner les meubles autour d’elle; tandis que ces mots prononcés par Mmede Guiraud retentissaient à ses oreilles sonnantes (ZolaPage amour, 1878, p. 1007).
    • J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges (RimbaudSaison enfer, 1878, p. 228)
    • « Et pour les séductions du doute… Car c’est un reste de romantisme: on tire un peu vanité de son vertige, on se flatte de subir un tourment supérieur… » − « Ça, pas du tout, Monsieur l’abbé », s’écria Antoine. « Je ne connais ni ce vertige, ni ce tourment, ni tous ces fumeux états d’âme, dont vous parlez (…) » (Martin du G.Thib., Mort père, 1929, p. 1382)
    • Elle éteignit la lampe, et il était couché dans ces ténèbres comme au fond d’une mer dont il eût senti sur lui le poids énorme. Il cédait à un vertige de solitude et d’angoisse (MauriacMyst. Frontenac, 1933, p. 193).
  2. (Par extension) Propension à ce malaise.
    • Il a le vertige.
  3. (Au sens moral) Égarementtrouble d’esprit.
    • On ne passe point tout à coup d’une condition si humble à un rang si élevé sans éprouver quelque vertige.
    • Une sorte de vertige s’empara de tous les esprits.

Synonymes de vertige : bertige (désuet) : synonyme rare, surtout utilisé dans le Sud de la France  /  collapsus / claustrophobie / déséquilibre / éblouissement / ébranlement / égarement / enivrement / étourdissement / agoraphobie / évanouissement / folie / frisson / fumée / malaise / malaise du au vide / peur / tourbillon / tournis / trouble / vapeur / toute sensation de trouble ou de perte d’équilibre.

Vertige et angoisse


  • Il n’est pas communément accordé à l’homme d’être tout entier reçu, esprit et chair, dans ses moments solennels où son destin se fixe, et d’assister, à la fois acteur et spectateur, à son propre vertige, à son cruel enfantement. On a les yeux plus ou moins ouverts. Quand la chair souffre, l’esprit s’enfuit. Quand elle exige, il ne sait d’abord que se taire. Heureux celui qui finit par abolir en lui cette insupportable distance entre ce qu’il est et ce qu’il devient !  –  Abellio Raymond (Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts)

  • Qui ne sent pas la bombe cuite et le vertige comprimé n’est pas digne d’être vivant. –  Artaud Antonin.

  • L’être voué à l’eau est un être en vertige. il meurt à chaque minute  –  Bachelard Gaston  (L’Eau et les Rêves, 1942)

  • Ce que nous donnent les communications de masses, ce n’est pas la réalité, c’est le vertige de la réalité. Ou encore, sans jeu de mots, une réalité sans vertige  –  Baudrillard Jean  (La société de consommation, 1978)

  • Ce qu’il dit, il le dit non par sa vie même (ce serait trop simple), mais par l’ébranlement de ce qui l’appelle hors de la vie ordinaire.  –  Maurice Blanchot (au sujet d’Antonin Artaud)

  • Il n’y a plus qu’à regarder droit devant soi, ou à fermer les yeux : si nous tournions la tête, le vertige ramperait jusqu’à nous  –  Breton André et Soupault Philippe  (Les Champs magnétiques, 1919)

  • Ne pas être un homme, être la projection du rêve d’un autre homme, quelle humiliation incomparable, quel vertige !  –  Borges Jorge Luis  (Fictions)

  • Chaque homme est un abîme, on a le vertige quand on se penche –  Büchner Georg (Woyzeck)

  • Il est moins difficile de sortir de prison que de ne pas y retourner. En quittant la geôle, le détenu libéré est saisi de vertige  –  Castillo Michel de  (Les aveux interdits 1 : Le faiseur de rêves)

  • Être debout, c’est être encore trop grande, trop haute face au choc terrassant de la vérité. Pour soutenir cette vérité sans vertige, il faut être à terre, déjà tombée  –  Châtelet Noëlle (La courte échelle)

  • L’anxieux construit ses terreurs, puis s’y installe : c’est un pantouflard du vertige  –  Cioran Emil Michel  (Le Mauvais démiurge)

  • L’honneur de l’homme est d’atteindre à ce centre où la certitude se fait vertige et le vertige certitude  –  Emmanuel Pierre  (Versant de l’âge)

  • Les imaginations ardentes succombent facilement à l’ennui, non à l’ennui qui vient de l’inaction, celui-là n’accable que les sots, mais à cet ennui profond que j’appellerai, ne pouvant mieux le définir, le vertige du vide  – Girardin Émile de  (Émile)

  • Le seul secret qui vaille d’être dévoilé, ce que nous sommes incapables de faire, c’est celui de notre relation avec Dieu. Les hommes n’entrevoient ce vrai secret que lorsqu’ils sont pris par le vertige des profondeurs  –  Green Julien  (Entretien avec Pierre Assouline)

  • Quand une oeuvre d’art vous donne le vertige, souvenez-vous que ce qui donne le mieux encore le vertige, c’est le vide  –  Guitry Sacha  (Toutes réflexions faites)

  • Le Beau est vrai de droit. L’homme, soumis à l’action du chef-d’œuvre, palpite, et son cœur ressemble à l’oiseau qui, sous la fascination, augmente son battement d’ailes. Qui dit belle œuvre dit œuvre profonde; il a le vertige de cette merveille entr’ouverte  –  Hugo Victor  (Proses philosophiques)

  • Le culte du vertige, mais n’oublions pas que le vertige se prend sur les hauteurs  –  Jacob Max  (Art poétique)

  • L’angoisse est le vertige de la liberté –  Kierkeggard Sören  (le concept d’angoisse)

  • Celui qui veut continuellement « s’élever » doit s’attendre à avoir un jour le vertige  –  Kundera Milan  (L’insoutenable légèreté de l’être)

  • Je pourrais dire qu’avoir le vertige c’est être ivre de sa propre faiblesse. On a conscience et on ne veut pas lui résister, mais s’y abandonner. On se saoule de sa propre faiblesse, on veut être plus faible encore, on veut s’écrouler en pleine rue aux yeux de tous. On veut être à terre, plus bas que terre  –  Kundera Milan  (L’insoutenable légèreté de l’être)

  • Il était le seul à savoir alors que son cœur plein de vertiges était à jamais condamné à l’incertitude  –  Marquez Gabriel Garcia  (Cent ans de solitude)

  • Confrontés au fameux « vertige de la page blanche », certains auteurs sont manifestement tombés dans le vide  –  Masure Bruno  (Le petit livre de Bruno Masure)

  • Je l’ai aimée dés la première minute, pour un tout, pour un rien : un sourire mélancolique, un regard cristallin, une façon particulière de chasser ses cheveux derrières l’oreille, en tournant la tête comme dans un ralenti. Puis j’ai aimé chacune des inflexions de sa voix, son intelligence, son humour, le recul apparent qu’elle avait sur son physique. Par la suite, je l’ai aimée pour chacune de ses failles secrètes, pour son mal de vivre, pour ses blessures sous sa côte de maille. Pendant quelques mois, nous connûmes un bonheur insolent qui nous projeta jusqu’aux plus hautes sphères : celle des moments suspendus, de l’excès d’oxygène et des vertiges  –  Musso Guillaume  (La fille de papier)

  • Avec ses ténébreux orages, ses vertiges suicidaires, ses dévorations d’absolu, la jeunesse est l’âge le moins fait pour le bonheur  –  Pauwells Louis  (Ce que je crois)

  • Le suicide n’est pas un acte. On est saisi par le suicide comme par un vertige, on subit le suicide  –  Rens Jean-Guy  (La mort du coyote)

  • Cela ne te donne-t-il pas le vertige / de tourner autour de toi sur ta tige / pour te terminer, rose ronde ?  – Rainer Maria Rilke (Poème Cela ne te donne-t-il pas le vertige du recueil Les roses)

  • J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges  –  Rimbaud Arthur  (délires ii : alchimie du verbe », p. 30 – poèmes)

  • Il n’y a pas de fatalité extérieure. Mais il y a une fatalité intérieure : vient une minute où l’on se découvre vulnérable; alors les fautes vous attirent comme un vertige  –  Saint-Exupéry Antoine de  (Vol de nuit)

  • La soif de paraître est une passion terrible qui détruit l’humanité dans l’homme. Elle est insatiable. Elle assèche la source intérieure. Vouloir s’extraire de la condition humaine est un leurre et un vertige. .. Je préfère ceux qui cherchent à s’élever, ce qui est tout autre choses ; leur chemin intérieur passe par la patience et le dénuement  –  Saint-Marc Hélie de  (Les sentinelles du soir)

  • On ne se rend compte de l’insondable profondeur et de l’infini du ciel qu’en mer, ou alors dans la steppe, la nuit, au clair de lune. Il est terrible, sublime et affectueux, il a un air de langueur et d’invite, sa tendresse donne le vertige  –  Tchekov Anton  (Nouvelles)

le vertige comme appel du vide


  • Qu’est-ce qui force l’homme à ouvrir les yeux sinon le besoin de vertige ?  –  Abellio Raymond (Ma dernière mémoire)

  • Lire, c’est oser le vertige. On peut lire, comme on s’incline, révérencieux, ébloui par la fulgurance d’un bel esprit. Aveuglement ! Qui ne me guide pas me perd ! Or, je veux seulement trouver mon chemin. Qu’on nous laisse donc un œil ouvert !  –  Diome Fatou  (Le vieil homme sur la barque)

  • Je pourrais dire qu’avoir le vertige c’est être ivre de sa propre faiblesse. On a conscience et on ne veut pas lui résister, mais s’y abandonner. On se saoule de sa propre faiblesse, on veut être plus faible encore, on veut s’écrouler en pleine rue aux yeux de tous. On veut être à terre, plus bas que terre  –  Kundera Milan  (L’insoutenable légèreté de l’être)

  • Très petits les enfants aiment perdre la tête, les années passent on recherche le vertige  –  Oxmo Puccino

le plaisir du vertige, l’amour


  • L’amour donne le vertige, mais son vertige, si intolérable qu’il soit, est un délice infini  –   Aquin Hubert  (Neige Noire)

  • Qui a le goût de l’absolu renonce par là même à tout bonheur. Quel bonheur résisterait à ce vertige, à cette exigence toujours renouvelée ?  –  Aragon  (Aurélien)

  • Fais-nous naître aux cieux du dedans / Criblés de gouffres en averses / Et qu’un vertige nous traverse / Avec un ongle incandescent. –  Artaud Antonin. (poème Prières, recueil Le pèse-nerfs)

« Une grande ferveur pensante et surpeuplée portait mon moi comme un abîme plein. »


  • Ils (les Anciens) avaient un sentiment fulgurant de la présence de ces forces (issues de leurs rêves), et il le cherchaient dans leur organisme entier, au besoin par un vrai vertige, le moyen de demeurer en contact avec la fuite de ces forces. –  Juan Carlos Sanchez Leon (L’Antiquité grecque dans l’œuvre d’Antonin Artaud)

  • De tous les mensonges avec lesquels on attise l’amour, elle répétait sur tous les tons, d’une voix qui semblait émue, celui avec lequel les femmes savent donner le vertige aux plus inébranlables cerveaux : Je ne voudrais pour rien vous aimer. Ce serait là le plus grand malheur de ma vie  –  Aurevilly Jules Barbey d’  (L’Amour impossible : Chronique parisienne)

  • Fidèle, c’est le vertige, infidèle, c’est le néant  –  Marcel Camus (O.C., IV, 1160)

  • Baiser. Que de misères n’oublions-nous pas dans ces secondes de vertiges ! Et le châtiment, au sortit de ces enlacements, c’est le retour à la lucidité, le reflux du passé qui revient, de l’avenir qui se dessine  –  Desmarchais Rex  (L’Initiatrice)

  • Il n’existe pas d’homme, si médiocre soit-il, qui n’est connu, au moins durant une heure, le vertige d’être au-dessus de lui-même. La passion, comme les cyclones, fait voler indistinctement les branches saines et les feuilles sèches  –  Estaunié Édouard d’  (L’ascension de M. Basièvre)

  • La science a ses mauvais rêveurs qui prennent leur ombre pour la lumière et leur vertige pour de l’amour  –  Foix Alain (Vénus et Adam)

  • Tu me vertiges  –  Florence M. Forsythe (titre du roman consacré à l’amour entre M. Camus et Maria Casarès)

  • L’amour comme un vertige, comme un sacrifice, et comme le dernier mot de tout  – Fournier Alain  (Lettre à Jacques Rivière)

  • Partir. Maintenant. Comme ça. Être libre. Libre de quoi. Quand tu ouvres à la mésange la porte de sa cage, est-ce qu’elle déploie ses ailes tout de suite ? Où va-t-elle une fois dehors ? L’espace reste un vertige  –  Goby Valentine  (Kinderzimmer)

  • Parfois, il s’empêchait si fort de penser à elle, il en avait mal au ventre. Et,plié en deux, de tenir ainsi avec les mains son estomac noué, il concevait une sorte de vertige, son corps lui-même se révoltait contre, à proprement parlé, sa volonté  –  Holder Eric  (Mademoiselle Chambon)

  • J’étais dans une apesanteur de fin d’histoire d’amour, la brusque suspension des sentiments, une sorte de vertige que donnent le détachement, la distance, une appréhension différente du temps  –  Lesbre Michèle  (Un lac immense et blanc)

  • Toute relation humaine secrète — l’amitié, l’amour et les liens singuliers qui se nouent entre des contraires qui se rencontrent et s’attachent, à la vie et à la mort ! — commence par un effleurement magique ; par cette perception onirique qui ressemble au sentiment de réalité qu’on éprouve pendant un rêve : dans une foule, parmi des inconnus, un regard, une voix, vous touche, et c’est comme un vertige, comme si vous aviez déjà vécu cet instant, comme si vous saviez à l’avance tout ce qui va se produire, les paroles, les mouvements ; c’est la réalité, impérieuse, fatale ; en même temps, c’est un songe…  –  Màrai Sàndor  (la sœur)

  • Qui n’a pas connu la passion ne sait pas faire la différence entre la fièvre, le vertige, l’ivresse et l’embrasement  –  Pivot Bernard  (Les Tweets sont des chats)

  • Je ne crois pouvoir comparer mieux qu’au mal de mer ces vertiges du cœur et de l’âme. la vie sans Marthe, c’était une longue traversée  –  Radiguet Raymond  (Le diable au corps)

  • Le nombre infini de positions que peut prendre un corps de femme me donne le vertige  –  Wolinski Georges